Déclaration de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur les priorités de la politique de défense, notamment les équipements militaires et la défense européenne, à Paris le 16 mars 2006.

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Circonstance : Séminaire interarmées des grandes écoles militaires (SIGEM)"La préparation de l'avenir au ministère de la défense", à Paris le 16 mars 2006

Texte intégral

Le Séminaire interarmées des grandes écoles militaires est désormais une référence dans la formation des jeunes élèves officiers français.
Il est aussi une occasion reconnue d'échanges avec leurs camarades étrangers et le monde civil.
C'est enfin pour moi l'opportunité de rencontrer nos futurs officiers : pour la quatrième fois, j'ai le plaisir de partager avec vous ce rendez-vous.
Cette année, le SIGEM a choisi de mettre l'accent sur la préparation de l'avenir.
Ce défi a une résonance toute particulière au ministère de la défense : il faut appréhender les menaces de demain, en comprendre les logiques, trouver les moyens d'y faire face.
Tout cela avec un objectif ? et une responsabilité ? essentiels : assurer la sécurité des Français, protéger les intérêts de la France.
Ce défi nous concerne tous. Il ne peut être relevé que collectivement. Il englobe toutes les dimensions de notre outil de défense : opérationnelle, politique, administrative, industrielle.
De notre capacité à relever ce défi dépend la pertinence, l'efficacité et de la crédibilité de notre défense.
Aujourd'hui, l'environnement sécuritaire ne cesse d'évoluer. La préparation de l'avenir est au coeur de mon ambition pour la Défense.
Préparer l'avenir, c'est répondre à un environnement en évolution permanente.
Le contexte sécuritaire est en peine mutation
Dans un monde globalisé, les risques et les menaces ne s'arrêtent plus aux limites de nos territoires.
Notre sécurité n'est plus liée à la seule défense de nos frontières. La distinction entre sécurité intérieure et extérieure est dépassée.
Par ailleurs, les menaces sont plus que jamais « multiformes » et difficiles à contenir.
Le risque d'attentats de grande ampleur est une réalité, rendue complexe par la nouvelle organisation des réseaux terroristes et l'évolution de leurs modes d'action.
La prolifération des armes de destruction massive n'est pas enrayée, loin de là.
Des crises multiples, ouvertes ou latentes, en Afrique ou au Moyen-Orient, compromettent notre sécurité et nos intérêts.
Les Etats défaillants, faute de maintenir l'autorité et l'ordre, entretiennent des troubles politiques, humanitaires, économiques, qui peuvent rapidement s'exporter.
Ils offrent des lieux de refuge et d'entraînement aux réseaux terroristes. Ils alimentent également les trafics d'armes, de drogue, de personnes.
On voit poindre d'autres défis qui viendront demain remettre en cause la stabilité mondiale.
Leur origine se trouve dans ce qu'il est convenu d'appeler la « fracture Nord-Sud ».
Les questions démographiques, les problèmes d'approvisionnement énergétique, de ressources en eau, sont les enjeux dont dépendra la stabilité du monde de demain, et notre propre sécurité.
Cette description n'est pas exhaustive.
Nul doute que l'avenir nous prouvera, une fois de plus, que la réalité a plus d'imagination que la raison.
Le monde qui vient nous invite à prendre en compte ce principe d'incertitude.
La préparation de l'avenir a pour finalité de nous aider à mieux en cerner les contours et les hypothèses, pour en limiter l'impact.
Les conditions d'engagement des militaires sont, elles aussi, en constante évolution
La diversification des missions, l'intervention dans des situations qui ne sont ni la guerre ni la paix, la multiplication des parties prenantes aux conflits caractérisent les conditions actuelles d'exercice du métier militaire.
Dans la plupart des opérations, l'objectif est au moins autant de « gagner la paix » et de sauvegarder des populations civiles, que de gagner la guerre.
Outre les menaces d'agressions militaires et terroristes, les armées sont de plus en plus souvent appelées à faire face aux risques naturels et sanitaires majeurs : le cyclone Katrina, le tsunami en Asie du sud-est, le tremblement de terre au Pakistan, les risques liés au virus du chikungunya ou la grippe aviaire.
Dans ces situations, les armées sont souvent les seules en mesure de déployer, avec la réactivité nécessaire, des réponses de grande ampleur.
Imaginer les conditions d'engagement de demain, adapter le cadre juridique de nos opérations, inventer les concepts et les doctrines qui permettent à l'outil militaire de s'intégrer dans les alliances et les structures interministérielles et internationales : ce sont aujourd'hui des nécessités primordiales.
L'avenir, c'est une dimension quotidienne de la défense. Le préparer, c'est mon ambition depuis que je suis à la tête du ministère.
On vous a présenté, au cours de cette quinzaine, les différentes facettes du ministère afin que vous puissiez mieux percevoir leurs logiques propres et leurs interactions.
En la matière, je préfère parler d'un processus d'adaptation permanent que de préparation de l'avenir.
Pour ce qui concerne plus strictement la préparation de l'avenir, deux domaines me semblent prioritaires : la maîtrise des technologies de pointe et le cadre européen.
Préparer les équipements de demain
L'une des conditions du succès de notre lutte contre les menaces de toutes sortes est de disposer d'une supériorité technologique.
Cela implique de mettre à disposition de nos forces des systèmes de plus en plus sophistiqués.
Je ne saurais trop insister sur l'importance de la recherche, pour notre outil de défense autant que pour l'excellence technologique et industrielle de notre pays.
Le ministère de la défense consent des efforts et des investissements considérables pour développer et maîtriser les technologies de pointe qui permettront d'assurer demain notre sécurité.
Nos moyens de renseignement, de prévention, d'action, qu'ils soient humains, techniques, institutionnels, doivent faire l'objet d'une adaptation permanente.
Leur pertinence et leur efficacité, dans les vingt ans à venir, dépendent de notre capacité à faire chaque jour les bons choix.
Les exemples de programmes ? en cours ou achevés ? qui poursuivent cet objectif sont nombreux : le nouveau bâtiment de la Marine DUPUY DE LOME, les systèmes de renseignement satellitaire Hélios, les drones de reconnaissance MALE, les systèmes de protection NRBC, etc.
L'espace est appelé à devenir une pièce toujours plus centrale des systèmes militaires modernes. C'est un enjeu majeur du 21ème siècle.
Sa maîtrise est une condition de notre autonomie d'appréciation des situations, de notre réactivité et de notre efficacité.
Elle est donc une clé essentielle du succès des opérations futures.
J'ai déjà saisi le ministère de cette question ; je veux maintenant convaincre nos partenaires européens de relever avec la France ce défi essentiel.
Faire de l'Europe le cadre naturel de notre action
Les menaces de demain appellent des réponses fortes, efficaces, et donc collectives.
Il faut une politique de sécurité et de défense ambitieuse pour l'Europe.
Les progrès concrets de la PESD ces dernières années ont largement prouvé que lorsqu'elle s'en donnait les moyens, l'Europe pouvait avancer.
2006 sera encore l'année de nombreuses réalisations dans ce domaine : la Force de Gendarmerie européenne sera opérationnelle, comme les groupements tactiques 1500 ; l'Agence européenne de défense prendra toute son envergure ; les programmes de formation militaire commune se multiplieront.
Je reste convaincue que c'est par des projets concrets, comme celui de la défense européenne, que l'Europe continuera à avancer et qu'elle assumera des responsabilités croissantes sur la scène internationale.
Je souhaite que la France, notamment grâce à l'engagement de jeunes générations comme la vôtre, continue à y jouer un rôle de premier plan.
L'avenir qui se prépare aujourd'hui, ce sera votre présent.
Quel que soit votre grade ou votre niveau de responsabilité, vous jouerez un rôle dans la défense de demain.
Préparer l'avenir, je l'ai dit, c'est une nécessité ; c'est aussi une ambition de tous les instants.
Au-delà, ce doit être aussi un état d'esprit, pour chacune et chacun d'entre vous.
Cet état d'esprit doit guider votre action.
Préparer l'avenir, cela vous demandera de la curiosité, de l'imagination.
Vous devez vous forger dès à présent un esprit ouvert, qui vous permette de percevoir avec lucidité les grands enjeux de la nation et les évolutions du monde.
Préparer l'avenir vous demandera de l'intelligence, pour être capables de confronter sans cesse les concepts qui vous ont été inculqués aux situations réelles.
Préparer l'avenir vous demandera de bousculer les habitudes et les certitudes ; cela vous demandera du courage et de la détermination.
Nous avons mieux à faire que nous inquiéter de l'avenir, que nous résigner à le subir.
Nous avons à oeuvrer pour qu'il porte l'empreinte de notre volonté.Source http://www.defense.gouv.fr, le 23 mars 2006