Interview de M. Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO, dans "Le Journal du Dimanche" du 19 mars 2006, sur la participation enregistrée lors de la journée de manifestion du 18 mars 2006 et la volonté de FO de voir la mobilisation s'accroître encore.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Journée de manifestation à l'appel des étudiants et des syndicats le 18 mars 2006

Média : Le Journal du Dimanche

Texte intégral

Q - Les manifestations auraient rassemblé plus d'un million de personnes dans toute la France, selon les syndicats. Êtes-vous satisfait ?
R - Cette journée est un succès. Elle a permis aux gens qui ne pouvaient pas venir en semaine de défiler en famille. La contestation n'a fait que s'amplifier depuis la manifestation du 7 février, pour laquelle nous avions eu peu de temps pour mobiliser, et qui avait rassemblé, selon nous, 400.000 personnes. À partir de cette date, les sondages ont commencé à se retourner. Depuis, il y a eu la manifestation du 7 mars, et le mouvement chez les étudiants et lycéens est allé crescendo. Le gouvernement comptait étouffer la mobilisation, ça n'a pas marché.
Q - Les présidents d'université pensent que le Premier ministre pourrait faire "un geste significatif" sur le CPE. Qu'en pensez-vous ?
R - La seule chose significative, c'est le retrait du CPE. Le problème de fond, c'est la période d'essai de deux ans et l'absence de motif de licenciement, qui est ressentie comme un mépris par les salariés. Est-il prêt à remettre ça en cause?
Q - Le président de la République appelle à dialoguer "au plus vite". Que répondez-vous?
R - Le Premier ministre dit que sa porte est ouverte, mais pour faire quoi ? Il refuse de retirer le CPE et se dit prêt à discuter ? La réponse est non. Si le gouvernement persiste à dire qu'il n'y touche pas, et qu'il l'aménage à la marge, le dialogue ne peut pas s'instaurer. Si on veut sortir de l'impasse, il faut que la situation soit apaisée. Donc qu'il retire le CPE. Dans ce cas, tout le monde viendra négocier. Aujourd'hui, le Premier ministre est comme un pyromane qui aurait mis le feu à la vallée, et qui monte ensuite en haut de la colline pour regarder sans rien faire.
Q - Quelle suite voulez-vous donner à la manifestation d'hier ?
R - Il faut poursuivre la mobilisation, c'est évident. Pour qu'elle soit efficace, il faudrait un appel de plusieurs syndicats en faveur d'une journée de grève interprofessionnelle. Force Ouvrière y est favorable, ainsi que la CGT et la FSU. Ce serait un nouvel accélérateur.
Q - Faites-vous de ce conflit une affaire personnelle entre vous et Dominique de Villepin, comme le secrétaire général de la CFDT, François Chérèque ?
R - Le problème n'est pas l'homme mais sa méthode. Après la manifestation du 4 octobre sur le pouvoir d'achat et contre le CNE [contrat nouvelles embauches, instauré pour les PME de moins de 20 salariés], il a promis de recevoir les interlocuteurs sociaux. Il a attendu début novembre. Nous avons été reçus, il a lu un papier. Il y a eu très peu de dialogue. Lors de l'entrevue suivante, mi-décembre, il a de nouveau lu un papier, sans nous répondre. En outre, le gouvernement avait annoncé une évaluation transparente du CNE avant toute discussion sur les contrats de travail. Mais personne n'a cette évaluation. Les chiffres d'emplois créés avec ce contrat, qui sont communiqués par le gouvernement, sont du pipeau.
Q - Que proposez-vous contre le chômage des jeunes ?
R - Le contrat de travail n'est pas le problème. La vraie question est celle de la formation. Au bout de dix ans sur le marché du travail, ceux qui n'ont pas de diplôme ont un taux de chômage de 30 %, alors qu'il est de 6 % à 7 % pour ceux qui ont fait des études supérieures. L'effort doit donc porter sur l'apprentissage et les contrats de professionnalisation. J'ajoute que pour créer des emplois, il faut aussi soutenir la croissance économique, et notamment la consommation. source http://www.force-ouvriere.fr, le 22 mars 2006