Texte intégral
M. Tronchot - C'est une épreuve que beaucoup de ministres de l'Education, de gauche comme de droite, ont connue avant vous, celle d'un mouvement de protestations étudiantes. Comment vivez-vous ces jours de contestation et de manifestations ? Comme une injustice, un malentendu, une erreur de pilotage ?
R - On les vit avec beaucoup d'attention, avec beaucoup d'écoute et avec beaucoup de souci d'expliquer, d'expliquer, toujours expliquer, parce que vous savez que la pédagogie c'est quand même de la répétition. Et quelquefois, c'est vrai que, malgré la répétition, il y en a qui ont un peu de difficultés à accepter nos arguments, et on en tient compte. Ce que nous souhaitons, c'est évidemment, toujours, avoir cet échange et ce dialogue sans lequel il n'y a pas de compréhension, il y a des blocages.
Q - Mais, malentendus à la base ?
R - A la base, il y a, évidemment, à la fois, des inquiétudes, surtout des inquiétudes, dues au chômage. Ce sont ces inquiétudes-là que nous voulons diminuer. Et la meilleure façon de diminuer les inquiétudes, c'est de créer des emplois. Ce que je peux vous dire, c'est qu'au cours l'année 2005, malgré toutes les prévisions des Cassandre qui disaient que l'économie ne marchait pas, que le chômage augmentait, 142.500 emplois - nous le savons depuis hier soir - de plus ont été créés ! On va dire que ce sont des contrats précaires ; pas du tout ! 96.500 dans le secteur marchand. Cela veut dire que l'économie française est repartie, que la création d'emplois est repartie, que le chômage baisse. Et donc, les neuf mois consécutifs de baisse du chômage, malgré l'incident du mois de janvier, sont bien réels, contrairement, encore une fois, à ceux qui disent que c'est de la manipulation de chiffres. Eh bien non ! Nous avons les statistiques d'hier, qui sont de vraies statistiques, en tout cas, que personne ne peut nier. La France est repartie dans la création d'emplois.
Q - Mais c'est l'emploi des jeunes qui pose problème...
R - Là-dedans, il y a évidemment des jeunes mais pas assez, et c'est ça, vous avez raison, c'est l'emploi des jeunes qui pose problème. C'est pour cela qu'il faut des mesures spécifiques pour les jeunes. Alors, si l'on reste sans bouger, on continuera à créer, j'espère bien, en 2006, beaucoup d'emplois, mais il y aura toujours plus de 20 % de jeunes qui seront en attente d'emploi, ils seront les défavorisés de la reprise de l'emploi. Nous ne voulons pas qu'il y ait une catégorie de Françaises et de Français qui soit laissée pour compte, malgré la reprise. C'est pour cela qu'on fait des outils spécifiques, là où il y a besoin de remèdes.
Q - Et le CPE, c'est l'un de ces outils ?
R - Voilà, exactement.
Q - Vous dites ce matin que le CPE sera promulgué, que ce contrat va être appliqué, ou est-ce encore une hypothèse ?
R - Le CPE est voté après des dizaines et des dizaines d'heures de discussions, il y a quand même eu 135 heures de discussions au Parlement, dont, simplement pour le CPE, 16 heures de discussions à l'Assemblée nationale. Cet outil, c'est un outil de plus. Je dis que c'est un outil aussi qui est facultatif pour les parties, que ce soit pour le salarié et pour l'employeur, donc tout se négocie, et que ce CPE, c'est un outil de plus, qui va - on oublie de le dire - qui va créer des emplois de plus. Et donc, qui peut rejeter aujourd'hui un outil qui va créer des emplois de plus pour les jeunes ?
Q - En aucun cas, l'application du CPE ne peut dépendre d'une manifestation aujourd'hui ou après-demain, ou d'une décision du Conseil Constitutionnel ?
R - Ce n'est pas la manifestation qui fait la qualité du CPE, c'est la qualité du dialogue auquel le Premier ministre a invité, dimanche dernier, sur les ondes. Aujourd'hui, l'application du CPE dans ses modalités d'application, et notamment pour la période qu'on appelle "la période initiale -, je rappelle que les deux ans sont une période quand même maximum -, eh bien, pour améliorer le contenu de cette période initiale, le Premier ministre a invité au dialogue et à la concertation. Et donc, vraiment, la main tendue vis-à-vis des organisations syndicales, vis-à-vis de toutes celles et tous ceux qui veulent en discuter, de la mise en application - comment cela peut s'appliquer ? Quelles garanties donner, le cas échéant, en plus, aux jeunes pour qu'ils n'aient plus ces arrière-pensées ? Oui, la discussion est ouverte.
Q - Vous faites comme s'il n'y avait personne dans la rue !
R - Au contraire, je dis que la discussion est ouverte, et que la main est tendue pour la discussion. Que ce soit avec celles et ceux qui, aujourd'hui, manifestent leur inquiétude. Mais je leur dis très franchement : vous avez le droit de manifester votre inquiétude, vous avez le droit de manifester - dans la loi, dans la sérénité, etc. -, c'est un droit. Et on vous entend et on vous écoute, et on est prêts à discuter avec vous de la nature de votre inquiétude. Je leur dis simplement : pensez à celles et à ceux qui sont au chômage ! Parce que les étudiants, le CPE, ce n'est pas pour eux, ce sera dans deux, trois ou quatre ans. Et ce qui est formidable avec l'annonce du Premier ministre, c'est que le Premier ministre a promis que dans six mois il y aurait une évaluation. C'est-à-dire qu'on verra si, comme je le pense, le CPE aura créé beaucoup d'emplois, et à ce moment-là, les jeunes seront rassurés. Et s'il n'en crée pas, il faudra en tirer les conséquences.
Q - Il va falloir retirer la loi ?
R - Il faudra en tirer les conséquences. On est des gens pragmatiques. Il y a ceux qui ne font rien et qui critiquent. Et il y a ceux qui agissent, c'est nous, c'est la majorité d'aujourd'hui. Et dans six mois, on tirera les conséquences naturelles d'une évaluation.
Q - Monsieur de Robien, les jeunes ont retenu dans le CPE qu'on allait pourvoir les faire travailler deux ans, les virer à tout moment pendant cette période, alors qu'ils ont besoin d'être rassurés sur leur avenir. Ils sont traumatisés par le chômage de leurs aînés, cela peut se comprendre psychologiquement ?
R - Absolument. Et cela se comprend bien. C'est pour répondre à cette inquiétude qu'il faut leur donner des outils avec des chances nouvelles. Le CPE, ce sont des chances nouvelles pour créer des emplois. Pourquoi ? Parce que les entreprises, elles-mêmes, aussi, perçoivent de l'inquiétude, inquiétude devant l'avenir : est-ce que le marché, le produit que je fabrique aujourd'hui, va tenir dans un an, deux ans, trois ans, quatre ans, cinq ans ? S'il ne tient pas, pourquoi embaucher aujourd'hui ? Et donc, l'entreprise est elle-même inquiète. Pour essayer d'effacer un peu de cette inquiétude, qui est aussi l'inquiétude des jeunes, le CPE permet à l'entreprise d'avoir moins d'hésitation à l'embauche, donc d'embaucher plus.
Q - Donc, hier soir, ce n'était pas une réunion de crise autour de D. de Villepin ?
R - Hier soir, c'était une réunion qui a d'abord montré la cohésion du Gouvernement, et qui a permis à l'ensemble du Gouvernement, à tous les membres du Gouvernement, de s'exprimer pour savoir comment, toujours mieux, insérer les jeunes, toujours mieux orienter les jeunes, et toujours mieux, répondre à l'attente des jeunes.
Q - Donc, pas question de suspendre, pas question de retrait ?
R - Mais ne dites pas les choses comme ça, parce que "pas question", a l'air de dire qu'on est vraiment rigides. Au contraire, le Premier ministre a dit une chose très, très importante dimanche. Il a dit : "J'engage à la concertation, je demande à J.-L. Borloo et G. Larcher de se rapprocher des partenaires...".
Q - Mais pourquoi elle pas eu lieu avant cette concertation, ce dialogue ? C'est précisément ce que les syndicats vous reprochent.
R - D'abord, il y a le temps de la concertation, qui a eu lieu dès l'arrivée du Premier ministre, D. de Villepin, à Matignon. Là, il a rencontré tous les partenaires sociaux. Ensuite, il a...
Q - Cela remonte un peu...
R - Cela remonte un peu ? Il n'y a pas très longtemps qu'il est là, le mois de juin, pardonnez-moi, cela fait huit mois. Et après ce temps de concertation, où il a bien perçu les attentes, et notamment en termes d'emploi, il a mis en place, avec le Gouvernement, le CNE et les CPE. Le CNE est déjà mis en place : 350.000 sans compter le mois d'août, 350.000 contrats "nouvelles embauches" ont déjà été signés, dont 11 % sont des contrats nouveaux, des emplois nouveaux. Donc, le CNE, ça marche. Alors, attendre pour mettre en place un deuxième outil, surtout en direction des jeunes qui attendent encore plus, peut-être, que d'autres, c'est le CPE. Et puis, il est maintenant voté dans ses grandes lignes, mais il y a des marges de manoeuvre à l'intérieur, dans le texte législatif, qui permet une négociation sur les garanties qu'on peut apporter aux jeunes pendant la période initiale.
Q - Croyez-vous à la sincérité de ce mouvement ou vous pensez qu'il y a manipulation politique derrière les mouvements étudiants ?
R - Je ne veux pas accuser les dizaines de milliers de jeunes qui sont inquiets et qui manifestent, d'être manipulés, non. Par contre, il y en a qui voudraient les manipuler. Et lorsque je vois, par exemple, des jeunes qui bloquent une cité scolaire, ou qui défoncent des portes et des fenêtres de La Sorbonne, là, ce sont des casseurs. Je fais la différence avec les étudiants.
Q - Vous confirmez que le dialogue a discrètement repris avec certaines organisations syndicales ?
R - Je sais qu'il y a une liaison quasi permanente entre le ministère du Travail et les partenaires sociaux. Et je voudrais que, les uns et les autres, d'ailleurs, comme les y ont invités hier les présidents d'universités - la conférence des présidents d'universités s'est réunie hier à Nantes, et se réunit encore aujourd'hui et demain - et ils ont vraiment pris une position et une décision extrêmement sages dans son ensemble. Ils ont dit simplement : nous souhaitons que le dialogue reprenne entre le Gouvernement et les organisations syndicales, et les étudiants aussi. Et donc, la CPU, la conférence des présidents d'universités, a aussi invité les étudiants à se concerter avec les pouvoirs publics. Je trouve cela très raisonnable et très responsable.
Q - Cela veut dire, que les présidents d'universités, qui ont appelé au retrait ou à la suspension du texte, sont irresponsables ?
R - Ce n'est pas dans leur rôle, c'est irresponsable. Ils feraient mieux de s'occuper des étudiants et de ne pas faire de politique ! Il n'y en a jamais que quatre, si vous me permettez, et il y en a 84 universités, donc il faut relativiser les choses.
Q - Sur le plan de la conduite gouvernementale, on dit que le Premier ministre n'a pas suffisamment écouté ses ministres, qu'il va un petit peu tout seul, trop souvent ?
R - On dit des tas de choses. Moi, ce que je dis en tout cas, c'est que c'est un Gouvernement d'action. Et c'est vrai que cela nous change par rapport aux périodes 1997/2002, où l'on regardait le paysage, on décrivait le paysage, on regardait les trains passer, et on disait : peut-être qu'un jour, le chômage baissera... Là, il y a de l'action et il y a des résultats. Je crois que les résultats que l'on peut annoncer aujourd'hui, sont un gage à la fois, de la sincérité du Gouvernement et de la volonté du Premier ministre, et de ses ministres, d'affronter le chômage et de le réduire.
Q - Quand D. de Villepin avoue avoir été "vite", cela veut dire "trop vite" ?
R - Il a été vite parce qu'on n'a pas le temps et on n'a pas le droit de laisser des jeunes dans l'inquiétude. Il faut très vite leur montrer que l'efficacité, finalement, c'est dans l'action, et que cette efficacité va leur donner des motifs d'espérer, aux étudiants. Mais surtout, n'oublions pas, pour la deuxième fois, je vous le dis, n'oubliez pas ceux qui ne sont pas étudiants, et qui cherchent aujourd'hui des motifs d'espérance. Dans le CPE, il y a un motif d'espérance pour les jeunes qui sont aujourd'hui au chômage, qui ont terminé leurs études, ou qui n'ont pas fait d'études, et qui sont en attente sur le marché du travail. Eh bien, oui, c'est à eux que nous pensons, et par exemple, à celles et à ceux qui, je vous le rappelle quand même, il n'y a pas si longtemps que ça, ont exprimé leur inquiétude, de façon parfois violente, dans les banlieues. C'est aussi à eux que nous pensons, bien entendu.
Q - S'il y a une grosse mobilisation dans la rue aujourd'hui, et pourquoi pas, samedi, vous en tirerez les conséquences ?
R - On discutera d'autant plus fort et on se concertera d'autant mieux qu'il y a des gens responsables qui savent à la fois nous passer des messages, et à la fois être de vrais républicains, c'est-à-dire des gens de dialogue et des démocrates.
Q - Est-ce que ce type de moment, de période, vous donne envie de suivre D. de Villepin dans une aventure présidentielle ?
R - L'aventure est vraiment dans cette épopée pour l'emploi. Et cette épopée-là, nous avons bien l'intention de la gagner !Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 17 mars 2006
R - On les vit avec beaucoup d'attention, avec beaucoup d'écoute et avec beaucoup de souci d'expliquer, d'expliquer, toujours expliquer, parce que vous savez que la pédagogie c'est quand même de la répétition. Et quelquefois, c'est vrai que, malgré la répétition, il y en a qui ont un peu de difficultés à accepter nos arguments, et on en tient compte. Ce que nous souhaitons, c'est évidemment, toujours, avoir cet échange et ce dialogue sans lequel il n'y a pas de compréhension, il y a des blocages.
Q - Mais, malentendus à la base ?
R - A la base, il y a, évidemment, à la fois, des inquiétudes, surtout des inquiétudes, dues au chômage. Ce sont ces inquiétudes-là que nous voulons diminuer. Et la meilleure façon de diminuer les inquiétudes, c'est de créer des emplois. Ce que je peux vous dire, c'est qu'au cours l'année 2005, malgré toutes les prévisions des Cassandre qui disaient que l'économie ne marchait pas, que le chômage augmentait, 142.500 emplois - nous le savons depuis hier soir - de plus ont été créés ! On va dire que ce sont des contrats précaires ; pas du tout ! 96.500 dans le secteur marchand. Cela veut dire que l'économie française est repartie, que la création d'emplois est repartie, que le chômage baisse. Et donc, les neuf mois consécutifs de baisse du chômage, malgré l'incident du mois de janvier, sont bien réels, contrairement, encore une fois, à ceux qui disent que c'est de la manipulation de chiffres. Eh bien non ! Nous avons les statistiques d'hier, qui sont de vraies statistiques, en tout cas, que personne ne peut nier. La France est repartie dans la création d'emplois.
Q - Mais c'est l'emploi des jeunes qui pose problème...
R - Là-dedans, il y a évidemment des jeunes mais pas assez, et c'est ça, vous avez raison, c'est l'emploi des jeunes qui pose problème. C'est pour cela qu'il faut des mesures spécifiques pour les jeunes. Alors, si l'on reste sans bouger, on continuera à créer, j'espère bien, en 2006, beaucoup d'emplois, mais il y aura toujours plus de 20 % de jeunes qui seront en attente d'emploi, ils seront les défavorisés de la reprise de l'emploi. Nous ne voulons pas qu'il y ait une catégorie de Françaises et de Français qui soit laissée pour compte, malgré la reprise. C'est pour cela qu'on fait des outils spécifiques, là où il y a besoin de remèdes.
Q - Et le CPE, c'est l'un de ces outils ?
R - Voilà, exactement.
Q - Vous dites ce matin que le CPE sera promulgué, que ce contrat va être appliqué, ou est-ce encore une hypothèse ?
R - Le CPE est voté après des dizaines et des dizaines d'heures de discussions, il y a quand même eu 135 heures de discussions au Parlement, dont, simplement pour le CPE, 16 heures de discussions à l'Assemblée nationale. Cet outil, c'est un outil de plus. Je dis que c'est un outil aussi qui est facultatif pour les parties, que ce soit pour le salarié et pour l'employeur, donc tout se négocie, et que ce CPE, c'est un outil de plus, qui va - on oublie de le dire - qui va créer des emplois de plus. Et donc, qui peut rejeter aujourd'hui un outil qui va créer des emplois de plus pour les jeunes ?
Q - En aucun cas, l'application du CPE ne peut dépendre d'une manifestation aujourd'hui ou après-demain, ou d'une décision du Conseil Constitutionnel ?
R - Ce n'est pas la manifestation qui fait la qualité du CPE, c'est la qualité du dialogue auquel le Premier ministre a invité, dimanche dernier, sur les ondes. Aujourd'hui, l'application du CPE dans ses modalités d'application, et notamment pour la période qu'on appelle "la période initiale -, je rappelle que les deux ans sont une période quand même maximum -, eh bien, pour améliorer le contenu de cette période initiale, le Premier ministre a invité au dialogue et à la concertation. Et donc, vraiment, la main tendue vis-à-vis des organisations syndicales, vis-à-vis de toutes celles et tous ceux qui veulent en discuter, de la mise en application - comment cela peut s'appliquer ? Quelles garanties donner, le cas échéant, en plus, aux jeunes pour qu'ils n'aient plus ces arrière-pensées ? Oui, la discussion est ouverte.
Q - Vous faites comme s'il n'y avait personne dans la rue !
R - Au contraire, je dis que la discussion est ouverte, et que la main est tendue pour la discussion. Que ce soit avec celles et ceux qui, aujourd'hui, manifestent leur inquiétude. Mais je leur dis très franchement : vous avez le droit de manifester votre inquiétude, vous avez le droit de manifester - dans la loi, dans la sérénité, etc. -, c'est un droit. Et on vous entend et on vous écoute, et on est prêts à discuter avec vous de la nature de votre inquiétude. Je leur dis simplement : pensez à celles et à ceux qui sont au chômage ! Parce que les étudiants, le CPE, ce n'est pas pour eux, ce sera dans deux, trois ou quatre ans. Et ce qui est formidable avec l'annonce du Premier ministre, c'est que le Premier ministre a promis que dans six mois il y aurait une évaluation. C'est-à-dire qu'on verra si, comme je le pense, le CPE aura créé beaucoup d'emplois, et à ce moment-là, les jeunes seront rassurés. Et s'il n'en crée pas, il faudra en tirer les conséquences.
Q - Il va falloir retirer la loi ?
R - Il faudra en tirer les conséquences. On est des gens pragmatiques. Il y a ceux qui ne font rien et qui critiquent. Et il y a ceux qui agissent, c'est nous, c'est la majorité d'aujourd'hui. Et dans six mois, on tirera les conséquences naturelles d'une évaluation.
Q - Monsieur de Robien, les jeunes ont retenu dans le CPE qu'on allait pourvoir les faire travailler deux ans, les virer à tout moment pendant cette période, alors qu'ils ont besoin d'être rassurés sur leur avenir. Ils sont traumatisés par le chômage de leurs aînés, cela peut se comprendre psychologiquement ?
R - Absolument. Et cela se comprend bien. C'est pour répondre à cette inquiétude qu'il faut leur donner des outils avec des chances nouvelles. Le CPE, ce sont des chances nouvelles pour créer des emplois. Pourquoi ? Parce que les entreprises, elles-mêmes, aussi, perçoivent de l'inquiétude, inquiétude devant l'avenir : est-ce que le marché, le produit que je fabrique aujourd'hui, va tenir dans un an, deux ans, trois ans, quatre ans, cinq ans ? S'il ne tient pas, pourquoi embaucher aujourd'hui ? Et donc, l'entreprise est elle-même inquiète. Pour essayer d'effacer un peu de cette inquiétude, qui est aussi l'inquiétude des jeunes, le CPE permet à l'entreprise d'avoir moins d'hésitation à l'embauche, donc d'embaucher plus.
Q - Donc, hier soir, ce n'était pas une réunion de crise autour de D. de Villepin ?
R - Hier soir, c'était une réunion qui a d'abord montré la cohésion du Gouvernement, et qui a permis à l'ensemble du Gouvernement, à tous les membres du Gouvernement, de s'exprimer pour savoir comment, toujours mieux, insérer les jeunes, toujours mieux orienter les jeunes, et toujours mieux, répondre à l'attente des jeunes.
Q - Donc, pas question de suspendre, pas question de retrait ?
R - Mais ne dites pas les choses comme ça, parce que "pas question", a l'air de dire qu'on est vraiment rigides. Au contraire, le Premier ministre a dit une chose très, très importante dimanche. Il a dit : "J'engage à la concertation, je demande à J.-L. Borloo et G. Larcher de se rapprocher des partenaires...".
Q - Mais pourquoi elle pas eu lieu avant cette concertation, ce dialogue ? C'est précisément ce que les syndicats vous reprochent.
R - D'abord, il y a le temps de la concertation, qui a eu lieu dès l'arrivée du Premier ministre, D. de Villepin, à Matignon. Là, il a rencontré tous les partenaires sociaux. Ensuite, il a...
Q - Cela remonte un peu...
R - Cela remonte un peu ? Il n'y a pas très longtemps qu'il est là, le mois de juin, pardonnez-moi, cela fait huit mois. Et après ce temps de concertation, où il a bien perçu les attentes, et notamment en termes d'emploi, il a mis en place, avec le Gouvernement, le CNE et les CPE. Le CNE est déjà mis en place : 350.000 sans compter le mois d'août, 350.000 contrats "nouvelles embauches" ont déjà été signés, dont 11 % sont des contrats nouveaux, des emplois nouveaux. Donc, le CNE, ça marche. Alors, attendre pour mettre en place un deuxième outil, surtout en direction des jeunes qui attendent encore plus, peut-être, que d'autres, c'est le CPE. Et puis, il est maintenant voté dans ses grandes lignes, mais il y a des marges de manoeuvre à l'intérieur, dans le texte législatif, qui permet une négociation sur les garanties qu'on peut apporter aux jeunes pendant la période initiale.
Q - Croyez-vous à la sincérité de ce mouvement ou vous pensez qu'il y a manipulation politique derrière les mouvements étudiants ?
R - Je ne veux pas accuser les dizaines de milliers de jeunes qui sont inquiets et qui manifestent, d'être manipulés, non. Par contre, il y en a qui voudraient les manipuler. Et lorsque je vois, par exemple, des jeunes qui bloquent une cité scolaire, ou qui défoncent des portes et des fenêtres de La Sorbonne, là, ce sont des casseurs. Je fais la différence avec les étudiants.
Q - Vous confirmez que le dialogue a discrètement repris avec certaines organisations syndicales ?
R - Je sais qu'il y a une liaison quasi permanente entre le ministère du Travail et les partenaires sociaux. Et je voudrais que, les uns et les autres, d'ailleurs, comme les y ont invités hier les présidents d'universités - la conférence des présidents d'universités s'est réunie hier à Nantes, et se réunit encore aujourd'hui et demain - et ils ont vraiment pris une position et une décision extrêmement sages dans son ensemble. Ils ont dit simplement : nous souhaitons que le dialogue reprenne entre le Gouvernement et les organisations syndicales, et les étudiants aussi. Et donc, la CPU, la conférence des présidents d'universités, a aussi invité les étudiants à se concerter avec les pouvoirs publics. Je trouve cela très raisonnable et très responsable.
Q - Cela veut dire, que les présidents d'universités, qui ont appelé au retrait ou à la suspension du texte, sont irresponsables ?
R - Ce n'est pas dans leur rôle, c'est irresponsable. Ils feraient mieux de s'occuper des étudiants et de ne pas faire de politique ! Il n'y en a jamais que quatre, si vous me permettez, et il y en a 84 universités, donc il faut relativiser les choses.
Q - Sur le plan de la conduite gouvernementale, on dit que le Premier ministre n'a pas suffisamment écouté ses ministres, qu'il va un petit peu tout seul, trop souvent ?
R - On dit des tas de choses. Moi, ce que je dis en tout cas, c'est que c'est un Gouvernement d'action. Et c'est vrai que cela nous change par rapport aux périodes 1997/2002, où l'on regardait le paysage, on décrivait le paysage, on regardait les trains passer, et on disait : peut-être qu'un jour, le chômage baissera... Là, il y a de l'action et il y a des résultats. Je crois que les résultats que l'on peut annoncer aujourd'hui, sont un gage à la fois, de la sincérité du Gouvernement et de la volonté du Premier ministre, et de ses ministres, d'affronter le chômage et de le réduire.
Q - Quand D. de Villepin avoue avoir été "vite", cela veut dire "trop vite" ?
R - Il a été vite parce qu'on n'a pas le temps et on n'a pas le droit de laisser des jeunes dans l'inquiétude. Il faut très vite leur montrer que l'efficacité, finalement, c'est dans l'action, et que cette efficacité va leur donner des motifs d'espérer, aux étudiants. Mais surtout, n'oublions pas, pour la deuxième fois, je vous le dis, n'oubliez pas ceux qui ne sont pas étudiants, et qui cherchent aujourd'hui des motifs d'espérance. Dans le CPE, il y a un motif d'espérance pour les jeunes qui sont aujourd'hui au chômage, qui ont terminé leurs études, ou qui n'ont pas fait d'études, et qui sont en attente sur le marché du travail. Eh bien, oui, c'est à eux que nous pensons, et par exemple, à celles et à ceux qui, je vous le rappelle quand même, il n'y a pas si longtemps que ça, ont exprimé leur inquiétude, de façon parfois violente, dans les banlieues. C'est aussi à eux que nous pensons, bien entendu.
Q - S'il y a une grosse mobilisation dans la rue aujourd'hui, et pourquoi pas, samedi, vous en tirerez les conséquences ?
R - On discutera d'autant plus fort et on se concertera d'autant mieux qu'il y a des gens responsables qui savent à la fois nous passer des messages, et à la fois être de vrais républicains, c'est-à-dire des gens de dialogue et des démocrates.
Q - Est-ce que ce type de moment, de période, vous donne envie de suivre D. de Villepin dans une aventure présidentielle ?
R - L'aventure est vraiment dans cette épopée pour l'emploi. Et cette épopée-là, nous avons bien l'intention de la gagner !Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 17 mars 2006