Interview de M. Bernard Accoyer, président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, à RTL le 21 mars 2006, sur la nécessité d'un dialogue entre le gouvernement et les partenaires sociaux concernant la mise en oeuvre du contrat première embauche.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Jean-Michel Apathie : bonjour Bernard Accoyer. Nous avons entendu dans le journal de 7h00 de RTL, un témoignage d'un photographe professionnel : il raconte - je le cite - que des CRS ont frappé un manifestant samedi soir de manière très violente, très très forte. Cet homme a 39 ans, il lutte contre la mort ce matin dans un hôpital de la région parisienne. S'agit-il de la première bavure dans cette histoire du CPE, Bernard Accoyer ?
Bernard Accoyer : D'abord, je crois qu'il faut penser à l'homme, et espérer qu'il se remette rapidement.
Jean-Michel Apathie : Et faire la vérité sur les faits ?
Bernard Accoyer : Bien sûr. Il y a une enquête qui a été déclenchée et elle fera la lumière sur les faits réels.
Jean-Michel Apathie : Il est temps que cette crise s'arrête.
Bernard Accoyer : Oui. Je pense que les manifestations qui se multiplient comportent obligatoirement des risques humains. Je voudrais penser à cet instant, aux cent policiers qui ont déjà été blessés, et dont certains gravement. Et il faut que ceux qui déclenchent ces manifestations pensent que, à chaque fois, ça se termine par des violences, parce qu'il y a des casseurs qui viennent systématiquement, et par des dégâts qui sont importants.
Jean-Michel Apathie : En est-il de la responsabilité du gouvernement de faire des propositions pour que tout ceci s'arrête ?
Bernard Accoyer : Je crois qu'on a bien vu, et on entend, et je viens d'écouter M. Duhamel, il y a à l'évidence de façon extrêmement forte de la part du gouvernement, du Premier ministre lui-même, le souhait que s'ouvre le dialogue social avec les partenaires sociaux, et que l'on puisse améliorer, aménager les dispositifs qui le méritent, sans pour autant avoir obligatoirement besoin de revenir devant les parlementaires.
Jean-Michel Apathie : Vous avez vu le Premier ministre hier soir ; Quand va t-il parler ?
Bernard Accoyer : Je pense qu'il va s'exprimer aujourd'hui.
Jean-Michel Apathie : Devant les députés ?
Bernard Accoyer : Nous le voyons effectivement en fin d'après-midi. Il sera également tout à l'heure devant la réunion du groupe. Et il aura certainement l'occasion, après avoir échangé avec les parlementaires, d'indiquer ce qu'il compte faire.
Jean-Michel Apathie : Il semblerait - le confirmez vous - que le Premier ministre serait prêt à raccourcir la période de consolidation. Elle est de deux ans actuellement dans la loi qui a été votée. Le Premier ministre dit-on, accepterait de la raccourcir. Vrai, faux ?
Bernard Accoyer : J'ai entendu comme vous, les présidents d'universités à la sortie de leur rendez-vous avec le Premier ministre il y a quelques jours. J'ai entendu comme vous, les chefs d'entreprises à la sortie de Matignon hier, alors qu'ils avaient rencontré le Premier ministre. Ces échanges montrent qu'effectivement, sur la durée d'essais, sur l'absence d'explication au licenciement, il y a des ouvertures qui sont possibles. Elles ne sont pas, il n'est pas nécessaire de changer cela par la loi. Tout simplement : parce qu'il y a notamment à l'article 8, des ouvertures qui sont possibles, il y a, par la négociation, par les conventions, par les accords de branches, il y a des tas de possibilités pour aménager, montrer qu'en réalité de qu'on dit de CPE est faux, et qu'il y a une grande campagne qui n'en a montré que des traits qui ne sont pas la réalité. Le CPE apporte beaucoup d'avancées, et surtout est un moyen d'entrer dans l'emploi pour les jeunes.
Jean-Michel Apathie : Vous êtes trop modeste, Bernard Accoyer : avez-vous entendu, puisque vous étiez dans son bureau hier soir, le Premier ministre dire : je suis prêt à modifier la durée de la période de consolidation ?
Bernard Accoyer : Non. Il ne l'a pas dit...
Jean-Michel Apathie : Donc, il n'y a pas grand-chose qui bouge.
Bernard Accoyer : Et on sait très bien qu'il a un esprit d'ouverture, et je suis persuadé que celui-ci va se montrer, se concrétiser dans ses propos dans les jours qui viennent.
Jean-Michel Apathie : Cette loi est clairement inadaptée. La loi sur le CPE. C'est Sharon Stone qui le dit, l'actrice américaine était de passage hier à Paris. La plus belle femme du monde est contre vous. C'est bête ça. Pas de chance.
Bernard Accoyer : C'est une excellente actrice de cinéma, que j'apprécie beaucoup. Ceci étant, vous conviendrez que ses compétences sont meilleures dans l'art cinématographique que dans celui de la politique, surtout en France.
Jean-Michel Apathie : Non, pourquoi ? Elle a bien le droit d'avoir un avis ?
Bernard Accoyer : Parce que l'ingérence politique d'une personnalité étrangère n'est pas toujours fondée sur la meilleure connaissance de ce qui se passe dans le pays.
Jean-Michel Apathie : Bon. C'est quand même embêtant d'avoir Sharon Stone contre soi, on préfère l'avoir avec soi. Nous sommes d'accord ?
Bernard Accoyer : Ca dépend dans quel sens.
Jean-Michel Apathie : Bon vous dites souvent que la loi doit s'appliquer, que c'est républicain, que ce n'est pas à la rue de gouverner. Vous le pensez vraiment, Bernard Accoyer ?
Bernard Accoyer : Ah oui.
Jean-Michel Apathie : La loi doit s'appliquer.
Bernard Accoyer : Je pense que la France est une démocratie, il y a des lois. Lorsqu'un texte a été voté par le parlement après 45 heures, de débat à l'assemblée, 90 au sénat, ça n'est pas par des prises d'otages, par des ultimatums, par des manifestations de rues, que l'on doit - dans une démocratie normale - empêcher l'application de la loi. J'ajoute que dans les universités, où des dizaines, des centaines de milliers de jeunes, sont en train de terminer leur année universitaire, ce n'est pas à des minorités hautement politisées, organisées, parfois enrichies, si je peux employer ce terme, de personnalités "externes extérieures" à l'université, qu'on peut ainsi bafouer les droits élémentaires des jeunes, des étudiants, et la loi fondamentale de notre pays. Force doit rester à la loi.
Jean-Michel Apathie : Lorsqu'un texte a été voté, elle doit être appliquée venez-vous de dire, Bernard Accoyer. La loi du 4 mai 2004 sur le dialogue social prévoyait que le gouvernement s'engage solennellement à soumettre officiellement - je cite la loi - aux partenaires sociaux, tout projet de loi modifiant le code du travail. Le CPE n'a pas été fourni. L'engagement solennel du gouvernement n'a pas été respecté. Une loi doit s'appliquer, et puis une autre - mon Dieu - on peut ne pas la respecter.
Bernard Accoyer : Mais parce qu'il y a entre le gouvernement et les partenaires sociaux un dialogue permanent.
Jean-Michel Apathie : Non. Le CPE précisément, n'a pas été soumis aux partenaires sociaux, pourquoi ?
Bernard Accoyer : Ca c'est le choix du Premier ministre qui a.
Jean-Michel Apathie : Est-ce que c'est un bon choix, Bernard Accoyer ?
Bernard Accoyer : Qui a souhaité, dans la difficulté qu'il y a pour l'emploi des jeunes, qui a souhaité que cette mesure puisse être adoptée et appliquée le plus vite possible.
Jean-Michel Apathie : Est-ce que c'est un bon choix, Bernard Accoyer de ne pas la soumettre aux partenaires sociaux ?
Bernard Accoyer : Le dialogue social, il est appelé aujourd'hui, en ce moment, le Premier ministre multiplie ses appels, le président de la République multiplie.
Jean-Michel Apathie : Je parle du CPE. Oui j'ai compris. Mais avant, avant de soumettre le CPE ?
Bernard Accoyer : On peut toujours regretter ce qui s'est fait dans le passé. Mais l'important c'est l'avenir, et aujourd'hui ce qu'il faut, c'est que le CPE puisse s'appliquer, qu'il puisse être amélioré dans le dialogue social que vous souhaitez à juste titre.
Jean-Michel Apathie : Et donc on peut regretter un peu la manière dont ça s'est passé.
Bernard Accoyer : Encore une fois, on peut toujours pleurer sur le lait renversé.
Jean-Michel Apathie : Pleurons.
Bernard Accoyer : Et par contre, avançons vers l'avenir, et passons surtout à la phase d'application de ce CPE, dont les résultats montreront qu'il est efficace, d'autant que le Premier ministre a prévu son évaluation.
Jean-Michel Apathie : Une pensée pour Jean Lassalle, député UDF des Pyrénées Atlantiques : il commence son 15eme jour de grève de la faim dans la salle des Quatre Colonnes à l'Assemblée Nationale. Il a déjà perdu dix kilos.
Bernard Accoyer : Oui. Une pensée et une inquiétude également : le médecin que je suis pense que maintenant, la situation est dangereuse pour sa santé. Je lui ai d'ailleurs dis personnellement au début de sa grève, que je ne pensais pas que le choix de ce moyen pour un parlementaire, était le meilleur.
Jean-Michel Apathie : Vous lui avez même dit qu'il déshonorait le parlement. Vous le diriez encore ce matin sur RTL, Bernard Accoyer ?
Bernard Accoyer : Surtout ce matin, ce que je veux dire, je vais lui dire : il faut être attentif à sa santé.
Jean-Michel Apathie : Bernard Accoyer, qui ne veut pas pleurer sur le lait renversé, était l'invité de RTL ce matin.


source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 22 mars 2006