Interview de M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux Collectivités locales et secrétaire général de l'UMP, à RMC le 21 mars 2006, sur la position de l'UMP au sujet du contrat première embauche.

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Texte intégral

G. Cahour - Vous êtes ministre délégué aux Collectivités territoriales, secrétaire général de l'UMP et bras droit de N. Sarkozy. Vous êtes d'ailleurs amis depuis trente ans avec N. Sarkozy.
R - Voilà, cela fait trente ans, il n'y a pas d'opportunité de conjurer le sort, ça se passe très bien.
Q - D. de Villepin, semble-t-il, devrait s'exprimer en fin de journée, sur ce qu'il veut faire à propos du contrat "première embauche". Vous confirmez ?
R - D'abord une première réflexion : je voudrais adresser un salut amical à mon compatriote auvergnat, J.-J. Bourdin, puisqu'il est en vacances cette semaine...
Q - ...Il est en vacances, exactement.
R - Et j'espère qu'il est en vacances dans le Cantal mais je n'en suis pas tout à fait sûr.
Q - Pas du tout.
R - Ceci étant dit, effectivement, D. de Villepin doit intervenir aujourd'hui. Il le fera normalement à l'occasion de la rencontre qu'il organise avec les parlementaires de sa majorité. Quand on a des difficultés, quand il y a débat, il est assez sain, logique et cohérent et que l'on souhaite partager ses préoccupations et ses idées et ses propositions avec sa famille. C'est ce qu'il va donc faire ce soir.
Q - A dire vrai, on n'est vraiment pas optimiste sur la fin de la crise, vu qu'à chaque fois que D. de Villepin s'exprime depuis quelques jours, c'est pour dire "je ne bouge pas". Donc il n'y a pas de raison que ça change ce soir...
R - Non, ce n'est pas du tout ça. Si l'on prend les déclarations exactes de D. de Villepin, cela fait au moins quinze jours qu'il indique qu'il est près à l'ouverture, il l'a dit d'ailleurs devant la représentation nationale, il l'a dit à l'Assemblé, et il l'a confirmé en indiquant que le texte pouvait être complété et enrichi, ce qui explique d'ailleurs la très grande solidarité du Gouvernement autour du Premier ministre, parce que c'est une position qui est une position d'ouverture. Vous savez, à un moment donné, il faut que les masques tombent, il faut que les vérités surgissent, il faut observer ceux qui sont pour le dialogue et ceux qui ne le sont pas.
Q - En l'occurrence, le Premier ministre n'a pas dialogué avant de faire passer sa loi.
R - Le Premier ministre tend la main, il l'a fait la semaine dernière, notamment à la télévision...
Q - Mais c'est trop tard !
R - ...Il l'a fait tout au long des jours qui se sont égrenés et depuis, il faut observer ceux qu'ils veulent discuter et ceux qui ne le veulent pas. Aujourd'hui, le Gouvernement, D. de Villepin et tous les ministres qui composent son gouvernement, à commencer naturellement par N. Sarkozy qui a érigé le dialogue en règle de conduite politique, eh bien on observe ceux qui veulent dialoguer, ceux qui veulent proposer, ceux qui veulent imaginer et ceux qui s'y refusent.
Q - Donc, pour vous, aujourd'hui D. de Villepin est un homme de dialogue, bien qu'il n'y ait pas eu de concertation sur ce CPE ?
R - Mais ce n'est pas simplement pour moi, et ce n'est pas simplement aujourd'hui, c'est de manière constante et permanente. Le Premier ministre affirme sa volonté de dialogue, et c'est une bonne chose.
Q - A propos de la position de l'UMP, soyons très clair : quelle est la position officielle de l'UMP sur ce contrat "première embauche" ? On a l'impression que vous êtes un peu assis entre deux chaises à vouloir soutenir le Premier ministre mais pas trop, tout de même, parce qu'il ne faut pas oublier que se sera un candidat à la présidentielle face à N. Sarkozy ?
R - Non, il ne faut pas raisonner de cette manière là, je vous le dis sincèrement parce qu'il ne faut pas faire croire à ceux qui nous écoutent que la politique c'est systématiquement un jeu de billard, à trois bandes. En tout cas, moi qui suis un proche de N. Sarkozy, ce n'est pas comme cela que je la conçois. Je la conçois comme étant, au contraire, un exercice de vérité, un exercice de simplicité, un exercice de lisibilité ; qu'est que cela signifie ? Cela veut dire qu'à l'UMP, dont N. Sarkozy est le président, dont je suis - non pas le secrétaire général, ce matin vous m'avez un peu promu, donc la matinée démarre bien -, le secrétaire général délégué simplement - le secrétaire général, c'est P. Méhaignerie, mais merci de cette promotion - ; nous disons simplement des choses simples : d'abord, nous disons, premier élément, que nous sommes solidaires à l'égard du Premier ministre. A l'UMP, il y a la solidarité et de la loyauté. Deuxième réflexion : nous sommes attachés, c'est vrai, à la concertation, nous sommes attachés au dialogue. Et la troisième réflexion, c'est que nous entendons d'abord un grand nombre d'étudiants qui souhaitent pouvoir poursuivre librement et sereinement leur scolarité. Il ne faut pas oublier ceux-là. Il y a eu des mouvements dans les facultés, d'ailleurs quelquefois on a cherché à les empêcher, en perturbant les votes. Mais première réflexion, c'est que l'on entend ce message, mais en même temps nous disons que le rôle d'un responsable politique c'est d'entendre et d'écouter. Il y a des messages qui ont été adressés, ces messages ont été adressés au cours de ces derniers jours et nous nous réjouissons que le Premier ministre pratique la politique de la main tendue. La main tendue, c'est un bon exercice en politique.
Q - Vous allez dire que je fais du mauvais esprit, ensuite on va passer à autre chose...
R - ...Peut-être.
Q - ...Mais si N. Sarkozy est solidaire et l'UMP solidaire du Gouvernement, dans ces cas-là, pourquoi N. Sarkozy ne fait pas comme tous les autres ministres la tournée des plateaux télés pour expliquer que le CPE c'est bien ?
R - Chacun le fait à sa manière, avec ses mots, son ton, son vocabulaire, son tempérament et ses responsabilités. Ne pensez-vous pas que le rôle des N. Sarkozy a été important au cours de ces dernières journées, concernant les conséquences du CPE, puisqu'il y a eu, c'est vrai, des manifestations importantes et vous avez observé qu'il y a juste aujourd'hui un cas qui est un cas un peu compliqué...
Q - On va en parler, oui.
R - ...Mais en dehors de cela, il n'y a pas eu de drame, il n'y a pas eu de bavure, il y a eu des consignes à la fois de tolérance vis-à-vis des manifestants qui s'exprimaient de manière sereine, pour faire partager leurs convictions, et en même temps une très grande sévérité à l'égard de casseurs, à l'égard des délinquants qui étaient même manifestants. Donc N. Sarkozy a été sur ce plan là, en étant tout à la fois très ferme et en même temps très juste. Il a été au premier plan.
Q - Ce syndicaliste qui est dans le coma aujourd'hui, après avoir été visiblement piétiné par les CRS, l'enquête dira exactement ce qu'il s'est passé... En tout cas, il était ivre, il se trouvait là place de la Nation, que les CRS avaient demandé d'évacuer d'après notre reporter qui était sur une place ; est-ce une bavure ?
R - D'abord, première réflexion, il y a une enquête qui est effectivement diligentée, une enquête de l'IGS et dans les tous prochains jours, on aura les résultats de cette enquête. Selon les éléments que vous avez d'ailleurs vous-mêmes communiqués, il y a plusieurs constats à formuler : premièrement, cette personne pour laquelle j'ai d'abord une pensée, la première réflexion que l'on doit avoir l'un et l'autre...
Q - Bien sûr, il est dans un état grave.
R - ...C'est de penser à cette personne dont le pronostic vital est, semble-t-il, est réservé, donc j'ai une pensée pour lui, pour sa famille s'il en a et pour ses proches. Deuxième réflexion, il semblerait qu'il ait eu un taux d'alcoolémie particulièrement élevé, puisque 10 heures après les faits, il avait environ 2,8 grammes. Encore une fois, ce sont des informations qui ont été rendues publiques. Donc, je ne formule pas de commentaires. Et deuxième réflexion, il semblerait aussi qu'il ait refusé des soins et d'être évacué pour des raisons que je ne connais pas. Donc je dis simplement : ayons d'abord une pensée pour cette personne et attendons le rapport de l'IGS.
Q - Et on verra plus tard pour dire c'est une bavure...
R - Mais l'IGS ce n'est pas dans six mois, ce sera, encore une fois, dans les jours qui viennent. Attendons l'examen.
Q - D. de Villepin a reçu hier des jeunes, il a reçu également des patrons d'entreprise qui ont fait des propositions que l'on connaissait déjà, mais en tout cas, ils ont confirmé que ces propositions leur convenaient pour aménager le CPE, avec plus d'encadrement des stages et des contrats à durée déterminée pour éviter les abus, Une durée de consolidation ou période d'essai du CPE ramenée à un an au lieu de deux ans et également la justification du licenciement. Est-ce que ce sont des aménagements qui, selon vous, peuvent débloquer la situation, cette crise du CPE dont on ne sait plus sortir ?
R - Ce qu'a proposé D. de Villepin, et ce qu'il a dit, c'est que cela pouvait être complété et enrichi. Il y a différentes pistes à l'évidence, une première piste, et c'est celle de l'expérimentation : on expérimente et puis, ensuite, on fait un bilan ; j'entends ses propositions. Il y a effectivement une deuxième proposition, c'est sur la durée : certains disent que deux ans c'est trop long et certains chefs d'entreprises ont dit qu'on pouvait effectivement la diminuer. Il y a, enfin, certains qui évoquent le côté un peu brutal de rupture, et peut-être faut-il y réfléchir, peut-être faut-il l'aménager ?
Q - C'est vrai que sans justification, c'est traumatisant et puis, surtout, comment s'améliorer si on n'a pas de justification ?
R - Oui, c'est le cas des ministres par exemple. Juste cette parenthèse : ils sont licenciés sans qu'il y ait de justification, et mon tour viendra naturellement. Mais au-delà de cette parenthèse qui n'a naturellement...
Q - ...Vous avez un salaire qui est justifie aussi la précarité.
R - Oui, on peut toujours en discuter, naturellement, mais j'accepte votre remarque bien évidemment. Mais sur le fond, il y a donc des pistes qui sont ouvertes, il faut les discuter. J'entends aussi des chefs d'entreprises qui expliquent qu'ils ont des démissions de salariés sans motivation.
Q - Vous, vous auriez préféré un contrat unique plutôt qu'un contrat "première embauche" ?
R - Ce qui est vrai c'est que l'UMP présente une originalité dans la vie politique française, c'est que c'est une formation qui n'est pas tournée exclusivement sur les querelles de personnes, comme beaucoup d'autres, mais qui essayent de réfléchir. On organise des conventions, mois après mois, surtout l'été, mais on aborde tous les sujets. Et à l'occasion d'une de ces conventions, il y a une proposition, c'était le contrat unique, effectivement. Mais, encore une fois, cela fait parti des propositions...
Q - ...Avec une période d'essai de deux ans ?
R - Non, ce n'était pas présenté de cette manière là, et en tout cas, ce qui est vrai c'est qu'il y a une multitude de propositions qui ont été formulées...
Q - Comment cela s'est-il présenté ?
R - L'idée, je vous le dis, c'est que l'UMP n'a pas encore de positions officielles sur ce sujet. Nous avons un calendrier, on le respectera, c'est qu'au mois d'octobre, il y aura un vote, un vote des militants de l'UMP, parce qu'à l'UMP les militants s'expriment et peuvent choisir, et on retiendra un certain nombre de propositions. Dans la palette de propositions, il n'existait pas celle qui est proposée aujourd'hui mais celle-ci mérite néanmoins un examen.
[...]
Q - A propos du contrat "première embauche", les conseils régionaux de Poitou-Charentes, Pays de Loire et de la région Centre ont l'intention de geler les subventions aux entreprises qui signent des contrats "première embauche" et des contrats "nouvelles embauches", ce n'est pas très réglo ?
R - Je trouve cela assez inquiétant parce que voilà une mesure - je ne parle pas du CPE, je fais juste cette parenthèse sur le CPE : comme vous le savez, aujourd'hui, juridiquement, on ne peut pas tellement bouger puisqu'il a été voté, il est au Conseil constitutionnel, donc il n'est pas en application.
Q - Admettons qu'il soit en application dans quelques mois, c'est leur intention...
R - C'est de la responsabilité du Président de la république, c'est soit de promulguer soit au contraire de demander une deuxième lecture.
Q - C'est une manière d'inciter à créer des emplois en CDI dans leur région ?
R - Non, mais je suis assez choqué parce que pour beaucoup de présidents de région sont en même temps des législateurs donc ils savent qu'une loi est votée et c'est assez curieux d'expliquer qu'il ne faut pas précisément respecter la loi. Donc, juridiquement, je trouve cela discutable. Mais politiquement, c'est très inquiétant. Je me mets à la place du chef d'entreprise qui essaye de se donner du mal pour développer l'emploi, pour développer son activité, et qui se verrait ainsi pénalisé au prétexte qu'il respecterait, qu'il appliquerait la loi. Encore une fois, je trouve ça préoccupant et inquiétant.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 22 mars 2006