Interview de M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités locales, sur RTL le 27 mars 2006, sur la nécessité du dialogue au sujet du contrat première embauche.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Q- Dimanche, au Grand Jury, Bernard Thibault, secrétaire général de la C.G.T, affirmait qu'il n'avait eu aucun contact, depuis vendredi après-midi, avec Dominique de Villepin ou ses conseillers, avec Jean-Louis Borloo ou ses conseillers. Que fait le gouvernement, Brice Hortefeux ?
R- Comme vient de le dire, à juste titre, Alain Duhamel, il y a eu un premier contact qui a été établi avec les syndicats : c'est une première étape. Celle-ci, à l'évidence, n'est pas suffisante. Elle doit se prolonger, et tout doit être mis en oeuvre pour que ces discussions puissent se prolonger : c'est toute l'action du Premier ministre.
Q- Mais est-ce que des choses sont mises en oeuvre ? Quand Thibault dit : "Samedi, dimanche : personne ne m'a téléphoné". Extraordinaire, quand même !
R- D'abord, peut-être qu'il a eu des contacts, peut-être que ses collaborateurs en ont eu, peut-être que son équipe en a eu. Tous les contacts ne doivent pas être forcément mis sur la table, et l'expérience récente de la semaine dernière m'encourage à penser cela. Simplement, je vous le dis, Jean-Michel Aphatie : naturellement, la préoccupation de Monsieur Thibault, comme de celle des autres responsables syndicaux est essentielle, mais ma préoccupation n'est pas uniquement celle-là. Aujourd'hui, nous devons, effectivement, collectivement, partager une inquiétude. L'inquiétude est multiple. D'abord, c'est une inquiétude de fond : c'est celle qui compte. C'est-à-dire que la situation des jeunes est extrêmement préoccupante face au marché de l'emploi. Lorsque le taux de chômage des jeunes est plus de 2 fois supérieur à celui de la moyenne nationale. Lorsque le chômage des jeunes de 18/24 ans est supérieur de 160% à celui des 25/49 ans. Lorsque c'est 6% de plus que dans la zone euro. Lorsque cela atteint 40% chez les jeunes sans qualification : alors là, c'est l'essentiel. C'est là où il y a l'inquiétude. Il faut être totalement inconscient ou monstrueusement égoïste pour ne pas être préoccupé par cela.
Q- Ces chiffres sont terribles, Brice Hortefeux. Ceux que vous avez cités. On ne croirait pas que vous êtes au pouvoir depuis 4 ans.
R- D'abord, ces chiffres ne correspondent pas à l'année dernière, à l'année précédente, à 4 ans. Cela remonte à des décennies. C'est un échec qui est un échec collectif, et c'est précisément pour cela qu'il ne faut pas rester inerte et les bras ballants à regarder l'eau qui passe. Il faut agir. Et il y a des pays qui ont agi. Quand vous avez 8% de chômage chez les jeunes aux Pays-Bas. Lorsque vous avez 8,3% au Danemark : c'est autant de signaux qu'il faut saisir, s'imprégner, comprendre comment ils ont fait. Généralement, ce qu'ils ont fait, c'est plus de souplesse pour l'employeur, conciliée à des garanties pour les droits sociaux. Mais ce n'est pas ma seule préoccupation, je vous le dis aussi, ce matin. Ma préoccupation va aussi vers tous les jeunes, vers tous les lycéens qui veulent passer leur examen, qui veulent avoir leur année récompensée, leur année sanctionnée. Et si la situation perdure, tout ceci risque d'être mis en question. Et puis, j'ai une troisième préoccupation, si vous me permettez de le dire. C'est que, demain, il y a, effectivement, une grande manifestation. J'espère que cela sera le point d'orgue, et simplement le point d'orgue. Mais, dans ces manifestations, il y a ceux qui veulent manifester librement, partager leur conviction et c'est totalement respectable. Mais, à côté, il y a des casseurs qui sont là uniquement pour piller et détruire. Voilà, en réalité, mes 3 préoccupations.
Q- Vous décrivez, avec le chômage des jeunes, une situation difficile. Tout le monde partage la préoccupation de voir les jeunes retrouver du travail et, quand on propose une réforme pour cela, on arrive à un conflit majeur. Comment en est-on arrivé à ce conflit, Brice Hortefeux ? La faute à qui ?
R- On ne peut pas jeter aujourd'hui l'anathème sur tel ou tel, parce que ce serait trop facile de faire porter, non pas un chapeau, mais un sombrero aux responsables gouvernementaux.
Q- Certains le font en disant que la méthode n'a pas été bonne, trop autoritaire.
R- Ce que j'observe, c'est que la conviction du Premier ministre, qui est constamment réaffirmée, c'est la volonté du dialogue. Il est encouragé, en cela, par toute la majorité : la majorité toute entière. Et je le dis, il est encouragé aussi par Nicolas Sarkozy. Que ce soit, d'ailleurs, à titre personnel, à titre privé ou public puisque chez Nicolas Sarkozy, il n'y a pas deux prises de position, selon que c'est public ou privé : c'est toujours la même, il y a une grande cohérence. Dominique de Villepin, vous l'avez entendu, a formulé un certain nombre de propositions. Il a formulé une proposition concernant les modalités de rupture du contrat. Il a formulé une proposition concernant la durée de la période d'essai. Cela signifie, tout simplement, qu'il ne s'agit pas, quand on parle de dialogue, d'un slogan, mais bien d'une réalité.
Q- Pourquoi n'y a-t-il pas eu de dialogue au début ?
R- Mais il y a eu du dialogue depuis le départ, mais il y a aussi une volonté. Chacun est dans sa place : le gouvernement propose, le législateur vote, les partenaires sociaux discutent. On est donc dans la phase de discussions. Et je souhaite que les syndicats reprennent le chemin de la table.
Q- Dominique de Villepin s'est rendu à l'Elysée, samedi soir, en compagnie de Jean-Louis Borloo et Gérard Larcher. "Libération" cite, ce matin, un proche de Nicolas Sarkozy - alors, on ne sait jamais qui c'est "un proche" - et, entre guillemets, ça donne ceci : "C'est pour le moins étonnant que le numéro 2 du gouvernement, qui plus est président de l'U.M.P, ne soit pas invité à ce type de réunion". C'est vrai, c'est étonnant, Brice Hortefeux ?
R- D'abord, je ne sais pas qui est le "proche" : je me méfie toujours des guillemets, d'expérience, d'ailleurs.
Q- On vous en attribue beaucoup, c'est ça ?
R- Par exemple. Simplement, c'est le choix du Premier ministre. Il organise le travail gouvernemental comme il l'entend, de même que Nicolas Sarkozy, lui, est libre de s'exprimer comme il le souhaite.
Q- Nicolas Sarkozy est-il tenu à l'écart de la résolution de cette crise, Brice Hortefeux ?
R- Nicolas Sarkozy s'est exprimé publiquement. Il s'est entretenu, à titre personnel, avec le Premier ministre et il lui a dit un certain nombre de choses, notamment son souhait qu'il y ait un dialogue et négociations. Et je pense que, sur ce plan là, il a été entendu. Il se réjouit donc que le Premier ministre agisse dans ce sens.
Q- Nicolas Sarkozy, dit-on, aurait même demandé à Dominique de Villepin de prononcer une suspension du C.P.E.
R- Il a évoqué toute une série de pistes. Il aura l'occasion de les évoquer. Il les a amorcées lors de la réunion devant les jeunes et devant les militants de l'U.M.P, samedi. Il le fera, ce soir, à titre personnel. Je le dis, chacun est dans son rôle mais, encore une fois, la situation de Nicolas Sarkozy est une situation très précise, très originale et très particulière. Il est le ministre de l'Intérieur, c'est-à-dire qu'il est dans l'action : il est au quotidien. Il est en même temps le chef d'un parti, donc il a la responsabilité de la cohésion. Et, en même temps, de toute sa vie, de toute son histoire, c'est un homme libre et donc, il s'exprime comme il l'entend pour imaginer, proposer et créer.
Q- Nicolas Sarkozy sera à Douai, ce soir. Vous venez d'y faire allusion. Il prononcera un discours sur la politique sociale. Il faut attendre une prise de distance, ce soir, de Nicolas Sarkozy par rapport à la réforme voulue par Dominique de Villepin ?
R- Non, ce n'est pas cela. Simplement, on a tous, les uns et les autres - et Nicolas Sarkozy en a particulièrement conscience - que le dialogue avec les jeunes est de toujours extrêmement compliqué. Il n'y a pas besoin de remonter toujours à mai 68. Lorsque vous vous souvenez qu'en 1973, il y a 100.000 lycéens qui avaient défilé contre la loi Debré. Lorsque vous vous souvenez qu'en 84, il y a 1.500.000 personnes qui étaient dans la rue sur l'enseignement, c'est donc sur l'avenir des jeunes. Lorsque vous vous souvenez qu'en 1998, il y a 500.000 lycéens et étudiants qui avaient manifesté aux cris de "Jospin, tu es foutu : les lycéens sont dans la rue". Et quand vous vous souvenez que sur un autre sujet, qui est celui des rave parties, le ministre socialiste de l'intérieur, Daniel Vaillant, a été dans l'incapacité de rétablir le dialogue - je fais d'ailleurs une parenthèse pour préciser que c'est Nicolas Sarkozy, par le dialogue, l'écoute et la modernité - qui a remis tous les jeunes autour de la table, on sait que c'est extrêmement difficile.
Q- Donc, Dominique de Villepin a les mêmes problèmes que ses prédécesseurs. Il n'est pas meilleur. C'est cela ?
R- Dans ce domaine-là, il y a une originalité. Plus exactement, il n'y a pas d'originalité : il y a une constance qui doit conduire à la très grande humilité de tous les gouvernants.
Q- Quand certains disent : "Nicolas Sarkozy réfléchit à sa démission, aujourd'hui". Vous qui parlez souvent avec lui : c'est vrai ? C'est faux ?
R- Tout, dans l'histoire de Nicolas Sarkozy, dans son parcours personnel, dans son parcours politique, dans des moments où il a fallu faire preuve de courage physique - lorsque, notamment, il a eu à faire à la prise d'otages dans une école maternelle de sa commune - tout montre, qu'au contraire, il ne fuit pas les responsabilités lorsqu'elles sont devant lui. Vous savez, Nicolas Sarkozy, on l'a rarement vu dans la position du pêcheur au bord du Rubicon.
Q- Pas de démission.
R- Exactement.
Il n'y avait pas de guillemets, ce matin. C'était Brice Hortefeux, sur RTL. Bonne journée !

Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement