Interview de M. Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force Ouvrière, sur RTL le 24 mars 2006, sur la position et les attentes de FO à l'approche de la rencontre entre les 5 grandes centrales syndicales et le Premier ministre, M. Dominique de Villepin, prévue le même jour autour du débat sur le contrat première embauche.

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Circonstance : Rencontre entre le Premier ministre, M. Dominique de Villepin et les 5 grandes centrales syndicales, puis les organisations patronales, autour du débat sur le contrat première embauche à Paris le 24 mars 2006 après-midi.

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


Jean-Michel Aphatie : Bonjour Jean Claude Mailly vous serez tout à l'heure à 14 heures 30...
Jean Claude Mailly : à 14 heures 30 oui
Q- A l'Hôtel Matignon avec quelques uns des représentants des principales centrales syndicales françaises. Vous rencontrerez Dominique de Villepin, vous souhaitez, vous continuez de souhaiter le retrait du CPE et jusqu'à plus ample information Dominique de Villepin ne veut pas retirer le CPE. Donc votre dialogue ne va pas servir à grand chose cet après-midi ?
R- Attendez, c'est quand même la première fois, en deux mois, parce que ça fait deux mois que le conflit a démarré, que le Premier ministre, après avoir dit il y a deux jours je ne retirerai rien, je ne suspendrai rien, je ne dénaturerai pas. Deux jours après c'est en quelque sorte le froid et le tiède. Deux jours après il explique que sans a priori, je suis prêt à discuter, des mesures pouvant lever les inquiétudes sur le CPE. Il dit pas retrait c'est évident.
Q- Avez-vous des informations qui vous laissent penser qu'il pourrait retirer le CPE ?
R- Non mais ce qu'on va lui demander. Nous n'avons pas d'informations précises en disant il va retirer le CPE, mais ce qu'on va lui dire et de manière unanime. On n'a pas eu besoin de discuter un quart d'heure hier entre les organisations syndicales pour être clair. On lui dit cet après-midi à 5, Monsieur le Premier ministre, si vous voulez qu'on puisse discuter sérieusement question de précarité et d'emploi des jeunes, du chômage, etc, ça suppose que vous retiriez le CPE. Si vous le retirez, les négociations on est prêt, les discussions à les entamer tout de suite. Mais il faut d'abord retirer le CPE.
Q- Et alors dans le cas inverse, si le Premier ministre vous dit, voilà je ne retire pas le CPE et ce que je vous propose c'est de l'améliorer, alors Jean Claude Mailly , qu'est-ce qui se passe ?
R- Non, ce que nous avons dit également hier : cet après-midi on ne va pas négocier. C'est clair. C'est une amorce de dialogue mais la suite dépendra du Premier ministre. On va pas négocier, on va lui dire en face, puisqu'on n'a pas eu l'occasion de le faire. On va lui dire en face voilà nous on ne veut pas du CPE. Quand je dis nous, c'est les 5 mais c'est aussi les étudiants, c'est aussi les lycéens, on ne veut pas du CPE. C'est un mauvais constat, c'est un mauvais projet dangereux, etc. Donc il faut que vous le retiriez et après on discute sérieusement. Et puis vous savez, le temps de la discussion sociale c'est pas le même temps que la discussion politique. Il faut bien se faire comprendre, les rythmes ne sont pas les mêmes. Faut qu'il comprenne ça le Premier ministre. Donc à partir de là il faut qu'il accepte ça et puis après on discutera. Si il nous dit, si ça commence en nous disant cet après-midi, écoutez je vous confirme que je ne veux pas retirer le CPE, et bien ça risque de pas durer longtemps si c'est ça la réponse
Q- S'il vous dit je vous confirme que je ne veux pas retirer le CPE mais je vous confirme que je suis ouvert à son amélioration. Que répondrez-vous ?
R- L'amélioration, on a déjà tous répondu à ça. Et tout le monde a confirmé hier nous n'allons pas pour dire on va ouvrir une négociation pour aménager, améliorer le CPE. Faut bien comprendre que même si des critères bougent, le CPE restera et aura par exemple obligatoirement des conséquences sur le contrat à durée indéterminée. Donc il faut remettre les compteurs à zéro d'une certaine manière. Il faut qu'il retire le CPE pour qu'on puisse discuter sérieusement. Pas les contrats de travail mais il y a toute autre chose à discuter. La formation mais je dis bien cet après-midi on ne va pas débattre de ça.
Q- On vous écoute ce matin sur RTL Jean Claude Mailly et on vous comprend, je crois que l'optimisme ne doit pas être de raison à propos de cette rencontre.
R- Ecoutez, moi, personne ne dit sauf le Premier ministre d'une certaine manière la clé est entre ses mains. Lui et le Président de la République ; la clé est entre leurs mains dans la limite où s'ils annoncent très rapidement que ok sous une forme, quand je dis sous une forme ou une autre, après il y a la technique. Vous savez on n'est plus dans une affaire juridique; ça a dépassé le juridique cette affaire, qu'il retire le CPE mais c'est dès le lendemain qu'on est prêt à discuter mais encore faut-il qu'il prenne cette décision.
Q- S'il retirait, s'il disait, s'il vous faisait cette annonce du retrait du CPE, la journée de mardi prochain n'aurait pas lieu ?
R- S'il annonçait ça cet après-midi ah ben oui, ce serait, bien entendu si c'était retiré et qu'on puisse engager les discussions ce serait toute autre chose mais encore faut-il que ce soit clair. Si ce n'est pas clair, et bien on va vous confirmer et en plus je vais vous annoncer que la journée de mardi prochain sera très forte. Et tout ce qui nous remonte de tous les syndicats, les appels à la grève, les préavis, etc, dans le privé comme dans le public ce sera très fort.
Q- On imagine qu'une rencontre comme celle d'aujourd'hui, dans le climat de tension que l'on connaît en France a été tout de même soigneusement préparée. Quelques détails, vos contacts préalables à la rencontre de cet après-midi, ont été faits avec qui ? Est-ce que par exemple, on le voit beaucoup cité et intervenir dans ce débat, le secrétaire général de l'Elysée a pris contact avec vous ?
R- Il y a eu des coups de téléphone et puis il y a eu aussi beaucoup Monsieur Borloo qui a téléphoné aux uns et aux autres.
Q- Ma question c'est l'Elysée, le secrétaire général.
R- Oui il y eu des coups de fil du secrétaire général de l'Elysée, c'est évident. Oui c'est une réalité.
Q- Avez-vous le sentiment que l'Elysée, Jacques Chirac, par l'intermédiaire de ses collaborateurs, reprend un peu ce dossier en main.
R- Il a son poids, c'est évident. Même si ça n'est jamais. C'est plus du contact qu'autre chose avec les responsables syndicaux. Y compris du côté de Monsieur Borloo d'ailleurs mais les uns et les autres interviennent c'est évident.
Q- Vous, les contacts que vous avez eu, par exemple avec le secrétaire général de l'Elysée, la question du retrait vous l'avez évoquée ?
R- Moi vous savez je n'ai pas de discours. J'ai toujours expliqué à mes interlocuteurs que contrairement à ce qu'ils pensaient, la situation allait monter, la mobilisation allait monter chez les jeunes, chez aussi les salariés, on le voit très bien. Le Parlement de FO était réuni ces deux derniers jours. Aucune ambiguïté, tous les responsables veulent qu'il y ait le retrait du contrat première embauche et qu'à partir de ce moment là. Pourquoi attendre deux mois. Deux mois, ça fait deux mois que la bagarre a commencé d'une certaine manière. On aurait pu, le gouvernement aurait pu s'épargner ça s'il avait un peu été, je dirais, raisonnable et censé dans cette affaire. Donc tous nos interlocuteurs savent que pour qu'on discute, il faut retirer le CPE et c'est clair depuis le début.
Q- Et quand ils vous ont entendu hier ? Lors de vos contacts dire ça, ils vous ont dit quoi ?
R- Pas de nouvelles depuis la réunion que nous avons tenue hier, j'ai pas eu de coup de fil particulier depuis la réunion entre les organisations syndicales hier. On verra ça cet après-midi maintenant.
Q- Là maintenant, ce matin il est bientôt 8 heures, quel est votre état d'esprit. Vous êtes optimiste ou pas ?
R- Moi, vous savez je suis réaliste. Un militant est toujours optimiste mais je suis optimiste aussi pour la mobilisation de Mardi.
Q- Non, c'est pas ma question.
R- Non, non .
Q- Etes-vous optimiste ou pensez-vous que cette réunion va tourner court cet après-midi ?
R- Je ne sais pas, franchement je ne sais pas. Ça dépend du Premier ministre. Ça dépend de lui. Est-ce que la lettre et l'ouverture parce qu'il met pas de préalable ; il nous dit pas je ne retirerai pas le CPE. Est-ce que c'est une vraie ouverture ou est-ce que, comme on l'écrit dans certains journaux, une source gouvernementale dirait il faut pas que les syndicats s'attendent à ce qu'il retire le CPE, il le retirera jamais. Si c'est ça, ça risque de tourner court. Mais on verra cet après-midi.
Q- Certains pensaient que le front syndical était fragile, que notamment la CFDT pour parler clair François Chérèque, pourrait être amené à composer un peu avec le gouvernement. Finalement ça se passe comme ça ?
R- Je vais vous dire, ça a été très vite réglé hier. Personne n'a émis un seul moment un doute , par exemple sur le fait que pour pouvoir discuter sérieusement des problèmes , il faut d'abord obtenir le retrait du CPE et puis on est, vous savez, ce matin il y a une intersyndicale, avec tout le monde : avec les étudiants, les lycéens. Le gouvernement cherche depuis des semaines à faire des fissures dans le front syndical. Il n'y réussit pas. Et là aussi c'est la force de ce mouvement.
Q- Jean Claude Mailly qui n'est pas optimiste mais qui est réaliste était l'invité de RTL ce matin. Bonne journée.
Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 24 mars 2006