Texte intégral
Q- C'est donc un véritable raz de marée anti-CPE qui a déferlé dans les rues, en France hier, entre un et trois millions de manifestants, selon les sources. Vous sentez-vous désavoués ce matin ?
R- Il y avait beaucoup de monde dans la rue, vous l'évoquiez tout à l'heure. Oui, il y avait du monde dans la rue. Je voudrais quand même dire deux ou trois choses, qui m'ont particulièrement frappé. D'abord, la première, c'est qu'il y avait beaucoup de jeunes, beaucoup d'étudiants, beaucoup de lycéens, et en même temps aussi, beaucoup de forces politiques et syndicales - et toutes, il faut bien le dire, du côté gauche ou extrême gauche de l'échiquier politique...
Q- Mais vous ne me répondez pas : vous sentez-vous, ce matin, désavoué par ces manifestations, hier en France ?
R- Attendez, si vous me le permettez, je voudrais encore une fois répondre complètement à cette question...
Q- Parce qu'on les a vues, ces images !
R- Oui, mais vous savez, il y a parfois des moments où les sujets sont suffisamment importants, pour que l'on ne puisse pas simplement balayer d'un revers, avec un "oui" ou un "non", pour simplement dire les choses trop caricaturalement. Donc le premier point que je veux dire, c'est qu'il y avait du monde dans la rue. Parmi tous les manifestants, il y a beaucoup d'étudiants, beaucoup de lycéens, et il y avait aussi beaucoup de forces syndicales et politiques, du côté gauche et de l'extrême gauche. C'est mon premier point. Et le deuxième, qui va peut-être être une manière de répondre à votre question, c'est que j'ai eu l'occasion de discuter avec un certain nombre d'entre eux, non pas hier, mais il y a quelques jours, notamment à Meaux. Et notamment un jeune lycéen de quinze ans, qui m'a dit : "Mais le CPE, on est contre ! Vous vous rendez compte : on peut être viré du jour au lendemain, c'est la précarité !". Eh bien moi, je me rends compte, à travers ce que j'ai vu hier, ce que je vois depuis plusieurs jours, que la passion du moment fait oublier pourquoi on a fait tout ça. Donc je ne peux dire que ce soit dans une logique comme celle que vous évoquiez, de désaveu ou pas de désaveu. Je vois bien, à travers tous et toute cette contestation, qu'il nous faut répondre point par point. La précarité, c'est aujourd'hui, c'est telle qu'elle existe, avec un seul chiffre : 70 % des jeunes de moins de 26 ans sont en CDD, qui font moins de un mois et le contrat moyen est de moins de un an...
Q- Mais vous l'avez déjà dit cela ! Il y a eu, hier, des millions de personnes dans la rue. Ce matin, vous maintenez le CPE. Pas de retrait pour vous, ce qui s'est passé hier n'est pas un désaveu ?
R- Non, je ne crois pas - excusez moi à nouveau de vous le dire - que les choses ne peuvent pas uniquement se réduire à cela. La question n'est pas de savoir s'il y a désaveu ou pas. La question est de voir qu'à travers les protestations, il y a d'énormes inquiétudes, que ces inquiétudes ne peuvent pas trouver leur réponde à travers l'idée de dire que l'on enlève le CPE, alors même que la précarité, qui est la source première d'inquiétude, elle est aujourd'hui et que le CPE, s'il a été proposé, c'est justement pour sortir de cette précarité.
Q- A 8h22 ce matin, pas de retrait du CPE ?
R- Encore une fois, non. Mais en même temps, l'idée est bien celle qu'a proposée à plusieurs reprises D. de Villepin, comme d'ailleurs un certain nombre d'entre nous au Gouvernement, qui est de dire que pour autant, continuons de discuter...
Q- Mais personne ne veut discuter avec lui !
R- C'est un autre sujet, vous avez raison. C'est qu'effectivement, pour discuter, il faut être deux et qu'il y a, on n'a cessé de le dire, D. de Villepin comme nous tous, des sujets sur lesquels on peut continuer de travailler, dans le cadre de la loi.
Q- Les syndicats disent : on discute, mais d'abord le retrait du CPE...
R- Cela vaut peut-être la peine d'en dire un mot, parce que ça aussi, c'est très intéressant. Nous sommes dans un pays où nous essayons de nous moderniser les uns et les autres, et donc aussi de moderniser la manière dont on approche les questions de réformes. On ne peut pas comme ça, d'un revers de main, balayer le fait qu'une loi ait été votée à l'Assemblée nationale...
Q- Ne vous sentez-vous pas un peu seul, ce matin ?
R- Mais encore une fois, qu'est-ce qui est important, quand on veut moderniser son pays, quand on gouverne ? Est-ce que c'est simplement de dire qu'il y a eu des manifestations, alors on retire un projet qui, par ailleurs, a été voté par le Parlement ? Ou est-ce que l'on essaie d'expliquer pourquoi on l'a fait ? Pardon d'insister, mais imaginons la formule inverse : alors, à ce moment-là, qu'en est-il de nos institutions, qu'en est-il de la République ? Il faut alors qu'une opposition, quelle qu'elle soit - aujourd'hui, elle est de gauche -, organise dans la rue des manifestations, que les étudiants et les lycéens les rejoignent, avec les syndicats étudiants de gauche, qu'ils soient nombreux, et qu'à ce moment-là, on dise que comme ils ont été très nombreux, alors on ne fait plus de lois qui déplaisent à la manifestation ? Vous comprenez pourquoi nous avons derrière cela des enjeux majeurs, qui sont d'expliquer pourquoi nous l'avons fait.
Q- J. Chirac va-t-il intervenir, va-t-il parler dans les prochaines heures? Il a annulé un déplacement au Havre pour demain. Est-ce pour préparer une intervention solennelle ?
R- Je ne le sais pas, je n'ai pas d'information sur ce point, donc je ne peux pas vous répondre. Par contre, ce que je peux vous dire, pour revenir au débat que nous avions à l'instant, c'est que lorsque vous évoquez la question de savoir s'il y a contestation ou pas contestation, désaveu ou pas désaveu, je veux dire que dans le même temps, comme les sondages sont abondamment commentés lorsqu'ils montrent un désaccord, il en est un qui est sorti il y a deux jours, et qui dit que 54 % des Français se prononcent pour le maintien, avec des aménagements, du CPE. Cela prouve qu'il y a, dans ce pays, un vrai débat de fond sur ce qu'est la précarité aujourd'hui, la manière d'en sortir.
Q- Il y a les sondages. Vous avez quand même vu ces foules dans les rues françaises hier...
R- Oui, c'est un élément...
Q- ... Pour J. Chirac, vous n'êtes donc au courant de rien, pas d'intervention prévue dans l'immédiat.
R- Je n'ai pas d'information sur ce point...
Q- Et il y a un ministre au sein du Gouvernement, votre collègue N. Sarkozy, qui a fait la leçon à D. de Villepin, puisqu'il a critiqué la méthode de M. de Villepin, lundi soir à Douai. Il dit que maintenant, "il faut un compromis, le Gouvernement doit bouger". Etes-vous choqué par cette attitude de N. Sarkozy, parce que là, il n'y a plus de solidarité gouvernementale ?
R- Les choses ne sont pas si simples. C'est vrai que sur ce point, il y a un débat et c'est d'ailleurs tout à fait normal, compte tenu que les sujets sont difficiles et que sur tous ces points, les uns et les autres, nous évoquons des pistes, parce que l'objectif est de revenir naturellement à l'apaisement. Ce que chacun doit comprendre, c'est qu'il y a derrière cela un rendez-vous avec l'avenir de notre pays. Je suis désolé de devoir le dire, parce que parfois, on nous demande si le CPE est si important que cela, est-ce que finalement, cela ne réglerait pas tous les problèmes de...
Q- Ce n'est pas la question que je vous ai posée : êtes-vous choqué par l'attitude de N. Sarkozy, qui critique ouvertement les méthodes de D. de Villepin ? Je rappelle ce qu'il a dit, lundi soir à Douai : "Pas de textes gouvernementaux sur les questions sociales qui n'aient fait l'objet préalablement d'une concertation". Il n'y a pas eu de concertation avant le CPE...
R- Je me permets de vous rappeler qu'il y en a eu une avant le CNE, et que le CPE est le prolongement du CNE, avec des garanties supplémentaires pour les jeunes. Le CNE avait donné lieu à concertation. Il est vrai qu'à l'époque, les syndicats avaient plutôt marqué un désaccord par rapport au CNE, il reposait un peu sur les mêmes méthodes...
Q- Donc il est normal que N. Sarkozy critique D. de Villepin ?
R- Mais le CNE, en six mois : 400.000 contrats signés. Quant au débat, la seule chose que je peux vous dire là-dessus, c'est qu'il y a débat certes, mais il y a aussi - et il l'a rappelé lui-même - la solidarité gouvernementale. Et au-delà de ça...
Q- Mais il n'y en a plus !
R- Il n'y en a plus ? Si ! La meilleure preuve, c'est que lui-même l'a réaffirmé. Et surtout, qu'il y ait des débats sur des sujets aussi difficiles, on le comprend. En même temps, il y a aussi un cap. Ce cap a été fixé par le Premier ministre, sur une base simple : la loi a été votée par le Parlement. On ne peut pas, parce qu'il y a des manifestations ou des désaccords, dire que maintenant qu'elle a été votée et qu'il y a des manifestations, on la retire. En revanche, on l'a redit en toute circonstance, et ce n'est pas un désaccord ni au sein du Gouvernement ni au sein de la majorité : s'il y a la possibilité de l'aménager ? Oui, il y en a, et naturellement, travaillons-y ensemble, dans le cadre de la loi et donc des institutions de la République. Car sinon, cela veut dire que l'on ne fait plus de réforme, cela veut dire que l'on ne bouge plus, cela veut dire que l'on attendra de savoir quelle est la part des manifestations pour voir si on continue de réformer ou de moderniser le pays ou pas. Et je crois que ce qu'il y a derrière ça, c'est qu'il faudrait pouvoir - et c'est notre travail, encore aujourd'hui - parler à chacun de ceux qui s'inquiètent, en leur disant que la réponse que nous apportons à leur angoisse de la précarité, c'est un des éléments avec le CPE et il y en a d'autres.
Q- J.-M. Ayrault, le président du groupe socialiste à l'Assemblée, demandait hier la démission de N. Sarkozy, qui a critiqué ouvertement son patron, D. de Villepin... Quelle est votre réaction ?
R- Pour tout vous dire, la semaine d'avant, il avait demandé la mienne, de démission ! Donc je suis quand même obligé de dire qu'on ne peut pas réduire le discours politique de l'opposition simplement à demander la démission des ministres successifs. Ou alors, cela veut dire que cela pose une question beaucoup plus profonde, qui est finalement de se dire quelle est en ce moment le travail que fait la gauche, et singulièrement le Parti socialiste ? Est-ce uniquement d'être du côté de la contestation ou est-ce de proposer autre chose ? Je n'ai pas vu de politique alternative du côté gauche. Et pour aller même plus loin, le débat de fond n'est même pas d'être entre la gauche ou la droite, car en réalité, tout cela, à certains égards, est un peu dépassé. Ce qui nous importe c'est si l'on reste les bras croisés ou si l'on se bouge. Si vous permettez, je vois bien que vous voulez absolument aller très vite là-dessus, mais ce sont des sujets considérables. Allons jusqu'au bout des choses. Où le chômage a-t-il baissé en Europe ? Là où l'on a introduit des systèmes plus souples dans les conditions d'embauche pour les employeurs, et mieux protégé les salariés.
Q- Avez-vous été en contact avec M. de Villepin ces dernières heures ?
R- Oui, bien sûr...
Q- Est-il prêt à démissionner, si J. Chirac suspendait le CPE, suspendait la promulgation de la loi ?
R- C'est une drôle de question. Pour être tout à fait honnête avec vous, je n'ai pas du tout évoqué cette question-là avec lui, je ne l'ai pas non plus entendu l'évoquer.
Q- Donc pour l'instant, il reste à son poste, il n'a pas mis son poste dans la balance, si le texte est suspendu pendant un temps, voire retiré...
R- D'abord, à ma connaissance, ce point de la suspension n'a pas été évoqué. Et d'autre part, et c'est surtout ça que je veux vous dire, c'est qu'en réalité, ce qu'il y a derrière tout cela - c'est un rappel sain -, c'est une loi qui a été votée par le Parlement. Aujourd'hui, l'objectif est d'en montrer l'efficacité. Et c'est ce qui compte.
Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 31 mars 2006
R- Il y avait beaucoup de monde dans la rue, vous l'évoquiez tout à l'heure. Oui, il y avait du monde dans la rue. Je voudrais quand même dire deux ou trois choses, qui m'ont particulièrement frappé. D'abord, la première, c'est qu'il y avait beaucoup de jeunes, beaucoup d'étudiants, beaucoup de lycéens, et en même temps aussi, beaucoup de forces politiques et syndicales - et toutes, il faut bien le dire, du côté gauche ou extrême gauche de l'échiquier politique...
Q- Mais vous ne me répondez pas : vous sentez-vous, ce matin, désavoué par ces manifestations, hier en France ?
R- Attendez, si vous me le permettez, je voudrais encore une fois répondre complètement à cette question...
Q- Parce qu'on les a vues, ces images !
R- Oui, mais vous savez, il y a parfois des moments où les sujets sont suffisamment importants, pour que l'on ne puisse pas simplement balayer d'un revers, avec un "oui" ou un "non", pour simplement dire les choses trop caricaturalement. Donc le premier point que je veux dire, c'est qu'il y avait du monde dans la rue. Parmi tous les manifestants, il y a beaucoup d'étudiants, beaucoup de lycéens, et il y avait aussi beaucoup de forces syndicales et politiques, du côté gauche et de l'extrême gauche. C'est mon premier point. Et le deuxième, qui va peut-être être une manière de répondre à votre question, c'est que j'ai eu l'occasion de discuter avec un certain nombre d'entre eux, non pas hier, mais il y a quelques jours, notamment à Meaux. Et notamment un jeune lycéen de quinze ans, qui m'a dit : "Mais le CPE, on est contre ! Vous vous rendez compte : on peut être viré du jour au lendemain, c'est la précarité !". Eh bien moi, je me rends compte, à travers ce que j'ai vu hier, ce que je vois depuis plusieurs jours, que la passion du moment fait oublier pourquoi on a fait tout ça. Donc je ne peux dire que ce soit dans une logique comme celle que vous évoquiez, de désaveu ou pas de désaveu. Je vois bien, à travers tous et toute cette contestation, qu'il nous faut répondre point par point. La précarité, c'est aujourd'hui, c'est telle qu'elle existe, avec un seul chiffre : 70 % des jeunes de moins de 26 ans sont en CDD, qui font moins de un mois et le contrat moyen est de moins de un an...
Q- Mais vous l'avez déjà dit cela ! Il y a eu, hier, des millions de personnes dans la rue. Ce matin, vous maintenez le CPE. Pas de retrait pour vous, ce qui s'est passé hier n'est pas un désaveu ?
R- Non, je ne crois pas - excusez moi à nouveau de vous le dire - que les choses ne peuvent pas uniquement se réduire à cela. La question n'est pas de savoir s'il y a désaveu ou pas. La question est de voir qu'à travers les protestations, il y a d'énormes inquiétudes, que ces inquiétudes ne peuvent pas trouver leur réponde à travers l'idée de dire que l'on enlève le CPE, alors même que la précarité, qui est la source première d'inquiétude, elle est aujourd'hui et que le CPE, s'il a été proposé, c'est justement pour sortir de cette précarité.
Q- A 8h22 ce matin, pas de retrait du CPE ?
R- Encore une fois, non. Mais en même temps, l'idée est bien celle qu'a proposée à plusieurs reprises D. de Villepin, comme d'ailleurs un certain nombre d'entre nous au Gouvernement, qui est de dire que pour autant, continuons de discuter...
Q- Mais personne ne veut discuter avec lui !
R- C'est un autre sujet, vous avez raison. C'est qu'effectivement, pour discuter, il faut être deux et qu'il y a, on n'a cessé de le dire, D. de Villepin comme nous tous, des sujets sur lesquels on peut continuer de travailler, dans le cadre de la loi.
Q- Les syndicats disent : on discute, mais d'abord le retrait du CPE...
R- Cela vaut peut-être la peine d'en dire un mot, parce que ça aussi, c'est très intéressant. Nous sommes dans un pays où nous essayons de nous moderniser les uns et les autres, et donc aussi de moderniser la manière dont on approche les questions de réformes. On ne peut pas comme ça, d'un revers de main, balayer le fait qu'une loi ait été votée à l'Assemblée nationale...
Q- Ne vous sentez-vous pas un peu seul, ce matin ?
R- Mais encore une fois, qu'est-ce qui est important, quand on veut moderniser son pays, quand on gouverne ? Est-ce que c'est simplement de dire qu'il y a eu des manifestations, alors on retire un projet qui, par ailleurs, a été voté par le Parlement ? Ou est-ce que l'on essaie d'expliquer pourquoi on l'a fait ? Pardon d'insister, mais imaginons la formule inverse : alors, à ce moment-là, qu'en est-il de nos institutions, qu'en est-il de la République ? Il faut alors qu'une opposition, quelle qu'elle soit - aujourd'hui, elle est de gauche -, organise dans la rue des manifestations, que les étudiants et les lycéens les rejoignent, avec les syndicats étudiants de gauche, qu'ils soient nombreux, et qu'à ce moment-là, on dise que comme ils ont été très nombreux, alors on ne fait plus de lois qui déplaisent à la manifestation ? Vous comprenez pourquoi nous avons derrière cela des enjeux majeurs, qui sont d'expliquer pourquoi nous l'avons fait.
Q- J. Chirac va-t-il intervenir, va-t-il parler dans les prochaines heures? Il a annulé un déplacement au Havre pour demain. Est-ce pour préparer une intervention solennelle ?
R- Je ne le sais pas, je n'ai pas d'information sur ce point, donc je ne peux pas vous répondre. Par contre, ce que je peux vous dire, pour revenir au débat que nous avions à l'instant, c'est que lorsque vous évoquez la question de savoir s'il y a contestation ou pas contestation, désaveu ou pas désaveu, je veux dire que dans le même temps, comme les sondages sont abondamment commentés lorsqu'ils montrent un désaccord, il en est un qui est sorti il y a deux jours, et qui dit que 54 % des Français se prononcent pour le maintien, avec des aménagements, du CPE. Cela prouve qu'il y a, dans ce pays, un vrai débat de fond sur ce qu'est la précarité aujourd'hui, la manière d'en sortir.
Q- Il y a les sondages. Vous avez quand même vu ces foules dans les rues françaises hier...
R- Oui, c'est un élément...
Q- ... Pour J. Chirac, vous n'êtes donc au courant de rien, pas d'intervention prévue dans l'immédiat.
R- Je n'ai pas d'information sur ce point...
Q- Et il y a un ministre au sein du Gouvernement, votre collègue N. Sarkozy, qui a fait la leçon à D. de Villepin, puisqu'il a critiqué la méthode de M. de Villepin, lundi soir à Douai. Il dit que maintenant, "il faut un compromis, le Gouvernement doit bouger". Etes-vous choqué par cette attitude de N. Sarkozy, parce que là, il n'y a plus de solidarité gouvernementale ?
R- Les choses ne sont pas si simples. C'est vrai que sur ce point, il y a un débat et c'est d'ailleurs tout à fait normal, compte tenu que les sujets sont difficiles et que sur tous ces points, les uns et les autres, nous évoquons des pistes, parce que l'objectif est de revenir naturellement à l'apaisement. Ce que chacun doit comprendre, c'est qu'il y a derrière cela un rendez-vous avec l'avenir de notre pays. Je suis désolé de devoir le dire, parce que parfois, on nous demande si le CPE est si important que cela, est-ce que finalement, cela ne réglerait pas tous les problèmes de...
Q- Ce n'est pas la question que je vous ai posée : êtes-vous choqué par l'attitude de N. Sarkozy, qui critique ouvertement les méthodes de D. de Villepin ? Je rappelle ce qu'il a dit, lundi soir à Douai : "Pas de textes gouvernementaux sur les questions sociales qui n'aient fait l'objet préalablement d'une concertation". Il n'y a pas eu de concertation avant le CPE...
R- Je me permets de vous rappeler qu'il y en a eu une avant le CNE, et que le CPE est le prolongement du CNE, avec des garanties supplémentaires pour les jeunes. Le CNE avait donné lieu à concertation. Il est vrai qu'à l'époque, les syndicats avaient plutôt marqué un désaccord par rapport au CNE, il reposait un peu sur les mêmes méthodes...
Q- Donc il est normal que N. Sarkozy critique D. de Villepin ?
R- Mais le CNE, en six mois : 400.000 contrats signés. Quant au débat, la seule chose que je peux vous dire là-dessus, c'est qu'il y a débat certes, mais il y a aussi - et il l'a rappelé lui-même - la solidarité gouvernementale. Et au-delà de ça...
Q- Mais il n'y en a plus !
R- Il n'y en a plus ? Si ! La meilleure preuve, c'est que lui-même l'a réaffirmé. Et surtout, qu'il y ait des débats sur des sujets aussi difficiles, on le comprend. En même temps, il y a aussi un cap. Ce cap a été fixé par le Premier ministre, sur une base simple : la loi a été votée par le Parlement. On ne peut pas, parce qu'il y a des manifestations ou des désaccords, dire que maintenant qu'elle a été votée et qu'il y a des manifestations, on la retire. En revanche, on l'a redit en toute circonstance, et ce n'est pas un désaccord ni au sein du Gouvernement ni au sein de la majorité : s'il y a la possibilité de l'aménager ? Oui, il y en a, et naturellement, travaillons-y ensemble, dans le cadre de la loi et donc des institutions de la République. Car sinon, cela veut dire que l'on ne fait plus de réforme, cela veut dire que l'on ne bouge plus, cela veut dire que l'on attendra de savoir quelle est la part des manifestations pour voir si on continue de réformer ou de moderniser le pays ou pas. Et je crois que ce qu'il y a derrière ça, c'est qu'il faudrait pouvoir - et c'est notre travail, encore aujourd'hui - parler à chacun de ceux qui s'inquiètent, en leur disant que la réponse que nous apportons à leur angoisse de la précarité, c'est un des éléments avec le CPE et il y en a d'autres.
Q- J.-M. Ayrault, le président du groupe socialiste à l'Assemblée, demandait hier la démission de N. Sarkozy, qui a critiqué ouvertement son patron, D. de Villepin... Quelle est votre réaction ?
R- Pour tout vous dire, la semaine d'avant, il avait demandé la mienne, de démission ! Donc je suis quand même obligé de dire qu'on ne peut pas réduire le discours politique de l'opposition simplement à demander la démission des ministres successifs. Ou alors, cela veut dire que cela pose une question beaucoup plus profonde, qui est finalement de se dire quelle est en ce moment le travail que fait la gauche, et singulièrement le Parti socialiste ? Est-ce uniquement d'être du côté de la contestation ou est-ce de proposer autre chose ? Je n'ai pas vu de politique alternative du côté gauche. Et pour aller même plus loin, le débat de fond n'est même pas d'être entre la gauche ou la droite, car en réalité, tout cela, à certains égards, est un peu dépassé. Ce qui nous importe c'est si l'on reste les bras croisés ou si l'on se bouge. Si vous permettez, je vois bien que vous voulez absolument aller très vite là-dessus, mais ce sont des sujets considérables. Allons jusqu'au bout des choses. Où le chômage a-t-il baissé en Europe ? Là où l'on a introduit des systèmes plus souples dans les conditions d'embauche pour les employeurs, et mieux protégé les salariés.
Q- Avez-vous été en contact avec M. de Villepin ces dernières heures ?
R- Oui, bien sûr...
Q- Est-il prêt à démissionner, si J. Chirac suspendait le CPE, suspendait la promulgation de la loi ?
R- C'est une drôle de question. Pour être tout à fait honnête avec vous, je n'ai pas du tout évoqué cette question-là avec lui, je ne l'ai pas non plus entendu l'évoquer.
Q- Donc pour l'instant, il reste à son poste, il n'a pas mis son poste dans la balance, si le texte est suspendu pendant un temps, voire retiré...
R- D'abord, à ma connaissance, ce point de la suspension n'a pas été évoqué. Et d'autre part, et c'est surtout ça que je veux vous dire, c'est qu'en réalité, ce qu'il y a derrière tout cela - c'est un rappel sain -, c'est une loi qui a été votée par le Parlement. Aujourd'hui, l'objectif est d'en montrer l'efficacité. Et c'est ce qui compte.
Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 31 mars 2006