Interview de M. Hervé Morin, président du groupe parlementaire UDF à l'Assemblée nationale, dans "Paris Match" du 6 avril 2006 sur la promulgation et le retrait de la loi sur le contrat première embauche et sur la candidature de François Bayrou à l'élection présidentielle de 2007.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Paris Match

Texte intégral

Q - Vous qui êtes président du groupe UDF à l'Assemblée et très proche de François Bayrou, croyez-vous que les deux propositions de loi qui seront élaborées pour régler le problème du CPE permettront au gouvernement de trouver une issue à la crise ?
R - Si le Président de la République et le Premier Ministre avaient voulu sortir au plus vite de la crise, on aurait évité ce tour de passe-passe qui consiste à promulguer une loi, c'est-à- dire la rendre immédiatement applicable, tout en indiquant qu'elle ne doit surtout pas s'appliquer et qu'on va la modifier ! Jamais on aura mal mené à ce point la constitution et l'Etat de droit. On s'assoit sur les principes constitutionnels les plus élémentaires pour permettre à Dominique de Villepin de rester dans la course à la Présidentielle. Derrière toute cette manoeuvre, il n'y a en fait qu'une seule préoccupation du clan Chirac : empêcher Nicolas Sarkozy d'être le candidat de l'UMP. La résolution de la crise du CPE a été prise en otage par la guerre de succession entre Sarkozy et Villepin.
Q - Estimez-vous que Villepin peut encore demeurer à Matignon ou devrait-il démissionner ?
R - La question du maintien du Premier Ministre est dorénavant accessoire. Si l'on était dans la logique voulue par le Général de Gaulle où le Président de la République est responsable devant le peuple lors des grands rendez-vous qu'il fixe avec lui - soit au moment des élections législatives ou au moment d'un référendum - c'est Jacques Chirac qui aurait dû démissionner au lendemain du référendum raté sur la Constitution européenne. Dans l'esprit de la Vème République, le Président de la République concentre tous les pouvoirs parce qu'il les détient directement des Français et il tire les conséquences en démissionnant lorsqu'ils le désavouent. Nous avons besoin désormais d'un grand débat devant les Français lors de l'élection présidentielle afin que soit clairement fixée une nouvelle pratique du pouvoir fondée sur l'exemplarité et la responsabilité du pouvoir et l'efficacité de l'action politique.
Q - La Crise du CPE a fait monter d'un cran l'opposition de l'UDF face à la majorité. Jusqu'où irez-vous ?
R - Dois-je rappeler qu'avant même toute manifestation dans la rue, l'UDF s'est opposée au CPE en expliquant d'une part, qu'on ne stigmatisait pas les jeunes par un contrat particulier, d'autre part que la période de deux ans était trop longue - nous avions proposé six mois - et qu'il fallait motiver la décision de licenciement - on ne peut pas virer quelqu'un sans lui donner les raisons. Enfin, nous avions indiqué qu'il fallait cesser de multiplier les contrats de travail à l'infini, ce qui empêche les chefs d'entreprise de s'y retrouver. On a besoin de simplicité et de stabilité juridique.
A aucun moment l'UMP ne nous a écoutés. On en voit le résultat ...
Q - Comment Bayrou peut-il capitalise cette grave crise politique pour réussir à être élu président de la République en 2007 ? Ne manquez-vous pas de relais dans l'opinion ?
R - Face aux « mastodontes » que représentent l'UMP et le PS et tous leurs relais médiatiques, la tâche n'est pas facile. Depuis trente ans ces deux partis se sont succédés au pouvoir sans régler les grands sujets qui handicapent la France.
Tout donne le sentiment d'une fin de régime ou d'une fin de règne. Nos compatriotes rechercheront un comportement politique nouveau fait de courage, de volonté et d'humilité dans l'exercice de la politique. Ce sont des qualités que François Bayrou incarne et que l'UDF doit incarner.
Q - Si 2007 était un échec pour François Bayrou, l'UDF pourrait-elle être tentée de devenir un « parti charnière » pour s'allier à un gouvernement socialiste ?
R - Tout ce que nous essayons de construire est le contraire de tout cela. L'UDF a presque toujours été le strapontin du RPR. Ce n'est pas pour devenir le marche pied du parti socialiste. Comme les israéliens et les allemands viennent de le faire, nous voulons apparaître comme une alternance en tant que telle, à la gauche et à la droite, en rassemblant toutes celles et tous ceux qui veulent sortir la France du déclin. Car en réalité, on fait tout pour diviser les Français qui, pourtant dans leur immense majorité, veulent à la fois l'économie de marché et la liberté d'entreprise, mais aussi la justice.
Propos recueillis par Laurence Masurel source http://www.udf.org, le 7 avril 2006