Interview de M. François Bayrou, président de l'UDF, à RTL le 12 mars 2001, sur les résultats du premier tour des élections municipales, notamment à Paris et à Lyon.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

O. Mazerolle Avec vous, on a envie de parler de Lyon, parce que le candidat de la droite était un candidat UDF, M. Mercier. Il se retire.
- "Il se retire parce qu'il donne l'exemple. C'est un garçon qui arrive en tête à Lyon, ses listes ont devancé celles de C. Millon, mais il a été devancé de quelques voix dans son propre arrondissement où il avait contre lui, il faut le rappeler, la députée UDF de cet arrondissement. C'était donc un combat difficile. Il a été devancé de très peu, de quelques voix. Il donne l'exemple : il se retire. Et si tout le monde fait cela, à Paris et à Lyon, si tous ceux qui sont arrivés second se retirent et ne restent en liste que ceux qui sont arrivés premier, alors Lyon sera sauvée - en tout cas Lyon restera à l'opposition - et à Paris, les choses peuvent prendre une tournure différente."
Comme C. Millon lui-même a été devancé dans l'arrondissement où il se présentait par le candidat monsieur Dubernard, RPR, il devrait se retirer ?
- "Imaginez le signe que donnerait à toute la France, à l'opposition - qui constate aujourd'hui en réalité qu'elle l'emporte, qu'elle n'a pas été emportée par une vague rose mais qu'au contraire, elle a fait subir sa pression à la gauche et à la gauche gouvernementale en particulier - le fait que M. Mercier et C. Millon, ensemble, disent : "Nous avons été devancés chacun dans notre arrondissement. Pour permettre à notre camp de l'emporter et aux passions de s'atténuer et de disparaître, pour permettre à une nouvelle page de s'ouvrir, nous nous retirons tous les deux." Il y aurait là quelque chose qui permettrait l'espoir et la victoire et qui serait un signe de désintéressement profond, juste."
Dans les deux cas, que ce soit Lyon ou Paris, le mot "fusion" ne vous paraît pas approprié ?
- "Ce que les responsables de la gauche espèrent, à chaque instant, à s'en user les genoux à force de faire des prières, c'est que ceux qui se sont affrontés pendant des semaines et des mois, disent "Embrassons-nous", et se mettent ensemble. Si c'est le cas, je crains que beaucoup de déçus ne se détournent de ces listes. Comme P. Séguin l'a dit à Paris, et comme M. Mercier le pratique à Lyon, il me semble que le désistement républicain, le retrait républicain, est la seule ligne de conduite qui permette de l'emporter. C'est le plus raisonnable et le plus juste."
C'est tout de même une situation qui, finalement, aboutira à une forme de fusion, car au moment où les conseils municipaux se réuniront pour élire le maire, les représentants de ces différentes listes voteront dans le même sens.
-"Il y aura deux groupes et chacun recherchera naturellement le plus juste équilibre. Il ne faut pas que Lyon ou Paris dissimulent la forêt de ce qui s'est passé hier en France. On en est au point où la gauche a subi un revers très important, la gauche gouvernementale en particulier. Quand vous songez que tous les ministres du Gouvernement se trouvent battus sévèrement, de Madame Guigou à Madame Voynet en passant par Monsieur Gayssot ..."
Madame Guigou n'est pas encore battue. Il s'est fallu d'un cheveu
- "Madame Roig fait 49,9 % ! J. Lang, à Blois, est mis en ballottage par un très jeune UDF et va, je crois, être battu. Quand vous pensez que madame Trautmann à Strasbourg se trouve devancée par F. Keller, quand vous pensez à Rouen... Bref, la gauche a subi, hier, un revers très important. Il reste à savoir si l'on veut que ce revers se transforme dimanche prochain en victoire de l'opposition, ce qui serait légitime et juste. Pour obtenir la victoire, la route la plus sûre - la seule sûre - est le retrait réciproque et républicain."
Vous venez de mettre l'accent sur les difficultés de la gauche. Considérez-vous que L. Jospin a subi une défaite personnelle à travers ses ministres ?
- "Le moins que l'on puisse dire en tout cas, c'est que l'effet Jospin n'a pas joué. Le moins que l'on puisse dire, c'est que tout ce qu'on nous racontait - les voyages en province pour soutenir les candidats... - n'a pas été profitable. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que la France, hier, n'a pas choisi de s'engager avec enthousiasme, dans l'équipe Jospin."
Considérez-vous que J. Chirac a subi une défaire personnelle à Paris ?
- "Je ne parle pas de cela..."
Mais vous parlez bien de Jospin !
- "Je ne confonds pas les élections locales et les élections nationales..."
Mais vous parlez bien de Jospin !
- "Moins on fait de polémique interne dans un camp et mieux c'est. J'ai souvent affirmé des lignes qui étaient différentes ou complémentaires de celles de J. Chirac, mais je n'ai pas envie de polémiquer."
Considérez-vous que la défaite du candidat que vous aviez imposé à la droite, M. Mercier, est une défaire personnelle ?
- "J'aurais préféré qu'il l'emporte. Cet homme mérite un coup de chapeau."
Mais pour vous, F. Bayrou, président de l'UDF ?
- "J'ai soutenu un homme qui valait la peine de l'être et qui est arrivé en tête à Lyon. C'est un homme estimable, honorable, et qui a eu hier une attitude noble et juste."
Quels enseignements tirez-vous pour la suite ? Parce qu'on voit que lorsque la droite est unie, en effet, elle résiste bien, mais lorsqu'elle est désunie comme à Paris ou à Lyon, elle se fait balayer... Vous-même n'êtes pas en accord avec ceux qui veulent l'union ou la fusion des partis de droite. Tirez-vous un enseignement de ce qui s'est passé hier ?
- "Ce que je ne veux pas, c'est que la famille politique qui est au centre de la vie politique française disparaisse par absorption, parce qu'elle a sa place. On vient de le voir : les noms que j'ai cités sont des noms de jeunes responsables UDF et je veux y ajouter par exemple, J.-C. Lagarde qui a gagné Drancy hier au premier tour. C'est donc une famille politique forte, importante, qui a sa place sur l'échiquier politique national. Quant à savoir sur quelles bases, à partir de dimanche prochain, nous allons imaginer et préparer la reconstruction de l'opposition d'aujourd'hui, je vous le dirai lundi."
Jusqu'à présent, vous êtes apparu réticent par rapport aux grandes manoeuvres engagées. On parle de la "carte personnelle F. Bayrou."
- "Je n'ai jamais joué comme cela. Ce que je savais, c'est que si la seule stratégie qu'on nous proposait était de reprendre les mêmes et de recommencer, de faire en sorte qu'on transforme l'opposition en un club de soutien, cela ne marcherait pas. En revanche, on peut travailler pour savoir quelle sera l'architecture nouvelle de l'opposition demain. Pour cela, je suis prêt."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 13 mars 2001)