Déclaration de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur le rôle de la Défense et sur l'unité de la France, à Orléans le 8 mai 2006.

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Circonstance : Fête de Jeanne d'Arc, à Orléans le 8 mai 2006

Texte intégral


Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs,
C'est un grand honneur et une réelle fierté de présider pour la première fois ces fêtes de Jeanne d'Arc.
Je tiens à vous remercier Monsieur le Maire, cher Serge, pour ton accueil chaleureux et pour tes mots.
Je veux aussi exprimer mon admiration à tous les Orléanais pour cette impressionnante communion autour de « leur » Jeanne.
Figure emblématique de l'histoire de France, tour à tour glorifiée, oubliée, reniée, exploitée, redécouverte, Jeanne d'Arc est toujours restée présente au coeur d'une ville : Orléans.
Cette commémoration du 8 mai, les Orléanais l'organisent fièrement depuis des siècles.
Elle les unit chaque année dans une même ferveur et une même joie. Une ferveur et une joie que peuvent légitimement ressentir tous les Français.
Qui en effet, mieux que Jeanne d'Arc, sait rassembler les hommes et les femmes dans une même envie de partager, d'entraîner, de faire rayonner les valeurs de la France ?
Jeanne d'Arc, c'est la confluence et l'incarnation de trois traditions : populaire, militaire, religieuse.
Au-delà de la joie qu'elle apporte aujourd'hui à Orléans, Jeanne d'Arc symbolise pour tous le courage, la droiture, la confiance dans la France. Jeanne d'Arc, c'est l'esprit de la France qui refuse les injustices, qui se bat pour sa liberté, pour la liberté.
Ces principes pour lesquels Jeanne a pris les armes, les valeurs qui l'ont guidée vers la victoire, ce sont ceux des hommes et des femmes qui ont choisi le difficile métier des armes.
S'ils s'engagent aujourd'hui pour la République et non plus pour le Royaume de France, s'ils ont troqué la cuirasse pour le treillis, si les Mirages, les Rafales et les chars ont remplacé les destriers, nos militaires ont toujours en partage avec les dignes compagnons de Jeanne, le courage, l'abnégation, la soif de servir le pays et le drapeau.
Au service de la sécurité des Français, la Défense contribue puissamment au rang de la France.
Notre outil de défense, s'il assure en premier lieu la sécurité des Français contre les risques grandissants de notre époque, est aussi un élément essentiel de la souveraineté de notre pays, de son image dans le monde.
Parce que la Nation a conscience de ces enjeux, elle consent des moyens importants pour le redressement de notre défense.
C'est cet effort qui nous permet de jouer un rôle moteur pour la construction de l'Europe de demain, qui nous permet de conserver notre rang dans la gouvernance mondiale.
C'est cet effort qui permet aujourd'hui à la France de rester fidèle à ses principes comme à ses engagements internationaux.
Sur tous les continents, nos militaires sont engagés au quotidien pour contribuer à la stabilité mondiale, prévenir le risque terroriste, venir en aide aux populations victimes de catastrophes naturelles.
Que l'écusson qu'ils portent soit aux couleurs de la France, de l'Union européenne, de l'OTAN, des Nations Unies, nos soldats font preuve d'un professionnalisme et d'un savoir-faire reconnus et respectés.
Les peuples qui aspirent à davantage de liberté et de sécurité savent qu'ils peuvent compter sur leur courage, leur dévouement et leur comportement exemplaire.
Et ce n'est pas seulement dans les opérations extérieures que nos armées portent haut les valeurs qui sont les nôtres.
Au quotidien, nos militaires sont également porteurs des principes et des valeurs de notre République
Egalité des chances, intégration, promotion au mérite, solidarité : toutes ces valeurs qui fondent notre République sont intimement mêlées au métier militaire.
La force de nos armées, c'est de donner tout leur sens aux notions de justice et d'égalité. La promotion sociale y est réelle. Elle est basée sur le mérite. Chacun la doit à ses efforts et à son travail.
La force de l'institution militaire, c'est aussi celle d'une communauté, d'une famille, d'une solidarité entre les hommes et entre les générations.
La force de nos armes, c'est l'adhésion de tous, du militaire du rang au général, à un idéal commun : celui de servir le même drapeau, de porter haut la mémoire de ceux qui ont, dans le passé, versé leur sang pour notre patrie.
Dans une France qui, plus que jamais, a besoin que l'on réaffirme la valeur du pacte social, ces valeurs ne sont ni désuètes ni illusoires.
Elles méritent plus que jamais d'être défendues.
C'est en nous appuyant sur elles que nous pourrons sereinement aborder l'avenir.
La France doit dès aujourd'hui réunir les moyens de relever les défis de demain.
Le premier de ces défis, c'est de retrouver la confiance
La tendance à l'autodénigrement entretient trop souvent un climat de défaitisme, de lassitude, de renoncement.
A l'encontre de cette tendance, je veux convaincre que la France est une idée qui mérite d'être défendue. Les Français ont de multiples raisons d'être confiants en eux et en leur pays, des raisons d'être fiers de la France et d'être Français.
La France connaît certes des difficultés, liées à l'emploi, au logement, à la sécurité, aux équilibres financiers.
Mais, ne n'oublions pas, notre pays dispose aussi de nombreux atouts, qu'on perçoit parfois mieux de l'étranger : son indépendance énergétique, son agriculture dynamique, ses technologies de pointe, la grande qualification de ses hommes et de ses femmes.
Ne l'ignorons pas, le rôle de Jeanne d'Arc, a été autant psychologique que militaire, voire davantage.
La délivrance d'Orléans, ce n'est pas tant la victoire des armes que la victoire des esprits, de la confiance retrouvée, de la France qui redresse la tête et regarde l'avenir avec espoir et détermination.
Aujourd'hui comme hier, le salut, le succès, la victoire viendront si nous savons refuser le défaitisme et retrouver la fierté de ce que nous sommes.
La France n'est jamais si grande, jamais si forte que lorsqu'elle est unie dans une même volonté d'avancer.
L'unité de la France est la condition de la réussite de tous
Notre unité nationale s'est forgée à la faveur du temps, d'affrontements parfois, d'efforts collectifs toujours.
Il en résulte une unité qui respecte la diversité, sans pour autant exalter la différence : c'est là l'équilibre subtil qui est la marque de fabrique de la nation française.
Notre cohésion est aujourd'hui menacée par des manifestations identitaires, par la tentation du communautarisme.
Le communautarisme, c'est préférer le « vivre entre soi » au « vivre ensemble ».
Il est porteur potentiel d'agressivité et de violence. C'est le renoncement à créer l'envie d'un destin commun.
Céder à cette tendance, c'est aller à l'encontre de notre histoire, de nos valeurs, de notre sociologie.
Mais renforcer la cohésion nationale nécessite de renouer avec le principe éminemment républicain de l'égalité des chances.
Le sentiment d'appartenance à la nation ne peut se maintenir si certains pensent qu'ils sont exclus de la possibilité de progresser, de réussir.
Dans notre pays, dans notre quotidien, chacun a besoin d'être reconnu, d'exister aux yeux des autres et du groupe, de participer à la vie économique, sociale, politique du pays.
Il y a aujourd'hui, ne nous le cachons pas, une rupture entre le citoyen et la politique.
Il faut redonner de la force et du sens à l'engagement politique.
Le service de l'Etat, le service de la France, ne doit jamais et ne peut jamais être le prétexte d'une ambition personnelle ou carriériste.
Servir la France, comme le font nos soldats, la servir jusqu'au bout, avec les risques et les sacrifices que cela comporte, servir la France c'est la seule ambition qui vaille.
Servir la France, c'est promouvoir un Etat actif et impartial, au service de tous, et au dessus de tout, au service exclusif de la Nation
Servir la France, c'est servir ce qui dépasse chacun d'entre nous, chacune de nos petites individualités.
C'est servir ce qui est plus grand que chacun d'entre nous.
Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs,
La figure de Jeanne d'Arc a été la source de toutes les inspirations : hommes et femmes de lettres, artistes, réalisateurs.
Il y eut la Jeanne de Péguy, de Malraux, de Claudel, d'Otto Preminger, de Michel Ragon et de Jacques Rivette.
Il y eut celle de Verdi, de Tchaïkovski et de Mark Twain.
Il y a celle qui incarne un idéal dans lequel chacun peut se reconnaître.
Parce qu'elle a su fédérer par la force de ses convictions, Jeanne d'Arc a réalisé l'unité des Français.
En un mot, nous célébrons Jeanne parce que nous célébrons la patrie.
Elle est à l'origine d'une des étapes décisives de la construction de la France.
Elle appartient à tous les Français et toutes les Françaises.
Son image, c'est celle d'une France unie, confiante, entraînante. Celle de la France que nous voulons pour demain.Source http://www.defense.gouv.fr, le 10 mai 2006