Interview de M. François Loos, ministre délégué à l'industrie, à "RTL" le 18 avril 2006, sur la transaction menée avec l'entreprise japonaise Toyal pour son maintien en Vallée d'Aspe face à la grève de la faim du député Jean Lassalle et sur la hausse du prix du pétrole.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Jean-Michel Aphatie : Bonjour, François Loos.
François Loos : Bonjour.
Q- Il a fallu 39 jours au député U.D.F, Jean Lassalle, pour contraindre l'industriel japonais, qui était sur sa circonscription, à modifier ses plans. Qu'avez-vous pensé, vous, ministre de l'Industrie, de l'attitude et du moyen d'action de Jean Lassalle, c'est-à-dire, la grève de la faim ?
R- Ce n'est, évidemment pas, le moyen que je préconise. Et je pense que Jean Lassalle est un cas particulier. C'est un personnage, et il est comme cela. Par contre, l'entreprise, très rapidement, a tenu compte de la situation de Jean Lassalle et a modifié ses plans. Et, après la conclusion ne s'est faite qu'au moment où ils se sont, de nouveau, faits confiance.
Q- Parce que vous pensez que la confiance est encore là ? On entend, à l'inverse, des gens dire : "Cet industriel japonais a totalement perdu confiance dans la France".
R- Oui, mais il a une usine qui existe, et dans laquelle il a décidé d'investir pour la rendre le plus durable possible, la mettre à toutes les normes de sécurité nécessaires. Et c'était cette garantie là que Jean Lassalle voulait : ils ont décidé de le faire. Donc, ils sont mariés avec la vallée d'Aspe et avec Jean Lassalle.
Q- Donc, pour cet industriel là, il n'y aura pas de problème. D'autres industriels étrangers ont-ils regardé, à votre connaissance, cette affaire, en se disant : "Investir en France, c'est quand même, peut-être, un peu périlleux" ?
R- C'est vrai que, de temps en temps, on se demande si les images que nous projetons à l'extérieur ne nuisent pas à l'attractivité du pays, alors que l'on mène, en même temps, une campagne pour l'attractivité. Je pense que les décisions d'industriels pour s'implanter en France ne s'arrêtent pas à la première image.
Les gens réfléchissent et étudient davantage que les images que l'on projette. C'est certain que, dans le cas particulier, j'espère que les entreprises japonaises auront compris que Toyal a fait un grand effort. Mais, d'un autre côté, que Toyal avait, ici, une usine qui fonctionnait parfaitement bien dans un site, par ailleurs, remarquable.
Q- Donc, de votre point de vue, pour ce que vous pouvez en savoir, François Loos, il n'y a pas de dégâts auprès des industriels ?
R- J'essaie de positiver. Mais je pense que je suis dans la "positive attitude".
Q- C'est un peu artificiel.
R- C'est un peu artificiel. Je pense qu'il faudra que l'on travaille - comme on le fait chaque fois que des images négatives se présentent - il faut que les équipes qui s'occupent de l'attractivité de la France expliquent. Cela m'est arrivé souvent, à moi aussi. Cela arrive souvent à nos ambassadeurs. Cela arrive à beaucoup de Français à l'étranger d'expliquer aux industriels.
Ceci dit, en même temps, Toyota embauche. En même temps, des japonais participent à des pôles de compétitivité. Ceci dit, en même temps, des entreprises étrangères ont créé dans les 30.000 emplois, l'année dernière. Il n'y a pas de territoire orphelin, en France. Il y a des possibilités. Simplement, la méthode de Jean Lassalle, ce n'est vraiment pas celle que je recommande.
Q- François Bayrou écrivait ceci, dans le "Journal du Dimanche" : "Pendant ces 40 jours, Jean, tu a rallumé une petite flamme très ancienne qui tremble, qui brille, et qui dit qu'il n'y a pas de combat perdu". Au fond, François Bayrou dit, presque, à d'autres : "Voilà, Jean Lassalle vous a montré la voie". Qu'en pensez-vous, François Loos ?
R- Je pense que François Bayrou insiste sur le combat politique, et la prééminence du politique par rapport à la décision financière. C'est vrai que tout homme politique engagé - et j'en suis un - est convaincu qu'il y a une prééminence du politique. Ceci dit, il y a les faits et il y a la marge de manoeuvre que l'on a, à un moment donné.
En anticipant bien les problèmes - et c'est, en général, comme cela qu'il faut agir en matière industrielle, en matière économique - c'est en anticipant que l'on peut jouer sur les choses. Ce n'est pas en mettant des ultimatums et en attendant des réponses le lendemain. C'est sûr.
Q- On n'a pas bien compris, François Loos, qui avait résolu cette crise. On pensait que vous, vous vous en occupiez. On a compris que le Premier ministre s'en était mêlé. Et puis, finalement, on a vu Nicolas Sarkozy sortir avec un accord avec les patrons japonais. Alors, qui a résolu cette crise, d'après vous, François Loos ?
R- La solution, c'est Lassalle qui a signé, en dernier. Et donc, c'est l'accord entre Lassalle, Toyal, les collectivités locales. L'Etat a mis de l'huile pour que les choses se règlent, au moment où elles étaient mûres.
Q- Y avait-il un peu de concurrence, au sein de l'Etat ? C'est cela le sens de ma question.
R- Oui. Mais je pense que le moment était mûr, et les choses étaient à régler. L'entreprise avait rendez-vous avec Nicolas Sarkozy : cela tombait au bon moment.
Q- Pas de concurrence, alors ? Tout s'est passé entre gentlemen ?
R- Je pense que, ce qui compte, c'est la qualité du résultat.
Q- D'accord ! Donc, un voile pudique sur ce qui s'est passé. C'est cela ?
R- Non. Vous allez chercher de la politique, là où il y a, en fait, de l'humanité. Parce que Jean Lassalle était à un stade très avancé de sa grève de la faim et il fallait conclure. Donc, l'urgence faisait que tout le monde s'est mis sur le pont.
Q- Un autre dossier chaud vous attend, François Loos, c'est le pétrole qui n'en finit pas de monter. Hier soir, à New York, le baril de brut a battu un record : 70,40 dollars. Donc, les prix à la pompe vont continuer à augmenter, bien sûr ?
R- Et oui ! Il y a une répercussion sur les prix à la pompe. Aujourd'hui, cela a comme effet, d'ailleurs, que les gens roulent moins et consomment moins. Cela a comme effet - pas encore suffisant - parce que pour que les prix baissent, il faudrait qu'il y ait une élasticité de la demande. C'est-à-dire qu'il faudrait, au niveau mondial, que les consommations dans les transports diminuent parce que les prix ont monté.
Et c'est parce que cela n'arrive pas - et cela n'arrive pas assez vite - que ceux qui veulent faire monter les prix les font monter. Alors, il y a une dose de spéculation et il y a une dose de réalité, là encore, qui fait que l'offre et la demande sont à peu près égales, en ce moment, dans le monde. Et donc, le prix d'équilibre peut monter : il n'y a pas de prix d'équilibre, en fait.
Q- Mais vous, membre du gouvernement, êtes toujours confronté à la même demande. Pouvez-vous alléger la facture de ceux qui paient l'essence à la pompe, notamment en diminuant la collecte de taxes ?
R- Non. Nous avons décidé de donner des avantages à certaines professions. Et c'est une décision que nos partenaires européens ont également prise. Mais nous ne sommes pas en mesure de contrecarrer l'augmentation des prix qui est générale et qui, malheureusement, aujourd'hui, continue alors qu'elle avait déjà beaucoup augmenté l'année dernière.
Q- Donc, vous n'avez pas de bonnes nouvelles à annoncer aux auditeurs de RTL, ce mardi.
R- Je n'ai pas, sur le tarif de l'essence, malheureusement, de bonnes nouvelles, aujourd'hui. Et vous venez de montrer les origines de ces mauvaises nouvelles.
Q- C'est-à-dire, l'augmentation du brut. C'est ce que vous voulez dire ?
R- L'augmentation du brut, et tous les risques qui sont liés, aujourd'hui, à la production de pétrole.
Q- François Loos, ministre de l'industrie - sans bonnes nouvelles, hélas, ce matin - mais ce n'est pas une surprise !
R- J'en ai quand même ! Mais pas celles-là !
Vous étiez l'invité de RTL, ce matin. Bonne journée !

Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 19 avril 2006