Déclaration de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, sur le rôle du soutien logistique opérationnel des armées, à Chateauroux le 18 mai 2006.

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Circonstance : Exercice armée de terre "FATEXTEL-AETIUS", à Chateauroux (Indre) le 18 mai 2006

Texte intégral

L'exercice auquel nous assistons aujourd'hui est l'occasion de mettre en lumière ces hommes et ces femmes qui assurent le soutien logistique de nos forces.
Leur rôle est souvent méconnu à l'extérieur de la Défense. Il est pourtant capital.
Comment conduire une opération militaire sans distribution de vivres, sans maintenance des véhicules, sans approvisionnement en munitions, sans prise en charge des blessés ? Assurément, ce serait impossible.
L'évolution du contexte stratégique, les nouvelles menaces contre lesquelles doivent lutter nos forces, ont conduit à une véritable révolution dans la façon de concevoir et de réaliser nos engagements militaires, et donc nos capacités logistiques.
Les opérations sont aujourd'hui nombreuses, complexes, tant par la multiplicité des acteurs en jeu que des situations de combat.
Souvent éloignées de notre territoire national, imprévisibles, elles demandent des réactions immédiates.
Que ce soit pour entrer en premier sur un théâtre d'opération, ou pour « durer » sur le terrain, les armées françaises sont amenées à anticiper les moyens qui composeront la force, mais également préparer leur projection, leur arrivée, la vie des personnels engagés sur le théâtre, puis déployer un dispositif incluant toutes les ressources nécessaires à l'accomplissement de la mission.
Dans ce contexte, l'importance des logisticiens est confirmée chaque jour (1).
Les engagements toujours plus interarmées, multinationaux, européens, exigent qu'ils adaptent en permanence leurs modes d'actions (2).
Le soutien logistique opérationnel prouve quotidiennement qu'il est un élément incontournable de l'engagement des forces françaises.
Vous qui remplissez, sur le territoire national et en opérations extérieures, la mission de soutien de nos armées, vous avez, au même titre que vos camarades engagés en première ligne, choisi de servir la France.
Votre responsabilité dans la réussite des engagements de la France est tout aussi grande.
Vous faites preuve du même professionnalisme, de la même détermination, du même courage.
Je constate en opérations que le soutien que vous assurez est de très bonne qualité et qu'il donne satisfaction à l'ensemble des commandants de forces.
Votre réactivité, votre efficacité dans les domaines les plus variés, permettent à la France d'être en première ligne lorsqu'il s'agit de protéger nos ressortissants, de stabiliser une région en crise, de mobiliser nos forces pour lutter contre le terrorisme.
Ces qualités permettent également d'intervenir en urgence pour faire face à des situations de catastrophe naturelle ou technologique.
Au cours des années et des multiples engagements, vous avez acquis une expertise et un savoir-faire reconnus, tant en interarmées que par nos alliés.
Ce succès doit vous inciter à poursuivre les efforts. Notre dispositif de soutien doit en effet, comme l'ensemble de notre outil de défense, s'adapter en permanence à l'environnement dans lequel évoluent nos forces armées.
Le soutien doit évoluer au rythme des mutations que connaissent l'organisation et l'emploi de nos forces.
En une dizaine d'années, la Défense a connu de nombreux bouleversements. Probablement plus qu'aucune autre institution, elle a prouvé qu'elle savait aborder avec détermination les réformes : professionnalisation des armées, nouveau statut général des militaires, nouvelles attributions du CEMA, passage à la LOLF...
La fonction soutien a participé à ces évolutions.
Que ce soit en termes d'ouverture interarmées ou internationale, de sous-traitance, elle doit continuer à s'adapter en parallèle à l'évolution profonde du contexte d'emploi de nos forces.
J'attends du commandement de la force logistique terrestre qu'il soit, avec l'ensemble de la communauté logistique des armées françaises, une force de proposition innovante pour l'évolution du soutien.
Le soutien doit évoluer vers une dimension toujours plus interarmées et internationale
- plus interarmées :
La manoeuvre de l'engagement est unique, le soutien logistique est également unique : la logistique doit donc être conduite en parfaite synergie interarmées.
Un effort est nécessaire pour rendre interopérables les systèmes d'information et de communication logistiques des différentes armées, comme le système d'information logistique central (SILCENT), développé et mis en oeuvre par le CFLT pour la maîtrise des flux.
Cela est tout particulièrement important dans le cadre de la numérisation croissante de l'espace de bataille.
- plus internationale :
Les opérations des vingt dernières années ont été, pour une large part, réalisées dans un cadre multinational avec l'ONU, l'OTAN ou l'Union Européenne.
Cette coopération multinationale doit être intégrée le plus en amont possible, tout en conservant une approche pragmatique.
En effet, la logistique demeure pour l'essentiel - et encore plus pour la maintenance des matériels - une responsabilité nationale.
Toutefois, la mutualisation des moyens dans quelques domaines ciblés du soutien santé et du transport peut être envisagée.
Là encore, l'expertise du soutien français et de la Force logistique terrestre est largement reconnue et recherchée.
Les nations prenant part aux opérations multinationales, et particulièrement les petits contributeurs, recherchent de plus en plus souvent la possibilité de nous confier leur soutien.
Je vois dans cette démarche un gage de notre savoir-faire. J'y vois aussi un vecteur de puissance au sein des coalitions, et dans la construction de la défense européenne, qu'il faut prendre en compte.
La formation doit elle aussi s'adapter en permanence aux nouvelles formes d'engagements
La formation de tous les officiers doit intégrer, tout au long de leur cursus, la cohérence globale du soutien au profit des forces.
La formation des professionnels du soutien, elle, gagne en cohérence et en continuité, même si chaque domaine continue à bénéficier de modules spécialisés qui lui sont propres.
Cette démarche est engagée, grâce au regroupement dans votre école de la logistique à Tours, « creuset » de la formation, de tous ceux qui participent comme généralistes ou comme spécialistes au soutien de l'engagement.
La formation doit également tirer des leçons de l'expérience de terrain.
De toute évidence, nos forces ont besoin de combattants-logisticiens aguerris, prêts, au même titre que les autres, à faire face techniquement et tactiquement à toutes les situations.
Les vulnérabilités des acteurs logistiques (c'est une base logistique et des convois qui furent agressés en Côte d'Ivoire en novembre 2004) nous incitent aussi à réfléchir au durcissement des équipements et à la protection de nos soldats.
Cette insécurité oblige enfin à analyser finement, sans l'exclure, le recours à l'externalisation sur les théâtres d'opération.
Le recours à un contractant unique et institutionnalisé, comme l'économat des armées, est une solution à développer, efficace et pragmatique.
Le soutien logistique est et restera un facteur d'efficacité de l'engagement de nos forces armées.
Il est un indicateur de modernité : modernité des moyens stratégiques et tactiques, des systèmes d'information et de communication, mais aussi modernité des méthodes et des esprits.
Une armée moderne se doit de posséder une réelle culture logistique.
Le soutien logistique est enfin un facteur de puissance.
Grâce à vous qui assurez une logistique opérationnelle performante pour nos armées, la France peut s'engager en premier sur un théâtre d'opération, et surtout être à la tête d'une coalition.
Grâce à vous, la France peut assumer une opération d'envergure dans la durée, et peser dans les affaires du monde.Source http://www.defense.gouv.fr, le 22 mai 2006