Interview de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, à France Info le 31 mai 2006, sur la journée sans tabac et l'interdiction de fumer dans les lieux publics.

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Média : France Info

Texte intégral

Q- Vous êtes ministre de la santé. Etes-vous fumeur ?
R- Non, je ne suis pas fumeur. Je l'ai été occasionnellement, mais je ne suis plus fumeur.

Q- On va évidemment parler de cette Journée sans tabac, mais d'abord peut-être un petit mot sur le dossier médical personnel. On nous le promet pour juillet 2007.
R- Et vous l'aurez en juillet 2007.
C'est une certitude ?
Bien sûr.
Eh bien, écoutez, c'est une bonne nouvelle.

[Deuxième Partie]
Q- Cela commence à faire partie des serpents de mer de la vie politique française : l'interdiction de fumer dans les lieux publics. On la présente, on la retire. Où est-ce qu'on en est exactement ?
R- On avance, avec aujourd'hui, qui est la Journée mondiale sans tabac, le lancement d'une consultation très large, à la fois sur Internet, avec un site Internet qui est forum.gouv.fr, sur lequel on peut s'exprimer à partir d'aujourd'hui, et puis aussi la possibilité, pour les Français qui le souhaitent, de s'engager dans ce débat en donnant leur point de vue, avec un débat très ouvert, en écrivant au Gouvernement, au ministère de la Santé, sur Forum Public Tabac, ministère de la Santé, 14 avenue Duquesne, 75007 Paris. Pourquoi ? Parce que, vous l'avez dit tout à l'heure, cela fait longtemps que l'on en parle. Il faut savoir que la France, en 1991, avec le dispositif de la loi Evin, avait été en avance, qu'en 2002, le président de la République a souhaité que l'on prenne de nouvelles initiatives, avec, notamment, l'augmentation importante du prix du tabac, ce qui nous a permis en trois ans d'avoir un 1,4 million de fumeurs en moins. Mais aujourd'hui, nous avons besoin non seulement de faire reculer le tabagisme - le tabagisme, c'est 66.000 décès par an - et surtout le tabagisme passif. Je voudrais que l'on s'attarde un moment sur la question du tabagisme passif. Chaque année, 5.000 personnes meurent du tabac et pourtant, ces personnes ne fument pas. Ce sont des personnes qui peuvent être intoxiquées par le tabac dans des lieux publics mais aussi à domicile. Ne nous voilons pas la face : quelqu'un qui vit à côté d'un fumeur pendant des années est victime du tabagisme passif. Donc aujourd'hui, ce qui m'intéresse, c'est que dans ce débat, on puisse répondre à la question qui repose sur trois aspects. Le premier, c'est comment peut-on mettre fin à la coexistence forcée, fumeurs/non fumeurs dans les lieux publics. Le deuxième aspect, c'est comment peut-on et doit-on protéger les salariés et le troisième sujet, qui est important, qui n'a jamais été traité dans aucun pays européen : comment peut-on aujourd'hui aider de façon inventive, intelligente les fumeurs à s'arrêter de fumer, sachant que 60 % des fumeurs auraient envie de s'arrêter.

Q- Finalement, vous nous donnez des tas d'arguments pour nous expliquer qu'il faut interdire le tabac dans les lieux publics. Autrefois, on disait que pour enterrer un dossier, on créait une commission. Aujourd'hui, on crée un site Internet...
R- Non, on ne crée pas un site Internet pour enterrer le dossier. La preuve, c'est que par rapport à tout ce qui a été dit, non seulement les choses avancent, les esprits évoluent. Là, si on ouvre cette consultation, c'est aussi pour aller dans le détail.

Q- Elle va durer comment de temps cette consultation ?
R- Avant la fin de l'été, cette consultation sera terminée, parce qu'on aura eu à la fois beaucoup de contributions. Je suis persuadé que ce débat va intéresser.

Q- Cela veut dire que vous ne prenez une décision qu'en septembre ?
R- Attendez, il y a aussi un autre aspect, ne l'oublions pas : une mission parlementaire a été créée avec C. Evin en tant que président de cette mission parlementaire, P. Morange en tant que rapporteur de cette mission. Ils ont, eux aussi, leur calendrier pour l'automne et les choses sont claires : le président de la République l'a dit le mois dernier : une décision sera prise avant la fin de l'année. Pas de serpent de mer, pas d'Arlésienne. Nous avançons de façon résolue sur ce dossier parce que l'enjeu de santé publique s'impose à tout le monde.

Q- Honnêtement, vous croyez qu'à six mois de la présidentielle, vous prendrez une décision aussi spectaculaire que celle de l'interdiction du tabac dans les lieux publics ?
R- Les choses ont été clairement dites : une décision sera prise avant la fin de l'année. Mais ce qui m'intéresse aujourd'hui, ce n'est pas seulement...

Q- Mais vous, personnellement, êtes-vous pour cette décision ?
R- Je suis ministre de la Santé, je suis soucieux de la santé publique des Français. Pour ce qui me concerne, bien évidemment, je souhaite que l'on aille vers une interdiction. Maintenant, une chose est certaine : vous avez différentes voies sur la table. Prenez notamment ce qui s'est passé dans les pays européens, on y est allé de différentes façons mais je crois aujourd'hui que les esprits ont évolué. Quand vous voyez aujourd'hui les représentants des débitants de tabac qui disent que ce n'est pas le principe d'une interdiction qui est en jeu, pour eux ce sont des modalités d'application. Quand vous avez monsieur Daguin - nous déjeunons ce midi dans un restaurant sans tabac - qui nous dit aussi que ce n'est plus le principe qui est en jeu, mais les conditions d'application, on s'aperçoit que les choses ont évolué et elles ont d'autant plus évolué que, souvenez-vous, à une certaine époque, on fumait dans les avions, dans les trains. Il fut même une époque où l'ont fumait dans les cinémas. Cela vous semble aujourd'hui inimaginable, ce qui montre bien que les esprits ont évolué et là où est la vertu du débat, c'est que cela permet aussi de faire évoluer les mentalités beaucoup plus vite.

Q- Parlons de la santé du Gouvernement, un an après l'arrivée de D. de Villepin à Matignon : comment ça va ?
R- Ca va. Non seulement nous sommes en bonne santé, mais aussi, nous avons des projets, que ce soit pour la santé dans mon département ministériel, on continue effectivement à travailler avec des dossiers et avec des projets.

Q- Mais comment vivez-vous ces critiques de la part de votre propre majorité, de vos parlementaires. Ce ne sont pas des inventions de journalistes, on les a encore entendues il y a moins d'une demi heure !
R- Ce que j'entends aussi régulièrement, que ce soit en semaine mais aussi le week-end, quand je suis chez moi dans ma ville, ce sont les questions des Français. Les questions des Français sont très précises, très concrètes : c'est pour le pouvoir d'achat, pour l'emploi, quels sont les résultats et pour la santé, quels sont les projets ? Est-il vrai que l'on va rembourser de nouveaux actes ? Et l'éducation des enfants, parlons-en ! Voilà les sujets qui passionnent les Français.

Q- Les questions, c'est aussi l'amnistie de G. Drut...
R- Non, les principales questions, je suis désolé, sont sur le pouvoir...

Q- Vous ne voulez pas en parler ?
R- Ce n'est pas que je ne veuille pas en parler, il n'y a aucun sujet tabou dans l'action publique et dans l'action politique. Mais je peux vous assurer - venez avec moi ! - que les questions qui me sont posées sont celles-ci. Par exemple, on veut lancer une campagne sur les fruits et légumes, notamment, parce que c'est bon pour la nutrition, mais on me dit "Oui, mais c'est aussi la question du prix des fruits et légumes qui est posée, monsieur le ministre". Voilà les questions concrètes qui intéressent les Français et qui me passionnent.

Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 6 juin 2006