Déclaration de Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie, sur la politique française de coopération militaire et de défense en Afrique, à Paris le 7 juin 2006.

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Intervenant(s) : 
  • Brigitte Girardin - Ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie

Circonstance : Ouverture du 7ème Forum de l'Institut des hautes études de défense nationale sur le conntinent africain, à Paris le 7 juin 2006

Texte intégral

Messieurs les Ambassadeurs,
Messieurs les Officiers généraux,
Mesdames et Messieurs les Auditeurs,

C'est un réel plaisir pour moi d'inaugurer ce 7ème Forum international sur le Continent africain, organisé par l'Institut des hautes Etudes de la Défense nationale.
Cette année, le thème retenu -
"Sécurité et défense en Afrique : des institutions à la formation des hommes" - vous invite à vous pencher sur le facteur humain dans les enjeux de coopération et de défense.
A l'évidence, ce choix revêt une acuité et une pertinence toute particulière - et pas seulement en matière de défense -, au moment où le formidable potentiel que représentent les jeunes sur le continent africain commence à être mieux pris en compte : éduquer, former, donner un emploi, c'est apporter une réponse à un défi social considérable, c'est transformer l'enjeu d'aujourd'hui en atout pour demain. Si nos réponses ne sont pas à la mesure de ces enjeux, nous allons au devant de nouvelles tensions. Il n'est pour s'en convaincre que de relever la pression migratoire toujours plus forte qui s'exerce vis-à-vis de l'Europe, et qu'alimente la volonté de fuir la pauvreté : les images terribles de tous ces clandestins africains qui s'échouent chaque jour plus nombreux sur les côtes des Canaries sont là pour nous rappeler qu'il s'agit déjà d'un enjeu de sécurité globale, qui implique Européens et Africains dans la recherche commune de solutions équitables, et mutuellement profitables.
A n'en pas douter, la formation est donc bien au coeur des actions de coopération à mener en Afrique. Pour sa part, la France y contribue activement, et notamment dans le domaine de la sécurité et de la défense qui vous réunit plus spécifiquement aujourd'hui à Paris : former les officiers, former les hommes, constituent un élément central de notre action. Il ne s'agit pas simplement de fournir des matériels, de construire des infrastructures au service de la paix ; il s'agit de poser les bases d'un partenariat et d'une appropriation durables.
A cet égard, je souhaite évoquer devant vous ce matin les principales orientations de la politique française de coopération militaire et de défense.
Tout d'abord, je veux indiquer très clairement que si nos actions de coopération bilatérale demeurent, la France entend privilégier le cadre régional pour ses interventions, dans une logique de cohérence et d'efficacité :
Bien entendu, la France continue à mener des projets de coopération bilatérale en matière de sécurité et de défense, notamment avec les pays africains auxquels nous sommes liés par des accords à contenu militaire. Globalement, les principales dominantes de cette coopération bilatérale sont l'audit, le conseil, le renforcement de l'Etat de droit, l'aide en matériel, et la formation. Le facteur humain est donc bien pris en compte à ce titre.
Mais parce que la gestion et donc la résolution des crises africaines revêt de plus en plus une dimension régionale, nous souhaitons accentuer notre coopération en matière de formation militaire en renforçant l'outil original que constitue le réseau des Ecoles nationales à Vocation régionale. Créé en 1997, ce réseau regroupe à ce jour 14 écoles, dans 8 pays africains : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Gabon, Mali, Niger, Sénégal et Togo.
Ces écoles dispensent un large éventail de formations militaires individuelles, y compris les plus spécialisées comme le déminage humanitaire, les techniques d'enquête de police judiciaire, ou encore le perfectionnement au maintien de l'ordre. Elles accueillent des stagiaires en provenance de l'ensemble du continent : en 2005, ce sont ainsi 1.300 stagiaires africains qui ont été formés dans ce cadre, en bénéficiant du soutien de 38 coopérants militaires français.
Ces écoles constituent, je crois, des outils appréciés, à l'image de l'Ecole de maintien de la paix de Bamako, qui incarne le mieux aujourd'hui notre aspiration au partenariat le plus large possible, avec des contributions à son fonctionnement apportées par les Pays-Bas, le Canada, la Suisse, le Royaume-Uni, le Danemark, l'Allemagne, les Etats-Unis, l'Argentine, la Suède et le Brésil. A titre d'exemple, deux unités d'observateurs du cessez-le-feu y ont été formées, avant d'être déployées au Darfour.
A terme, ce réseau pourrait voir son rôle s'affirmer encore et former la base d'un système régional cohérent de pôles d'excellence. La formation dispensée pourrait également être utilement élargie à la question du retour du soldat à la vie civile dans le contexte des sorties de crise, afin d'améliorer les perspectives de réinsertion professionnelle. La France, à travers son expérience du service militaire adapté, dispose à cet égard de pistes d'action et de réflexion, qu'il pourrait être fructueux d'explorer ensemble.
La France intervient également dans le cadre du programme RECAMP de Renforcement des Capacités Africaines de Maintien de la Paix.
Je ne vais pas vous donner le détail du programme RECAMP, que vous connaissez sans doute et surtout sur lequel vous aurez l'occasion de revenir plus en détail au cours de votre session.
Je tiens simplement à souligner qu'il s'agit d'un concept qui évolue en permanence, non seulement pour accroître sa dimension politique par une meilleure intégration de l'Union africaine, mais encore pour mieux prendre en compte la dimension civile des crises.
Par ailleurs, et au-delà du domaine strictement militaire, il nous importe de développer nos actions de coopération en matière de sécurité intérieure. Chacun sait en effet l'importance que revêt la maîtrise des techniques de maintien de l'ordre public dans le contexte des sorties de crise, ou encore en terme de prévention des conflits armés.
Notre coopération technique de police est donc mise en oeuvre par un réseau d'une soixantaine de délégations placées sous l'autorité de nos ambassadeurs, et couvrant près de 90 pays. En parallèle, la coopération de gendarmerie représente une soixantaine d'officiers et sous-officiers coopérants permanents, au sein d'une vingtaine de missions de coopération.
Pour l'essentiel, cette coopération vise à professionnaliser les personnels des pays bénéficiaires dans la lutte contre la criminalité, le maintien de l'ordre et la sécurité publique, la lutte contre les stupéfiants, et le trafic des êtres humains.
A titre d'exemple, la France participe au processus de transition en République démocratique du Congo, par la formation de quatre bataillons - soit plus de 2.000 hommes - de la Police d'intervention rapide.
Enfin, je ne voudrais pas terminer mon propos sans évoquer l'enseignement du français en milieu militaire, sujet auquel ma fonction de ministre en charge de la Francophonie me rend particulièrement sensible.
Nous avons en effet pour objectifs de favoriser des enseignements spécifiques dans le cadre multilatéral - RECAMP, ONU, OTAN, UE -, mais aussi de mettre en place des formations en France et à l'étranger. Cet enseignement a aussi pour vocation de faciliter l'accès aux Ecoles nationales à vocation régionale, aux écoles militaires françaises, et de permettre une meilleure intégration lors d'opérations de maintien de la paix. J'ai en tête l'exemple de la Côte d'Ivoire ou de la République démocratique du Congo, où la maîtrise du français par les soldats de l'ONUCI ou de la MONUC est une condition indispensable à leur bonne compréhension par la population locale.
Il n'est cependant pas question d'une francophonie exclusive. Nous avons à coeur de développer, en parallèle, des enseignements adaptés à des publics non francophones. Le contexte du partenariat avec les Etats participant au projet de l'École de Bamako ou autour des pôles d'excellence, me paraît particulièrement propice à une telle ouverture.
Pour conclure, je veux vous redire ma conviction de ce que la formation est au coeur des enjeux de sécurité, non seulement pour le maintien de la paix, mais aussi plus largement, pour oeuvrer à la prévention et à la gestion des crises. C'est pourquoi la coopération française en a fait l'une de ses priorités, au travers des différents instruments que je viens d'évoquer devant vous.
Bien entendu, le chantier est immense. C'est pourquoi je forme le voeu que vos travaux puissent contribuer à ouvrir de nouvelles pistes de réflexion et à tracer de nouvelles perspectives.
Je vous remercie.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 juin 2006.