Interview de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, à RTL le 21 mai 2006, sur l'affaire Clearstream, la popularité du premier ministre, le contrat première embauche, le contrat nouvelle embauche et la baisse du chômage.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

JEAN-MICHEL APHATIE - Bonsoir, bienvenue dans le grand studio de RTL pour ce " Grand jury ", diffusé simultanément sur RTL et sur LCI, et dont vous pourrez retrouver les meilleurs moments demain dans LE FIGARO. C'est votre " Grand jury ", Jean-Louis BORLOO, bonsoir.
JEAN-LOUIS BORLOO - Bonsoir.
JEAN-MICHEL APHATIE - Vous répondrez aux questions d'Anita HAUSSER, de LCI, et de Nicolas BEYTOUT, du FIGARO. La question qu'on se pose souvent, Jean-Louis BORLOO, c'est : comment vous faites pour travailler dans ce désordre que provoque l'affaire CLEARSTREAM ? Ça ne doit pas être facile tous les jours, hein ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Un mot sur l'affaire CLEARSTREAM...
JEAN-MICHEL APHATIE - Deux, peut-être ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Deux, si vous voulez...
NICOLAS BEYTOUT - Trois !
JEAN-LOUIS BORLOO - Ah, surenchère ! Non, simplement, de ce que j'en comprends, parce que je ne la connais pas, comme vous. Ce que j'en comprends, c'est que, bon, il y a une affaire, les hommes politiques français ne sont, ni de près ni de loin, concernés, sauf que quelqu'un a voulu les mouiller, hein, atteindre à l'honneur de certains. Bon, voilà. Alors maintenant, c'est traité de manière judiciaire, il faut attendre le temps judiciaire. Et ce n'est pas ça qui modifie fondamentalement le fonctionnement de ce gouvernement.
JEAN-MICHEL APHATIE - Mais on a l'impression que vous travaillez... que vous ne pouvez plus travailler sereinement. On a même l'impression que des arbitrages, des dossiers, des annonces faites n'ont pas de suite, GAZ DE FRANCE, enfin, on a l'impression d'une panne gouvernementale.
JEAN-LOUIS BORLOO - Non. Il ne faut pas mélanger vos impressions et la réalité. Bon. Le gouvernement continue à travailler, probablement à un rythme que l'opinion publique ne soupçonne pas. Si je prends la semaine dernière, il y a un texte de loi majeur qui a été voté. Demain on signe des conventions sur la rénovation urbaine, avec Catherine VAUTRIN - extrêmement important pour amplifier cet énorme travail. Thierry BRETON est en ce moment en Arabie Saoudite pour discuter du prix du pétrole. Enfin, je veux dire que le gouvernement continue à fonctionner, sur l'exclusion, sur le logement, sur la politique de l'emploi. Alors, que le matin... la vérité, que voulez-vous, vous dire qu'on ne regarde pas l'état du feuilleton, ça serait mentir ; que ça ne perturbe pas l'opinion publique, et même un peu l'ambiance entre le Parlement, parfois, voyez, cette espèce d'ambiance, ça serait mentir aussi. Mais très sincèrement, considérer que le Parlement ne continue pas à travailler, le gouvernement ne continue pas à travailler, et que les arbitrages ne continuent pas à être faits, c'est une erreur. On rentre d'ailleurs dans la période d'arbitrages budgétaires, je peux vous dire, avec une vigueur très forte.
JEAN-MICHEL APHATIE - Nicolas BEYTOUT.
NICOLAS BEYTOUT - Une question à l'avocat de formation. Un général est mis en cause, on ne sait pas encore quel est son degré d'implication dans l'affaire, et il a dit, dans des interviews, qu'il ne se rendrait pas à des convocations que lui adresse la justice, et que si par hasard la force était employée, il ne répondrait pas aux questions des juges. Qu'en pense, encore une fois, l'avocat de formation ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Mais il se trouve que l'avocat est aujourd'hui ministre...
JEAN-MICHEL APHATIE -Ça ne nous avait pas échappé !
JEAN-LOUIS BORLOO - ...ça ne vous a pas échappé ! Alors j'ai adoré être avocat. Je ne fais pas une émission sur le rôle de l'avocat dans la société française comme représentant du Barreau, et vous savez très bien que je n'alimenterai pas d'un mot de plus cette chronique.
NICOLAS BEYTOUT - Non mais, ce n'est pas une chronique, c'est simplement de savoir ce qu'un membre du gouvernement, important au demeurant, peut penser de la façon dont une affaire que vous avez traitée...
JEAN-LOUIS BORLOO - Un membre du gouvernement...
NICOLAS BEYTOUT - ...attendez, une affaire que vous avez traitée de " polar de série B ", peut éventuellement avoir des conséquences sur votre réflexion sur la justice, la manière dont un certain nombre de choses fonctionnent dans ce pays. Ça c'est intéressant.
JEAN-LOUIS BORLOO - Mais bien entendu, mais ce n'est sûrement pas en commentant à chaud la situation... il y a un code de procédure pénale, il y a des magistrats, il y a des avocats qui assistent le général RONDOT, à eux de faire leur travail.
JEAN-MICHEL APHATIE - Anita HAUSSER.
ANITA HAUSSER - Monsieur BORLOO, vous dites que le gouvernement travaille de manière qu'on ne soupçonne pas ; on le soupçonne un peu beaucoup, quand même, parce qu'on nous parle beaucoup de mésententes entre ministres - je ne parle pas du Premier ministre et du ministre de l'Intérieur, même entre vous-même et le Premier ministre, puisqu'il a même fallu organiser un déjeuner de réconciliation entre vous et Dominique de VILLEPIN. Les...
JEAN-LOUIS BORLOO - Vous étiez présent à l'entrée ou au dessert ?
ANITA HAUSSER - Ecoutez, c'est qu'on nous a dit...
JEAN-LOUIS BORLOO - ...le marquis " de Source Sûre " a encore frappé à Paris !
ANITA HAUSSER - Voilà !... Alors on aimerait bien que vous nous en disiez un peu plus sur le fonctionnement. Quand vous nous parlez du vote du projet de loi sur l'immigration...
JEAN-LOUIS BORLOO - Non, mais attendez, on ne va pas se raconter la bonne aventure. Bon. Un, le gouvernement fonctionne ; deux, il y a un président de la République, qui est le seul qui a la légitimité, qui a choisi, dans une deuxième phase du quinquennat, un gouvernement, avec un chef du gouvernement qui est Dominique de VILLEPIN. Que par ailleurs, dans ce gouvernement, parfois, sur un certain nombre de sujets essentiels, on ne soit pas d'accord, qu'on se le dise, que parfois même on s'engueule, que chacun défende la vision qu'il a, dans son champ de compétences...
ANITA HAUSSER - Et qu'on ne s'adresse plus la parole ?
JEAN-LOUIS BORLOO - ...ou dans la solidarité au gouvernement, c'est normal, c'est la moindre des choses, et je pense que c'est le respect minimum de la fonction de politique. Et puis après, des arbitrages sont rendus, et il y a une solidarité gouvernementale qui s'applique, et en met en musique ce qui a été décidé dans le cadre de ces arbitrages, avec le Parlement, en accord avec le Parlement français. Mais ça fait partie de la règle démocratique. Dans toutes les organisations vous avez, et c'est heureux - et c'est heureux ! -, vous avez ce type de situations.
JEAN-MICHEL APHATIE - Lors du débat mardi sur la motion de censure proposée par le groupe socialiste, François BAYROU a parlé d'un gouvernement - je le cite - " construit sur une rivalité haineuse ". Les mots sont justes, Jean-Louis BORLOO ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Non, les mots sont inexacts. On ne va quand même pas découvrir que dans une démocratie on n'est pas dans une dictature, qu'il y a des espèces de compétitions en question dans chaque camp à l'approche des grandes échéances. Ce que demandent simplement les Français, c'est que la compétition soit élégante.
JEAN-MICHEL APHATIE - Elle l'est ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Oui, elle l'est. Bien sûr qu'elle l'est.
JEAN-MICHEL APHATIE - On n'a pas le sentiment...
JEAN-LOUIS BORLOO - Vous n'avez peut-être pas le sentiment, on verra à la fin de la compétition. Mais il est normal qu'il y ait des gens qui portent des choses différentes, qui aient des ambitions personnelles. Moi, ça ne me choque absolument pas. Il y a simplement une limite à tout ça, je vous dis, c'est l'élégance, et c'est la lisibilité. Mais...
JEAN-MICHEL APHATIE - Et la limite n'a pas été franchie ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Très franchement, non. Et moi, ça fait des années que je suis dans un gouvernement, celui de Jean-Pierre RAFFARIN, enfin, plusieurs de Jean-Pierre RAFFARIN, où il y avait déjà des personnalités fortes, où on me disait déjà ça, dans les rapports entre les uns et les autres. Eh bien, c'est bien qu'il y ait des personnalités fortes, et qu'on ait des débats, voilà. Alors maintenant, dans les faits, où en sommes-nous pour ce pays ? Je pense que c'est quand même un peu le sujet, plutôt que ce qui se passe dans les...
JEAN-MICHEL APHATIE - On y vient, Jean-Louis BORLOO...
NICOLAS BEYTOUT - Non, c'est un sujet important quand même de savoir si le Premier ministre a la confiance et arrive à avoir un mode de relation normal avec ses ministres.
JEAN-LOUIS BORLOO - Mais bien sûr !
NICOLAS BEYTOUT - Alors si je comprends bien, vous n'avez pas eu besoin d'un déjeuner pour vous réconcilier, et est-ce que vos relations n'ont pas subi, en tout cas dans les semaines passées, autour du CPE par exemple, comment dire, un grand froid ?
JEAN-LOUIS BORLOO - C'est un secret de polichinelle que de dire que Dominique de VILLEPIN, le Premier ministre, souhaitait une action extrêmement vigoureuse, immédiate, sur l'emploi des jeunes, et qu'il considérait qu'un petit cousin du CPE... du CNE, pour la faire simple, était une bonne idée. Il est un secret de polichinelle que de dire que Gérard LARCHER et moi, mais d'autres ministres, considéraient que si l'objectif était bon, peut-être qu'il pouvait y avoir une véritable incompréhension, et que ce qui avait pour vocation d'être l'aide à ce premier emploi pouvait être vécu comme de la précarité. Voilà, c'est quand même...
JEAN-MICHEL APHATIE - Et ça, vous l'avez dit, vous l'avez dit dès le début au Premier ministre ?
JEAN-LOUIS BORLOO - ...on en a parlé longuement, bien entendu. Et puis, un arbitrage est rendu. Il est rendu. Avant l'arbitrage, ça ne vous empêche pas de faire beaucoup de réunions, et parfois difficiles, et c'est normal. Et puis à un moment donné, voilà, il y a une décision qui est prise. Nous allons devant le Parlement, on en débat avec le groupe UMP. J'ai soutenu, avec Gérard LARCHER, ce texte devant le Parlement, j'ai répondu à 64 questions d'actualité à l'Assemblée et au Sénat, clairement et loyalement. Vous savez, un ministre n'est pas à son compte. Il n'est ni là pour ne pas jouer en équipe, ni là pour être à son compte. Il est là pour dire clairement ce qu'il pense, et exécuter...
NICOLAS BEYTOUT - Et éventuellement influencer l'action du Premier ministre ?
JEAN-LOUIS BORLOO - ...d'influencer, absolument.
NICOLAS BEYTOUT - Est-ce que vous avez le sentiment... ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Je suis ravi que la sortie, par exemple, qui prend les contrats de professionnalisation - en gros, des contrats d'apprentissage d'une nouvelle forme, pour qu'on se comprenne bien, c'est-à-dire, moitié dans l'entreprise et moitié en formation théorique -, c'est là-dessus qu'on a mis le paquet en sortie, eh bien, je suis heureux qu'on ait eu cette sortie-là. Alors, qu'après, évidemment qu'il y a, vous savez, des tensions, c'est normal, mais vous imaginez la pression, et également pour le Premier ministre - souvenez-vous de cette période-là -, et qu'à un moment donné on ait besoin de se parler un peu, de créer des relations... la palabre ! Mais ça vous arrive tout le temps, ça, ça nous arrive tous, dans la vie.
JEAN-MICHEL APHATIE - Mais voyez, avec franchise, Jean-Louis BORLOO, vous dites qu'avant que la décision ne soit prise vous avez fait part de vos doutes...
JEAN-LOUIS BORLOO - Oui, mais je n'étais pas le seul.
JEAN-MICHEL APHATIE - ...la décision a été prise, vous avez été un bon soldat. La question qui se pose, qui a été posée, qui est peut-être encore posée, c'est la question de l'autorité du Premier ministre, qui n'a pas écouté, a pris une décision, a été au mur, s'est trompé ; quelle est encore son autorité pour gouverner ? C'est celle-là, la question qui est posée, Jean-Louis BORLOO.
JEAN-LOUIS BORLOO - Je vais vous dire. Pour moi, il n'aurait pas d'autorité s'il n'y avait pas eu ces engueulades avant. S'il l'avait prise tout seul dans son coin, avec quatre types de son cabinet.
JEAN-MICHEL APHATIE - Ce qui n'a pas été le cas ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Ce qui n'a pas été le cas. Ce qui n'a pas été le cas. Et pour moi, il n'aurait, sur le fond, pas de légitimité à l'autorité. En revanche, se donner les moyens, même d'un... pas d'un conflit interne, mais d'un vrai débat interne, avec des gens qui sont en charge, et finalement ne pas être convaincu par leurs arguments, prendre vos responsabilités - parce qu'il n'est pas allé se cacher, il a pris ses responsabilités, il les paye d'ailleurs aujourd'hui, il les paye...
JEAN-MICHEL APHATIE - En termes de... ? Il les paye comment ?
JEAN-LOUIS BORLOO - En termes d'ambiance, en termes de popularité, parce que, qu'on le veuille ou non, ça crée une tension de confiance populaire en France, et avec une partie du Parlement. Et il va bien falloir recréer cette confiance, c'est absolument un travail prioritaire, avec le groupe UMP, avec l'opinion publique. Alors après, c'est...
NICOLAS BEYTOUT - Alors on fait comment ? Parce que la question de Jean-Michel APHATIE, c'était : comment est-ce que vous pouvez travailler dans cette ambiance...
JEAN-LOUIS BORLOO - Mais on travaille très bien !
NICOLAS BEYTOUT - ...on a compris, après quelques minutes d'émission, qu'il y a une ambiance compliquée...
JEAN-LOUIS BORLOO - Non, non, non ! L'autorité, c'est d'abord fondé sur l'estime. Le désaccord n'empêche pas l'autorité. Ou le moindre accord n'empêche pas l'autorité. Il faut juste savoir dans quelle organisation on est : on est dans une organisation démocratique, avec des règles du jeu, avec des arbitrages, avec un chef du gouvernement qui est en place, confirmé par le président de la République, au cas où il y aurait eu un doute ; eh bien, on travaille dans ce cadre-là.
ANITA HAUSSER - Est-ce que le Premier ministre bénéficie encore de...
JEAN-LOUIS BORLOO - On va peut-être parler des problèmes de la France, après ?
ANITA HAUSSER - On a le temps, on a une heure. On a une heure...
JEAN-LOUIS BORLOO - Ah bon, parce que...
JEAN-MICHEL APHATIE - Ah, ça fait partie des problèmes de la France. Mais on va en parler...
JEAN-LOUIS BORLOO - ...et des solutions, oui.
JEAN-MICHEL APHATIE - Anita.
ANITA HAUSSER - Alors il y a quand même eu un événement assez inattendu cette semaine, c'est la motion de censure, avec l'absence d'environ 200 députés UMP. Et ça, c'était inattendu, et d'où la question : est-ce que le Premier ministre bénéficie encore de l'estime de sa majorité ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Il ne faut pas se raconter, là aussi, de salades. Ce n'est pas un événement complètement anodin. Il y a eu le sentiment, un certain nombre de parlementaires ont eu le sentiment, et ce n'est pas l'affaire CLEARSTREAM...
ANITA HAUSSER - Non, c'est le CPE.
JEAN-LOUIS BORLOO - ...c'est une séquence, vous savez, il y a des séquences politiques meilleures que d'autres. Voilà, il y a une séquence politique qui est difficile, de compréhension de l'opinion publique sur ce que vous voulez vraiment faire, pourquoi vous le faites, comment vous le faites, voilà. Ça existe, des séquences politiques comme ça. Et aujourd'hui, et c'est tant mieux, un parlementaire UMP, il ne se fait pas convoquer comme ça. Je veux dire, on a longtemps parlé des " députés godillots " ; eh bien non. Un groupe parlementaire, c'est des gens qui rendent des comptes, tous les cinq ans, mais aussi tous les week-ends, en réalité, dans leurs circonscriptions, dans leurs villes, et ça ne peut fonctionner... mais c'est formidable pour la démocratie de notre pays ! C'est formidable pour le rôle du Parlement ! Eh bien, cette étape de reconstruction de la confiance, avec le président ACCOYER à l'Assemblée, avec Josselin de ROHAN et Henri de RAINCOURT au Sénat, doit se faire, elle est devant nous. Mais je ne doute pas un seul instant que tout sera mis en oeuvre, en tous les cas pour l'essayer loyalement.
JEAN-MICHEL APHATIE - Si la question de confiance était posée aujourd'hui, vous pensez que le groupe UMP à l'Assemblée nationale la voterait ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Oh, écoutez, je ne fais pas de pronostics de ce genre, et à ce jour, je n'ai pas l'impression que le Premier ministre ait besoin qu'il y ait une question de confiance qui soit posée à l'Assemblée.
JEAN-MICHEL APHATIE - C'est une information, parce que quelquefois on dit qu'il le souhaite, mais vous pensez qu'il n'en a pas besoin.
JEAN-LOUIS BORLOO - Oui, oui.
JEAN-MICHEL APHATIE - Nicolas BEYTOUT.
NICOLAS BEYTOUT - Il y a une semaine exactement, dimanche dernier, le Parti radical était réuni. Vous êtes le coprésident du Parti radical. Et l'autre coprésident, André ROSSINOT, pour vous passer la parole, a dit un certain nombre de choses, dont j'extrais quelques mots : " Le temps presse, j'en appelle au président de la République ", " la France a besoin - disait-il - d'un nouveau souffle, l'un d'entre nous peut l'incarner. " Comme je suppose qu'il ne pensait pas forcément à lui, est-ce qu'il pensait à vous ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Et pourquoi vous dites qu'il ne pensait pas à lui ?
NICOLAS BEYTOUT - Parce que...
JEAN-MICHEL APHATIE - Parce qu'on le sait modeste, on le sait modeste ! Voilà, c'est pour ça.
JEAN-LOUIS BORLOO - Mais, non, ce que voulait dire André ROSSINOT, c'est que le Parti radical a des ressources humaines, a des maires, a des ministres - il y en a un ici, Renaud DUTREIL...
NICOLAS BEYTOUT - Non, non, non...
JEAN-LOUIS BORLOO - ...il y a le président de la Chambre des métiers, il y a...
NICOLAS BEYTOUT - Oui, il parlait de " l'un d'entre nous ", pas de tous ceux que vous venez de citer.
ANITA HAUSSER - Et c'était en vous passant la parole.
NICOLAS BEYTOUT - Et c'était en vous passant la parole.
JEAN-LOUIS BORLOO - Ne tournons pas autour du pot...
JEAN-MICHEL APHATIE - On parle quelquefois de vous comme Premier ministre, Jean-Louis BORLOO.
JEAN-LOUIS BORLOO - ...je veux dire, le Parti radical aujourd'hui, dans une France qui est en pleine mutation, qui a un problème de repères, sur la République, sur la laïcité, sur l'économie de marché, où sommes-nous vraiment et vers quoi allons nous, eh bien, ce Parti radical qui, tant que la République fonctionnait à peu près - dans les Trente Glorieuses, on n'avait pas de problèmes d'identité, de tension, de drapeau, de repères, de laïcité -, finalement avait une contribution relativement modeste, aujourd'hui il a un socle de valeurs indispensables, et il a des hommes qui l'incarnent. Et un des deux coprésidents est ministre en charge d'un secteur, on va dire, difficile et crucial pour les Français. Et donc, dire : " Vous savez, on a des ressources humaines, on peut donner un très fort coup de main ", ça ne me paraît pas de mauvais goût.
JEAN-MICHEL APHATIE - Non, ce que voulait dire André ROSSINOT, c'était peut-être que vous pourriez faire un bon Premier ministre si le président de la République décidait d'en changer. Je crois que c'était ça qu'il voulait dire.
JEAN-LOUIS BORLOO - Alors, je vais vous raconter...
JEAN-MICHEL APHATIE - Vous avez déjà dû entendre ça, Jean-Louis BORLOO, à mon avis !
JEAN-LOUIS BORLOO - ...moi j'ai un petit frère, le bac ce n'était pas trop facile, et la veille du bac, on dîne à la maison, et mon père lui avait mis un truc, là, c'était un cadeau. Il ouvre, c'était une montre. Et il lui dit : " Mais attends, on offre les cadeaux après les résultats. " Et mon père lui a répondu : " Si ce n'est pas moi qui donne les miens gagnants, qui les donnera gagnants ? " Alors André ROSSINOT joue les siens gagnants, voilà !
JEAN-MICHEL APHATIE - D'accord. Donc peut-être a-t-il des informations pour pouvoir le faire, en même temps. On va peut-être changer de sujet. On a beaucoup parlé de la crise qu'a provoquée le contrat première embauche ; où en est aujourd'hui votre dialogue avec les syndicats, Jean-Louis BORLOO ? Le fil est renoué, ou pas ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Les relations entre Gérard LARCHER, Catherine VAUTRIN et moi, et les partenaires sociaux, ne se sont jamais interrompues. La meilleure preuve, c'est que la semaine dernière on a signé enfin l'accord ANPE - UNEDIC, pour simplifier, qui va permettre d'avoir un dossier unique du demandeur d'emploi, un guichet unique, l'ensemble des informations en commun, faire un bilan de compétences dans les cinq premiers jours du licenciement, enfin, du moins de la période de recherche d'emploi. J'allais dire, ça fait 25 ans qu'on attendait ça. Ça a été du travail de confiance, il a fallu bâtir tout ça. Il y a eu une pratique, avec les Maisons de l'emploi qui s'étaient mises en place, on n'est pas parti de rien. Demain nous signons un accord avec les partenaires sociaux pour amplifier l'énorme programme de rénovation urbaine, pour refaire ces 700 quartiers qui le méritent dans notre pays, pour près de 2,4 milliards d'euros. Le plan seniors est présenté le 6 juin, nous présentons la loi sur la participation, avec Gérard et Thierry BRETON, dans quelques jours, au Conseil économique et social, qui est passé devant le Conseil supérieur de la participation, qui est une grande loi de respiration et de démocratie économique. Donc je veux dire, on continue évidemment à travailler. Alors que ce CPE ait créé, à un moment ou à un autre, une attitude, d'ailleurs très responsable, des partenaires sociaux, et qu'il y ait eu, pour quelques-uns, à un moment, un temps d'arrêt de quelques jours ou de quelques semaines, c'est vrai. Mais on est dans une République...
JEAN-MICHEL APHATIE - C'est dissipé aujourd'hui ?
JEAN-LOUIS BORLOO - ...non mais, on est des professionnels. Les partenaires sociaux sont dans le dialogue social, c'est leur métier, et nous aussi.
JEAN-MICHEL APHATIE - Anita HAUSSER.
ANITA HAUSSER - Alors avant le CPE il y a eu le CNE. On nous dit que ça marche, mais il y a aussi pas mal de recours devant les prud'hommes, qui requalifient les CNE en CDI. Est-ce que le CNE est un acquis durable, ou est-ce qu'il est appelé à disparaître ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Alors d'abord, le fait qu'il y ait des contentieux, il y en a sur tous les contrats du monde. Je veux dire, il y a tous les jours des contentieux sur des contrats d'apprentissage, des contrats de professionnalisation, des CDI, de l'intérim, du CDD - tous les jours ! Je ne vois pas à quel titre le CNE... Je veux dire, qu'il y ait une différence d'appréciation entre un salarié et un entrepreneur sur le CNE, enfin, la façon dont la rupture s'opère est-elle conforme à la loi, ça me paraît normal, et qu'il y ait des décisions qui disent oui et des décisions qui disent non en fonction des faits réels, ça me paraît normal aussi, et c'est sain. Il a toujours été dit que le CNE n'empêchait pas l'ordre public social. Il y a un certain nombre de règles, dans le CNE, on ne peut pas licencier pour des raisons syndicales, pour des raisons de race ou de religion, pour des raisons de maladie, pour des raisons de grossesse, voilà. Donc l'ordre public du droit social est respecté, et c'est tant mieux. Pour le reste, pour le reste il y a une évaluation qui est prévue d'être faite, et que nous allons mener à partir du mois de juin - quantitative. On peut déjà dire quelques mots. On voit bien que l'essentiel des CNE c'est les trois ou moins de trois. C'est-à-dire, le gars tout seul, ou à deux ou à trois personnes.
NICOLAS BEYTOUT - Dans une entreprise, vous voulez dire ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Dans une entreprise, pardon. On voit bien que ça, ça fait 80 % des cas. Et on voit bien que là, l'objectif, qui était la grosse incertitude : est-ce que je vais pouvoir vraiment... six mois, neuf mois, est-ce que le poste est lui-même durable ? Là, ça a l'air de répondre très, très franchement à la question. Mais on va qualitativement regarder, honnêtement, de manière transparente, et sincèrement, cette situation.
NICOLAS BEYTOUT - Avec toujours le même rythme ? Je voyais que les intentions de créations en avril étaient très sensiblement en dessous de celles de mars : 50.000 en mars, 40.000 en avril, créations de CNE. Est-ce que ce n'est pas un peu décevant pour vous ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Non, ça veut dire justement que ça a bien eu sa vocation de débloquer des situations d'embauche, qui pouvait attendre depuis longtemps et qui ne se débloquaient pas.
NICOLAS BEYTOUT - Bon.
JEAN-LOUIS BORLOO - Donc il est normal que cette espèce de rattrapage, si j'ose dire, tous ces gens qui auraient depuis longtemps recruté, se mettent à faire... alors vous avez un effet très puissant au début, ce qui est normal, et puis après vous aurez un effet plus en sifflet.
NICOLAS BEYTOUT - Oui, Jean-Louis BORLOO, on dit aussi que les chefs d'entreprise aujourd'hui commencent à se demander s'il n'y a pas une incertitude juridique. Vous disiez : c'est normal, le droit social doit intervenir dans cette affaire-là. On a le sentiment, d'un côté, qu'un certain nombre de syndicats ont décidé de porter systématiquement devant les tribunaux des conflits, pour donner un cadre, non plus législatif, mais aussi judiciaire, à ce CNE, et qu'en face, les patrons se disent : c'est peut-être un peu moins certain qu'on ne le pensait. Est-ce qu'il n'y a pas un petit danger, là ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Alors il est absolument certain dans le cadre du respect de l'ordre public social. Je veux dire, à l'exception des cas que j'ai indiqués. Bon. Pour le reste, pour le reste, il pourra y avoir une évolution, mais qui ne sera que législative. Et c'est vrai qu'il est préoccupant de laisser planer une incertitude sur le fond du dispositif. Tant qu'il n'est pas modifié - en l'état il ne l'est pas, et en disant ça je ne dis pas qu'il le sera demain, d'ailleurs, mais il faut l'évaluer loyalement -, il n'y a pas d'inquiétude particulière à avoir.
ANITA HAUSSER - Quand François HOLLANDE dit qu'il faudra abroger le CNE, vous pensez que c'est de la démagogie ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Oui, je pense que revenir au droit des entreprises de 10.000 personnes pour un artisan qui est seul, c'est-à-dire l'abrogation, ça me paraît être vraiment une mesure extrêmement dangereuse. Qu'il dise qu'ils vont aussi évaluer, proposer telle ou telle amélioration, bon, je n'ai pas de... et puis je ne vais pas commenter plus que ça les déclarations de...
JEAN-MICHEL APHATIE - La contestation juridique du CNE repose sur les causes du licenciement, c'est-à-dire que pendant deux ans un employeur n'a pas à expliquer à son salarié pourquoi il le licencie. Ceci n'était pas acceptable pour le CPE, pourquoi ça l'est pour le CNE ?
JEAN-LOUIS BORLOO - C'est très difficile, c'est très difficile à expliquer. La personne qui est toute seule... il faut qu'on fasse des choix dans notre société. On peut avoir des systèmes parfaits, mais qui ne recrutent pas. Moi je suis aussi pour la société la plus parfaite du monde. Simplement, tout le monde sait que quand une personne est seule et qu'elle recrute un compagnon, les rapports humains, les rapports de représentation de l'un et de l'autre, la connaissance humaine que l'on peut en avoir, l'emportent largement sur toutes les représentations collectives, où la protection des contrats... et d'ailleurs, c'est tellement vrai que l'accord ne peut continuer à vivre que s'il y a un minimum de respect et d'harmonie entre les gens au-delà des contrats. Sinon, d'ailleurs, les tensions sont encore beaucoup plus graves que dans une grande entreprise. Donc c'est vrai qu'on est dans une micro-société qui peut répondre à des règles un peu différentes.
JEAN-MICHEL APHATIE - Mais c'est bien parce que les motifs du licenciement ne sont pas connus que les grandes centrales syndicales souhaitent la disparition du CNE ? Si vous avez un conflit aujourd'hui avec...
JEAN-LOUIS BORLOO - Ça ne m'avait pas échappé, Monsieur APHATIE.
JEAN-MICHEL APHATIE - Donc, oui, si vous avez un conflit aujourd'hui avec les grandes centrales syndicales, c'est celui-là ? CGT comme CFDT, tout le monde. Ils n'en veulent pas, de ce contrat.
JEAN-LOUIS BORLOO - Tout le monde est d'accord sur le fait qu'on fasse une évaluation à partir du mois de juin, ce que nous nous organisons à faire.
ANITA HAUSSER - Des modifications quand, éventuellement ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Mais attendez...
JEAN-MICHEL APHATIE - Vous-même vous êtes un avocat pas très décidé, pour le coup, du CNE, là ? Quand vous dites : il y aura une évaluation...
JEAN-LOUIS BORLOO - Non mais, parce que je suis un avocat décidé de la parole donnée. Voilà. Nous avons donné cette parole-là, et donc on le fait, et ça me paraît bien. Et imaginez...
JEAN-MICHEL APHATIE - La parole de quoi, de l'évaluation ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Oui, absolument. Elle a été donnée par le Premier ministre, elle a été donnée par moi, enfin, par Gérard LARCHER et par moi.
JEAN-MICHEL APHATIE - Qui c'est qui va faire l'évaluation, d'ailleurs ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Alors justement, on va faire un système croisé : les organisations d'Etat, donc on va demander à la DARES et à l'INSEE, et par ailleurs, à Réseau Emploi, et par ailleurs à un ou deux cabinets extérieurs, peut-être en collaboration avec les chambres de métier et avec les chambres de commerce, de façon à ce qu'on aille vraiment sur le qualitatif, et pas que sur du quantitatif.
JEAN-MICHEL APHATIE - Et donc, des modifications législatives, peut-être à l'automne ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Mais je ne sais pas... mais non, ne me faites pas dire qu'il y aura des modifications législatives !...
JEAN-MICHEL APHATIE - Peut-être. S'il y a une évaluation, c'est pour en faire quelque chose !
JEAN-LOUIS BORLOO - ...C'est quand même terrible ! On commence par évaluer, et puis on verra après.
JEAN-MICHEL APHATIE - On est d'accord.
NICOLAS BEYTOUT - A propos d'évaluation, quel est aujourd'hui le chiffre de créations d'emploi au travers du CNE ? On a eu, au début, beaucoup de chiffres, je crois qu'on a signé avec 380.000 emplois créés, ça devait être entre la fin de l'année dernière et le mois de janvier. On en est à combien aujourd'hui ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Attendez, vous parlez de quoi ? Vous parlez du nombre de CNE signés ?
NICOLAS BEYTOUT - Oui.
JEAN-LOUIS BORLOO - Alors les CNE signés, je ne sais pas, Renaud peut nous le dire, 450.000... voilà ! Non mais, vous savez, il est là, c'est formidable !
JEAN-MICHEL APHATIE - Oui...
JEAN-LOUIS BORLOO - Ce qui est intéressant...
NICOLAS BEYTOUT - Non, on ne l'a pas entendu, le chiffre ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Entre 400 et 500.000.
JEAN-MICHEL APHATIE
Entre 400 et 500.000. Merci Renaud !
JEAN-LOUIS BORLOO - ...à peu de choses près. Non mais, la question, on n'est pas en train de dire qu'il y a eu 400 ou 500.000 emplois de créés. Ce n'est pas ça, la question...
NICOLAS BEYTOUT - Non, non, ce n'est pas un solde net, c'est le nombre d'emplois, de contrats nouvelle embauche signés.
JEAN-LOUIS BORLOO - ...voilà, ça fait en gros, une personne sur dix recrutée en France, tous les jours, est recrutée en CNE ; les autres le sont en intérim, CDI, CDD, et malheureusement - je ne sais pas si on peut appeler ça un recrutement - en stage. Bien. Voilà, c'est ça la... et des contrats d'apprentissage - je salue Henri LACHMANN -, et des contrats de professionnalisation. La question, c'est : est-ce que ça a bien répondu à la problématique de la toute petite entreprise et de cette première embauche, un peu risquée des deux côtés ? Et ça, c'est du qualitatif, ça ne se fait pas par des chiffres, voire même par des espèces d'intentions, ou des rumeurs de part et d'autre, trop glorieuses d'un côté ou trop négatives de l'autre. Il faut faire une véritable analyse, auprès des salariés concernés, comme auprès des entrepreneurs concernés.
JEAN-MICHEL APHATIE - Etes-vous toujours confiant, Jean-Louis BORLOO, sur la poursuite de la baisse du chômage en France ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Ah, plus que jamais.
JEAN-MICHEL APHATIE - Comment on peut évaluer la situation dans les mois qui viennent ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Ecoutez, non, ce qui me paraît absolument fondamental, mais je suis content qu'on aborde ce sujet...
JEAN-MICHEL APHATIE - 18h55, voyez, on y arrive !
JEAN-LOUIS BORLOO - ...j'avais - vous m'autorisez à le dire ? - sollicité l'opinion de Nicolas BEYTOUT, à titre personnel, je dois dire, il y a un an et demi, sur le plan de cohésion sociale...
JEAN-MICHEL APHATIE - Ah bon ?
JEAN-LOUIS BORLOO - ...non mais, et on avait un débat intéressant. Ma conviction absolue, j'ai essayé de lui expliquer à l'époque, où je lui annonçais d'ailleurs les résultats d'aujourd'hui, la conviction absolue, c'était que notre problème c'était les ressources humaines, que le véritable problème de ce pays c'était l'adaptation permanente des ressources humaines à la compétition, et qu'on était jusqu'à présent dans un dispositif, ou dans un système, où vous perdiez votre emploi, vous alliez pointer à l'ANPE, vous alliez toucher vos ASSEDIC, point, et puis on vous voyait une fois par an, on regardait s'il y avait... l'apprentissage était quelque chose qui était méprisé parfois, décrié, le passage des contrats de qualification, contrat de professionnalisation, se faisait difficilement, et qu'on était à la veille d'une crise du recrutement, et que l'emploi allait créer la croissance. Et je ne crois toujours pas que la croissance est le seul élément qui crée l'emploi ou qui fait baisser le chômage. C'était le débat de fond, et les raisons que j'avais indiquées à l'époque...
JEAN-MICHEL APHATIE - A Nicolas BEYTOUT !
JEAN-LOUIS BORLOO - ...avoir une nouvelle relation, accueillir les demandeurs d'emploi, leur donner une information des nouveaux métiers, pouvoir changer de métier, se voir tous les mois, faire des bilans de compétences, accompagner, suivre, apprécier, faire des plates-formes de vocation, puis développer l'apprentissage, développer la professionnalisation, développer les services à la personne, qui ne dépendent que de nous, qui ne dépendent ni du prix du pétrole, ni du taux de change de l'euro. Ce qui dépendait de nous, ça fait trois points structurels que l'on peut gagner. Et donc les raisons pour lesquelles je suis absolument convaincu que, peut-être pas sur tel ou tel mois, mais que structurellement nous allons gagner cette bataille.
JEAN-MICHEL APHATIE - Donc la baisse du chômage - on va en finir là-dessus avant la pause -, c'est plus un problème d'organisation, de gestion de la masse des gens qui sont au chômage, que les structures économiques ?
JEAN-LOUIS BORLOO - C'est les deux. C'est les deux, et en plus, les deux sont liés. C'est parce que vous avez des gens qui peuvent assez rapidement être en mutation, faire de l'alternance en permanence, leur permettre de retrouver une activité très vite, donc changer d'activité très rapidement, par des contrats de retour à l'emploi rapides, vous avez donc des forces vives disponibles pour les entreprises, vous améliorer la performance. Quand on fait les services à la personne, on fait à la fois de l'emploi local, on rend service à nos compatriotes, mais on améliore aussi la productivité des entreprises, parce que les salariés ont un temps de détente, des problèmes qui sont traités chez eux, qu'ils n'amènent plus au bureau ou à l'usine. Donc tout ça c'est du gagnant/gagnant. Et cette bataille des ressources humaines, c'est la bataille principale de notre pays.
JEAN-MICHEL APHATIE - On fait une pause, on écoute le journal, et on retrouve Jean-Louis BORLOO pour son " Grand jury ", à tout de suite.
JOURNAL
JEAN-MICHEL APHATIE - Nous sommes de retour dans le grand studio de RTL. Nous parlions du chômage, de la baisse du chômage et Nicolas BEYTOUT a une question ou une remarque.
NICOLAS BEYTOUT - Oui, vous aviez, juste avant le journal, rappelé qu'on avait discuté avant l'élaboration de votre plan de quelques-unes des pistes et je vous avais si je me souviens bien, répondu à l'époque que votre plan semblait être un très bon plan de lutte contre le chômage mais pas forcément un très bon plan de création des emplois. Quand je regarde les chiffres, dix-huit mois après notre conversation, je vois que le chômage a connu le mois dernier la plus forte baisse depuis cinq ans et je vois également qu'il y a un très net tassement dans les créations d'emplois au premier trimestre, plus 0,1% seulement. Alors quelle est la part des vrais emplois créés en France par votre plan ?
JEAN-LOUIS BORLOO - D'abord je ne suis pas là pour défendre... dire : vous savez, la baisse du chômage, c'est moi. Ce que je vous disais à l'époque, je le maintiens, c'est qu'on est sur ce problème d'adaptation. Alors maintenant sur les chiffres eux-mêmes...
NICOLAS BEYTOUT - Oui, c'est-à-dire sur le traitement des chômeurs...
JEAN-LOUIS BORLOO - Mais non ! Mais vous avez une vision ! Pour vous la vie, c'est : on fait des études ou on est au travail ; ou on est au travail ou on pointe au chômage. La vie, ce n'est pas ça. La vie, c'est une évolution, c'est des mutations, c'est de l'épanouissement. Il y a... A cette heure-ci, le seul chiffre qui compte, c'est le nombre de personnes qui travaillent en France et qui touchent un salaire, une rémunération en échange de leur travail...
NICOLAS BEYTOUT - Plus 0,1%.
JEAN-LOUIS BORLOO - Non, Monsieur BEYTOUT...
NICOLAS BEYTOUT - Création d'emplois, INSEE, plus 0,1% au premier trimestre...
JEAN-MICHEL APHATIE - La réponse de Jean-Louis BORLOO...
JEAN-LOUIS BORLOO - Eh bien Monsieur BEYTOUT, vous êtes un trop grand spécialiste pour ne pas ignorer un, que l'outil INSEE ne prend pas en direct réel les moins de dix mais simplement fait une projection ; or c'est sur ce secteur qu'on a créé le plus d'emplois et que deuxièmement ne prend pas - mais c'est un choix, vous savez, un outil, c'est intéressant si c'est juste par comparaison - ne prend pas le secteur des services à la personne au sens large qui est le plus créateur d'emplois en France. Le seul chiffre réel... global pour les Français, c'est combien de personnes cotisent à la Sécurité sociale parce qu'elles ont un travail qui est rémunéré ? Eh bien nous avons dépassé les 16 millions et il y en a près de 200.000 de plus qu'au moment du lancement du plan plus des autres mesures complémentaires, c'est ça la réalité. 200.000 de plus. Alors ce ne sont pas dans les secteurs forcément traditionnels. Evidemment que l'activité française évolue, évidemment qu'elle évolue. Si je reprends une seconde ce secteur des services à la personne, permettez-moi de vous le dire, parce que c'est probablement... les économistes l'avaient dit, je vois LORENZI au bout de la salle et il y avait Michel de BONNEUIL, le conseil d'analyses économiques, le commissaire au plan, c'est un des gisements majeurs de l'emploi. Ca va améliorer la condition de vie de vous, d'Anita HAUSSER et de Jean-Michel APHATIE. Vous avez forcément besoin comme ça d'aller débuguer votre ordinateur, quelqu'un qui s'occupe de votre grand-mère ou de votre tante, un soutien ponctuel scolaire, enfin bref... des problèmes de sécurité dans votre maison, toute cette qualité de vie, bon sang de bonsoir c'est une révolution qui est devant nous ! La France, nos compatriotes vont décider, sont en train de décider que la quatrième paire de chaussures est moins importante que d'acheter du service humain, du service pour la qualité de vie et c'est ça cette révolution qui est devant nous. Monsieur BEYTOUT, sur ce secteur, c'est 75.000. Je continue parce que même dans les chiffres que vous donnez...
NICOLAS BEYTOUT - Qui sont vrais...
JEAN-LOUIS BORLOO - Non mais qui sont vrais, je ne dis pas que les chiffres sont faux, je dis simplement que c'est un problème de périmètre...
NICOLAS BEYTOUT - Mais ils ne représentent pas la réalité, c'est ça ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Non, ils représentent une réalité. Mais dans ces chiffres par exemple, une grande partie c'est le bâtiment, une grande partie, c'est le bâtiment, vous êtes d'accord ? Eh bien le bâtiment, qu'est-ce qu'il est en train de faire ? Le logement en France... on est en train de doubler la production de logements. On est en train de la doubler. Vous savez combien ça fait d'emplois par an marginalement ? 35.000 dans les grandes et 35.000 dans les moins de dix...
NICOLAS BEYTOUT - 30.000 emplois... il y a 24.000 emplois qui disparaissent dans l'industrie et 30.000 qui sont créés dans le bâtiment.
JEAN-LOUIS BORLOO - Et voilà ! Eh bien ça, c'est quoi ? C'est la relance du plan de création de logements en France. Vous voulez que je vous montre une petite courbe ? Non mais je vais le faire parce que...
JEAN-MICHEL APHATIE - Ouh là ! Vous êtes venu avec des munitions. J'espère qu'il y aura une caméra qui prendra la courbe...
JEAN-LOUIS BORLOO - Je ne sais pas s'il y a une caméra mais on est tous d'accord quand même que la vie, c'est l'amour bien sûr, mais on peut être d'autant plus amoureux et aimer qu'on a un nid, une bonne éducation et un boulot. Bon, donc le nid, ce n'est pas rien. Regardez où on en était là... ça, c'est indigne. Regardez ça...
JEAN-MICHEL APHATIE - Ca, c'est la courbe des logements, donc 420.000...
NICOLAS BEYTOUT - Ca a doublé en dix ans, c'est ça.
JEAN-LOUIS BORLOO - Et là on est à 540.000... on aurait dû poursuivre la courbe... permis de construire déposés cette année. Eh bien ça, c'est le plan. C'est le doublement des logements sociaux. Ca crée de l'emploi. Comme quoi, Monsieur BEYTOUT, il va falloir que dans ce pays, on sorte de l'idée que ce qui est qualifié de social, c'est-à-dire investir sur les jeunes, investir dans le logement, faire de l'accompagnement, il va falloir arrêter de considérer que c'est une dépense, mais que c'est un investissement et c'est pour ça que je vous dis que c'est ça qui a été le principal facteur de croissance.
JEAN-MICHEL APHATIE - Et l'idée selon laquelle ce n'est plus l'industrie ou les services commerciaux qui créent de l'emploi, c'est quand même une idée angoissante, il faudra vivre avec ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Non... d'abord ce n'est pas tout à fait vrai, l'industrie, elle se modifie, elle se transforme...
JEAN-MICHEL APHATIE - Mais on ne crée pas d'emplois dans l'industrie aujourd'hui en France, voire on en perd.
JEAN-LOUIS BORLOO - Dans certains secteurs, on en perd, dans d'autres, on en crée, ce n'est pas global. On est très performant dans des grands secteurs de haute technologie à l'évidence et à l'évidence aussi, la petite entreprise ou moyenne de sous-traitance souffre énormément dans notre pays. Mais il n'est pas question de ne pas défendre notre industrie. C'est pour ça qu'il y a eu les pôles de compétitivité, c'est pour ça qu'il y a l'agence d'innovation industrielle, c'est pour ça qu'il y a tous ces efforts-là. Nous avons besoin d'une industrie puissante car elle soutient elle-même le service, l'ensemble des services. Mais il faut accepter l'idée que cette industrie, elle évolue, voilà.
NICOLAS BEYTOUT - La croissance est moins forte... a été moins forte que prévue, en tout cas que le gouvernement l'attendait en 2005. 2006 commence sur un rythme relativement moyen ; est-ce que un, vous n'êtes pas inquiet sur la situation et la bonne santé économique du pays et deux, quel est votre pronostic sur le nombre des chômeurs à la fin de l'année ? Ce sera un élément important à la fin de l'année quand il faudra faire le bilan de toutes ces années de gouvernement.
JEAN-LOUIS BORLOO - Ecoutez, à une époque où j'ai fait rigoler tout le monde quand j'avais annoncé qu'on serait aux alentours de 9,6 - 9,7 à la fin de l'année, on venait de 10,2 et on venait surtout d'une tendance où il y avait 25.000 chômeurs de plus par mois. Passer à zéro, c'est déjà 25.000 d'écart mais passer à 30.000 de moins, ça fait un écart... on voit bien que la tendance est lourde. Donc moi je pense que l'objectif, c'est qu'il y ait au moins entre 200 et 400.000 chômeurs de moins dans les douze mois qui viennent, c'est çà l'objectif. C'est à nous de nous organiser, à nous tous. A nous tous. L'Etat, les régions, les branches professionnelles...
JEAN-MICHEL APHATIE - Et la plus faible croissance qu'attendue ne peut pas handicaper votre objectif ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Thierry BRETON a annoncé 0,54 pour le premier trimestre...
JEAN-MICHEL APHATIE - Oui, ce qui est la fourchette basse de ce qui était attendu...
JEAN-LOUIS BORLOO - Ce qui est par rapport au dernier trimestre précédent - on ne va pas semer tout le monde avec les chiffres - c'était 0,3. Donc ça va plutôt mieux, c'est plutôt une accélération.
NICOLAS BEYTOUT - C'est un peu moins bien qu'attendu, il attendait mieux honnêtement, il le dit lui-même.
JEAN-LOUIS BORLOO - Vous savez, c'est toujours l'histoire de " je pensais que ".... Oui mais c'est beaucoup mieux que la veille... bon d'accord... Alors moi je vais prendre " c'est beaucoup mieux que la veille "...
JEAN-MICHEL APHATIE - La prévision de croissance du gouvernement, c'était de 1,5 à 2 et puis finalement on finit à 1,2. On a l'impression que le discours officiel ne colle jamais à la réalité.
JEAN-LOUIS BORLOO - A mon avis, ça c'est un vieux principe traditionnel, c'est extrêmement difficile de faire des prévisions, mais là on ne discute pas des prévisions, on discute des réalités. La réalité de la croissance de l'année dernière, c'est 1,2. La réalité de la croissance de ce premier trimestre, c'est 0,5. Si ça continuait comme ça, ça ferait 2 dans l'année, c'est-à-dire presque deux fois plus que l'année dernière. C'est quand même plutôt dans la bonne direction. Cela dit, je maintiens que l'emploi... l'ensemble des emplois ne se développera pas essentiellement par la croissance, c'est l'inverse, c'est les emplois qui doperont la croissance.
ANITA HAUSSER - Thierry BRETON a aussi parlé de réduction de la dette, ce qui veut dire réduction des crédits ; est-ce que réduire les dettes, c'est compatible avec les investissements dans votre secteur ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Alors il y a deux choses. D'abord la dette, c'est quoi ? Il y a un chiffre à partir duquel c'est une génération qui est en train de planter l'autre. Au-delà de mille milliards de dette directe, ça commence à dire " mon vieux, tu as 25 ans, je te signale que quand tu vas être à 30 ou 35 ans, que tu auras des enfants de cinq ans, eh bien le pays, il est déjà un peu moins manoeuvrant parce que s'il faut faire des grands programmes de recherche sur des nouvelles technologies pour aller à l'économie de la connaissance, eh bien on n'a plus trop de marge de manoeuvre...
JEAN-MICHEL APHATIE - On a dépassé la cote d'alerte.
JEAN-LOUIS BORLOO - Donc Thierry BRETON a raison clairement de dire stop, ça suffit, le Premier ministre a mis en place une commission pour ça avec PEBEREAU, tout le monde a été vu, les partenaires sociaux, tout le monde, je veux dire, c'est un grand sujet national. Alors est-ce qu'il faut que 100% des cessions d'actifs, c'est-à-dire des ventes des participations... ce n'est pas des recettes en plus, c'est rendre liquide un patrimoine qu'on a ; est-ce qu'en terme de liquidités, ces liquidités peuvent être mieux investies dans la ressource humaine que dans la réduction de la dette, ça mérite d'être regardé mais je trouve normal qu'il ait envie de mettre l'essentiel sur le désendettement.
NICOLAS BEYTOUT - Le sujet n'est qu'en partie celui-là, l'autre facette de cette réduction de la dette passe par la réduction du déficit budgétaire...
JEAN-LOUIS BORLOO - Oui absolument...
NICOLAS BEYTOUT - Est-ce que les engagements ou en tout cas la volonté affichée par Thierry BRETON ne signifie pas que votre budget sera sensiblement moins généreux l'année prochaine ?
JEAN-LOUIS BORLOO - J'ai toujours dit, que ce soit pour faire le plan de rénovation urbaine ou le plan de cohésion sociale qui sont pour moi les investissements les plus cruciaux de la République, j'ai toujours dit qu'il n'y avait pas de problème d'argent...
NICOLAS BEYTOUT - Mais vous avez bataillé pour l'avoir, cet argent... est-ce que ce ne sera pas plus difficile cette année ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Mais Monsieur BEYTOUT, ne faites pas les questions et les réponses, ce n'est pas vrai. Le plan de cohésion sociale, Nicolas SARKOZY était au ministère des Finances, ça a duré exactement quinze minutes. Jean-Pierre RAFFARIN était le Premier ministre, il a fallu batailler globalement sur ce concept de plan de cohésion sociale, globalement, mais je n'ai pas de problème budgétaire, je n'ai pas de problème financier. On fait la rénovation urbaine. J'avais dit : les gars, on ne s'en tirera pas à moins de vingt milliards. Les partenaires sociaux en ont mis presque autant que l'Etat, les régions, les fonds propres des HLM... Attendez, on m'avait dit : Harry POTTER, pauvre garçon, tu n'y arriveras jamais, vingt milliards, c'est de la folie ! Eh bien je vous signale qu'on les a déjà dépensés, on a dépensé 19,7 et qu'on va augmenter à 30 milliards d'euros ce programme. Mais qu'est-ce que ça a comme conséquences économiquement Monsieur BEYTOUT ? Un, la relance de l'activité. On rattache ces quartiers à la République. Des gens qui étaient décrochés, croient à nouveau, donc veulent participer au train républicain, au train du dynamisme économique de notre pays. On a généré de la TVA. Enfin, je veux dire... vous savez, le grand problème du déficit, Monsieur BEYTOUT... le grand problème, c'est le nombre de gens qui contribuent à la richesse du pays. Notre seul sujet, notre principal sujet, il faut qu'il y ait 200.000 aujourd'hui de plus... vous avez vu que les comptes de l'UNEDIC sont à l'équilibre... Attendez, 400.000, 600.000, 800.000 de plus, tous les comptes publics parce qu'il n'y a pas que l'Etat, seront très largement excédentaires et c'est ça ce qui peut permettre de réduire le déficit. Il faut moins de dépenses courantes et plus d'investissements cruciaux.
NICOLAS BEYTOUT - Est-ce qu'il est nécessaire de façon générale, de réduire la dépense publique ? Vous n'avez pas répondu à cette question.
JEAN-LOUIS BORLOO - On peut aussi mourir guéri...
NICOLAS BEYTOUT - Donc la réponse est plutôt non.
JEAN-LOUIS BORLOO - Non, non... j'ai dit clairement qu'il fallait réduire le déficit public mais ce que je vous dis simplement, c'est que cet effet est indispensable mais pourtant très faible, ne nous racontons pas de salades ! Le vrai sujet, c'est qu'il y ait 400, 600, 800.000 contributeurs à toutes les caisses publiques y compris les caisses de l'Etat, c'est l'augmentation si on passe de 16 à 17 millions de gens qui cotisent, eh bien je peux vous dire que ça fait beaucoup plus de recettes. Et les comptes publics dépendent de ça, d'où la bataille des ressources humaines.
ANITA HAUSSER - Vous parliez tout à l'heure des quartiers qui reviennent à la République. On a essuyé la crise des banlieues. Le Premier ministre vous avait promis que tous les jeunes seraient reçus individuellement à l'ANPE ; c'est pratiquement le cas mais ils nous disent " on ne nous propose rien ".
JEAN-LOUIS BORLOO - Vous permettez qu'on dise quand même un mot de cette crise...
ANITA HAUSSER - Si vous voulez...
JEAN-LOUIS BORLOO - Parce que c'est une crise qui a trente ans et qui n'est pas réglée. Ce n'est pas aujourd'hui parce qu'on voit moins de bagnoles qui brûlent que le fond du sujet est réglé. Et c'est un sujet qui est très très grave parce que ma conviction, c'est qu'une des raisons pour lesquelles nous sommes un peu en espèce... pas de dépression mais une espèce de mal être... vous savez, cette conversation avec André ROSSINOT, tiens puisqu'on en parle, vous savez, sa mairie, c'est sur la place Stanislas à Nancy qui est une des plus belles places du monde ; et puis il y a un quartier dont je ne dirai pas le nom, qui est tout à fait en haut et il n'y a plus trop de communication entre eux. Et je disais : André, tu sais, tant que les gens du bas de Nancy ne se diront pas que là-haut, ils sont au moins aussi heureux qu'eux, eh bien il y aura un peu d'angoisse. Et puis on est d'ailleurs monté tous les deux... et il y a un élan de travail qui est fait dans ce quartier-là. Ce que je veux vous dire, c'est que vous ne pouvez pas avoir dans un pays, vous ne pouvez pas et encore moins la France, terre d'humanisme, terre des droits de l'homme, avoir des micro-territoires dont les règles n'ont plus rien à voir avec celles de la République... j'appelle les règles : l'égalité des chances, la non-discrimination, avoir un avenir, être à l'école. Le sujet là du poison républicain, de ce qui peut entamer notre cohésion, l'idée que nous avons tous une communauté de destins, que vous soyez jaunes, noirs ou blancs, vous êtes Français ou résidents français, votre destin c'est ce pays. Vous habitez dans un quartier, vous avez le même destin que le centre ville de la ville et ça c'est absolument crucial... Alors pour cette crise...
ANITA HAUSSER - Oui, qu'est-ce qui a été fait ? !
JEAN-MICHEL APHATIE - On a l'impression que pas grand chose n'a été fait justement.
JEAN-LOUIS BORLOO - Mais arrêtez, Monsieur APHATIE ! Ce n'est pas depuis novembre que c'est fait ! Ca fait trois ans Monsieur APHATIE. On a lancé ce programme monstrueux. Allez vous promener dans les quartiers où on a démarré ! On a toujours dit qu'il faudrait entre cinq et huit ans, ça ne se règle pas comme ça. Mais allez-y ! Allez au Chemin vert à Boulogne, allez à Surville à Montereau ! Hier, j'étais à Compiègne, le quartier des Six-Roses et il y avait cette salle, il y avait ces femmes qui étaient là, de toutes les couleurs, c'était bariolé, elles m'ont offert huit cents petits gâteaux d'ailleurs après pour ma fin d'après-midi... on a pris un petit thé à la menthe... Elles attendent ce projet qui est porté par Marigny. Demain je vais à Troyes chez BAROIN pour un énorme projet de rénovation parce que le beau, c'est le respect républicain. Alors ça prend du temps. On a laissé ce truc enkysté depuis trente ans, c'était indigne. Mais ça ne suffit pas, il faut en même temps avoir un programme exceptionnel pour ramener notamment les 150.000 qui ont entre 12 et 18-19-20 ans qui sont ni en entreprise... ils n'iront pas spontanément, ils ne connaissent pas le chemin pour y aller, qui vivent dans leur propre culture, il faut un programme de rattrapage pour ces jeunes-là, les ramener dans les élites de la République parce qu'il y en a autant statistiquement dans le 7e, c'est un programme complémentaire qu'on a à faire. Et puis il y a tout ce qui a été fait, donc recevoir dans les ANPE, les jeunes. Un, je signale qu'on est à 33% de taux de réussite, qu'on en a 160.000 qui ont signé des CIVIS, 163.000 à cette heure-ci, ces contrats d'accompagnement, mais il faut évidemment aller plus loin.
JEAN-MICHEL APHATIE - Vous avez reçu jeudi Jean-Louis BORLOO, en tant que ministre de l'Emploi, le PDG d'EADS, Noël FORGEARD, parce qu'il avait décidé de fermer le site de l'une de ses filiales à Mérignac - 1.100 emplois menacés - on n'a pas bien compris ce que vous avez obtenu de lui, ça s'est résumé au terme de moratoire. Mais qu'est-ce qu'il y a dans le moratoire ? L'usine d'EADS va-t-elle fermer ou pas selon vous, Jean-Louis BORLOO ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Est-ce que je peux vous citer Monsieur APHATIE ?
JEAN-MICHEL APHATIE - Oui, bien sûr, je suis flatté même !
JEAN-LOUIS BORLOO - Parce que c'est très important ce que vous dites...
JEAN-MICHEL APHATIE - Evidemment...
JEAN-LOUIS BORLOO - Ce que vous avez dit l'autre jour ; vous avez dit que j'avais reçu Monsieur FORGEARD... en gros que je m'étais dévoué en recevant dans mon bureau monsieur FORGEARD...
JEAN-MICHEL APHATIE - Citez-moi précisément si vous me citez...
JEAN-LOUIS BORLOO - Jean-Louis BORLOO, ministre de l'Emploi, s'est donc dévoué hier en recevant dans son bureau - je vous cite précisément. Non mais vous expliquez un truc qui est très important : vous dites " l'économie a ainsi ses contraintes que la politique voudrait ignorer "...
JEAN-MICHEL APHATIE - Ah ! Vous citez mon blog alors....
JEAN-LOUIS BORLOO - ... faute de pouvoir le faire complètement, d'habiles mises en scène tentent de donner l'illusion d'un pouvoir sur ces choses-là. L'Etat ne peut pas tout avait dit un jour... Lionel JOSPIN... et vous expliquez en gros qu'on en est à faire des mises en scène... Alors Monsieur APHATIE... non mais vous avez raison de poser cette question...
JEAN-MICHEL APHATIE - Merci Monsieur BORLOO...
JEAN-LOUIS BORLOO - Parce que la question, c'est le rôle de la puissance publique face à l'économie ou le rôle de l'économie et de la puissance publique ; comment ça collabore, comment ça se coordonne, quel est l'espace de chacun ? Eh bien je vais vous répondre : l'Etat ne peut pas tout, l'Etat ne peut pas rien. Je m'explique. Une entreprise - et vous avez ici des très grands patrons d'entreprise dans cette salle - une entreprise, elle vit, elle s'installe, elle se développe dans un humus, dans un cadre avec des universités, des centres de rechercher, de l'infrastructure, des hôpitaux, des moyens de communication. Il y a un développement. Il n'y a pas d'un côté la puissance publique qui serait l'ennemie des entreprises ou qui serait une espèce de servile regardant... Ce n'est pas ça la modernité, chacun a un rôle. Le problème... on peut parler d'EADS, on peut parler d'ALSTOM. Et quand il y a une crise... Attendez, mais je vais revenir à EADS précisément...
JEAN-MICHEL APHATIE - Site de Mérignac fermé ou pas, voilà, on n'a pas compris ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Je vais vous dire, le rôle de l'Etat, c'est un, de fixer des règles du jeu claires pour que chacun s'y retrouve ; deuxièmement d'aider nos entreprises à se développer, troisièmement, d'attirer des entreprises étrangères et puis quand il y a des mutations - ALSTOM c'était une mutation mais les plus grands libéraux vous auraient dit " on ferme la boutique " - eh bien non, l'Etat est intervenu à l'actionnariat et aujourd'hui, il y a un projet industriel... Je reviens à EADS. EADS, un, je tiens à dire que c'est une des grandes entreprises mondiales et je suis heureux qu'elle soit franco-allemande...
NICOLAS BEYTOUT - Et l'Etat est actionnaire...
JEAN-LOUIS BORLOO - Et il n'est pas question de montrer du doigt dans une compétition extrêmement dure avec BOEING le groupe EADS. Bien. Deuxièmement, il se trouve qu'il y a sur le site de Mérignac, donc dans cette belle Gironde... dans cette belle Gironde, il y a quatre activités à la SOGERMA. Il y en a deux qui ont de très grandes difficultés - eh bien oui la maintenance militaire et civile, navré de répondre précisément à votre question - et deux autres activités. Bien. Il y a des mutations industrielles. Qu'est-ce que les uns et autres demanderont ? C'est qu'on regarde ensemble avec les autres industriels du secteur parce que ça a des répercussions par exemple sur les matériaux composites, avec d'autres industriels du secteur, avec la communauté urbaine de Bordeaux, avec la région, il y a un institut de maintenance aéronautique, qu'est-ce qu'on fait ? Ce qu'on peut garder, on doit le garder. Comment on crée ce maillage, bref comment on accompagne ces mutations ? Eh bien attendez, c'est le rôle des puissances publiques car les répercussions autour sont énormes. Il n'est pas question de montrer du doigt, il est question de dire : allez, il y a des compétences diverses... Mais c'est comme les pôles de compétitivités ! Comment on met en réseau tout le monde ! Eh bien voilà ! En gros, éviter le gâchis par des formules simples.
NICOLAS BEYTOUT - Trois aspects... Le gouvernement a dit être indigné : qu'est-ce que l'entreprise a mal fait ? Première question. Le gouvernement a dit qu'il était indigné, qu'est-ce que l'entreprise a mal fait ? Deuxième question : Noël FORGEARD, le patron d'EADS dit : il y a un ralentissement de la procédure. Qu'est-ce que le gouvernement a obtenu ? Troisièmement, l'Etat est actionnaire de cette entreprise ; est-ce qu'une entreprise qui perd un tiers de son chiffre d'affaires n'a pas intérêt effectivement à réduire la toile largement ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Comme je lis aussi beaucoup monsieur APHATIE, il se posait la question de savoir quel avait été le rôle et le vote de l'administrateur d'Etat...
JEAN-MICHEL APHATIE - Vous me lisez trop, Jean-Louis BORLOO !
JEAN-LOUIS BORLOO - Vous savez, on n'a pas obtenu ou arraché. On a passé trois heures à poser le problème sur la table. Attendez... Une équipe de haut niveau pour voir les synergies, il y a des compétences dans le Bordelais ; tout le monde accepte le fait qu'il y ait des mutations, les salariés également ; simplement on veut maintenir ou développer des parties industrielles autour de la compétence de cette entreprise et avec cette entreprise, les industriels de la Gironde et une partie d'EADS. Donc il a été décidé de la manière la plus naturelle pour Noël FORGEARD, eh bien qu'il voie son conseil d'administration, c'est la moindre des choses, qu'on mette en place une équipe pour voir comment on peut faire mieux et puis il y a un moment où il y aura des décisions...
JEAN-MICHEL APHATIE - Donc la fermeture de l'usine est suspendue, voilà, c'était...
JEAN-LOUIS BORLOO - Non, il y a un travail au fond qui est fait et en partenariat avec les partenaires sociaux ; ça me paraît juste normal.
JEAN-MICHEL APHATIE - D'accord. Pour finir, il reste deux minutes, l'élection présidentielle, comme ça, rapidement...
JEAN-LOUIS BORLOO - En général avec vous, c'est les deux dernières minutes les pires.
JEAN-MICHEL APHATIE - Bon, alors...
JEAN-LOUIS BORLOO - Je vous connais, vous vous lâchez à ce moment-là... Vous vous dites que je ne pourrai plus répondre après, donc...
JEAN-MICHEL APHATIE - Je me lâche...
JEAN-LOUIS BORLOO - Allez-y !
JEAN-MICHEL APHATIE - Jean-Claude GAUDIN a dit hier : nous n'avons plus qu'un seul candidat pour l'élection présidentielle, Nicolas SARKOZY, vrai ou faux, Jean-Louis BORLOO ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Ecoutez, alors moi je suis absolument convaincu qu'il n'y a pas de place pour deux candidats de la droite républicaine à la prochaine échéance, très franchement, c'est-à-dire qu'on n'est pas comme il y a dix ans avec l'idée qu'il puisse y avoir deux sensibilités... Deuxièmement, aujourd'hui, Nicolas SARKOZY est le président de l'UMP élu à 88 ou 90%, donc il peut décider de ne pas y aller ou il peut être particulièrement en forme ou maladroit mais enfin le plus vraisemblable à cette heure-ci, c'est qu'il soit le candidat. Il y a une procédure qui a été faite à l'UMP et il sera donc légitime si c'est lui... Attendez, ça n'empêchera pas le débat interne à l'UMP car je pense que la droite française, la droite sociale française, ce qu'elle porte, ce qu'elle défend comme valeurs, est indispensable pour l'avenir de notre pays et par ailleurs pour gagner l'élection présidentielle.
ANITA HAUSSER - Comment l'incarner, la droite sociale ?
JEAN-LOUIS BORLOO - C'est tout le débat. J'essaie de porter ça, je vous le dis parfaitement franchement et de manière parfaitement détendue. Moi je pense que c'est ce seul grand beau combat. Le Général de GAULLE disait : la seule querelle qui vaille, c'est l'homme. Je l'incarne. Je ne l'incarnerai pas seul, je l'incarnerai avec d'autres, avec des radicaux...
ANITA HAUSSER - Il faut un ticket dans ce cas-là ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Les tickets, c'est un système américain... Non, je pense...
ANITA HAUSSER - S'il ne peut y avoir qu'un candidat et deux idées...
JEAN-LOUIS BORLOO - Non mais vous savez, le quinquennat a tout changé dans ce domaine. Le quinquennat et la création de l'UMP. Ca sera un débat à l'UMP. Il y aura des équipes, il y aura des sensibilités, il y aura des valeurs portées. On n'est plus tout à fait dans le septennat. Ce sera le candidat d'une famille politique.
JEAN-MICHEL APHATIE - Alors dernière question à laquelle en général personne ne répond...
JEAN-LOUIS BORLOO - Ca va continuer alors !
JEAN-MICHEL APHATIE - Quand on dit que Nicolas SARKOZY est le candidat évident de la droite, on sous-entend que pour Jacques CHIRAC c'est terminé. On peut en convenir ce soir Jean-Louis BORLOO ?
JEAN-LOUIS BORLOO - Ecoutez, alors là je serais le dernier qui commenterais tenant ma nomination - alors vous savez, moi je suis un type simple...
JEAN-MICHEL APHATIE - Vous êtes le dernier qui ne répondrez pas à la question non plus, c'est ça que vous voulez dire.
JEAN-LOUIS BORLOO - Mais c'est son affaire.
JEAN-MICHEL APHATIE - Eh bien voilà.
JEAN-LOUIS BORLOO - Bien entendu, c'est l'affaire du président.
JEAN-MICHEL APHATIE - Donc la question n'aura pas encore de réponse ce soir.
JEAN-LOUIS BORLOO - Si, vous avez la réponse, c'est que c'est l'affaire du président.
ANITA HAUSSER - Vous restez à Valenciennes ?
JEAN-MICHEL APHATIE - Ouh là ! C'est terminé...
JEAN-LOUIS BORLOO - C'est fini...
ANITA HAUSSER - Réponse ?
JEAN-MICHEL APHATIE - Eh voilà, donc on ne saura pas...
JEAN-LOUIS BORLOO - J'adore Valenciennes.
JEAN-MICHEL APHATIE - A dimanche prochain ! Source http://www.partiradical.net, le 6 juin 2006