Déclaration de M. Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances, sur l'apprentissage de la langue française par la lecture, Lyon le 30 août 2005.

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Circonstance : Lancement des dicos d'Or, à Lyon le 30 août 2005

Texte intégral

Monsieur le Président du Conseil Régional,
Monsieur le Préfet de région,
Monsieur le Préfet,
Cher Bernard,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux d'être parmi vous aujourd'hui, avec Bernard Pivot, vieux compagnon de route sur les chemins de la lecture, afin de lancer l'opération des "dicos d'or". Lancer les "dicos d'or", c'est faire avant tout l'éloge de la lecture et du livre, et donc de l'absolue nécessité pour chacun de maîtriser l'écrit, pour pouvoir s'y enraciner.
Cette visite me permet de mettre l'accent sur toute l'importance que j'accorde à l'enseignement, et donc au travail de l'Education Nationale, et à la formation de la jeunesse en général. En effet, tous les enfants de France ont droit à une formation à la maîtrise de la langue, qui est la première des égalités.
En m'invitant, Bernard Pivot me donne l'occasion de rappeler que c'est l'accès à la langue qui est sans conteste au coeur de la question de la lutte contre les inégalités et contre les discriminations. L'accès à la lecture, et son corollaire, l'accès au livre, est le chemin vers l'intégration de tous à une culture commune, et à l'entrée de tous dans la nation, car il est un vecteur puissant de l'égalité des chances. Le livre, c'est un "tapis volant", un objet magique, qui nous emporte ailleurs, et qui nous emporte vers les autres.
C'est aussi un objet qui donne des ressources, des capacités, des moyens d'agir sur notre vie, et donc... d'être libres, libres d'avoir une vie décente, et libres de nous accomplir, de nous réussir.
Le mot "lire" est une des racines du mot "intelligence". En latin, "intelligence" signifie "intel ligere", "pouvoir lire entre les lignes". Savoir lire, c'est être en mesure de comprendre le monde, et de partager une langue, un imaginaire, des savoirs, un ressenti. La lecture crée du lien social de la manière la plus puissante qui soit.
Lire, c'est aussi pouvoir vivre, et travailler, au quotidien. Plus de 11 % de la population française est en souffrance, voire en détresse, car elle n'a pas accès à la compréhension écrite dont le monde quotidien et le monde professionnel sont tissés. Des gens d'une grande valeur, et souvent d'une grande intelligence sont forcés, par un sentiment injustifié de honte, et de peur de la discrimination, de mettre au point des stratégies terriblement habiles de contournement et de dissimulation.
Cette souffrance est encore accrue par les situations sociales que l'on trouve, entre autres, dans les banlieues de la misère, là où sont relégués les oubliés de l'égalité des chances. Retrouver le chemin de l'écrit, de la compréhension de ce monde de signes imprimés qui conditionnent la vie professionnelle est la condition de base de l'accès à l'emploi, et de la mobilité professionnelle.
Face à toutes ces souffrances, des initiatives, comme celle qui est annoncée ici aujourd'hui, sont essentielles, pour, à travers l'accès au livre et à la lecture, mais aussi à travers la lutte contre l'illettrisme, que je veux développer, retisser le lien qui unit chaque citoyen aux autres, et qui constitue la collectivité nationale. L'accès à la lecture permet de partager, et de dépasser tous les blocages qui sont autant de carcans que nous cherchons aujourd'hui à défaire.
L'initiative ici soutenue par Bernard Pivot a pour finalité de promouvoir l'accès à l'écrit chez les jeunes enfants, et chez les adolescents. Mais il faut être bien conscient, que quand un jeune accède à la maîtrise de la langue, ou au livre, c'est toute une famille qui en bénéficie ! Il s'agit aussi de réapprendre à lire, ou de parfaire, la compréhension de l'écrit, chez les adolescents et les gens en situation professionnelle. Mais maîtriser l'écrit implique aussi d'être en mesure de se mouvoir, de naviguer dans le monde social, d'en maîtriser les codes et les savoir être, au moins les plus importants.
Aussi, pour extraire les gens qui en sont victimes, leur donner la clé du monde des lettres, implique aussi de leur donner les savoirs fondamentaux dont ils ont été privés. Des études européennes indiquent d'ailleurs la corrélation immédiate entre la maîtrise de l'écrit, des savoir être, et l'accès à l'emploi et à la promotion professionnelle. Mais la souffrance de l'illettrisme peut aussi être combattue en apportant le livre là où il est absent.
Or, les "Dicos d'or", ce sont à la fois des livres, qui vont arriver au sein de familles, et l'apprentissage de la langue. L'apprentissage de la langue française nécessite un certain nombre d'outils, et tous les publics n'ont pas besoin des mêmes outils. Les "Dicos d'or" font partie de ces outils, qui permettent de simplifier et de dédramatiser l'accès à l'orthographe, à la grammaire et à la conjugaison. Le travail novateur de Bénédicte Gaillard et de Jean-Pierre Colignon vient compléter renforcer, et se "conjuguer" aux autres outils, qui répondent à la diversité des publics scolaires et de leurs besoins. C'est ça l'égalité des chances : avoir droit aux capacités fondamentales pour être libre de réussir son parcours, et de se réussir soi-même.
De plus, le travail de Bénédicte Gaillard rejoint pleinement le travail que je mets en oeuvre, en partenariat avec mon collègue Gilles de Robien, avec l'Education nationale. En effet, il faut savoir lire pour réussir son parcours professionnel. Le premier accès à l'entreprise a lieu avec les stages obligatoires pendant la scolarité. Promouvoir une bonne maîtrise de la langue, à l'oral comme à l'écrit, revient à augmenter les chances de réussite de ce premier contact. En tant que ministre délégué à la Promotion de l'Egalité des chances, je veux ouvrir le monde des études à ceux qui croient qu'ils n'y ont pas droit, qu'ils n'en ont pas les compétences.
C'est dans cet esprit qu'avec Gilles de Robien, nous avons lancé les opérations "Un stage pour tous", afin de permettre à tous les élèves qui en ont besoin de bénéficier des stages en entreprise nécessaires à leur cursus, et "collège ciblés" qui vise à faire des établissements difficiles non plus des repoussoirs, mais des attracteurs ! Mais je veux aussi que les jeunes réussissent leur entrée dans l'enseignement supérieur, que ce soit à l'université ou en grande école. Et là aussi, la connaissance, mais aussi "l'intel-ligence", la lecture des implicites, est essentielle. C'est pour ça qu'il faut maîtriser la lecture, c'est pour pouvoir maîtriser les parcours induits parce qu'il y a derrière les textes. Un simple manuel d'accueil pour étudiant de première année peut être une véritable jungle pour celui qui ne sait pas en décrypter les différents sens, qui sont transmis, mais qui ne sont pas enseignés !
La promotion de la lecture, de l'ancrage dans la langue, de la maîtrise de l'écrit, sont indissociables de celle de l'égalité des chances. Les inégalités fond??es sur la langue sont insupportables et inacceptables, et j'affirme que, tous ensemble, nous allons pouvoir casser ces dynamiques de l'inégalité, et aider les français qui ont été oubliés par l'égalité des chances à retrouver les chemins de leur réussite, et non pas de "la" réussite, en retrouvant, entre autres le chemin de l'écrit, qui est celui aussi bien celui de la réussite professionnelle que de l'accomplissement de soi.
Je vous remercie.
Source http://www.egalitedeschances.gouv.fr, le 4 juillet 2006