Interview de M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, sur RTL le 20 juillet 2006, sur ses réactions après le mouvement de protestation des intermittents du spectacle lors du Festival d'Avignon et sur la position de la France concernant les actions militaires menées par Israël contre le Hezbollah au Liban.

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Circonstance : Mouvement de protestation des intermittents du spectacle lors du Festival d'Avignon le 17 juillet 2006

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

R. Arzt - Le Liban est un pays membre de l'Organisation de la francophonie. Un sommet de la francophonie s'était tenu, là-bas, il y a quatre ans. Raison de plus pour la France d'affirmer une solidarité ?
R - C'est un pays très proche de la France. Ce sont des amis. Je crois que l'ensemble du peuple français est en état de choc. Nous n'accepterons pas qu'il y ait une menace sur l'intégrité du Liban. Moi j'ai ressenti une très grande fierté, à l'annonce du déplacement du Premier ministre, lundi, D. de Villepin, lorsqu'il est parti, avec le ministre des Affaires Etrangères, porter ce message de solidarité active vis-à-vis du peuple libanais.
Q - Et au-delà ?
R - Le président de la République, mercredi, au conseil des ministres, a mobilisé son gouvernement, de manière extraordinairement directe, avec la maîtrise et la précision dont il est capable dans ce genre de circonstances. J'espère que sa voix, qui est importante sur le plan international - on se souvient des positions de la France, au moment du conflit irakien - sera entendue. Nous devons tout faire, dans un premier temps, bien sûr, pour l'action humanitaire. Pour faire en sorte que les couloirs humanitaires soient dégagés, pour que ceux qui veulent, malheureusement, fuir, puissent le faire. Nous exigeons l'arrêt des bombardements. Nous exigeons, dans le même élan, la libération des soldats israéliens. Bref, nous sommes totalement mobilisés, et nous redisons, une fois de plus que, dans cette période de violence, dans cette période de grande tension internationale, seul le droit, seule la politique peut garantir, au fond, l'existence sereine des Etats. Chacun dans la région, a droit à vivre en sécurité.
Q - Tout cela s'adresse à Israël, en particulier ?
R - Chacun, c'est également Israël qui a droit de vivre en sécurité, et il faut le rappeler aux voisins. Ce qui m'inquiète, c'est que ce conflit intervient dans une période qui ne ressemble pas aux périodes précédentes. Jamais, peut-être, la radicalité des esprits, la volonté d'en découdre, dans un certain nombre de lieux de la planète, ou d'instances, n'a été aussi forte. Jamais, donc, le rôle des Nations Unies n'a été aussi crucial. Nous devons être véritablement mobilisés.
Q - Autre question, alors là, je reviens en France. Vous étiez au Festival d'Avignon, lundi. Au début d'un spectacle, des intermittents vous ont crié : "Dehors, le ministre !". Ensuite, vous avez dû quitter un débat parce que des intermittents lançaient des tomates.
R - J'avais organisé - c'est la 60ème édition du Festival d'Avignon - toute une journée d'expressions artistiques, magnifiques d'ailleurs. Et les 4/5èmes se sont déroulées pour qu'un certain nombre de grands artistes puissent s'exprimer.
Q - Il y a eu du chahut, quand même !
R - Je suis habitué à l'expression forte, syndicale, pour faire valoir les droits des artistes et des techniciens. Et c'est normal que l'on parle des situations dramatiques. Je suis un homme d'action, j'ai pris des engagements : je les tiendrai tous. Mais ce qui s'est passé dépasse la revendication normale. C'est-à-dire qu'au-delà de manifestations, d'interpellations, qui sont légitimes vis-à-vis d'un ministre - un ministre, ce n'est pas un intouchable, et il est normal que l'on puisse s'exprimer assez directement vis-à-vis de moi, cela ne pose pas de problème.
Q - Alors, qu'y a-t-il eu au-delà ?
R - Il y a eu une atmosphère de violence politique absolument inadmissible, de comportements à caractère fascisant, et j'utilise ce mot à dessein. On n'a pas le droit d'interrompre un débat, mené notamment par des artistes sur les minorités visibles dans le spectacle vivant. Et il y avait une banderole sur laquelle était inscrite : "R.D.D.V : à la Libération, tu seras tondu". Mais on est où ? On a le droit, bien évidemment, de s'en prendre à un ministre et à l'action du Gouvernement, ou à l'action de la majorité présidentielle : c'est une démocratie vivante, c'est l'expression syndicale normale. Mais, franchir les lignes jaunes de la mémoire de la guerre, de l'horreur du nazisme, des questions de collaboration à partir d'un conflit social, là, franchement, j'en appelle à la responsabilité de chacun. Et j'ai reçu, d'ailleurs, de magnifiques témoignages d'artistes et de responsables politiques de tout bord.
Q - Vous allez porter plainte ?
R - Ce n'est pas une question de porter plainte, c'est une question de dénoncer la violence. Je suis un homme d'action, et je défends avec passion les artistes et les techniciens. Ils ont droit à un système spécifique d'assurance-chômage.
Q - Ils attendent une loi.
R - Non, ils n'attendent pas une loi. D'abord, ils attendent de l'emploi et de l'activité, ce que nous essayons de faire au maximum possible. Mon budget, pour le soutien au spectacle vivant, en quatre ans, a augmenté de 14%. Deuxièmement, ils attendent un système juste d'assurance-chômage.
Q - Apparemment, les partenaires sociaux n'arrivent pas à se mettre d'accord.
R - L'Etat a pris des engagements : je les tiendrai tous. J'ai prolongé les mesures de 2005, cela veut dire que les fameuses 507 heures en 12 mois, sont aujourd'hui garanties aux artistes et aux techniciens. J'attends des partenaires sociaux qu'ils signent l'accord qu'ils ont négocié. L'Etat le complétera. Et si cet accord ne devait pas intervenir dans un délai raisonnable, à ce moment-là, bien évidemment, le Gouvernement et le Parlement prendraient des initiatives. Mais je tiens à la solidarité interprofessionnelle vis-à-vis des artistes et des techniciens. J'en parle avec passion, parce que je les ai défendus avec passion, et personne ne m'empêchera d'agir.
Q - Avez-vous lu avec passion le dernier livre de N. Sarkozy, pour rester dans la culture ?
R - Je ne l'ai pas encore lu, mais je le lirai, bien sûr, avec beaucoup d'attention.
Q - Etes-vous un rallié à N. Sarkozy, alors qu'on vous dit plutôt proche de D. de Villepin ?
R - Je suis pour l'esprit d'équipe, et je dis haut et fort que, l'année prochaine, pour la victoire de la majorité présidentielle, il faudra que chacun s'engage. Chacun, c'est d'abord, bien sûr, le président de la République dont nous attendons la décision, et dont l'engagement, le moment venu, sera décisif. On a vu qu'il était dans une forme olympique au moment de son interview du 14 juillet.
Q - Est-ce que D. de Villepin pèse de moins en moins, politiquement ?
R - Lundi, je vous l'ai dit, j'étais d'une fierté absolue - comme chacun des Français était fier, le vendredi soir, du Conseil de sécurité à l'ONU, il y a quelques années, où il a porté haut et fort, dans le monde entier, le message de la France. Le combat du chômage, c'est le sien. Donc, nous avons besoin de cet esprit d'équipe, au sein de la majorité présidentielle. Le dire, c'est, je crois, faire tout simplement oeuvre utile, de la même manière que nous avons besoin et de J.-P. Raffarin, et d'A. Juppé et du plus simple de nos concitoyens. Ce sera une victoire, s'il y a esprit d'équipe. S'il y a déchirement, ce sera la défaite.
Q - Toute dernière question, rapidement. Vous venez de nommer - enfin, elle va être nommée - à la Comédie Française, une comédienne de ce théâtre, qui va devenir administratrice générale. C'est la première fois qu'une femme, M. Mayette, est nommée à ce poste-là.
R - C'est la première fois. C'est une très grande actrice, c'est un grand metteur en scène qui appartient à la troupe. C'est la volonté de faire en sorte que la Comédie Française, cette troupe exceptionnelle, puisse avoir un très grand rayonnement. Dire cela n'est pas penser du mal de M. Bozonnet.
Q - Qui était le prédécesseur, et qui semble être sanctionné parce qu'il avait déprogrammé une pièce ?
R - D'aucune manière ! C'est normal, parfois, qu'il y ait des renouvellements ou un vent nouveau, dans l'organisation d'une institution. M. Bozonnet, qui est un grand artiste, sera soutenu par l'Etat pour continuer son talent et son rayonnement artistique. Sur cette note théâtrale, merci, R. Donnedieu de Vabres.
Source : premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 20 juillet 2006