Entretien de Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, avec RTL sur le réglement du conflit israèlo-libanais, à Nicosie le 21 juillet 2006.

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Circonstance : Déplacement à Chypre, les 21 et 22 juillet 2006

Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Q - Vous êtes ministre déléguée aux Affaires européennes. Vous êtes à Chypre, vous venez d'entendre la détresse de ces Français. Vous pensez que l'idée des couloirs humanitaires fait son chemin ?
R - Il le faut. Je crois que les choses progressent mais qu'il est temps maintenant de prendre des décisions. En réalité, la situation s'aggrave de jour en jour. Et nous craignons qu'il y ait de nouvelles demandes de la part de compatriotes ou de ressortissants européens d'autres nationalités qui voudraient quitter le Liban en plus grand nombre. Il est donc urgent, maintenant, de mettre en place ces corridors humanitaires, aussi bien à l'intérieur de Liban, qu'entre le Liban et l'extérieur. Nous voyons des premières indications de principe, ouvertes ou positives, mais il est temps de passer à des décisions opérationnelles, réellement.

Q - Et vous pensez que Israël sera d'accord sur ce principe-là ?
R - Oui. Les premières orientations données font état d'intérêt de la part du gouvernement israélien. Je choisis soigneusement mes mots parce que je considère que c'est également de son intérêt d'apporter sa contribution à la solution d'une situation humanitaire qui devient extrêmement préoccupante.

Q - Jacques Chirac a souhaité ce matin que le "Monsieur politique extérieure de l'Europe", Javier Solana, soit mandaté officiellement pour tenter de négocier un cessez-le-feu. Vous pensez que l'Europe a une carte à jouer ?
R - Bien sûr et c'est d'ailleurs toute la communauté internationale qui est mobilisée. Le G8 l'a été. L'Union européenne l'est. Elle est particulièrement active. Javier Solana est notre représentant. Il s'est rendu déjà deux fois dans la région. Et, en effet, le Président de la République a souhaité qu'on lui donne un mandat, en tant que Haut Représentant pour la Politique extérieure et de Sécurité commune des Européens, pour mener tous les contacts, faire les navettes si nécessaire, convaincre les uns et les autres qui ne seraient pas encore convaincus qu'il y a urgence. Il faut maintenant un cessez-le-feu. Il faut qu'on puisse avancer aussi sur les conditions d'une solution durable avec, on le sait bien, des gestes qui doivent être faits de part et d'autre : la libération des soldats israéliens qui sont détenus, l'arrêt des tirs de roquette sur Israël, mais aussi l'arrêt des opérations militaires israéliennes en territoire libanais. Tout ceci nous donne les éléments de base pour une solution. Comment peut-on les agencer ? Comment peut-on maintenant faire avancer concrètement le travail diplomatique sur une solution ? C'est ce qu'il nous faut faire à la fois ici dans la région, et puis au Conseil de Sécurité des Nations unies, où nous avons déjà déposé un certain nombre de propositions.

Q - Même si les Américains ne sont pas favorables à un déploiement international et même pour le moment à toute idée de cessez-le-feu ?
R - Je crois que c'est une idée qui fera son chemin parce qu'il y a une nécessité. Quant à la présence d'une force internationale, vous savez que dans son principe, elle est déjà validée par le communiqué du G8 de dimanche dernier. C'est un accord unanime qui s'était fait entre les 8 pays membres du G8, dont les Etats-Unis. Nous voulons, sur cette base, pouvoir bâtir maintenant une solution dans le cadre du Conseil de sécurité des Nations unies. Je le redis, je crois qu'il y a vraiment urgence. Chaque jour qui passe n'est pas un jour gagné pour une opération, mais, en réalité, un jour perdu. Donc il faut savoir s'arrêter. Il faut savoir jusqu'où ne pas aller trop loin. Il y a, à l'heure actuelle, un engrenage qui est en marche, qui risque de déstabiliser toute la région, de broyer toute la région. On ne peut pas laisser faire ça sans réagir. Chaque jour qui passe, je le répète, est un jour perdu.

Q - Catherine Colonna vous êtes à Chypre, Larnaca fait état de difficultés face à l'afflux de réfugiés, vous avez ressenti cela sur place ?
R - Il y a, en effet, tout à la fois une organisation remarquable d'efficacité, de coopération, et je dirais même de gentillesse, qui est mise en place par les Chypriotes qui voient arriver des bateaux porteurs de réfugiés et souvent des personnes rester sur le territoire de Chypre sans pouvoir repartir aussi vite qu'ils le voudraient pour permettre aux autres d'arriver. Et, en même temps, il y a une grande préoccupation sur ce qui attend peut-être l'île et la région dans les jours qui viennent Si les signaux ne devenaient pas plus positifs, si l'inquiétude des personnes qui sont au Liban devait s'accroître, il faudrait craindre un afflux supplémentaire et peut-être excessif au regard des capacités de Chypre. D'où, en effet, une certaine inquiétude que l'on sent ici devant ce que j'appellerais presque des embouteillages de bateaux quand il faut débarquer ou des difficultés de transport aérien pour faire repartir des gens, à partir de Chypre, vers l'Europe ou ailleurs.

Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 juillet 2006