Interview de M. Jean-Louis Borloo, porte-parole de l'UDF, à RMC le 15 mars 2001, sur les négociations entre les différentes listes de droite pour le deuxième tour des élections municipales à Paris et à Lyon.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

P. Lapousterle Est-ce que ces tractations sans gloire entre les petits chefs de la droite à Paris et à Lyon ne sont pas un peu irresponsables, voire choquantes ?
Est-ce qu'il n'y a pas de quoi décourager ceux qui vous avaient fait confiance à droite dimanche dernier ?
- "Regardons le paysage national : je vais à Blois tout à l'heure parce que je pense que la relève par des gens de 30 ou 35 ans qui s'intéressent vraiment à leur ville plutôt que de la gérer de la Place des Vosges est une bonne chose ; à Strasbourg, F. Keller qui est une Trautmann plus proche des gens, plus sensuelle, plus moderne, plus nouveau siècle, va gagner. On nous annonçait des catastrophes absolument partout et il n'y en a pas."
Mais pour ce qui se passe en ce moment : toutes les deux heures, on fusionne, on ne fusionne pas, il y a des dissidents...
- "De quoi me parlez-vous au juste ? "
Je parle de M. Séguin qui a dit hier que la droite pouvait encore espérer rester au pouvoir à la mairie. Pensez-vous que c'est possible ?
- "C'est aux Parisiens d'en décider. Depuis le tout début de cette histoire, c'est un peu comme une espèce de péché originel. A partir du moment où le RPR a estimé mettre M. Tiberi maire de Paris, il me paraissait assez convenable de le laisser faire son mandat tranquillement avec sa majorité. Et puis, à la fin du mandat, il aurait pu être candidat dans le 5ème et pour le reste, il [le RPR] aurait pu renouveler toutes les équipes des autres arrondissements. L'affaire aurait été relativement simple. Je n'ai pas bien compris qu'on passe son temps à taper sur le type qu'on met en place - on a essayé de faire un putsch... Et d'ailleurs, que la ville de Paris n'ait pas de budget aujourd'hui parait complètement hallucinant ! Toutes les questions de fusion sont d'une hypocrisie absolue parce que quoi qu'il arrive, lundi matin, ils travailleront tous ensemble s'ils sont majoritaires. A partir de lundi, puisqu'ils souhaitent tous être majoritaires, ils vont bosser ensemble !"
Est-ce qu'il faut que Séguin et Tiberi se rencontrent ?
- "Ils en sont à un tel point... Je crois que Tiberi serait prêt à le rencontrer et en disant cela, d'ailleurs, je ne critique pas P. Séguin en tant que bonhomme. Mais à l'évidence, dans cette histoire, il fallait vraiment que le petit canard soit très noir pour justifier qu'on ait envoyé quelqu'un d'autre. Il y a une espèce d'excès et ce qui crispe les choses, c'est le caractère pas très vrai de la démarche."
A Lyon, par exemple, la ville était dirigée par un membre de votre parti, l'UDF ; vous souteniez M. Mercier qui s'est retiré. Soutenez-vous M. Dubernard qui est RPR, qui a pris sa place et qui a fait accord avec C. Millon ?
- "M. Mercier était le leader de l'UDF-RPR-DL. Que disent les Lyonnais et quelle était notre démarche ? Premièrement, ils ne veulent manifestement pas de G. Collomb, parce qu'avec 32% à la 4ème fois, ils n'ont pas l'air de dire qu'ils veulent de lui, cela me parait simple. Que disent-ils encore quand on lit les urnes ? Globalement, M. Mercier plutôt en tête, mais pas de beaucoup devant C. Millon. Les Lyonnais disent donc qu'ils veulent tourner la page de l'épisode Rhône-Alpes, qu'ils n'étaient pas d'accord avec Millon, mais dès lors qu'il a dit qu'il ne passerait plus jamais d'accord avec le FN, ils veulent tourner la page. Troisièmement, ils disent quelque chose d'un peu bizarre : les deux chefs, chacun dans son arrondissement, ne sont pas premier. La stratégie de M. Mercier du retrait réciproque des listes, il se l'applique à lui-même. On a tout fait pour qu'il ne le fasse pas mais M. Mercier est ainsi : il avait dit qu'il le ferait et même si cela se révèle être un peu une connerie - parce que la situation n'était pas prévisible -, il le fait quand même."
Vous et votre parti aviez fait campagne avant le premier tour pour dire qu'il ne fallait pas signer d'accord avec M. Millon. Si j'ai bien compris, vous soutenez maintenant le candidat RPR qui a signé avec Millon ? Ce n'est pas un changement de pied ?
- "Non, parce qu'on a des alliés. Le troisième principe qu'on a adopté est le suivant. Puisque les Lyonnais ne veulent pas de G. Collomb, que la droite est majoritaire et que notre candidat ne le fait pas, reste maintenant M. Dubernard qui est le leader de la droite. Les Lyonnais ne voulant pas de G. Collomb, on soutient M. Dubernard."
Et tant pis pour ce que vous aviez dit avant le premier tour sur M. Millon ?
- "Vous ne pouvez quand même pas faire de reproches à un parti qui fait ce qu'il a dit, qui a un allié et qui est solidaire avec lui, de faire en sorte que Lyon ne soit pas dirigée par M. Collomb. Celui-ci aurait fait 48 %, peut-être que notre attitude serait différente. Mais il va bien falloir qu'on arrête de se faire manipuler par la gauche qui, avec 30 %, voudrait gérer les villes."
On dit que le Président de la République a joué un rôle dans le retrait de M. Mercier et le soutien à M. Dubernard ?
- "Dans le retrait pur de M. Mercier, non. M. Mercier avait dit ce qu'il ferait et il l'a fait. Bravo ! En revanche, je ne suis pas convaincu qu'il y ait une très grande élégance de l'hôte de l'Elysée - ou en tout les cas de l'interlocuteur téléphonique de M. Dubernard, lequel a mis l'amplificateur. Tenir des propos désagréables sur M. Mercier n'est pas d'une classe extrême. Mais dans ces périodes où tout le monde est très fatigué, où les gens n'ont pas dormi pendant deux nuits, où la pression est invraisemblable, des bêtises se font et on ne va pas en faire un plat."
Au-delà de ce que vous dites, ne pensez-vous pas qu'il y a, de la part de l'Elysée une volonté de porter un coup à M. Bayrou ?
- "L'Elysée ferait mieux de choisir ses partenaires plutôt que ses marquis. Cela dit, il faut quand même qu'on raisonne avec des alliés. Le RPR ne pèse pas grand chose, l'UDF encore moins, DL quasiment rien, mais à nous tous on peut faire la majorité. Il va donc falloir qu'on soit élégant entre nous. On s'est effacé pour un millième de point à Caen derrière Mme Lebreton qu'on soutient. A l'inverse, le RPR Grossmann nous aide à Strasbourg pour F. Keller. Il va bien falloir qu'on soit plus intelligent que cela."
Un mot pour finir : la proposition de M. Séguin de faire voter les étrangers francophones résidents en France vous parait-elle raisonnable ?
- "Je ne la connaissais pas. Je connais déjà le problème des étrangers résidents en France durablement. Je fais d'ailleurs partie, à droite, des gens qui sont pour. La différence de francophonie me parait... Faut-il passer une agrégation de grammaire... ?"
L'idée est que ceux qui habitent les quartiers votent.
- "C'est donc le vote des étrangers ? Si M. Séguin s'y rallie, je m'en félicite."
(http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 15 mars 2001)