Texte intégral
Monsieur le Président de Commission,
Monsieur le Maire,
Monsieur le Préfet,
Messieurs les Chefs d'état-major,
Mesdames, Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs,
Ces 4e universités d'été de la Défense à Aix-en-Provence sont une nouvelle fois l'occasion de rassembler nombre de spécialistes nationaux et internationaux de la défense dans le commun souci de penser la politique de défense dès aujourd'hui pour mieux assurer nos missions de demain.
C'est de cette politique de défense dont je veux vous parler.
Il y a quatre ans, notre défense se caractérisait par :
- un état vétuste des matériels ayant le double effet de limiter nos capacités opérationnelles et d'affecter sensiblement le moral de nos militaires ;
- une politique européenne de sécurité et de défense essentiellement incantatoire
- une industrie de l'armement paralysée par le manque de moyens d'anticipation et le report perpétuel de restructurations nécessaires.
Imaginons un instant cette défense d'hier dans le monde d'aujourd'hui.
Une certitude existe. Nous ne pourrions être présents simultanément sur les théâtres d'OPEX, au Liban, en Afghanistan, au Kosovo, en Afrique, encore moins y assurer nos missions de commandement. Peut-être n'aurions-nous pas même pu entraîner les autres pays européens dans cet effort.
Nous ne serions pas audibles lorsque nous voulons promouvoir une politique européenne de défense ou défendre une vision multipolaire et équilibrée du Monde.
Tout le monde n'a pas forcément conscience non plus que nous serions moins compétitifs industriellement.
Pour demain, le contexte géostratégique reste fluctuant.
Pour autant nous pouvons être certains qu'il restera marqué :
- par la persistance d'une menace terroriste permanente et multiforme ;
- par la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs dans les régions les plus sensibles ;
- par le développement de nombreux foyers de crise, en Iraq, au Proche-Orient, en Afrique, dans les Balkans, le Caucase, l'Afghanistan...
- par l'accroissement de tensions planétaires liées à la pression sur les matières premières.
Cette réalité appelle indéniablement des réponses adaptées à la hauteur de l'ambition qu'a la France de protéger ses citoyens et ses intérêts comme à jouer un rôle conforme à son histoire et à son statut international.
Quel est le sens d'une France membre permanent du Conseil de sécurité de l'Onu dans le monde de l'après-11 septembre sans une défense structurée, moderne, forte ?
Ce que je veux c'est une France capable de jouer le rôle qui lui revient, une France crédible et par là même visible, à l'international.
C'est une France capable d'agir sur tous les terrains, capable de montrer qu'elle peut assumer les choix qu'elle fait et que sa voix compte.
C'est cette vision qui m'a conduite depuis quatre ans, sous l'impulsion et avec l'appui du Président de la République, à consacrer tous mes efforts à renforcer notre défense(1) et à préparer l'avenir.
Pour faire face en permanence aux menaces, nous avons besoin de professionnels dont les savoir-faire sont reconnus et valorisés.
Je ne reviendrai pas sur l'état des matériels que j'ai trouvé, sur ses conséquences au regard des personnels, sur les crises des programmes, sur le décalage des statuts, sur la complexité de l'organisation du Ministère.
Mon premier souci a été de mettre fin aux errances des Lois de Programmation militaire passées et aux mauvaises habitudes budgétaires comme les annulations de crédits et les bourrages.
Maintenant, le programme A400M constitue l'avenir de la flotte d'avions de transport dans sept pays. Le programme de frégates multi-missions, lancé avec l'Italie en 2005 est le plus grand programme naval jamais lancé en Europe.
Avec les programmes de satellites SYRACUSE et HELIOS II, nous avons permis à la France d'accomplir un véritable saut technologique en la dotant de moyens à la pointe du progrès lui permettant de disposer d'une plus grande autonomie de communication et de maîtrise de l'information.
Le programme M51 et le sous-marin Barracuda garantissent la pérennité de la compétence dissuasion.
L'achat d'équipements à la pointe de la modernité contribue au rétablissement d'un climat de confiance et au développement de notre efficacité opérationnelle sur le terrain.
Nous avons ainsi déployé des AMX 10 RC numérisés en Côte-d'Ivoire, des Rafales en Afghanistan, jusqu'au Leclerc, si décrié, au Liban.
Le respect de la LPM a créé un climat de confiance qui a permis l'essor d'une armée professionnelle, efficace, reconnue.
J'ai voulu aussi, par mon action au cours de ces quatre années, réorganiser le ministère, pour le rendre plus efficace, plus responsable, mieux à même de préparer ses arbitrages.
Parallèlement une stratégie ministérielle de réforme a été mise en place.
- Elle permet la clarification des responsabilités entre les états-majors.
- Elle permet également l'essor de l'interarmisation, nécessaire à une armée moderne.
Deux importantes réformes de structure en sont issues.
L'interarmisation de l'exploitation des réseaux et des systèmes d'information communs avec la DIRISI, et la création d'une direction générale des systèmes d'information et de communication, qui vise à garantir la cohérence des systèmes d'information du ministère en sont l'illustration.
Cet effort d'interarmisation s'est poursuivi avec la globalisation de l'approvisionnement en vivres des armées en métropole, assuré par l'Economat des armées.
La Délégation Générale pour l'armement a été confortée dans ses deux principales missions : la conduite des programmes d'armement et la préparation de l'avenir.
L'effort de mutualisation des capacités que j'ai appuyé s'est même poursuivi à un niveau européen, avec l'arrangement réalisé entre la France et la Belgique dans le domaine de la formation de pilotes.
Par ailleurs, des modes de financement innovants ont été étudiés et mis en place pour mieux répondre aux besoins opérationnels ou fonctionnels des armées, dans une optique d'optimisation financière qui constitue une source d'économie pour l'Etat.
Une mise en place de mécanismes de paiement à la performance, beaucoup plus incitatifs que les mécanismes traditionnels, a également été effectuée.
Le ministère de la Défense se trouve être ainsi le fer de lance de la Réforme de l'Etat conçue et appliquée ces dernières années.
La révision du statut général des militaires a, enfin, marqué une grande avancée dans la gestion des ressources humaines. Cette révision était attendue depuis longtemps.
Ce statut offre une meilleure protection des militaires en opération, rendant les règles mieux adaptées aux conditions effectives d'emploi de la force.
Un haut comité d'évaluation de la condition militaire a été instauré pour analyser la situation militaire et proposer les adaptations nécessaires.
Ces efforts en termes de condition humaine et de moyens matériels nous permettent aujourd'hui de déployer 14 000 militaires en OPEX, 14 000 hommes possédant des matériels modernes sur tous les théâtres de crise où la France s'investit.
Restructurée, notre industrie de défense a retrouvé son dynamisme et sa visibilité.
Regardons GIAT Industries, qui n'est plus comme avant un foyer de pertes pour le contribuable. Regardons DCN, devenu un outil industriel véritablement performant.
Surtout, la lisibilité donnée par une LPM rénovée, l'accent mis sur la recherche et le développement ont permis aux industriels du secteur d'innover et d'investir.
Le lancement de démonstrateurs, par la restructuration de l'industrie qu'il permet, investit la Défense dans un contexte de développement technologique européen.
J'en veux pour preuve le programme Neuron qui développe nos capacités technologiques dans le domaine des avions de combat.
Dassault a inscrit ce programme dans une dimension européenne par l'intégration de cinq partenaires européens.
Il faut continuer l'effort de recherche, tel que je l'ai souhaité, et mobiliser nos partenaires européens sur ce projet fédérateur.
Le dynamisme à l'exportation est une preuve de la vitalité de notre industrie. 2006 devrait être un bon cru à cet égard.
Plus généralement, la Défense a retrouvé la place qu'elle n'aurait jamais dû perdre, au coeur de la politique de croissance et de compétitivité française et européenne.
Voilà donc les bases du redressement de la Défense, telles que je les ai envisagées. Ces bases sont autant de promesses pour l'avenir.
Toutes les actions menées font partie d'une démarche globale tournée vers l'avenir.
Au-delà des effets immédiatement visibles, la politique de défense menée depuis quatre ans a préparé l'avenir.
Le ministère a aujourd'hui la capacité de faire de vrais choix stratégiques.
Nous sommes actuellement débarrassés de l'urgence de « réparer ».
Nous avons appris à utiliser au mieux notre budget, à dépenser juste et bien.
Nous possédons un outil de défense plus souple, capable de s'adapter ne permanence à l'évolution des crises.
A cet égard, l'espace doit être une des priorités de la politique française de défense.
Sa maîtrise est un des enjeux stratégiques majeurs du XXIe siècle.
L'espace doit être une priorité de la prochaine LPM dans la lignée des systèmes d'information et de communication. L'effort de défense dans ce domaine doit être poursuivi en prenant en compte sa dimension européenne.
Le maintien d'un haut niveau de recherche technologique est essentiel.
J'ai tenu à replacer la Défense au coeur de la politique de compétitivité et de croissance.
La défense se trouve donc au coeur de la politique de recherche et technologie et d'innovation du gouvernement.
Elle finance environ 10% de la dépense nationale de recherche et développement, mesurant l'ensemble des dépenses réalisées dans ce domaine par les administrations et les entreprises.
De 400 millions d'euros en début de Loi de Programmation, les crédits Recherche et Développement atteindront 700 millions en 2008.
Cela fait partie de ma vision de l'avenir de la défense, la vision que je m'efforce de concrétiser depuis 2002.
- J'ai également souhaité ouvrir la Défense à la recherche duale : elle participe ainsi à l'Agence de l'innovation industrielle, à l'Agence Nationale de la recherche et aux Pôles de compétitivité.
Enfin, la création d'une mission de haut niveau permet d'assurer l'interface entre défense et recherche académique.
Ces avancées replacent la Défense à l'avant-garde des progrès technologiques de demain.
Dans un contexte mouvant, il reste encore du travail à faire pour disposer d'une défense encore plus efficace et répondant aux défis à venir.
Il y a consensus : les armées modernes sont des armées mieux équipées et plus efficaces. Il ne faut donc pas rêver à des inflexions massives en matière d'équipements.
L'avenir de la défense s'inscrit dans une politique globale qui exige continuité et cohérence.
Ce serait une erreur grave que de chercher des économies majeures sur les grands programmes essentiels lancés et maintenant fortement engagés.
J'ai voulu inscrire la défense dans une vision du « progrès continu », pour que chaque chose accomplie porte ses fruits à l'avenir et nous permette de faire évoluer la défense vers une construction moderne, performante et crédible.
L'analyse capacitaire doit être régulièrement revue dans un souci de « stricte suffisance », mais aussi d' « efficience optimale ».
Ainsi, ce que j'ai mené, avec l'appui du Président de la République, en termes organisation interarmées, permet d'affiner les arbitrages capacitaires, au plan qualitatif, notamment technologique, et quantitatif.
Il faut poursuivre sur cette voie.
Tel est le défi prioritaire à relever pour la défense de demain.
- L'autre défi qui nous attend sera celui de l'efficacité globale et de la maîtrise des coûts de fonctionnement, notamment de soutien.
J'ai engagé un travail de fond dans le domaine naval : un cercle vertueux s'est mis en place avec un acheteur plus professionnel (SSF) et un industriel plus performant (DCN).
Pour le matériel aéronautique, les réformes de fond ont été engagées et se poursuivront.
Dans le domaine de l'armée de terre, l'exigence d'engagement et de disponibilité des forces dans la durée sur de multiples fronts a conduit à donner la priorité à la résorption des crises. Pour autant, j'ai également lancé un audit sur les actions de fond à mener sur le long terme.
Enfin, la politique de défense menée depuis quatre ans a conforté l'Europe de la Défense.
J'en veux pour preuve ces réalisations qui ont fait de velléités du passé des réalités concrètes : les Groupements tactiques 1500, l'Agence européenne de défense, la Force de gendarmerie européenne.
Encore une fois, il ne faut pas se satisfaire des résultats accomplis. L'exigence c'est de se tourner vers l'avenir.
L'Agence européenne de défense est une avancée importante que j'ai portée avec mes collègues Hoon et Struck pour en faire une véritable Agence « politique ».
Elle doit maintenant se donner les moyens de faire d'elle-même des propositions et ne pas être paralysée par le micro-management des technocraties nationales. Tous, nous devons l'y aider.
En étant à l'origine de ces réalisations majeures qui nous permettront de répondre, dans une perspective résolument européenne, aux défis du XXIe siècle, la France a retrouvé son rôle de leader naturel pour l'Europe, non seulement militairement mais aussi diplomatiquement.
Elle a repris une place qu'elle n'aurait en vérité jamais dû perdre.
Les résultats de cette politique se voient déjà dans la capacité qu'a la France à être sur tous les fronts, à entraîner, à proposer des solutions, à être à l'origine d'initiatives majeures.
Le dialogue euro-méditerranéen lancé en 2004 - dit 5+5 - renforce concrètement la coopération de défense et de sécurité entre les deux rives de la Méditerranée occidentale. Nous travaillons à un modèle similaire avec les pays du Golfe.
Notre capacité à entraîner nos partenaires a été une nouvelle fois démontrée avec le renforcement de la FINUL.
Ce matin-même, j'étais à Roissy, où j'ai salué et encouragé le 1er Groupement tactique interarmes partant pour le Liban.
Seul un outil de défense pointu, organisé, et efficace pouvait nous permettre d'assumer cette action et le rôle que la France doit tenir.
Nous avons retrouvé de fait une réelle influence politique. C'est vrai au sein de l'OTAN et de l'ONU, où la France est un acteur majeur des réformes engagées.
Certains diront peut-être que nous en avons trop fait.
D'autres que nous n'en avons pas fait assez.
Je veux vous dire qu'ensemble nous avons bien travaillé et que, comme vous, je veux que ce travail se poursuive et continue de porter ses fruits.
Nous ne devons pas nous reposer sur nos acquis.
J'y veillerai personnellement.
La France doit continuer à aller de l'avant.Source http://www.defense.gouv.fr, le 15 septembre 2006