Point de presse de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, avec la presse française le 20 septembre 2006 à New York, sur les questions internationales liées au dossier nucléaire iranien, au Liban et aux rôles de la Syrie et de l'Iran dans ce pays, au conflit israélo-palestinien, à la tenue des élections en Côte-d'Ivoire, à la crise au Darfour, à l'Afghanistan et sur la candidature de Bernard Kouchner à l'OMS, New York le 20 septembre 2006.

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Texte intégral


Bonjour à tous. Je vous remercie d'être venus ce matin. Je vais commencer par un point sur le dîner d'hier soir.
Condoleezza Rice a convié les membres permanents du Conseil de sécurité, les membres du P5, élargi à l'Allemagne - comme cela s'était déjà fait - mais aussi à l'Italie - ce qui était une première - pour parler de l'Iran et également du Liban. Un double mouvement apparaît maintenant sur l'Iran : le mouvement de la dynamique du processus engagé au Conseil de sécurité par la résolution 1696 adoptée sous présidence française le 31 juillet dernier, à l'unanimité des voix moins celle du Qatar. Comme vous le savez, cette résolution est placée sous le chapitre VII - article 41 - de la Charte des Nations unies. Et il y a un autre mouvement, celui de la dynamique du dialogue. C'est celle que nous avons toujours appelée de nos voeux. Tout le problème, c'est qu'il faut à la fois éviter la confrontation, mais aussi ne pas laisser les Iraniens gagner du temps.
C'est ce dont nous avons parlé. Javier Solana avait qualifié de "constructifs" les échanges qu'il avait eus avec Ali Larijani. Tout tourne autour de cette double suspension : la suspension de la dynamique engagée au Conseil de sécurité - on arrêterait l'avancement de ce processus - à condition que, de l'autre il y ait, pour les Iraniens, la suspension des activités nucléaires sensibles, en particulier l'enrichissement de l'uranium.
Il y a un double calendrier : le premier vise à établir l'ordre du jour et le moment des négociations, pour déterminer à quel moment nous allons pouvoir commencer les négociations. Et il y a un second calendrier : une fois commencées les négociations, combien de temps vont-elles prendre et quels en sont les objectifs. C'est cela qu'il faut définir aujourd'hui. C'est ce dont nous avons parlé dans une sorte d'accord global avec les Américains, les Russes les Chinois et les Européens qui étaient présents hier.
A propos du Liban, je dirai que la résolution 1701 est assez bien respectée sur le terrain mais que la situation reste fragile. Il faut que l'armée libanaise se déploie totalement au sud-Liban - ce n'est pas encore fait - et qu'en même temps il y ait un retrait total de l'armée israélienne, ce qui n'est pas non plus réalisé. Par ailleurs, la FINUL renforcée est un succès de la communauté internationale, parce qu'elle est formée d'un squelette dont la colonne vertébrale est européenne mais auquel participent aussi la Chine, d'autres pays asiatiques et puis des pays musulmans, au premier rang desquels la Malaisie, l'Indonésie, la Turquie et le Qatar. Je trouve qu'il y a une belle dynamique de la FINUL au Liban ce qui montre que l'Union européenne, lorsqu'elle est unie, est suivie dans ses valeurs.
Fouad Siniora sort renforcé de cette crise. Il sort en homme d'Etat, revigoré ; il a été présent sous les bombes avec son peuple tout en dirigeant son gouvernement et en tenant la ligne avec les Israéliens, avec les Européens, avec la Ligue arabe, avec les Américains. Mais il n'en reste pas moins vrai qu'aujourd'hui, la présence permanente des chiites de Hassan Nasrallah dans la reconstruction crée la possibilité d'un Etat dans l'Etat.
Je rappelle aux Israéliens - je rencontrerai d'ailleurs Mme Livni très bientôt d'abord ici, puis peut-être aussi lors d'un déplacement - qu'ils ont intérêt à avoir un dialogue avec des gens comme Fouad Siniora et Mahmoud Abbas. Sinon, c'est le Hamas ou le Hezbollah qui prendront leur place.
Je terminerai par mon voyage à Ramallah et ma discussion avec Mahmoud Abbas hier, puisque j'assistais à la réunion bilatérale avec le président, puis à la réunion avec les ministres de l'Union. J'ai voulu me rendre à Ramallah dès l'instant où Mahmoud Abbas a annoncé qu'il envisageait très sérieusement de demander la démission du gouvernement pour le remplacer par un gouvernement d'Union nationale.
Pourquoi ? Parce que je pense que c'est un élément absolument majeur de la vie politique du Moyen-Orient et du Proche-Orient. Si on ne règle pas la question palestinienne, on ne réglera aucun conflit dans la région. Il me semble qu'il y a là une "fenêtre" probablement historique puisque le Hamas est confronté à des grèves de la part de ceux qui ont voté pour lui et donc à une remise en cause, à l'intérieur même des Territoires.
En même temps, le Hamas, après qu'une délégation se soit rendue en Russie et dans quelques pays du Golfe, s'aperçoit maintenant qu'il n'est pas reçu dans les autres pays. Ces deux facteurs mis bout à bout, l'un relevant de la politique intérieure et l'autre de la politique internationale, font qu'aujourd'hui une partie du Hamas, qui se trouve dans les Territoires palestiniens, accepte l'idée de gouvernement d'Union nationale proposée par Mahmoud Abbas, composé pour un tiers de membres du Hamas et pour deux tiers de ministres n'appartenant pas au Hamas.
C'est un élément politique majeur, le deuxième de l'été, après la décision de Fouad Siniora de déployer l'armée libanaise au sud comme gage de souveraineté. Je me suis rendu dans les Territoires pour dire notre soutien à M. Mahmoud Abbas et j'ai ajouté, exactement, la phrase suivante : "dans la mesure où ce gouvernement d'Union nationale prendra en compte les demandes de la communauté internationale, l'attitude de cette communauté internationale pourra être réévaluée concernant les aides et concernant les contacts politiques". Il y a eu une discussion au niveau de l'Union européenne hier pour savoir si nous allions ou pas les accompagner. Nous avons plaidé, avec Miguel Moratinos et d'autres, pour le faire.
Q - Qu'est-ce que vous attendez de la réunion aujourd'hui sur la Côte d'Ivoire ?
R - Dans cette crise difficile qui dure maintenant depuis plus de quatre ans, nous n'avons qu'un seul but : trouver une solution purement politique, fondée sur des élections qui soient à la fois ouvertes, transparentes, crédibles et confortées par la mobilisation et par la garantie de l'ensemble de la communauté internationale.
Voilà notre but. Nous l'avons toujours dit. Brigitte Girardin s'est rendue dix fois à Abidjan pour travailler avec le Groupe de travail international et rencontrer les uns et les autres. Les principes de base de notre action en Côte d'Ivoire, comme partout, sont le respect de la souveraineté de l'Etat et de l'intégrité des frontières, la légitimité politique des responsables - c'est la raison pour laquelle je parle des élections.
En même temps, bien évidemment nous avons devant nous un problème majeur puisqu'on sait très bien que les élections n'auront pas lieu le 30 octobre. C'est un problème de listes électorales et il n'est pas pensable de ne pas trouver une solution le plus rapidement possible.
Q - Les troupes françaises n'ont pas vocation à rester indéfiniment. Qu'allez vous faire ?
R - Les troupes n'ont pas vocation à rester. Il y a quatre mille cinq cent hommes actuellement en Côte d'Ivoire qui, avec les autres partenaires de la communauté internationale, participent à la préservation des principes que je viens de rappeler.
Si jamais ils devaient quitter maintenant le pays, dans les heures ou dans les jours qui viennent, ce serait terrible pour la population locale. Je dirai qu'il faut profiter de la présence de la communauté internationale aujourd'hui pour imposer un dialogue et demander aux uns et aux autres d'exercer son sens des responsabilités.
Kofi Annan organise cette réunion. Objectif : la tenue des élections. Les Nations unies ont un rôle, y compris de sanctionner les chefs d'Etat ou de gouvernement qui ne respectent pas le droit international. Dans ces conditions, si les élections ne se tiennent pas, je crois qu'il faut prendre des sanctions vis à vis des responsables ivoiriens.
Q - A quelle hauteur ? Quel type de sanctions ?
R - C'est au Conseil de sécurité de le déterminer : elles peuvent concerner les avoirs financiers, les déplacements des autorités des pays concernés ; ce qui est tout à fait classique pour les premières sanctions que l'on impose aux chefs d'Etat ou de gouvernement qui ne respectent pas le droit international.
Q - Est-ce que Mme Rice accepte la proposition française que le président a faite dans son discours hier sur le lancement du processus de paix ? Vous avez dit que gouvernement de M. Siniora était fragile, comme celui de M. Abbas. Qu'est ce que la communauté internationale peut faire, comme elle fait pour M. Abbas, et qui ne réussit pas forcément, pour aider M.Siniora à sortir de cette fragilité qui est très dangereuse pour le pays ?
R - A propos de M. Siniora, je crois qu'il y a un rendez-vous très important : celui de la conférence que le président Chirac a proposée avant la fin de l'année. Celle-ci pourrait se dérouler soit à Beyrouth, si les conditions le permettaient, soit à Paris, et concernerait la reconstruction à long terme.
Il s'agirait d'une conférence des donateurs pour favoriser une reconstruction du Liban à long terme. J'aurai d'ailleurs dans la journée et demain, un certain nombre de contacts avec différents pays, et, en particulier, avec des pays du Golfe, pour savoir s'ils participeraient à cette réunion. Il faut que cette reconstruction soit conduite sous l'autorité de M. Siniora - tout à l'heure, j'évoquais Hassan Nasrallah, qui est en train lui-même de faire le tour du Liban-Sud, en proposant des dizaines de milliers de dollars à chaque personne qui a perdu une maison
S'agissant de Mahmoud Abbas, je crois que la réunion du Quartet est très importante. Les initiatives se multiplient sur le conflit israélo-palestinien pour que le Conseil de sécurité puisse mettre en place une démarche afin d'ouvrir la voie à une conférence internationale. L'Egypte propose que les deux parties viennent au Conseil de sécurité pour trouver des solutions sur les frontières. Tout cela va dans le bon sens.
Mais je voudrais vous dire : soyons prudents. Il y a eu plusieurs échecs successifs au Conseil de sécurité durant les deux dernières années. Il n'y a rien de pire que d'avoir une communauté internationale divisée sur le conflit israélo-palestinien au Conseil de sécurité. A mon avis, la prudence doit l'emporter et nous devrions donner l'impulsion au sein du Quartet pour faire de nouvelles propositions sur le processus de paix. C'est ce que le président Chirac a proposé et c'est ce que les Américains sont d'ailleurs en train d'accepter.
Reste encore à savoir quelle est, aujourd'hui, la vision des Américains par rapport à l'aide que l'on peut apporter à Mahmoud Abbas. Je me suis permis de dire hier à Condoleezza Rice qu'il était absolument fondamental de comprendre que si une aide économique n'est pas apportée à la population palestinienne dans les trois semaines, ce n'est pas le Hamas qui allait s'effondrer, comme certains aux Etats-Unis le pensent, c'est l'ensemble de la société palestinienne. Et si c'est la société palestinienne qui s'effondre, c'est une très mauvais nouvelle pour tout le monde, à commencer par Israël ; c'est la première remarque.
La deuxième remarque, c'est que M.Olmert se trouve dans une position politique fragile alors que la situation de Mahmoud Abbas, qui était également difficile, s'est améliorée depuis sa proposition de gouvernement d'Union nationale. Il me semble que M. Olmert pourrait très bien envisager, peut-être à contre courant de son opinion publique, une véritable sortie par le haut du conflit israélo-palestinien avec M. Abbas. Le président Bush pourrait agir en ce sens. J'ai été assez sensible à son discours, hier, durant lequel il a parlé du conflit israélo-palestinien, en souhaitant une issue positive. Je pense qu'il y a là une véritable opportunité.
Q - Sur le Soudan et le Darfour, vous avez rapidement évoqué la démarche actuellement adoptée, alors que tout semble bloqué. On a entendu hier le discours du président Béchir, qui n'était pas très encourageant. Avez-vous évoqué des sanctions? Peut-on prendre des sanctions contre le Soudan pour obtenir un déploiement de l'ONU ?
R - La question du Darfour, il ne faut pas s'y tromper, c'est, aujourd'hui, la question la plus importante en Afrique. Nous avons été les premiers à le dire. Dominique de Villepin, lorsqu'il était ministre des Affaires étrangères, fut le premier à en parler vraiment. Moi-même, je suis allé au Darfour lorsque j'ai été nommé. Il s'agit donc d'une constante de la politique internationale française pour souligner la situation du Darfour. Au-delà même de la question humanitaire, la question du Darfour est politique, religieuse, culturelle.
Le Conseil de sécurité a voté la résolution 1706 qui vise à envoyer près de 17.000 soldats et 5.000 policiers. C'est d'ailleurs la plus grande force que l'ONU ait jamais décidée. L'idée est de "bleuir" les forces de l'Union africaine, et donc de transformer cette opération de maintien de la paix de l'Union africaine en opération de maintien de la paix de l'ONU. Khartoum ne veut pas. Quand vous rencontrez les autorités de Khartoum - et je vais les rencontrer durant cette semaine ; j'ai eu au téléphone le ministre des Affaires étrangères et, il y a très peu de temps, j'ai rencontré le vice président que j'ai reçu au Quai d'Orsay -, ils vous disent que cela va beaucoup mieux. Le territoire le plus dangereux se réduirait de plus en plus.
En réalité, c'est le contraire. Nous savons, aujourd'hui, que la situation est effroyable : il y a près de 300.000 morts et deux millions et demi de personnes déplacées. Cela déstabilise en même temps le Tchad. Au-delà du Darfour et du Soudan, il existe, en effet, un risque de déstabilisation, comme les dominos, de tous les autres pays de la région. Khartoum ne veut pas en entendre parler. Alors la question est simple : je ne vois pas comment les forces de l'ONU pourraient intervenir au Soudan sans l'accord des autorités soudanaises. Cela me paraît difficile ; en tout cas totalement contraire aux principes défendus par la France.
Vous n'y arriverez pas, ou alors par une guerre décidée par la communauté internationale.
Les actions ne peuvent être en réalité que politiques. Je crois aux contacts politiques. Je pense qu'ils vont être obligés à un moment donné d'accepter. Moi-même, je vais aller au Darfour très vite et après avoir essayé tous les contacts politiques, on décidera au Conseil de sécurité.
Q - (A propos de la proposition du président Chirac sur la question iranienne)
R - Absolument pas. Sauf que M. Solana a dit que le sujet de la suspension a pu être abordé dans une discussion avec le représentant iranien pour la première fois. Nous proposons de parler de suspension contre suspension. Le président Chirac en a parlé hier. Je pense qu'aujourd'hui cela va faire son chemin et que l'on pourrait très bien être amené à parler de double suspension.
Q - Y a-t-il une diplomatie parallèle à celle de Solana-Larijani ?
R - Nous avons une habitude dans ce dossier, c'est toujours d'en parler immédiatement à nos partenaires européens. Ensuite, on contacte évidemment les autres pays, mais on s'entretient d'abord avec les Européens, en particulier avec les Allemands et les Britanniques. Sur ce sujet, depuis le début, on avance toujours ensemble. Cela n'empêche pas les uns ou les autres de rencontrer Manouchehr Mottaki. Celui-ci a rencontré les Allemands deux ou trois fois et les Britanniques deux ou trois fois. Je l'ai rencontré deux ou trois fois. Je recommence aujourd'hui. En revanche, c'est M.Solana qui rencontre M.Larijani, car nous l'avons souhaité. Ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que, au sein de l'administration Bush, Mme Rice a joué un rôle très important, le 31 mai dernier, puisque pour la première fois depuis 28 ans, elle a proposé une inflexion de la politique américaine vis-à-vis de l'Iran.
Q - Je voulais vous demander pourquoi ne pas avoir saisi l'occasion de cette 61ème Assemblée générale pour parler directement à Ahmadinejad ?
R - Parce qu'il y a, sur le dossier iranien, la quasi obligation, me semble t-il, de montrer l'unité de la communauté internationale. Durant un an, j'ai travaillé sur ce dossier avec pour objectif de combiner fermeté et dialogue. Si vous n'avez pas la fermeté, vous n'avez plus les Américains et les Britanniques. Si vous n'avez pas le dialogue, vous n'avez pas les Russes et les Chinois. Donc il est important de montrer toujours l'unité.
Ce qui a été décidé dans ce dossier c'est de parler tous ensemble, à travers un homme qui s'appelle Javier Solana, non seulement au nom des Européens, mais aussi au nom de l'ensemble du P5+1. C'est un Européen qui pour la première fois incarne la communauté internationale dans une négociation. A partir de là, il est clair que chaque chef d'Etat peut rencontrer Mahmoud Ahmadinejad. N'oubliez pas que les Iraniens font quand même preuve, aujourd'hui, d'une certaine agilité diplomatique et ont une capacité à diviser la communauté internationale. Et ils ont des milliers d'années de pratique derrière eux.
Deuxièmement, je dois vous dire que M. Ahmadinejad, en dehors du fait qu'il est président de l'Iran, a tenu des propos absolument inacceptables et inqualifiables sur Israël. On ne peut pas, à la fois, tenir des propos comme cela sur Israël et vouloir être reçu par tous les chefs d'Etat ou du gouvernement du monde ; il faut choisir.
Q - Les Etats Unis vont vouloir travailler sur la proposition européenne de dialogue et en même temps ils veulent continuer sur la pente des sanctions. Ils font un projet de résolution dans ce sens. Est-ce que vous avez reçu ce projet? Qu'est ce que vous en pensez ? Est-ce que vous êtes prêts à commencer à parler aussi de sanctions ?
R - Sur ce sujet, l'affaire est derrière nous. C'est le 12 juillet au Quai d'Orsay à Paris, que nous nous sommes réunis en formation "P5+1", c'est-à-dire les cinq membres du Conseil de sécurité des Nations unies et l'Allemagne, pour décider de la conduite du dossier. Les mesures que nous prendrions seraient placées sous le chapitre VII article 41. C'est la résolution 1696 qui a été votée le 31 juillet. Il est évident que si l'on voulait continuer, il faudrait une nouvelle résolution. Mais cela est acté. Nous avons fait en même temps à l'Iran une proposition très ambitieuse sur le plan politique, sur le plan économique et sur le plan du nucléaire civil. Si l'Iran répond négativement à cette offre, la résolution 1696 suivra sa propre dynamique.
Ce que nous proposons, c'est la double suspension. Si l'Iran répond négativement, il y aura une discussion entre les cinq membres du Conseil de sécurité, et l'on verra ce que les Russes et les Chinois diront ; mais ils ont quand même déjà voté la résolution 1696.
Q - Vous avez reçu le projet de résolution ?
R - Non.
Q - Deux questions différentes: la première, les ministres des Affaires étrangères de l'OTAN se réunissent demain sur Afghanistan, est-ce que vous partagez le diagnostic, qui consiste à dire qu'il faut des renforts de troupes sur place en Afghanistan pour une situation qui semble parfois déraper ?
Deuxième question qui n'a rien avoir avec la précédente : est-ce que vous soutenez la candidature de Bernard Kouchner pour l'OMS, et est-ce que vous pensez qu'il a ses chances?
R - Sur l'Afghanistan, je suis très inquiet de la situation dans le pays. Les Talibans sont en train de déployer des moyens et d'obtenir des résultats de plus en plus importants. Ils menacent en permanence la sécurité des convois de la FIAS. Quatre soldats ont encore été tués avant-hier.
Ensuite, vous savez que nous avons le commandement de Kaboul depuis le 1er août. Nous n'avons pas voulu envoyer de renforts militaires.
Enfin, il nous semble que Hamid Karzaï est dans une situation de plus en plus difficile, que l'Etat afghan est de moins en moins présent. Certes il est présent à Kaboul, mais ailleurs, il n'existe pratiquement pas. Tout cela aboutit au fait que la culture de la drogue a augmenté de manière exponentielle au cours de la dernière année. Je crois que 90 % de la culture du pavot dans le monde provient aujourd'hui d'Afghanistan. Je suis très préoccupé de ce qui se passe en Afghanistan.
Quant à Bernard Kouchner, il est notre candidat à l'OMS. C'est un excellent candidat. Bernard Kouchner présente un double avantage. D'une part, il a une très grande expérience de la santé publique et pas seulement de l'humanitaire. Nous nous sommes suivis et précédés pendant 10 ans avec la même politique de santé publique d'ailleurs, c'est pour cela que les politiques de santé publique ont beaucoup avancé, puisque nous avons toujours mené à terme ce que l'autre avait commencé. C'est un excellent professionnel de santé publique, qui connaît très bien l'épidémiologie. C'est un responsable politique. Il serait à même aujourd'hui de mieux organiser la prévention des pandémies entre l'ONUSIDA, le Fonds global et l'OMS. D'autre part, il a une aura personnelle : c'est lui qui a inventé les "French doctors". Il n'y a donc pas de meilleur candidat au monde pour être directeur général de l'OMS. Vous savez qu'il y a 34 membres au comité exécutif et que les représentants votent beaucoup en fonction des régions. La concurrence est très vive.
Q - En ce qui concerne l'élection du Secrétaire général, y a-t-il une candidature officielle de la présidente de Lettonie ? Cette candidature a-t-elle été déposée ?
R - Oui
Q - Estimez-vous que l'Asie doit avoir le poste ?
R - Il n'y a pas de zone géographique prédéterminée. Mais tout le monde s'accorde à dire que c'est plutôt le tour de l'Asie. Nous avons toujours pensé qu'il y avait deux critères: que le candidat pour lequel nous allons voter parle français. Et ensuite qu'il ait la capacité politique pour gérer les crises.
Q - La Lettonie peut recevoir un veto de la Russie ?
R - Il faut le demander à la Russie.
Q - Avez-vous un candidat favori ?
R - Il ne me revient pas d'avoir un candidat favori, c'est au chef de l'Etat. J'ai rencontré tous les candidats.
Q - Je souhaiterais revenir sur l'Iran, Monsieur le Ministre. Lorsque vous parlez avec les Iraniens, vous parlez du Liban. Comment distinguez-vous le rôle de l'Iran au Liban du rôle de la Syrie ? Vous pensez que l'un a un rôle plus positif que l'autre ? Visiblement, vous ne parlez pas du tout avec la Syrie, mais avec l'Iran, vous faites des choses.
R - Il y a deux dossiers: le nucléaire, qui n'est pas un dossier avec la Syrie que je sache, et puis le dossier israélo-libanais. Ce sont deux choses différentes.
Sur le dossier nucléaire iranien, il est évident que nous devons discuter avec l'Iran, car si nous ne parlons pas avec lui, on ne peut pas lui demander de négocier, on ne peut pas lui demander de calendrier. On irait alors vers des sanctions au Conseil de sécurité, vers un risque majeur de voir s'affronter le monde musulman et l'Occident.
Sur le dossier israélo-libanais, il est vrai que nous avons dit aux Iraniens que s'ils souhaitaient jouer un rôle constructif, c'est maintenant qu'il fallait le faire. Et s'ils ne le souhaitent pas, cela sera vraiment regrettable pour eux car cela pourrait les isoler.
Sur la Syrie, la question ne se pose pas. Les autorités syriennes ont cherché à déstabiliser le Liban. La Syrie est un grand pays, le peuple syrien est un grand peuple, mais les autorités syriennes doivent choisir.
Comme vous le savez, dans le cadre de la résolution 1595, le juge Brammertz va rendre son rapport dans les prochains jours. Rien ne justifie le retard que nous pourrions avoir dans la mise en place d'un tribunal international. Il ne manque donc plus que le vote du Conseil des ministres libanais qui doit avoir lieu rapidement, avant même de savoir sur quoi ce tribunal statuera ou ne statuera pas. Le contenu du rapport du juge Brammertz est différent de la décision juridique de créer un tribunal international pour juger ceux qui ont commis ces exactions au Liban.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 septembre 2006