Texte intégral
Merci d'être là ce matin. C'est toujours un plaisir de rencontrer la presse en général, la presse américaine en particulier.
Q - Avez-vous les déclarations de M. Ahmadinejad ?
R - C'est la première fois qu'il dit que l'Iran est prêt à négocier une suspension de ses activités d'enrichissement, s'il y a des conditions équitables.
Q - Cela dépend t-il de lui ?
R - Il y a deux parties en ce moment : la communauté internationale, d'un côté, et l'Iran de l'autre. Il faut bien être deux.
Q - Mais ce n'est pas lui qui prend les décisions, il y a le guide suprême ?
R - La situation politique de l'Iran est en effet complexe. Vous avez peut-être raison mais ce n'est pas à moi de juger qui prend la décision politique en Iran.
Aujourd'hui nous sommes dans une logique qui me paraît équitable. Comme le président Chirac l'a suggéré, nous pourrions proposer à l'Iran une double suspension : suspension de la dynamique du Conseil de sécurité qui aboutit à des sanctions d'un côté et, de l'autre, un pas positif de l'Iran ; la suspension de l'enrichissement. Il me paraît important de voir rapidement si les Iraniens souhaitent ou non envisager la suspension de l'enrichissement. C'est la raison pour laquelle j'ai commencé par cette déclaration de M. Ahmadinejad dans sa conférence de presse d'hier. Si les Iraniens ne se montraient pas réceptifs à ce que nous proposons, il est évident que la logique du Conseil de sécurité continuerait.
Q - De quel calendrier parle-t-on ?
R - Nous avons devant nous deux écueils. Le premier, c'est l'absence de dialogue qui aboutirait à une confrontation sans que nous ayons pu nous expliquer. Le second, c'est le fait que les Iraniens gagnent du temps avec ces différentes réunions préalables à un calendrier. Il est donc tout à fait important d'écouter parfaitement ce que les responsables iraniens vont dire.
Q - Le ministre russe des Affaires étrangères a dit hier dans une interview qu'il ne croyait pas en un calendrier artificiel. Il a ajouté que la plus importante des choses était de s'assurer qu'un accord soit négocié. Pouvez-vous commenter cela et nous dire si vous avez des indications sur la rencontre entre M. Larijani et M. Solana ?
R - Sur le premier point, concernant M. Lavrov, je crois que votre question me permet d'introduire une notion fondamentale dans ce dossier ; celle de l'unité de la communauté internationale. N'oubliez pas que, depuis ces différents votes de l'AIEA voici plus d'un an, nous faisons très attention à ce que les membres permanents du Conseil de sécurité ne se divisent pas. Si les membres permanents du Conseil de sécurité étaient divisés, ce serait un échec de la communauté internationale et la voie ouverte à ce que certains souhaiteraient en Iran. Après avoir fait ensemble, à Vienne, des propositions positives dans les domaines politique, économique et nucléaire, propositions restées sans réponse, nous nous sommes réunis, le 12 juillet, à Paris, afin de décider du principe de sanctions contre l'Iran - chapitre VII article 41. En réalité personne ne veut qu'il y ait autre chose qu'un programme nucléaire civil et pacifique en Iran. A chacun sa sensibilité, sa culture, mais je me suis aperçu que nous étions tous ensemble sur ce dossier.
Sur le deuxième point, la réunion de M. Solana et M. Larijani, nous n'avons pas de date précise. Nous espérons qu'elle aura lieu au début de la semaine prochaine.
Q - Croyez-vous que les retards soient une façon de gagner du temps ?
R - Je crois que l'Iran ne peut pas s'isoler de la communauté internationale. Je pense qu'une telle attitude serait grave pour ce pays, pour ses dirigeants et pour son peuple. C'est la raison pour laquelle nous avons toujours plaidé pour la fermeté et le dialogue. Ceux qui pensent que le dialogue est le contraire de la fermeté se trompent. Il faut simplement avoir une double démarche, une démarche de dialogue, de main tendue, de propositions positives associées à des conditions d'une part et une demande de fermeté si personne ne veut faire un pas positif du côté iranien, d'autre part.
Q - Pensez-vous que les Iraniens sont de bonne foi ?
R - C'est exactement la question. Je me suis souvent aperçu que nos interlocuteurs iraniens parlaient des conditions proposées. Je pense que nous devons prendre en considération ce qu'ils nous disent. Nous devons bien comprendre qu'il s'agit d'un grand peuple, d'une civilisation très ancienne et, en même temps, que nous devons rester unis, y compris dans ce que nous disons à nos différents rendez-vous.
A partir de là, je crois qu'il n'y a qu'une seule chose qui compte, c'est ce principe de double suspension au moment de la négociation ; il y aura là un moment de vérité.
Q - A quel moment déciderez-vous que les Iraniens auront répondu par la négative ? Que les Iraniens jouent la montre ? Je suis certaine que vous pensez qu'ils continuent à enrichir et à développer le programment même pendant la phase de négociation. Il semblerait que cela puisse se poursuivre indéfiniment ?
R - Nous avons voté la résolution 1696, le 31 juillet dernier, sous présidence française du Conseil de sécurité des Nations unies. Vous comprenez qu'avant d'entrer dans tout le mécanisme des sanctions, il paraissait normal d'avoir des entretiens avec les autorités iraniennes. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé à M. Solana de représenter la communauté internationale. A partir du moment où M. Solana a qualifié les discussions avec M. Larijani de "constructives", il nous a semblé que le cap du 31 août pouvait être dépassé de quelques jours afin de tout tenter et n'avoir ni regrets ni remords. Nous sommes en phase très avancée des discussions entre MM. Larijani et Solana. C'est maintenant à M. Solana de nous rendre compte de ce qui se sera passé dans la prochaine réunion, puis nous pourrons prendre une décision rapidement.
Q - Peut-on réellement parler de consensus entre les cinq membres permanents du Conseil de sécurité sur la nécessité d'envisager des sanctions si l'Iran ne suspend pas l'enrichissement ? Chaque fois que vous sortez d'une réunion, vous dites qu'il y a consensus, puis un ministre ou un autre déclare qu'il ne pense pas que les sanctions soient la solution. Alors, y a-t-il un réel consensus fort ?
R - En diplomatie, on ne peut pas franchir une étape avant l'autre. Il arrive qu'il faille parler de l'étape d'après pour mieux accomplir celle en cours mais, parfois, si vous parlez de celle d'après, vous sciez la branche sur laquelle vous êtes assis. Il faut respecter la personne qui est en face de vous.
Q - Pourraient-ils garder une certaine activité d'enrichissement ? Et si c'est votre point de vue, pensez-vous que vous arriveriez à convaincre les Américains d'accepter cela ?
R - Jusqu'à maintenant, nous avons été très clairs là-dessus : aucune activité d'enrichissement ! C'est ce qui a été dit, ce qui a été "acté" par les membres permanents du Conseil de sécurité, les membres du P5 plus l'Allemagne et nous n'avons pas fait d'ouverture là-dessus.
Q - Avec qui traitez-vous ? On a l'impression qu'il y a des courants modérés, mais avec qui traitez-vous, vous ?
R - Nous avons décidé de toujours tout mettre en commun avec les Britanniques et les Allemands dans cette affaire. Il nous arrive d'avoir des contacts avec telle ou telle personne en Iran. Par exemple, j'ai rencontré M. Mottaki à plusieurs reprises. La chose la plus importante, c'est de mettre en commun ce qu'on a dit ou ce qu'on nous a dit, c'est une règle. Aujourd'hui, c'est M. Larijani le négociateur officiel.
Q - Les EU3 semblent avoir plusieurs interlocuteurs. Avez-vous l'impression qu'il y a des différences ?
R - Pas vraiment. On peut penser qu'il y a quelques différences, mais au fond, il y a un certain nombre de points qui unifient la société iranienne. Les différents interlocuteurs que nous avons, et c'est nouveau, font toujours référence à MM. Larijani et Solana.
Q - N'est-il pas évident pour l'Iran que le P5 n'est pas uni : des positions dures des Américains, les Russes et les Chinois à l'opposé et les Européens au milieu ?
R - Ce n'est pas vrai. Il y a des cultures et des civilisations différentes dans ce monde. Nous ne pouvons pas être tous identiques, ce n'est pas possible. Et c'est très bien que nous soyons différents les uns des autres. Ensuite, il y a les actes. L'acte, c'est le vote le 31 juillet dernier de la résolution 1696. Là nous avons été tous unis : tous les membres du Conseil de sécurité sauf le Qatar. Les Iraniens ont dû être très surpris de l'unité de la communauté internationale. Vous comprendrez que certains voudraient aller beaucoup plus vite, d'autres plus lentement, l'essentiel c'est d'avancer ensemble. Avec une seule limite à cela, le fait que les Iraniens ne doivent pas gagner du temps et que les centrifugeuses ne doivent pas tourner.
Q - (A propos de l'influence de facteurs économiques sur la négociation)
R - Cela peut agir peut-être, mais entre des relations économiques d'un côté et un programme nucléaire à des fins non pacifiques de l'autre, ce n'est pas tout à fait la même chose, surtout lorsqu'on est proche géographiquement. Je pense que cela peut agir, mais seulement à la marge. C'est plutôt la nature du programme nucléaire qui est le vrai sujet.
Q - Monsieur le Ministre, le Canada prend part à la mission de l'OTAN en Afghanistan où il a perdu de nombreux soldats. Pouvez-vous nous donner vos impressions ?
R - Sur l'Afghanistan, je vous dirai tout d'abord que je suis très préoccupé. Tous les mercredis au Conseil des ministres, je rapporte l'actualité de la semaine. Cela fait 6 mois que tous les mercredis, il y a un moment où je dis "et encore cette semaine, il y a eu des attaques des Taliban contre la FIAS : parfois ce sont des Britanniques qui sont touchés, parfois des Canadiens, parfois des Français ou des Américains". Tout cela est terrible. Nous nous trouvons à un moment-clé.
Nous devons mener à bien l'extension de la FIAS et faire face à une augmentation de l'insécurité à la fois à Kaboul, où la France a le commandement, et dans les provinces du Sud. Nous avons pris notre part à l'effort, nous avons contribué dès l'origine aux opérations de la coalition et à celles de l'OTAN. Nous remplissons les engagements que nous avons pris. Nous le faisons avec les moyens qui sont les nôtres parce que nous sommes présents sur d'autres terrains d'opérations comme le Liban ou la Côte d'Ivoire, dans les Balkans avec l'Union européenne. Mais l'Etat est très faible en Afghanistan et jamais la culture de la drogue n'a été si importante ; je suis donc très inquiet.
Q - L'OTAN devrait-il renforcer les troupes ?
R - Le Secrétaire général de l'OTAN souhaiterait une extension, mais il est difficile pour nous de consacrer plus de troupes en raison du nombre d'opérations de terrain dans lesquelles nous sommes engagés : Balkans, Côte d'Ivoire, Liban, mais également d'autres pays africains.
Q - Pensez-vous que d'autres pays devraient participer ?
R - Bien entendu.
Q - Le président de la République a appelé à une conférence internationale sur le Proche et Moyen-Orient. Allez vous pousser en ce sens ? De quoi traiterait une telle conférence et quel serait son objectif ? Par ailleurs, la France a-t-elle indiqué ses préférences pour le prochain Secrétaire général ?
R - Sur le premier sujet, je crois que nous sommes à un moment où, malgré le pessimisme ambiant, nous pourrions avoir une lueur d'espoir dans le conflit israélo-palestinien : la proposition de M. Abbas de mettre en place prochainement un gouvernement d'Union nationale est un élément majeur. Si un gouvernement d'Union nationale devait voir le jour et prenait en compte les demandes de la communauté internationale, alors il me semble que l'attitude de la communauté internationale devrait être réévaluée concernant les contacts politiques et l'aide que l'on peut apporter aux populations palestiniennes.
Les Israéliens et les Américains devraient aujourd'hui comprendre qu'aider M. Abbas, c'est la bonne attitude et la bonne solution. J'ai d'ailleurs noté que M. Bush l'a dit dans son discours à l'Assemblée générale des Nations unies. Par ailleurs, M. Olmert pourrait être amené à rencontrer M. Abbas. En tout cas nous l'y invitons. Et ce pourrait être aussi pour lui l'occasion de montrer à quel point Kadima, ce parti de la paix, est véritablement un parti de la paix.
Nous avons toujours dit que nous étions attachés aux trois principes édictés par le Quartet. Dans le gouvernement d'Union nationale la composante du Hamas représenterait au maximum un tiers du gouvernement ; le Fatah reconnaissant Israël, le président de l'Autorité palestinienne reconnaissant Israël et bien sûr les accords de l'OLP, on pourrait considérer, qu'implicitement, ce gouvernement reconnaîtrait aussi Israël.
Que voulons-nous dans cette région ? Voulons-nous avancer vers le dialogue, vers le processus politique ? On a tout intérêt à ce que les plus durs se modèrent. Ou alors cherche-t-on la confrontation ? Or, il n'y a pas de solution militaire au conflit israélo-palestinien, comme du reste il n'y en avait pas au conflit du Liban.
Dans ces conditions, le président de la République a souhaité qu'il y ait une impulsion au niveau du Quartet et je vois avec plaisir que le résultat d'avant-hier est bon.
Concernant la deuxième question sur la désignation du futur Secrétaire général des Nations unies, je ne peux pas dire grand chose sinon que certains candidats parlent français depuis moins longtemps. Ce qui est important c'est qu'ils le parlent. Je reconnais que ce n'est pas le seul critère, c'est nécessaire mais pas suffisant. Nous verrons.
Q - Pouvez-vous nous éclairer sur les discussions internes sur l'Iran ?
R - Vos collègues ont parlé de ce sujet à plusieurs reprises. Il est évident que la société iranienne est une société complexe. Nous avons décidé de tout concentrer, en ce qui nous concerne, sur M. Solana et du coté iranien sur M. Larijani. Maintenant il semble que, pour l'Iran, M. Larijani ait été véritablement désigné pour la négociation. Là où vous avez raison c'est qu'il semble que chaque mot, chaque phrase soit pesé par plusieurs.
Q - (A propos du système multilatéral de non-prolifération)
R - C'est une question scientifique, technique, de contrôle et de décision, qui porte sur la crédibilité d'un système multilatéral anti-prolifération. Quelle crédibilité pour le traité, quelle crédibilité pour le système multilatéral ? Je lis avec attention ce que dit M. El Baradeï et je pense qu'en effet nous devrions maintenant prendre des décisions. C'est la raison pour laquelle je vous disais que la voie du dialogue existe encore mais que nous ne pouvons pas attendre éternellement.
Q - (A propos de l'existence de centrifugeuses en Iran)
R - Tout a été dit dans ce domaine, tout et son contraire. Je n'ai pas l'habitude de parler quand je ne sais pas. Ce que je sais c'est qu'il y a des cascades de centrifugeuses. La question est de savoir quel est le pourcentage de l'enrichissement. Peu importe le nombre de mois que dure la négociation, la question est celle de la décision que nous avons à prendre.
Q - Pourriez-vous revenir sur le Hamas et sur le gouvernement d'Union nationale ? Pouvez-vous nous donner votre sentiment sur l'Irak : une guerre civile est-elle prévisible ?
R - Sur le Hamas, nous avons toujours pensé que les trois critères demandés étaient absolument nécessaires et toujours à l'ordre du jour. Je dis seulement que je ne suis pas sûr que l'ensemble du Hamas soit d'accord pour un gouvernement d'Union nationale.
Vous avez d'un côté des membres du Hamas qui habitent dans les Territoires palestiniens et qui ont été élus par des électeurs qui sont aujourd'hui en grève. Ceux qui sont dans les Territoires palestiniens et qui sont aujourd'hui à la tête du gouvernement voient bien que la communauté internationale ne les reçoit pas et ils ont tendance à dire : "mais dans ces conditions il vaudrait mieux être dans un gouvernement d'Union nationale, non majoritaires". N'oubliez pas que les élections ont eu lieu, avec 72 % de participation, dans des conditions transparentes, claires, avec une victoire du Hamas. Je ne m'en réjouis pas du tout mais c'est un constat. Donc, ceux-là accepteraient d'être minoritaires dans un gouvernement qui, majoritairement, reconnaîtrait Israël. Je crois que, dans ces conditions, Ehud Olmert a plutôt intérêt à parler avec le président Abbas. Je pense qu'il y a énormément de personnes qui y ont intérêt.
De l'autre côté, vous avez ceux qui estiment, au sein du Hamas, qu'il ne faut pas faire cela. Est-ce qu'il faut les encourager ? Je crois qu'il vaut mieux encourager les modérés. Si on ne le fait pas, je crois le président Abbas lorsqu'il dit que ce n'est pas le Hamas qui va tomber dans quinze jours, mais l'ensemble des Palestiniens. Cela serait terrible. Il est évident qu'il faut que le caporal Shalit soit libéré ; il est évident que les tirs de roquettes provenant du Hamas vers Israël doivent s'arrêter. Il est important que le blocus Israélien soit levé et que MM. Abbas et Olmert se rencontrent. Je crois que les craintes de M. Chirac étaient fondées. Je trouve cette situation terrible.
Sur l'Irak, je pense que la violence n'a jamais été aussi forte. J'ai toujours dit que l'on peut mourir en Irak soit en raison de sa religion soit en raison de son appartenance politique. On attend beaucoup du Premier ministre Maliki. Malheureusement, je dois dire que les choses continuent, et croyez bien que nous ferons tout pour aider, s'il le faut, à former les policiers et les magistrats, comme nous l'avons toujours proposé. J'ai reçu récemment le vice-Premier ministre avec lequel nous avons fait un tour d'horizon de la situation. Et il est vrai qu'elle est très préoccupante.
Q - Dans la résolution 1701, la plus grande préoccupation est le démantèlement des milices. La France estime-t-elle que des conditions sont réunies pour que le gouvernement libanais soit en mesure de désarmer, ou au moins, de neutraliser la menace militaire que représente le Hezbollah dans le Sud du Liban ?
R - La résolution 1701 rappelle la résolution 1559 sur le désarmement des milices, donc du Hezbollah, ainsi que les accords de Taëf. Lorsque l'on parle du désarmement du Hezbollah et que l'on dit que c'est aux Libanais de s'en charger, les gens ne vous prennent pas au sérieux. En réalité, c'est la seule solution. C'est l'idée de la France depuis le début : la seule solution est, en effet, de transformer progressivement un mouvement armé en mouvement politique. Evidemment, cela ne peut pas se faire immédiatement, notamment à cause de l'Iran et de la Syrie. Mais tout de même, les élections législatives libanaises ont pu permettre la désignation de 25 députés du Hezbollah. Dès l'instant où vous entrez dans une assemblée, ce sont par définition la négociation et la discussion qui prévalent.
Au sein du gouvernement, il y a deux ministres proches du Hezbollah. Lorsque le 16 août au soir, alors que j'étais à Beyrouth, le gouvernement libanais a voté à l'unanimité un texte pour dire qu'il soutenait dans son ensemble la résolution 1701, cela a constitué un événement politique majeur, car ce Conseil compte deux ministres proches du Hezbollah.
Lorsque j'ai rencontré, vers le 6 août, Nabih Berri, le président du Parlement libanais, dont on sait qu'il est proche de certains groupes, je lui posé la question: "si l'armée libanaise ou la FINUL renforcée tombe sur une cache d'armes du Hezbollah dans le sud-Liban, que se passe-t-il ? Est-elle autorisée à s'emparer des armes ?" La réponse a été claire : "oui " C'est ce qui nous a fait dire que cela pouvait se faire.
Q - Nous n'avons pas parlé de l'Afrique et du Darfour en particulier.
R - J'ai rencontré hier le ministre des Affaires étrangères du Soudan et nous avons discuté du Darfour. J'ai vu M. Jan Egeland, pour qui j'ai la plus grande estime. Il m'a montré la carte, qui ne cesse de s'agrandir, des zones non accessibles aux travailleurs humanitaires. J'ai trouvé cela terrible. Il faut absolument profiter du mois du Ramadan pour étendre l'acheminement humanitaire dans toutes les zones, ce qui relève du droit international. Sur le plan politique, la résolution 1706 a été votée mais elle se heurte au refus des autorités soudanaises. Il y a donc l'idée de "l'AMIS plus" qui semble acceptée par les autorités soudanaises. Il faut donc maintenant aller très vite dans un processus politique à trois : le gouvernement soudanais, l'Union africaine et les Nations unies. Il faut aller vite, mais il faut également respecter la souveraineté du Soudan. On retrouve donc un processus politique, mais en insistant fortement sur l'acheminement de l'aide humanitaire. Il faut aller le plus vite possible pour que le processus politique aboutisse très rapidement.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 septembre 2006
Q - Avez-vous les déclarations de M. Ahmadinejad ?
R - C'est la première fois qu'il dit que l'Iran est prêt à négocier une suspension de ses activités d'enrichissement, s'il y a des conditions équitables.
Q - Cela dépend t-il de lui ?
R - Il y a deux parties en ce moment : la communauté internationale, d'un côté, et l'Iran de l'autre. Il faut bien être deux.
Q - Mais ce n'est pas lui qui prend les décisions, il y a le guide suprême ?
R - La situation politique de l'Iran est en effet complexe. Vous avez peut-être raison mais ce n'est pas à moi de juger qui prend la décision politique en Iran.
Aujourd'hui nous sommes dans une logique qui me paraît équitable. Comme le président Chirac l'a suggéré, nous pourrions proposer à l'Iran une double suspension : suspension de la dynamique du Conseil de sécurité qui aboutit à des sanctions d'un côté et, de l'autre, un pas positif de l'Iran ; la suspension de l'enrichissement. Il me paraît important de voir rapidement si les Iraniens souhaitent ou non envisager la suspension de l'enrichissement. C'est la raison pour laquelle j'ai commencé par cette déclaration de M. Ahmadinejad dans sa conférence de presse d'hier. Si les Iraniens ne se montraient pas réceptifs à ce que nous proposons, il est évident que la logique du Conseil de sécurité continuerait.
Q - De quel calendrier parle-t-on ?
R - Nous avons devant nous deux écueils. Le premier, c'est l'absence de dialogue qui aboutirait à une confrontation sans que nous ayons pu nous expliquer. Le second, c'est le fait que les Iraniens gagnent du temps avec ces différentes réunions préalables à un calendrier. Il est donc tout à fait important d'écouter parfaitement ce que les responsables iraniens vont dire.
Q - Le ministre russe des Affaires étrangères a dit hier dans une interview qu'il ne croyait pas en un calendrier artificiel. Il a ajouté que la plus importante des choses était de s'assurer qu'un accord soit négocié. Pouvez-vous commenter cela et nous dire si vous avez des indications sur la rencontre entre M. Larijani et M. Solana ?
R - Sur le premier point, concernant M. Lavrov, je crois que votre question me permet d'introduire une notion fondamentale dans ce dossier ; celle de l'unité de la communauté internationale. N'oubliez pas que, depuis ces différents votes de l'AIEA voici plus d'un an, nous faisons très attention à ce que les membres permanents du Conseil de sécurité ne se divisent pas. Si les membres permanents du Conseil de sécurité étaient divisés, ce serait un échec de la communauté internationale et la voie ouverte à ce que certains souhaiteraient en Iran. Après avoir fait ensemble, à Vienne, des propositions positives dans les domaines politique, économique et nucléaire, propositions restées sans réponse, nous nous sommes réunis, le 12 juillet, à Paris, afin de décider du principe de sanctions contre l'Iran - chapitre VII article 41. En réalité personne ne veut qu'il y ait autre chose qu'un programme nucléaire civil et pacifique en Iran. A chacun sa sensibilité, sa culture, mais je me suis aperçu que nous étions tous ensemble sur ce dossier.
Sur le deuxième point, la réunion de M. Solana et M. Larijani, nous n'avons pas de date précise. Nous espérons qu'elle aura lieu au début de la semaine prochaine.
Q - Croyez-vous que les retards soient une façon de gagner du temps ?
R - Je crois que l'Iran ne peut pas s'isoler de la communauté internationale. Je pense qu'une telle attitude serait grave pour ce pays, pour ses dirigeants et pour son peuple. C'est la raison pour laquelle nous avons toujours plaidé pour la fermeté et le dialogue. Ceux qui pensent que le dialogue est le contraire de la fermeté se trompent. Il faut simplement avoir une double démarche, une démarche de dialogue, de main tendue, de propositions positives associées à des conditions d'une part et une demande de fermeté si personne ne veut faire un pas positif du côté iranien, d'autre part.
Q - Pensez-vous que les Iraniens sont de bonne foi ?
R - C'est exactement la question. Je me suis souvent aperçu que nos interlocuteurs iraniens parlaient des conditions proposées. Je pense que nous devons prendre en considération ce qu'ils nous disent. Nous devons bien comprendre qu'il s'agit d'un grand peuple, d'une civilisation très ancienne et, en même temps, que nous devons rester unis, y compris dans ce que nous disons à nos différents rendez-vous.
A partir de là, je crois qu'il n'y a qu'une seule chose qui compte, c'est ce principe de double suspension au moment de la négociation ; il y aura là un moment de vérité.
Q - A quel moment déciderez-vous que les Iraniens auront répondu par la négative ? Que les Iraniens jouent la montre ? Je suis certaine que vous pensez qu'ils continuent à enrichir et à développer le programment même pendant la phase de négociation. Il semblerait que cela puisse se poursuivre indéfiniment ?
R - Nous avons voté la résolution 1696, le 31 juillet dernier, sous présidence française du Conseil de sécurité des Nations unies. Vous comprenez qu'avant d'entrer dans tout le mécanisme des sanctions, il paraissait normal d'avoir des entretiens avec les autorités iraniennes. C'est la raison pour laquelle nous avons demandé à M. Solana de représenter la communauté internationale. A partir du moment où M. Solana a qualifié les discussions avec M. Larijani de "constructives", il nous a semblé que le cap du 31 août pouvait être dépassé de quelques jours afin de tout tenter et n'avoir ni regrets ni remords. Nous sommes en phase très avancée des discussions entre MM. Larijani et Solana. C'est maintenant à M. Solana de nous rendre compte de ce qui se sera passé dans la prochaine réunion, puis nous pourrons prendre une décision rapidement.
Q - Peut-on réellement parler de consensus entre les cinq membres permanents du Conseil de sécurité sur la nécessité d'envisager des sanctions si l'Iran ne suspend pas l'enrichissement ? Chaque fois que vous sortez d'une réunion, vous dites qu'il y a consensus, puis un ministre ou un autre déclare qu'il ne pense pas que les sanctions soient la solution. Alors, y a-t-il un réel consensus fort ?
R - En diplomatie, on ne peut pas franchir une étape avant l'autre. Il arrive qu'il faille parler de l'étape d'après pour mieux accomplir celle en cours mais, parfois, si vous parlez de celle d'après, vous sciez la branche sur laquelle vous êtes assis. Il faut respecter la personne qui est en face de vous.
Q - Pourraient-ils garder une certaine activité d'enrichissement ? Et si c'est votre point de vue, pensez-vous que vous arriveriez à convaincre les Américains d'accepter cela ?
R - Jusqu'à maintenant, nous avons été très clairs là-dessus : aucune activité d'enrichissement ! C'est ce qui a été dit, ce qui a été "acté" par les membres permanents du Conseil de sécurité, les membres du P5 plus l'Allemagne et nous n'avons pas fait d'ouverture là-dessus.
Q - Avec qui traitez-vous ? On a l'impression qu'il y a des courants modérés, mais avec qui traitez-vous, vous ?
R - Nous avons décidé de toujours tout mettre en commun avec les Britanniques et les Allemands dans cette affaire. Il nous arrive d'avoir des contacts avec telle ou telle personne en Iran. Par exemple, j'ai rencontré M. Mottaki à plusieurs reprises. La chose la plus importante, c'est de mettre en commun ce qu'on a dit ou ce qu'on nous a dit, c'est une règle. Aujourd'hui, c'est M. Larijani le négociateur officiel.
Q - Les EU3 semblent avoir plusieurs interlocuteurs. Avez-vous l'impression qu'il y a des différences ?
R - Pas vraiment. On peut penser qu'il y a quelques différences, mais au fond, il y a un certain nombre de points qui unifient la société iranienne. Les différents interlocuteurs que nous avons, et c'est nouveau, font toujours référence à MM. Larijani et Solana.
Q - N'est-il pas évident pour l'Iran que le P5 n'est pas uni : des positions dures des Américains, les Russes et les Chinois à l'opposé et les Européens au milieu ?
R - Ce n'est pas vrai. Il y a des cultures et des civilisations différentes dans ce monde. Nous ne pouvons pas être tous identiques, ce n'est pas possible. Et c'est très bien que nous soyons différents les uns des autres. Ensuite, il y a les actes. L'acte, c'est le vote le 31 juillet dernier de la résolution 1696. Là nous avons été tous unis : tous les membres du Conseil de sécurité sauf le Qatar. Les Iraniens ont dû être très surpris de l'unité de la communauté internationale. Vous comprendrez que certains voudraient aller beaucoup plus vite, d'autres plus lentement, l'essentiel c'est d'avancer ensemble. Avec une seule limite à cela, le fait que les Iraniens ne doivent pas gagner du temps et que les centrifugeuses ne doivent pas tourner.
Q - (A propos de l'influence de facteurs économiques sur la négociation)
R - Cela peut agir peut-être, mais entre des relations économiques d'un côté et un programme nucléaire à des fins non pacifiques de l'autre, ce n'est pas tout à fait la même chose, surtout lorsqu'on est proche géographiquement. Je pense que cela peut agir, mais seulement à la marge. C'est plutôt la nature du programme nucléaire qui est le vrai sujet.
Q - Monsieur le Ministre, le Canada prend part à la mission de l'OTAN en Afghanistan où il a perdu de nombreux soldats. Pouvez-vous nous donner vos impressions ?
R - Sur l'Afghanistan, je vous dirai tout d'abord que je suis très préoccupé. Tous les mercredis au Conseil des ministres, je rapporte l'actualité de la semaine. Cela fait 6 mois que tous les mercredis, il y a un moment où je dis "et encore cette semaine, il y a eu des attaques des Taliban contre la FIAS : parfois ce sont des Britanniques qui sont touchés, parfois des Canadiens, parfois des Français ou des Américains". Tout cela est terrible. Nous nous trouvons à un moment-clé.
Nous devons mener à bien l'extension de la FIAS et faire face à une augmentation de l'insécurité à la fois à Kaboul, où la France a le commandement, et dans les provinces du Sud. Nous avons pris notre part à l'effort, nous avons contribué dès l'origine aux opérations de la coalition et à celles de l'OTAN. Nous remplissons les engagements que nous avons pris. Nous le faisons avec les moyens qui sont les nôtres parce que nous sommes présents sur d'autres terrains d'opérations comme le Liban ou la Côte d'Ivoire, dans les Balkans avec l'Union européenne. Mais l'Etat est très faible en Afghanistan et jamais la culture de la drogue n'a été si importante ; je suis donc très inquiet.
Q - L'OTAN devrait-il renforcer les troupes ?
R - Le Secrétaire général de l'OTAN souhaiterait une extension, mais il est difficile pour nous de consacrer plus de troupes en raison du nombre d'opérations de terrain dans lesquelles nous sommes engagés : Balkans, Côte d'Ivoire, Liban, mais également d'autres pays africains.
Q - Pensez-vous que d'autres pays devraient participer ?
R - Bien entendu.
Q - Le président de la République a appelé à une conférence internationale sur le Proche et Moyen-Orient. Allez vous pousser en ce sens ? De quoi traiterait une telle conférence et quel serait son objectif ? Par ailleurs, la France a-t-elle indiqué ses préférences pour le prochain Secrétaire général ?
R - Sur le premier sujet, je crois que nous sommes à un moment où, malgré le pessimisme ambiant, nous pourrions avoir une lueur d'espoir dans le conflit israélo-palestinien : la proposition de M. Abbas de mettre en place prochainement un gouvernement d'Union nationale est un élément majeur. Si un gouvernement d'Union nationale devait voir le jour et prenait en compte les demandes de la communauté internationale, alors il me semble que l'attitude de la communauté internationale devrait être réévaluée concernant les contacts politiques et l'aide que l'on peut apporter aux populations palestiniennes.
Les Israéliens et les Américains devraient aujourd'hui comprendre qu'aider M. Abbas, c'est la bonne attitude et la bonne solution. J'ai d'ailleurs noté que M. Bush l'a dit dans son discours à l'Assemblée générale des Nations unies. Par ailleurs, M. Olmert pourrait être amené à rencontrer M. Abbas. En tout cas nous l'y invitons. Et ce pourrait être aussi pour lui l'occasion de montrer à quel point Kadima, ce parti de la paix, est véritablement un parti de la paix.
Nous avons toujours dit que nous étions attachés aux trois principes édictés par le Quartet. Dans le gouvernement d'Union nationale la composante du Hamas représenterait au maximum un tiers du gouvernement ; le Fatah reconnaissant Israël, le président de l'Autorité palestinienne reconnaissant Israël et bien sûr les accords de l'OLP, on pourrait considérer, qu'implicitement, ce gouvernement reconnaîtrait aussi Israël.
Que voulons-nous dans cette région ? Voulons-nous avancer vers le dialogue, vers le processus politique ? On a tout intérêt à ce que les plus durs se modèrent. Ou alors cherche-t-on la confrontation ? Or, il n'y a pas de solution militaire au conflit israélo-palestinien, comme du reste il n'y en avait pas au conflit du Liban.
Dans ces conditions, le président de la République a souhaité qu'il y ait une impulsion au niveau du Quartet et je vois avec plaisir que le résultat d'avant-hier est bon.
Concernant la deuxième question sur la désignation du futur Secrétaire général des Nations unies, je ne peux pas dire grand chose sinon que certains candidats parlent français depuis moins longtemps. Ce qui est important c'est qu'ils le parlent. Je reconnais que ce n'est pas le seul critère, c'est nécessaire mais pas suffisant. Nous verrons.
Q - Pouvez-vous nous éclairer sur les discussions internes sur l'Iran ?
R - Vos collègues ont parlé de ce sujet à plusieurs reprises. Il est évident que la société iranienne est une société complexe. Nous avons décidé de tout concentrer, en ce qui nous concerne, sur M. Solana et du coté iranien sur M. Larijani. Maintenant il semble que, pour l'Iran, M. Larijani ait été véritablement désigné pour la négociation. Là où vous avez raison c'est qu'il semble que chaque mot, chaque phrase soit pesé par plusieurs.
Q - (A propos du système multilatéral de non-prolifération)
R - C'est une question scientifique, technique, de contrôle et de décision, qui porte sur la crédibilité d'un système multilatéral anti-prolifération. Quelle crédibilité pour le traité, quelle crédibilité pour le système multilatéral ? Je lis avec attention ce que dit M. El Baradeï et je pense qu'en effet nous devrions maintenant prendre des décisions. C'est la raison pour laquelle je vous disais que la voie du dialogue existe encore mais que nous ne pouvons pas attendre éternellement.
Q - (A propos de l'existence de centrifugeuses en Iran)
R - Tout a été dit dans ce domaine, tout et son contraire. Je n'ai pas l'habitude de parler quand je ne sais pas. Ce que je sais c'est qu'il y a des cascades de centrifugeuses. La question est de savoir quel est le pourcentage de l'enrichissement. Peu importe le nombre de mois que dure la négociation, la question est celle de la décision que nous avons à prendre.
Q - Pourriez-vous revenir sur le Hamas et sur le gouvernement d'Union nationale ? Pouvez-vous nous donner votre sentiment sur l'Irak : une guerre civile est-elle prévisible ?
R - Sur le Hamas, nous avons toujours pensé que les trois critères demandés étaient absolument nécessaires et toujours à l'ordre du jour. Je dis seulement que je ne suis pas sûr que l'ensemble du Hamas soit d'accord pour un gouvernement d'Union nationale.
Vous avez d'un côté des membres du Hamas qui habitent dans les Territoires palestiniens et qui ont été élus par des électeurs qui sont aujourd'hui en grève. Ceux qui sont dans les Territoires palestiniens et qui sont aujourd'hui à la tête du gouvernement voient bien que la communauté internationale ne les reçoit pas et ils ont tendance à dire : "mais dans ces conditions il vaudrait mieux être dans un gouvernement d'Union nationale, non majoritaires". N'oubliez pas que les élections ont eu lieu, avec 72 % de participation, dans des conditions transparentes, claires, avec une victoire du Hamas. Je ne m'en réjouis pas du tout mais c'est un constat. Donc, ceux-là accepteraient d'être minoritaires dans un gouvernement qui, majoritairement, reconnaîtrait Israël. Je crois que, dans ces conditions, Ehud Olmert a plutôt intérêt à parler avec le président Abbas. Je pense qu'il y a énormément de personnes qui y ont intérêt.
De l'autre côté, vous avez ceux qui estiment, au sein du Hamas, qu'il ne faut pas faire cela. Est-ce qu'il faut les encourager ? Je crois qu'il vaut mieux encourager les modérés. Si on ne le fait pas, je crois le président Abbas lorsqu'il dit que ce n'est pas le Hamas qui va tomber dans quinze jours, mais l'ensemble des Palestiniens. Cela serait terrible. Il est évident qu'il faut que le caporal Shalit soit libéré ; il est évident que les tirs de roquettes provenant du Hamas vers Israël doivent s'arrêter. Il est important que le blocus Israélien soit levé et que MM. Abbas et Olmert se rencontrent. Je crois que les craintes de M. Chirac étaient fondées. Je trouve cette situation terrible.
Sur l'Irak, je pense que la violence n'a jamais été aussi forte. J'ai toujours dit que l'on peut mourir en Irak soit en raison de sa religion soit en raison de son appartenance politique. On attend beaucoup du Premier ministre Maliki. Malheureusement, je dois dire que les choses continuent, et croyez bien que nous ferons tout pour aider, s'il le faut, à former les policiers et les magistrats, comme nous l'avons toujours proposé. J'ai reçu récemment le vice-Premier ministre avec lequel nous avons fait un tour d'horizon de la situation. Et il est vrai qu'elle est très préoccupante.
Q - Dans la résolution 1701, la plus grande préoccupation est le démantèlement des milices. La France estime-t-elle que des conditions sont réunies pour que le gouvernement libanais soit en mesure de désarmer, ou au moins, de neutraliser la menace militaire que représente le Hezbollah dans le Sud du Liban ?
R - La résolution 1701 rappelle la résolution 1559 sur le désarmement des milices, donc du Hezbollah, ainsi que les accords de Taëf. Lorsque l'on parle du désarmement du Hezbollah et que l'on dit que c'est aux Libanais de s'en charger, les gens ne vous prennent pas au sérieux. En réalité, c'est la seule solution. C'est l'idée de la France depuis le début : la seule solution est, en effet, de transformer progressivement un mouvement armé en mouvement politique. Evidemment, cela ne peut pas se faire immédiatement, notamment à cause de l'Iran et de la Syrie. Mais tout de même, les élections législatives libanaises ont pu permettre la désignation de 25 députés du Hezbollah. Dès l'instant où vous entrez dans une assemblée, ce sont par définition la négociation et la discussion qui prévalent.
Au sein du gouvernement, il y a deux ministres proches du Hezbollah. Lorsque le 16 août au soir, alors que j'étais à Beyrouth, le gouvernement libanais a voté à l'unanimité un texte pour dire qu'il soutenait dans son ensemble la résolution 1701, cela a constitué un événement politique majeur, car ce Conseil compte deux ministres proches du Hezbollah.
Lorsque j'ai rencontré, vers le 6 août, Nabih Berri, le président du Parlement libanais, dont on sait qu'il est proche de certains groupes, je lui posé la question: "si l'armée libanaise ou la FINUL renforcée tombe sur une cache d'armes du Hezbollah dans le sud-Liban, que se passe-t-il ? Est-elle autorisée à s'emparer des armes ?" La réponse a été claire : "oui " C'est ce qui nous a fait dire que cela pouvait se faire.
Q - Nous n'avons pas parlé de l'Afrique et du Darfour en particulier.
R - J'ai rencontré hier le ministre des Affaires étrangères du Soudan et nous avons discuté du Darfour. J'ai vu M. Jan Egeland, pour qui j'ai la plus grande estime. Il m'a montré la carte, qui ne cesse de s'agrandir, des zones non accessibles aux travailleurs humanitaires. J'ai trouvé cela terrible. Il faut absolument profiter du mois du Ramadan pour étendre l'acheminement humanitaire dans toutes les zones, ce qui relève du droit international. Sur le plan politique, la résolution 1706 a été votée mais elle se heurte au refus des autorités soudanaises. Il y a donc l'idée de "l'AMIS plus" qui semble acceptée par les autorités soudanaises. Il faut donc maintenant aller très vite dans un processus politique à trois : le gouvernement soudanais, l'Union africaine et les Nations unies. Il faut aller vite, mais il faut également respecter la souveraineté du Soudan. On retrouve donc un processus politique, mais en insistant fortement sur l'acheminement de l'aide humanitaire. Il faut aller le plus vite possible pour que le processus politique aboutisse très rapidement.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 septembre 2006