Texte intégral
Q - La Francophonie suscite plus souvent le scepticisme que l'enthousiasme. Est-elle menacée ?
R - La Francophonie se porte bien et je m'inscris en faux contre les discours pessimistes. Le français n'est pas en perte de vitesse : en 10 ans, le nombre d'élèves dans le monde a augmenté de plus de 16 millions. Partout où je vais, on me demande plus d'écoles, plus de professeurs. Cet engouement est porté par un désir de reconnaissance des identités, un besoin d'exprimer sa différence, en réaction contre un monde uniformisé. La Francophonie apparaît comme une réponse positive au choc des civilisations : c'est ce qui en fait une force moderne et attractive.
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Q - Le 9 mars dernier, lors du lancement de l'année Senghor, Abdou Diouf, secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie, déclarait : "La France ne fait pas tout ce qu'elle devrait pour la Francophonie."
R - La France est très active au sein de l'Organisation internationale de la Francophonie. Nous avons beaucoup oeuvré pour moderniser ses structures. Il y avait un besoin de rationaliser les institutions en fusionnant plusieurs organismes ; cela a été fait pour plus d'efficacité. Aujourd'hui, de plus en plus d'Etats veulent entrer dans l'Organisation internationale de la Francophonie, du Ghana à l'Ukraine. Si la Francophonie était une idée ringarde, un combat du passé, une défense nostalgique du français, elle n'aurait pas ce pouvoir d'attraction. Sur le plan financier, la France est très fortement engagée : c'est 70 millions d'euros à l'OIF, 70 millions d'euros à TV5 et un plan de promotion du français de 50 millions d'euros que j'ai présenté récemment au Conseil des ministres.
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Avec ses 63 membres, la Francophonie devient de plus en plus une force politique. Elle représente aujourd'hui un espace de solidarité internationale avec des programmes de coopération, en matière éducative notamment, et une communauté d'Etats partageant les mêmes valeurs. En témoigne son rôle décisif à l'Unesco pour l'adoption de la Convention sur la diversité culturelle, en octobre 2005 ; à New York, pour promouvoir une Organisation des Nations unies pour l'environnement (ONUE) ou créer le conseil des Droits de l'Homme. D'une mission culturelle et linguistique au départ, la Francophonie a évolué vers une mission politique. Elle pèse sur les débats internationaux et sur les situations de crise. Elle exerce aussi une sorte de vigilance démocratique dans les pays en transition.
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Q - Comment mieux valoriser la Francophonie en France ?
R - Quand j'entends dire que la France n'est pas suffisamment accueillante, qu'il faut faciliter par des visas plus souples la venue sur notre territoire, je tiens à rappeler qu'on nous accuse justement d'accueillir l'élite des pays du Sud et d'organiser une fuite des cerveaux. C'est une critique fréquente des Etats africains actuellement. Donc, je crois qu'il faut garder un équilibre...
Q - (A propos de l'idée de la création d'un Erasmus francophone qui réunirait dix grandes universités à travers le monde).
R - Je plaiderai plutôt, et cela va être l'enjeu du Sommet de Bucarest, pour une utilisation plus grande des nouvelles technologies, afin de favoriser l'éducation à distance.
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Q - ( A propos de la valorisation des professeurs de français dans le monde)
R - Nous avons un réseau de 825.000 professeurs de français et, dans les trois ans à venir, nous en formerons 10.000 de plus. Et nous allons construire de nouveaux lycées français à l'étranger, notamment grâce à des partenariats public-privé avec les entreprises.
Q - Quels pays peuvent tirer la Francophonie demain ?
R - Les pays du Sud vont continuer à peser de façon importante car les enjeux de développement sont essentiels. L'autre priorité est de faire avancer la Francophonie en Europe. Le danger, c'est que les nouveaux pays de l'Union européenne apprennent principalement l'anglais, qui deviendra en pratique la seule langue de travail de l'Union si on n'y prête pas attention. Le français et l'anglais doivent rester au quotidien les deux langues de travail dans l'Europe élargie. Nous développons pour cela des programmes de formation au français destinés aux nouveaux fonctionnaires européens des Etats qui viennent de rejoindre l'Union. A cet égard, je me réjouis que le Sommet de la Francophonie ait lieu en Roumanie, où 20 % de la population parle français.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 octobre 2006