Texte intégral
Je suis heureuse de présider aujourd'hui cette première réunion du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle dans sa formation renouvelée et d'accueillir tout particulièrement les nouveaux membres du collège des personnalités qualifiées : Mesdames
- Marie-Thérèse LETABLIER, Directrice de recherche au Centre d'études de l'emploi ;
- Françoise MILEWSKI, Rédactrice en Chef de la revue de l'Observatoire français des conjonctures économiques ;
- et Marie-Jeanne VIDAILLET-PERETTI, Présidente du Centre national des femmes françaises.
Depuis notre précédente réunion, le 7 septembre dernier, nous nous sommes dotés de moyens nouveaux pour progresser vers l'égalité professionnelle. La loi relative à l'égalité salariale a été votée par le Parlement et publiée le 23 mars 2006.
Cette loi nouvelle comporte des dispositions ambitieuses et des avancées sociales réelles. Elle devrait profondément modifier la situation des femmes dans les entreprises au cours des prochaines années.
Le coeur de cette loi, c'est l'obligation de supprimer les écarts de rémunération d'ici à 2010. Cette obligation est soutenue par de nouvelles mesures telles que la neutralisation du congé maternité ou d'adoption.
Mais elle comporte aussi des dispositions visant plus largement à remédier aux inégalités structurelles entre les femmes et les hommes dans l'emploi.
Les projets de décrets d'application que je vous propose d'examiner aujourd'hui mettent en place les outils d'information nécessaires pour suivre l'application des obligations prescrites par la loi et réglementent les nouvelles aides qui ont instaurées.
Cette loi est le fruit du dialogue social.
L'accord interprofessionnel (ANI) du 1er mars 2004 a créé la base indispensable pour atteindre l'objectif de supprimer les discriminations salariales.
Il a pris en compte les éléments qui sont à l'origine de ces écarts de situations.
Il a établi le lien entre l'exercice de la parentalité et les conditions de travail, ainsi que la nécessité de mieux orienter l'appareil de formation et de lutter contre toutes les formes de stéréotypes.
Cette prise de conscience est capitale. Elle marque que tous les acteurs sont prêts à avancer ensemble vers un objectif partagé.
Cette loi répond aussi aux attentes des parties signataires de la lettre paritaire, qui souhaitaient des aménagements législatifs et réglementaires pour la mise en oeuvre de l'ANI en matière de formation professionnelle :
- elle neutralise la période de suspension du contrat de travail lors d'un congé parental d'éducation pour le calcul des droits ouverts au titre du droit individuel à la formation (DIF) ;
- elle majore le montant de l'allocation de formation pour les frais supplémentaires de garde d'enfant.
A la demande des élus, cette loi permettait également de renforcer la place des femmes aux postes de responsabilités.
Son titre trois fixait des objectifs chiffrés de progression dans les conseils d'administration des entreprises privées et dans le secteur public afin de progresser dans la recherche d'une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes.
Le Conseil Constitutionnel, fidèle à sa jurisprudence constante, a déclaré anticonstitutionnels ces objectifs chiffrés mais il a reconnu la constitutionnalité de la notion de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes dans les systèmes de formation et d'apprentissage.
Face à ce qui constitue en France une anomalie liée à un plafond de verre encore difficile à briser, le Gouvernement s'appliquera à poursuivre cet objectif et saisira le plus proche créneau législatif disponible pour faire avancer cette cause et faire de la recherche de la représentation équilibrée une obligation qui s'impose au sein des assemblées générales lors de la composition des conseils d'administration et de surveillance des entreprises privées.
Cette loi a été également l'occasion de soulever la question du temps partiel subi, qui est l'une de vos fortes préoccupations.
Près d'un tiers des salariés en temps partiel, dont 82 % sont des femmes, se déclarent en temps partiel subi et souhaiteraient augmenter leur temps d'activité.
La loi crée une obligation de négocier sur « les conditions de travail et d'emploi et en particulier celles des salariés à temps partiel », dans le cadre des négociations obligatoires sur l'égalité professionnelle dans l'entreprise et la branche.
Cette disposition répond aux premières conclusions des réunions d'échanges que j'ai tenues avec Gérard LARCHER, les fédérations professionnelles et les organisations syndicales.
De ces réunions, il ressort que les dispositions d'aménagement du temps partiel relèvent de la négociation collective et que pour supprimer le temps partiel subi, il faut mettre en place un ensemble d'actions négociées qui améliore la qualité du travail.
Ces actions peuvent consister :
- à faciliter la conciliation de la vie familiale et l'évolution de carrière,
- à limiter les amplitudes de travail,
- à promouvoir les priorités d'embauche quand un poste à temps plein se libère,
- à organiser le multi salariat et la pluriactivité pour permettre des actions de formation,
- ou encore à valoriser les expériences de temps partagé.
Nous avons demandé à nos interlocuteurs de nous faire part des expériences de cette nature qui ont été menées dans leur secteur et nous poursuivrons nos travaux pour aboutir concrètement à des recommandations en la matière dès la rentrée de septembre.
Les autres axes de mon action au cours des prochains mois s'organisent autour de quatre champs prioritaires.
1. Je continuerai l'action engagée pour l'égalité professionnelle dans les entreprises avec le label égalité entre les femmes et les hommes.
A ce jour, 18 entreprises ont été labellisées ; elles représentent près de 150 000 salariés. De nombreux dossiers sont en cours d'élaboration mais, au cours de ce premier semestre, une seule entreprise a été labellisée (AXA, 15 000 salariés). Je vais donc renforcer la promotion de ce label.
Les travaux menés avec les partenaires sociaux pour simplifier le cahier des charges du label ont permis d'alléger et d'adapter le dossier qui doit être rempli par les entreprises de moins de cinquante salariés.
Toutes les organisations syndicales ont participé à cet exercice, et approuvé le document final. Celui-ci est en ligne sur le site de l'AFAQ depuis le 8 mars 2006.
Les dispositions prises réduisent notablement le dossier initial en volume : sur les 18 critères présentés dans le cahier des charges initial, le nouveau document n'en retient que 9 et il comporte désormais 15 rubriques contre 23 et 64 items à renseigner au lieu de 137.
Je vais développer la promotion du label avec les partenaires sociaux en incitant directement les entreprises à se porter candidates ou en mobilisant les relais qui leur sont proches.
Il s'agit d'informer et de sensibiliser les entreprises :
- dans les documents généraux sur l'égalité professionnelle, tels que le guide de la négociation sur l'égalité professionnelle, qui sera actualisé au second semestre, ou la circulaire sur la mise en oeuvre de la loi relative à l'égalité salariale.
- Nous allons aussi mobiliser les échelons locaux du ministère : des actions de proximité seront conduites dans l'ensemble des régions à l'initiative des Délégations régionales aux droits des femmes.
Des outils seront également instaurés pour assurer le suivi des démarches de labellisation et de pilotage des actions de promotion dans les régions.
Enfin, j'ai proposé à mes collègues des pays de l'Union européenne et à la Commission européenne de créer un label européen. Il est prévu que nos services respectifs se rencontrent pour avancer dans ce projet inscrit à l'ordre du jour de la Commission.
2. Je poursuivrai ensuite mon objectif de désenclaver le travail des femmes en favorisant un accès équilibré à la formation et aux différents types d'emploi.
Je signerai prochainement, avec l'Education nationale et les ministères qui disposent sous leur tutelle d'établissement d'enseignement initial et supérieur, une nouvelle « convention pour l'égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans l'enseignement initial ».
La nouvelle convention portera sur :
- l'orientation scolaire et professionnelle,
- le développement d'une éducation fondée sur le respect mutuel,
- la formation de l'ensemble des acteurs du système éducatif aux questions de l'égalité.
Je vais aussi favoriser l'accès des jeunes filles et des femmes à la formation professionnelle et à l'apprentissage car les parcours de formation professionnelle n'intègrent pas encore de façon satisfaisante l'exigence de mixité.
Les régions ont désormais, une compétence pleine et entière pour les publics jeunes et adultes en matière de formation professionnelle et d'apprentissage.
Je souhaite qu'elles prennent toute leur part dans la mise en oeuvre de ces objectifs de qualification et de plus grande ouverture des choix professionnels des femmes.
C'est tout le sens du titre IV de la loi qui prévoit de favoriser un accès équilibré des hommes et des femmes à chacune des filières de formations.
Les employeurs et les partenaires sociaux sont également parties prenantes de la formation de leurs salariés.
Lors de la réunion que nous avons tenue avec Gérard LARCHER en décembre avec les organisations patronales et les syndicats de salariés, je leur ai proposé d'expérimenter des démarches innovantes d'insertion des femmes dans les branches professionnelles où elles sont encore peu nombreuses.
Je souhaite rencontrer prochainement les Secrétaires techniques nationaux du Comité national paritaire de la formation professionnelle (CNPFP) pour examiner avec eux les conditions du développement d'actions de formation qui favorisent la mixité et la prise en compte de l'égalité entre les femmes et les hommes dans les programmes dont ils ont la responsabilité.
3. Mon 3ème champ d'action portera sur l'entrepreneuriat féminin.
A l'heure où l'on constate une corrélation forte entre le niveau de l'activité entrepreneuriale et la croissance, l'entrepreneuriat féminin est un facteur de développement qui n'est pas encore suffisamment pris en compte dans notre pays.
Les dernières données de l'INSEE indiquent que, dans l'industrie et le secteur marchand non financier, seulement 29,8 % des créateurs d'entreprises sont des femmes.
Ce pourcentage évolue peu depuis plusieurs années et ne dépasse jamais les 30 %, alors même que la création et la transmission d'entreprise constituent des opportunités fortes en matière d'emploi et qu'elles connaissent globalement une augmentation substantielle depuis deux ans.
Le législateur est intervenu à plusieurs reprises pour favoriser l'environnement économique, social, fiscal et juridique des créateurs et des créatrices d'entreprises.
Le Gouvernement porte également son effort sur le développement du micro-crédit qui concerne, pour l'essentiel, le financement de projets de création portés par des femmes.
A ce jour, de nombreux partenariats se sont noués, au niveau local, entre les réseaux d'acteurs présents sur cette thématique pour apporter un appui aux femmes qui entreprennent.
La réforme des modalités d'intervention du Fonds de garantie pour la création ou la reprise d'entreprise à l'initiative des femmes (FGIF) contribue à développer ces liens.
Et l'abondement des moyens financiers de ce fonds par le Fonds de cohésion sociale en 2005 a permis une augmentation rapide du nombre de garanties de prêts mises en place.
Ce Fonds soutiendra la création par les femmes de plus de 1 000 entreprises dans les trois prochaines années.
Mais il faut aller encore plus loin. Nous devons franchir une étape nouvelle :
- pour favoriser l'accès des femmes au crédit bancaire et aux aides financières ;
- pour accompagner les femmes qui entreprennent ;
- pour développer l'esprit d'entreprise chez les femmes.
Il faut agir sur l'ensemble du territoire et en particulier dans les quartiers sensibles, avec la participation de tous les acteurs concernés, pour fédérer les énergies et les initiatives.
4. Je prévois, enfin, pour le second semestre un plan d'action pour lutter contre la pauvreté des familles monoparentales.
Les familles monoparentales représentaient, au recensement de 1999, 20 % des familles avec enfants qui habitent en métropole (soit 1 982 000).
85 % des parents isolés sont des femmes.
Cette catégorie de ménages est l'une des plus touchées par des problèmes d'insertion professionnelle et de précarité de l'emploi.
A leurs difficultés financières s'ajoute un sentiment d'isolement devant la lourdeur de leurs charges éducatives.
Les contraintes spécifiques qu'elles rencontrent nécessitent un programme d'actions global tant en matière d'accès à l'emploi, de formation, de logement, que d'accompagnement social.
Il faut donc leur apporter les appuis nécessaires pour qu'elles trouvent les ressources indispensables à leur insertion sociale et à l'éducation de leurs enfants. Nous y travaillons.
Le programme de travail des prochains mois étant ainsi tracé, je propose maintenant que nous soient présentés les projets de décrets portant application de la loi égalité salariale.
Après une rapide présentation par le Service des droits des femmes et de l'égalité, je demanderai à chacune des directions d'administration centrale chargée de la préparation de ces textes de nous les présenter.
Puis je vous proposerai de faire un tour de table pour recueillir vos avis sur ces projets et sur les perspectives de travail que je vous ai tracé.
Je vous remercie.Source http://www.femmes-egalite.gouv.fr, le 19 septembre 2006