Interview de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, sur LCI le 29 septembre 2006, sur la politique gouvernementale de lutte contre le chômage et sa position concernant la primaire au sein de l'UMP pour l'élection présidentielle 2007.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

C. Barbier - J.-L. Borloo, bonjour. Légère remontée du taux de chômage à 9 % de la population active. C'est une mauvaise nouvelle qui vous inquiète ?
J.-L. Borloo - Non. Vous savez, sur dix-neuf mois ou vingt mois, tous les quatre, cinq, six mois... on avait eu janvier de l'année dernière, +16.000, là on est sur un palier. J'aurais préféré qu'on continue comme ça, bien entendu. Je crois vraiment que ça ne remet pas en cause la tendance de fond, la tendance lourde : l'amélioration de l'organisation.
Q- Ça va reprendre dès septembre ?
R- ... oui, on peut encore avoir un mauvais mois. Vous savez, tous les trente jours, on gère 10.000 signatures par jour et 10.000 ruptures par jour. Donc, sur de telles masses, ce qui est intéressant c'est les évolutions trimestrielles. En tous les cas, sur le fond, je crois qu'on tiendra le cap pour la fin 2007 de 2 millions de chômeurs.
Q- L'environnement international est bon ?
R- Oui, on peut avoir quelques préoccupations sur le ralentissement de la croissance américaine et probablement l'impact de la TVA sociale en Allemagne. Deuxième aspect, contrairement à ce que tout le monde racontait, l'Insee maintenant découvre que la population active, enfin découvre, confirme au mois d'août, que la population active - on se demande d'où elle vient d'ailleurs - elle progresse très très rapidement. Mais enfin, moi, j'ai confiance sur la baisse du chômage à terme.
Q- La baisse en dessous des deux millions pour vous, c'est fin 2007 ?
R- Fin 2007.
Q- Aucune chance que ça n'arrive avant la présidentielle ?
R- Je n'en sais rien, franchement. Vous savez, cette notion d'humilité, ce combat pour le chômage est une leçon de ténacité.
Q- Il y a un outil qu'on attend, c'est la prime pour le retour à l'emploi. Ça commence le 1er octobre. Cela veut dire qu'on pourra cumuler les allocations et les premiers salaires, après on sera aidé. Cela va vraiment inciter les chômeurs à reprendre un emploi ? Vous en attendez de grosses baisses de chômage ?
R- En tous les cas, ça répond à un besoin. Dans la situation où vous étiez au RMI, API ou ASS, vous repreniez un emploi......
Q- on perdait beaucoup d'avantages.
R- ... on perdait un nombre d'avantages important, et puis au bout de trois mois, quatre mois, ça ne fonctionnait pas et vous vous retrouviez dans une situation vraiment très difficile. Donc, ça, c'est réglé. En gros, pour simplifier, vous pouvez toucher les deux pendant un certain temps avec une prime de 225 euros, et 1.000 euros pour les femmes seules au bout de neuf mois.
Q- C'est simplifié, mais on voit par exemple un chômeur de longue durée qui publie un livre chez Albin Michel, Thierry, et il dit que depuis 24 ans, il vit sur les aides sociales, tranquillement, notamment grâce à l'ASS.
R- Oui, mais vous savez, il y a toujours eu des personnes qui souhaitent ou sans souhaiter vraiment, se contentent, enfin c'est son cas.
Q- Il faut que la collectivité les aide ?
R- Vous savez, il y a toujours eu partout une partie de la population qui est dépannée, dans les villages notamment. En Pays de Cognac, ça s'appelle la "part des anges".
Q- Pourquoi le budget de la Mission Travail et Emploi baisse de 4 % en 2007 ?
R- Non, elle ne baisse pas, on l'a expliqué suffisamment, hier. Nous avons deux ressources extra budgétaires : l'une de 1,2 milliard au titre de la créance de nos rapports avec l'Unedic, et par ailleurs au titre de la réforme des Saci de 500 millions d'euros. Donc, là, vraiment, ça fait trois ans que le plan de cohésion sociale est financé et je vais vous dire, si on a des difficultés de logement, ce que je ne crois pas sur la progression, ou d'emploi, ça sera de ma faute mais pas de la faute de mon budget.
Q- Vous parliez de la dette, de la créance de l'Unedic. Justement, ça devait être remboursé en 2009, vous anticipez, vous faites un hold-up sur l'argent des chômeurs, non ?
R- Non, pas du tout, pas du tout. C'est une créance qui n'était pas précisée sur sa durée de remboursement. On demande simplement à ce qu'elle soit précisée, à charge pour nous de la mobiliser. Il n'y a pas de remboursement anticipé demandé à l'Unedic.
Q- Le contrat Nouvelles embauches subit des péripéties juridiques. On voit qu'il pourra être attaqué plus facilement devant les tribunaux. Est-ce que c'est la fin du CNE ?
R- Non, je ne crois pas. Ecoutez, les tribunaux font leur travail comme sur tous les contrats, il n'y a aucun contrat de travail quelle que soit la forme qui ne soit pas attaqué, non pas le contrat mais la façon dont il est utilisé par des gens.
Q- Cela ne va pas décourager les entrepreneurs ?
R- Mais attendez, le CDI, il y a des milliers de contentieux tous les ans, ça n'a pas empêché les salariés de s'en saisir.
Q- Votre Chèque Emploi Service Universel démarrait plutôt pas mal. Et patatras ! Voilà le chèque transport. Les entreprises vont arbitrer et vous allez reculer sur le CESU.
R- Non, ça n'a strictement pas de rapport. On était d'ailleurs, avant-hier, avec les directeurs des ressources humaines des grandes entreprises françaises. Le plan "Services à la personne" pour les entreprises est mis à l'agenda social de quasiment toutes les entreprises françaises, et lundi, nous signons avec les professions libérales, commerçants, artisans, un document avec leurs représentants, on l'envoie aux 2,5 millions pour qu'eux aussi se saisissent de ce plan de "Services à la personne".
Q- Le Medef a invité tous les syndicats à parler assurance chômage, travail, contrat de travail. C'est une bonne idée ou ça vous fait perdre du temps dans vos propres...
R- Ah non, non, c'est une très bonne idée que les partenaires sociaux avancent, échangent, progressent, sur des sujets comme ceux-là. Et les initiatives des partenaires sociaux portées vraiment par eux sont cruciales.
Q- La loi qui imposera de consulter les partenaires sociaux avant de toucher au droit du travail, vous la ferez voter avant la présidentielle ?
R- Le texte est prêt.
Q- Qu'est-ce qu'il manque alors ?
R- Rien.
Q- Donc, ça va aller très vite.
R- Oui, bien entendu. On va l'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée, on y a mis un dernier point. C'est un sujet qui n'est pas si simple. Dire : quoi qu'il arrive, dès qu'il y a une réforme d'ordre législatif, 1) c'est d'abord un débat avec les partenaires sociaux s'ils le souhaitent ; et 2) on essaie de faire en sorte que ça devienne la loi française sans dessaisir le Parlement, bien entendu. Et puis, derrière, il y a un certain nombre de choses sous-jacentes sur la représentativité, donc... Le Président de la République l'avait très clairement demandé...
Q- ... et vous le ferez.
R- ... G. Larcher et moi nous l'avons rédigé.
Q- Au nom du Parti radical, est-ce que vous serez candidat à la primaire au sein de l'UMP contre N. Sarkozy ?
R- Ou d'autres.
Q- Ou d'autres.
R- Ou d'autres. Non, très sincèrement pas. Ce n'est pas le sujet en l'état actuel.
Q- Vous avez quand même dit, fin août, que vous ne vouliez pas signer un chèque en blanc à N. Sarkozy. Quelles seront vos conditions ?
R- Eh bien, nous sommes en train de les rédiger, les dix ou quinze conditions...
Q- ... non négociables.
R- ... d'un " oui, mais ".
Q- Cela pourrait être " mais " ?
R- D'un " oui, mais " mais c'est collectif, on en parlera en décembre.
Q- La moitié des députés élus à la proportionnelle, ça sera une de ces conditions ?
R- Oui. En tous les cas qu'il y ait une meilleure représentation, que ce qu'on appelle la représentation nationale ressemble à la société française dans sa couleur, dans sa diversité, dans ses origines sociales, ça me paraît crucial sinon ça ne peut plus s'appeler la représentation nationale.
Q- Est-ce que N. Sarkozy va venir dans les semaines qui viennent, Place de Valois, dans vos locaux, pour parler de ça ?
R- Oui, enfin je ne sais pas s'il viendra, je ne suis pas sur la symbolique forcément des lieux et des présences physiques, mais qu'on ait un dialogue très ferme et très constructif avec l'UMP me paraît indispensable.
Q- Le Parti socialiste réclame un audit des finances publiques avant la présidentielle. Cela serait quand même pas mal pour le débat.
R- Il y en a un d'audit, ça s'appelle la Cour des Comptes. Il y en a eu un plus général qui a été fait il y a quatre ans. S'il y a le moindre doute sur les finances publiques, plus on est transparent dans un pays mieux on se porte.
Q- Donc, vous êtes d'accord avec cette proposition, ce serait bien de le donner aux citoyens avant de voter.
R- Oh oui, ça ne me pose pas de difficultés particulières.
Q- Vous construirez plus de 100.000 logements cette année ?
R- Ça c'est un défi. On a démarré à 40.000 - un peu moins - logements sociaux, scandale des années 90. Est-ce qu'on va faire 93, 94, 95, 96 ? Je vous le dirai dans deux mois. Mais un autre chiffre : 550.000 permis de construire, trente ans qu'on n'avait pas ça.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 2 octobre 2006