Texte intégral
G. Bonos : Bonjour monsieur le ministre, on va parler de plusieurs sujets et on commence tout de suite bien sûr avec la privatisation de GDF et Suez. E. Chavelet.
E. Chavelet : Oui, T. Breton, l'Assemblée a voté cette semaine la loi qui permet la privatisation de GDF. Alors, certes, il y a encore du chemin à parcourir jusqu'à la promulgation mais on sait que dans les prochains mois, tout le monde va avoir les yeux rivés sur les prix du gaz qui font quand même problème ! Alors question : le pétrole a baissé de 25 % depuis la mi-juillet, il est aujourd'hui à 59 dollars, il était à 78 ; l'essence baisse, elle, à la pompe. Á quand la baisse du prix du gaz dont on nous dit qu'il est intimement lié à celui du pétrole ?
R - Beaucoup de bonnes nouvelles, ce matin, E. Chavelet. Si je les prends par ordre. D'abord effectivement, après plusieurs semaines, après près de quatre semaines de débats, conformément aux souhaits du président de la République, dans le cadre d'une session extraordinaire, le Parlement a voté à l'unanimité - évidemment, en ce qui concerne la majorité, vous avez vu qu'elle a été très très solidaire sur ce dossier - d'une part, la transposition de la directive énergie qui doit mieux protéger les consommateurs français, à partir du 1er juillet 2007, en ce qui concerne les tarifs de l'électricité et les tarifs réglementaires en particulier et les tarifs du gaz, et j'y reviendrai dans un instant. Et d'autre part, effectivement, la possibilité donnée à Gaz de France de nouer des alliances, comme tous ses grands concurrents, tout en faisant en sorte qu'elle puisse utiliser pour se faire des échanges d'actions et donc faire baisser la détention du capital de l'Etat au sein de Gaz de France de 70 % aujourd'hui à 34 %. C'est très important, parce que cela permettra à Gaz de France de peser davantage pour pouvoir acheter dans de meilleures conditions le gaz. On sait que Gaz de France ne dispose pas de gisements gaziers, ce n'est uniquement - et ceci n'est pas péjoratif dans ma bouche - qu'un acheteur et un revendeur de gaz. Donc il sera plus fort, plus grand et donc il achètera dans de meilleures conditions, plus sécurisées, mais également d'achat pour que les consommateurs paient moins. Alors maintenant sur les baisses, effectivement, vous avez tout à fait raison de le noter, on est, après un pic - un pic incroyable du reste cet été à près de 80 dollars le baril en ce qui concerne le pétrole - on est maintenant redescendu en dessous de la barre des 60.
G. Bonos : C'est quand même pas mal, moins 20 dollars.
R - Et la bonne nouvelle si vous voulez, c'est que cette baisse a été répercutée pour l'essence, elle a été répercutée instantanément et ça on le vérifie - parce qu'à Bercy, vous savez j'ai demandé maintenant que l'on fasse des relevés chaque semaine.
E. Chavelet : 7 centimes d'euros à la pompe.
R - Même plus depuis, parce qu'on est au plus bas de l'année maintenant du prix de l'essence et du gasoil.
E. Chavelet : Alors quid du gaz, Monsieur le Ministre !
R - Alors sur le gaz. Le gaz, vous avez raison, est indexé également sur le prix du baril de pétrole. Vous vous souvenez que le Gouvernement avait indiqué que lors de la dernière hausse de gaz qui avait été de 5,8 % pour les particuliers - je rappelle que Gaz de France en demandait 8... -on avait fait travailler la Commission de régulation indépendante de l'énergie et donc, finalement, on avait retenu 5,8 %. Comme quoi, vous voyez, même si l'entreprise est cotée, si à la fin le ministre... que l'entreprise soit privée ou publique du reste, cela fonctionnera toujours comme ça.
E. Chavelet : Elle était publique à l'époque !
R - Mais ceci n'a rien à voir.
E. Chavelet : Alors qu'est-ce qui va se passer maintenant ?
R - Encore une fois, c'est la Commission de régulation de l'énergie, que l'entreprise soit publique ou que l'entreprise soit privée, [qui] doit transmettre...
E. Chavelet : Mais vous souhaitez qu'elle baisse le prix ?
R - ... Transmettre l'augmentation ou pas du prix du gasoil. Alors sur les hausses et sur les baisses, on a indiqué très clairement qu'il n'y aurait pas de hausse nouvelle avant le 1er juillet 2007. Depuis le mois d'avril, le pétrole, il a augmenté, il a baissé et en juillet prochain donc, la Commission de régulation de l'énergie, qui est chargée justement de procéder à cette demande d'augmentation ou de baisse du gaz, fera le point avec l'entreprise de l'impact global des hausses et des baisses pour pouvoir à ce moment-là répercuter, comme elle doit le faire par la loi, soit une légère hausse, soit une baisse. Voilà.
G. Bonos : Monsieur le ministre, on craint aussi un peu le duopole, c'est-à-dire GDF/Suez d'un côté, EDF de l'autre. Est-ce que cela va permettre de faire émerger de nouveaux acteurs, de manière à ce que la concurrence puisse permettre, justement, soit que les prix baissent, soit au moins qu'ils soient stables ?
R - Vous savez, la transposition, la directive Energie qui va devoir s'appliquer, de fait, le 1er juillet 2007, avait été initiée par le Gouvernement de L. Jospin, c'était au Sommet de Barcelone en 2002 - eh bien il faut en tirer les conséquences. Les conséquences c'est que le 1er juillet 2007, la concurrence s'installe désormais partout en Europe et donc tout le monde pourra vendre à ce moment-là du gaz ou de l'électricité dans l'ensemble des Etats européens. Donc cette concurrence, elle est là. Et voyez-vous, mon problème à moi, ministre de l'Economie et des Finances, c'est de faire en sorte que Gaz de France puisse se battre à armes égales. Parce que, dès le mois de juillet de l'année prochaine, les concurrents vont venir. Je vais même vous dire, vous savez on parle souvent de Gazprom, le géant Russe...
G. Bonos : Oui, oui.
R - Gazprom pourra - on n'aura pas besoin de faire une OPA sur je ne sais qui - il pourra aller demander directement à Gaz de France de proposer ses offres à lui, aux clients et aux clients de Gaz de France, puisque la loi lui fera obligation à Gaz de France de mettre à disposition tout ou partie de ses tuyaux pour aussi ses concurrents. Vous savez, c'est comme dans les Télécoms, donc il faut que les entreprises soient fortes pour se préparer à ça.
E. Chavelet : T. Breton, on a compris qu'il fallait attendre, d'abord juillet 2007 pour une éventuelle baisse du gaz, ce qui semble un peu long, mais en attendant ça...
R - Oui, mais également cela limite à la hausse, c'est dans les deux sens, c'est une vraie garantie.
E. Chavelet : D'accord, d'accord, mais il y a un obstacle inattendu qui semble se lever : c'est celui que votre loi soit déclarée inconstitutionnelle, puisque vous avez prévu un tarif réglementé pour protéger le consommateur. Cela se retournerait contre vous, puisque cela voudrait dire que GDF doit rester une entreprise publique et ne peut pas être privatisée. Est-ce que vous craignez cette inconstitutionnalité ?
R - E. Chavelet, j'ai mené un certain nombre d'opérations comme celle-ci dans ma vie, avant d'être ministre, maintenant que je suis ministre...
E. Chavelet : Les autoroutes, France Télécom...
R - C'est généralement systématique que le Conseil constitutionnel est saisi par l'opposition, vous savez c'est la voie de dernier recours pour voir qu'on est opposé, c'est assez systématique. Alors nous, en ce qui nous concerne, évidemment, le Gouvernement a pris toutes ses précautions, on a saisi préalablement le Conseil d'Etat sur ce sujet, le Conseil d'Etat a étudié avec le plus grand soin secteur d'activité par secteur d'activité les différentes composantes de Gaz de France, son unité de transport etc. Et puis ses conclusions, c'est que la privatisation de Gaz de France est possible. Gaz de France exerce des missions de service public, mais ce n'est pas un service public national au sens de la Constitution, puisque de toute façon d'autres fournisseurs peuvent déjà vendre du gaz. Je vous rappelle que Total possède une aire de transport etc. Donc le Conseil constitutionnel, bien sûr il se prononcera s'il est saisi, mais on n'a pas d'inquiétude particulière, puisque nous avions pris toutes les précautions auprès du Conseil d'Etat.
G. Bonos : Monsieur Breton, on va changer de sujet. La Une d'aujourd'hui, c'est bien sûr encore et toujours Airbus et EADS. Le président d'Airbus rencontre votre homologue allemand aujourd'hui, on craint en Allemagne des délocalisations. Est-ce qu'on doit les craindre aussi en France, monsieur le ministre ?
R - Ecoutez, je me suis exprimé, hier, là où je devais m'exprimer, c'est-à-dire en tant qu'actionnaire. Je n'ai rien d'autre à dire et je vous invite à vous référer à mes propos d'hier.
E. Chavelet : Très bien, alors on va aborder un thème qui, lui, sera très présent dans la campagne électorale, c'est celui du pouvoir d'achat, on a eu quand même une avalanche...
R - Il est présent tout le temps au mois de septembre, E. Chavelet, vous savez, campagne ou pas.
E. Chavelet : Tout le temps, campagne ou pas.
R - Mais enfin, c'est un sujet qui concerne tous les Français, vous avez raison.
E. Chavelet : Tout à fait ! Et on a quand même assisté, alors là cette semaine, à une avalanche je dirais de pas très très bonnes nouvelles, puisqu'on a annoncé une hausse massive des impôts locaux depuis 2002. Une hausse des salaires, dit l'Insee, qui ne profite pas aux employés, c'est-à-dire aux fameuses classes moyennes. Alors ajouter à cela la hausse du prix du gaz, des loyers, de l'essence, tout ce que l'on veut !
R - Il n'y a pas de hausse du prix du gaz, on vient de le dire qu'il n'y en avait pas jusqu'au mois de juillet !
E. Chavelet : Oui, il y en a eu trois en 2005, une en 2006.
R - Oui, il y a longtemps déjà si on remonte à l'année dernière. Non, non, mais moi je parle d'aujourd'hui.
E. Chavelet : Comment faire croire aux Français que leur niveau de vie s'améliore, et est-ce qu'il ne faudrait pas qu'ils travaillent plus pour que cela s'améliore ?
R - Ecoutez, E. Chavelet, d'abord je voudrais dire que le niveau de vie et la consommation est quelque chose d'extrêmement important. Mais moi, voyez-vous, ce matin il y a une note... Vous savez il y a un point de conjoncture qui est fait par l'Insee...
E. Chavelet : Sur le chômage oui.
R - Non, non pas sur le chômage, c'est une note de conjoncture, qui reprend tous les points de conjoncture, alors c'est curieux, parce que... Vous savez, je suis très modeste sur les aspects conjoncturels ; vous le savez, j'essaye toujours de dire ce que je vois, des fois cela plaît, des fois cela ne plaît pas. Pour l'instant on peut toucher du bois, je crois que je ne me suis pas beaucoup trompé, même lorsque j'étais tout seul à dire que la croissance serait en 2006 entre 2 et 2,5 %, vous savez que personne ne me suivait. Aujourd'hui, l'Insee vient de confirmer ce matin dans sa note de conjoncture, qui est une note de conjoncture globale et donc qui va couvrir l'ensemble de ces points - je vais du reste vous en donner quelques-uns, parce que cela rythme bien je dirais les points économiques de l'économie française et en particulier cela reprend ceux que vous citez. Tout d'abord l'Insee indique qu'effectivement, de son côté, elle voit que la croissance sera dans le haut de la fourchette, puisqu'elle l'attend autour de 2,3 % cette année, c'est exactement au milieu de la fourchette, dans le haut du reste de ce que le Gouvernement avait dit. Et donc ça y est, mais une perspective de croissance de 0,6 au troisième trimestre et 0,5 au quatrième trimestre, donc on est tous sur un rythme de 2 à 2,5, c'est toujours ce que j'ai indiqué au minimum. Ce qui est une très bonne nouvelle, parce que cette croissance - et c'est un autre point que note l'Insee - est une croissance qui est fortement créatrice d'emplois. Vous vous souvenez qu'on s'est posé la question : la croissance crée-t-elle de l'emploi ? Eh bien oui.
E. Chavelet : De l'emploi durable ?
R - La croissance crée de l'emploi, puisque l'Insee attend - et là je la rejoins - pour cette année, pour 2006, 280.000 créations d'emplois au total...
G. Bonos : Alors que Bercy, monsieur le ministre...
R - ...et à mettre dedans, plus de 80 % qui sont dans le secteur privé, donc on a vraiment...
E. Chavelet : Mais combien de durables, combien à durée indéterminée ?
R - Alors est-ce que c'est durable ? Eh bien c'est durable, d'abord, parce que le taux de chômage, lui, l'Insee le voit baisser cette année, atteindre 8,6 %. Je rappelle- on sait qu'on a eu un petit accident au mois dernier, qu'on a pu expliquer et l'Insee prévoit que malgré cela - la tendance va continuer à baisser pour atteindre 8,6, ce qui est conforme exactement à mes prévisions à la fin de cette année. Je rappelle que rappelle 8,6 % de taux de chômage, c'est le meilleur résultat depuis près de 25 ans, il n'a été atteint qu'une seule fois, en 2001. Et puis enfin, et c'est là où je rejoins votre interrogation, sur le gain de pouvoir d'achat, sur l'Insee, il le prévoit à plus 2,3 % en 2006, ce qui est exactement ce que nous voyons, nous. Ce qui veut donc dire, oui, je le dis avec encore une fois beaucoup d'humilité - parce que je sais le travail que ceci comporte et la part de travail de toutes les Françaises et de tous les Français - nous sommes sur une tendance favorable de notre économie, le pouvoir d'achat va progresser cette année de plus 2,3 %, je rappelle qu'il progresse dans l'ensemble des pays de la zone euro uniquement de 1,5 % en 2006 et que la moyenne de la progression du pouvoir d'achat au cours des vingt-cinq dernières années est de plus 1,1. Donc on est sur une tendance très aussière.
G. Bonos : Et pour le début de l'année prochaine, cela veut dire...
R - Et pour le début de l'année prochaine, on continue à avoir la même dynamique. Je rappelle qu'effectivement l'année prochaine, on va avoir un élément conjoncturel important, c'est que l'Allemagne va augmenter ses taux de TVA de trois points. Comme l'Allemagne est notre grand partenaire commercial, il faut que l'on se prépare à cela. Donc pour faire face à cela, on va redonner massivement du pouvoir d'achat aux Françaises et aux Français...
G. Bonos : Comment ?
R - Dès le premier trimestre et dès le premier semestre 2007 pour compenser, tout simplement, parce que la réforme, la grande réforme fiscale que j'ai voulu mettre en oeuvre pour que les Français puissent bénéficier enfin d'un impôt et d'un impôt sur le revenu qui soit compétitif, va faire que l'on va rendre près de 4 milliards d'euros aux Français dès l'année prochaine et dès le premier semestre. On a fait en sorte avec J.-F. Copé, que les Français puissent en bénéficier dès leur premier versement, donc ceci leur redonnera du pouvoir d'achat. Je rappelle quand même que c'est un montant tout à fait significatif, 70 %, c'est-à-dire plus de 3 milliards d'euros, cela va à 70 % des Français qui sont les plus défavorisés. Et tout ça, c'est pour redoper évidemment le pouvoir d'achat et compenser le petit trou d'air que l'on pourrait avoir éventuellement - rien n'est sûr au premier trimestre, compte tenu de l'augmentation des taux d'intérêt... pardon de la TVA en Allemagne.
E. Chavelet : Très bien, alors une dernière question, monsieur le ministre. Vous avez dit vous-même que vous étiez modeste, mais D. de Villepin...
R - En économie, il faut toujours l'être.
E. Chavelet : D. de Villepin qui a tenu sa conférence de presse mensuelle, tout le monde a remarqué l'éloge appuyé qu'il faisait de votre travail. La cote du Premier ministre remonte, est-ce que vous croyez encore qu'il peut avoir envie de se présenter à la présidentielle ?
R - Alors, là, vous savez, moi je fais de l'économie, je ne fais pas de la spéculation.
G. Bonos : Cela lui brûlait les lèvres de vous la poser, monsieur le ministre...
R - Mais c'est tout à fait normal, elle est dans son rôle et moi je suis dans le mien, en vous disant que oui, c'est vrai, le ministre de l'Economie et des Finances doit être modeste devant les faits, devant les chiffres, mais réaliste ! Et j'essaye de l'être, c'est ce que j'ai essayé d'être de nouveau avec vous ce matin. Et puis en ce qui concerne le reste, eh bien chacun joue le rôle qu'il doit jouer, là où il est. En ce qui me concerne, je peux vous dire que moi, ma marque de fabrique c'est le travail. Alors, cela tombe bien, c'est la marque de fabrique de l'ensemble du gouvernement.
E. Chavelet : Eh bien bonne journée T. Breton.
G. Bonos : Merci, merci T. Breton, au revoir.
R - Au revoir.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 9 octobre 2006
E. Chavelet : Oui, T. Breton, l'Assemblée a voté cette semaine la loi qui permet la privatisation de GDF. Alors, certes, il y a encore du chemin à parcourir jusqu'à la promulgation mais on sait que dans les prochains mois, tout le monde va avoir les yeux rivés sur les prix du gaz qui font quand même problème ! Alors question : le pétrole a baissé de 25 % depuis la mi-juillet, il est aujourd'hui à 59 dollars, il était à 78 ; l'essence baisse, elle, à la pompe. Á quand la baisse du prix du gaz dont on nous dit qu'il est intimement lié à celui du pétrole ?
R - Beaucoup de bonnes nouvelles, ce matin, E. Chavelet. Si je les prends par ordre. D'abord effectivement, après plusieurs semaines, après près de quatre semaines de débats, conformément aux souhaits du président de la République, dans le cadre d'une session extraordinaire, le Parlement a voté à l'unanimité - évidemment, en ce qui concerne la majorité, vous avez vu qu'elle a été très très solidaire sur ce dossier - d'une part, la transposition de la directive énergie qui doit mieux protéger les consommateurs français, à partir du 1er juillet 2007, en ce qui concerne les tarifs de l'électricité et les tarifs réglementaires en particulier et les tarifs du gaz, et j'y reviendrai dans un instant. Et d'autre part, effectivement, la possibilité donnée à Gaz de France de nouer des alliances, comme tous ses grands concurrents, tout en faisant en sorte qu'elle puisse utiliser pour se faire des échanges d'actions et donc faire baisser la détention du capital de l'Etat au sein de Gaz de France de 70 % aujourd'hui à 34 %. C'est très important, parce que cela permettra à Gaz de France de peser davantage pour pouvoir acheter dans de meilleures conditions le gaz. On sait que Gaz de France ne dispose pas de gisements gaziers, ce n'est uniquement - et ceci n'est pas péjoratif dans ma bouche - qu'un acheteur et un revendeur de gaz. Donc il sera plus fort, plus grand et donc il achètera dans de meilleures conditions, plus sécurisées, mais également d'achat pour que les consommateurs paient moins. Alors maintenant sur les baisses, effectivement, vous avez tout à fait raison de le noter, on est, après un pic - un pic incroyable du reste cet été à près de 80 dollars le baril en ce qui concerne le pétrole - on est maintenant redescendu en dessous de la barre des 60.
G. Bonos : C'est quand même pas mal, moins 20 dollars.
R - Et la bonne nouvelle si vous voulez, c'est que cette baisse a été répercutée pour l'essence, elle a été répercutée instantanément et ça on le vérifie - parce qu'à Bercy, vous savez j'ai demandé maintenant que l'on fasse des relevés chaque semaine.
E. Chavelet : 7 centimes d'euros à la pompe.
R - Même plus depuis, parce qu'on est au plus bas de l'année maintenant du prix de l'essence et du gasoil.
E. Chavelet : Alors quid du gaz, Monsieur le Ministre !
R - Alors sur le gaz. Le gaz, vous avez raison, est indexé également sur le prix du baril de pétrole. Vous vous souvenez que le Gouvernement avait indiqué que lors de la dernière hausse de gaz qui avait été de 5,8 % pour les particuliers - je rappelle que Gaz de France en demandait 8... -on avait fait travailler la Commission de régulation indépendante de l'énergie et donc, finalement, on avait retenu 5,8 %. Comme quoi, vous voyez, même si l'entreprise est cotée, si à la fin le ministre... que l'entreprise soit privée ou publique du reste, cela fonctionnera toujours comme ça.
E. Chavelet : Elle était publique à l'époque !
R - Mais ceci n'a rien à voir.
E. Chavelet : Alors qu'est-ce qui va se passer maintenant ?
R - Encore une fois, c'est la Commission de régulation de l'énergie, que l'entreprise soit publique ou que l'entreprise soit privée, [qui] doit transmettre...
E. Chavelet : Mais vous souhaitez qu'elle baisse le prix ?
R - ... Transmettre l'augmentation ou pas du prix du gasoil. Alors sur les hausses et sur les baisses, on a indiqué très clairement qu'il n'y aurait pas de hausse nouvelle avant le 1er juillet 2007. Depuis le mois d'avril, le pétrole, il a augmenté, il a baissé et en juillet prochain donc, la Commission de régulation de l'énergie, qui est chargée justement de procéder à cette demande d'augmentation ou de baisse du gaz, fera le point avec l'entreprise de l'impact global des hausses et des baisses pour pouvoir à ce moment-là répercuter, comme elle doit le faire par la loi, soit une légère hausse, soit une baisse. Voilà.
G. Bonos : Monsieur le ministre, on craint aussi un peu le duopole, c'est-à-dire GDF/Suez d'un côté, EDF de l'autre. Est-ce que cela va permettre de faire émerger de nouveaux acteurs, de manière à ce que la concurrence puisse permettre, justement, soit que les prix baissent, soit au moins qu'ils soient stables ?
R - Vous savez, la transposition, la directive Energie qui va devoir s'appliquer, de fait, le 1er juillet 2007, avait été initiée par le Gouvernement de L. Jospin, c'était au Sommet de Barcelone en 2002 - eh bien il faut en tirer les conséquences. Les conséquences c'est que le 1er juillet 2007, la concurrence s'installe désormais partout en Europe et donc tout le monde pourra vendre à ce moment-là du gaz ou de l'électricité dans l'ensemble des Etats européens. Donc cette concurrence, elle est là. Et voyez-vous, mon problème à moi, ministre de l'Economie et des Finances, c'est de faire en sorte que Gaz de France puisse se battre à armes égales. Parce que, dès le mois de juillet de l'année prochaine, les concurrents vont venir. Je vais même vous dire, vous savez on parle souvent de Gazprom, le géant Russe...
G. Bonos : Oui, oui.
R - Gazprom pourra - on n'aura pas besoin de faire une OPA sur je ne sais qui - il pourra aller demander directement à Gaz de France de proposer ses offres à lui, aux clients et aux clients de Gaz de France, puisque la loi lui fera obligation à Gaz de France de mettre à disposition tout ou partie de ses tuyaux pour aussi ses concurrents. Vous savez, c'est comme dans les Télécoms, donc il faut que les entreprises soient fortes pour se préparer à ça.
E. Chavelet : T. Breton, on a compris qu'il fallait attendre, d'abord juillet 2007 pour une éventuelle baisse du gaz, ce qui semble un peu long, mais en attendant ça...
R - Oui, mais également cela limite à la hausse, c'est dans les deux sens, c'est une vraie garantie.
E. Chavelet : D'accord, d'accord, mais il y a un obstacle inattendu qui semble se lever : c'est celui que votre loi soit déclarée inconstitutionnelle, puisque vous avez prévu un tarif réglementé pour protéger le consommateur. Cela se retournerait contre vous, puisque cela voudrait dire que GDF doit rester une entreprise publique et ne peut pas être privatisée. Est-ce que vous craignez cette inconstitutionnalité ?
R - E. Chavelet, j'ai mené un certain nombre d'opérations comme celle-ci dans ma vie, avant d'être ministre, maintenant que je suis ministre...
E. Chavelet : Les autoroutes, France Télécom...
R - C'est généralement systématique que le Conseil constitutionnel est saisi par l'opposition, vous savez c'est la voie de dernier recours pour voir qu'on est opposé, c'est assez systématique. Alors nous, en ce qui nous concerne, évidemment, le Gouvernement a pris toutes ses précautions, on a saisi préalablement le Conseil d'Etat sur ce sujet, le Conseil d'Etat a étudié avec le plus grand soin secteur d'activité par secteur d'activité les différentes composantes de Gaz de France, son unité de transport etc. Et puis ses conclusions, c'est que la privatisation de Gaz de France est possible. Gaz de France exerce des missions de service public, mais ce n'est pas un service public national au sens de la Constitution, puisque de toute façon d'autres fournisseurs peuvent déjà vendre du gaz. Je vous rappelle que Total possède une aire de transport etc. Donc le Conseil constitutionnel, bien sûr il se prononcera s'il est saisi, mais on n'a pas d'inquiétude particulière, puisque nous avions pris toutes les précautions auprès du Conseil d'Etat.
G. Bonos : Monsieur Breton, on va changer de sujet. La Une d'aujourd'hui, c'est bien sûr encore et toujours Airbus et EADS. Le président d'Airbus rencontre votre homologue allemand aujourd'hui, on craint en Allemagne des délocalisations. Est-ce qu'on doit les craindre aussi en France, monsieur le ministre ?
R - Ecoutez, je me suis exprimé, hier, là où je devais m'exprimer, c'est-à-dire en tant qu'actionnaire. Je n'ai rien d'autre à dire et je vous invite à vous référer à mes propos d'hier.
E. Chavelet : Très bien, alors on va aborder un thème qui, lui, sera très présent dans la campagne électorale, c'est celui du pouvoir d'achat, on a eu quand même une avalanche...
R - Il est présent tout le temps au mois de septembre, E. Chavelet, vous savez, campagne ou pas.
E. Chavelet : Tout le temps, campagne ou pas.
R - Mais enfin, c'est un sujet qui concerne tous les Français, vous avez raison.
E. Chavelet : Tout à fait ! Et on a quand même assisté, alors là cette semaine, à une avalanche je dirais de pas très très bonnes nouvelles, puisqu'on a annoncé une hausse massive des impôts locaux depuis 2002. Une hausse des salaires, dit l'Insee, qui ne profite pas aux employés, c'est-à-dire aux fameuses classes moyennes. Alors ajouter à cela la hausse du prix du gaz, des loyers, de l'essence, tout ce que l'on veut !
R - Il n'y a pas de hausse du prix du gaz, on vient de le dire qu'il n'y en avait pas jusqu'au mois de juillet !
E. Chavelet : Oui, il y en a eu trois en 2005, une en 2006.
R - Oui, il y a longtemps déjà si on remonte à l'année dernière. Non, non, mais moi je parle d'aujourd'hui.
E. Chavelet : Comment faire croire aux Français que leur niveau de vie s'améliore, et est-ce qu'il ne faudrait pas qu'ils travaillent plus pour que cela s'améliore ?
R - Ecoutez, E. Chavelet, d'abord je voudrais dire que le niveau de vie et la consommation est quelque chose d'extrêmement important. Mais moi, voyez-vous, ce matin il y a une note... Vous savez il y a un point de conjoncture qui est fait par l'Insee...
E. Chavelet : Sur le chômage oui.
R - Non, non pas sur le chômage, c'est une note de conjoncture, qui reprend tous les points de conjoncture, alors c'est curieux, parce que... Vous savez, je suis très modeste sur les aspects conjoncturels ; vous le savez, j'essaye toujours de dire ce que je vois, des fois cela plaît, des fois cela ne plaît pas. Pour l'instant on peut toucher du bois, je crois que je ne me suis pas beaucoup trompé, même lorsque j'étais tout seul à dire que la croissance serait en 2006 entre 2 et 2,5 %, vous savez que personne ne me suivait. Aujourd'hui, l'Insee vient de confirmer ce matin dans sa note de conjoncture, qui est une note de conjoncture globale et donc qui va couvrir l'ensemble de ces points - je vais du reste vous en donner quelques-uns, parce que cela rythme bien je dirais les points économiques de l'économie française et en particulier cela reprend ceux que vous citez. Tout d'abord l'Insee indique qu'effectivement, de son côté, elle voit que la croissance sera dans le haut de la fourchette, puisqu'elle l'attend autour de 2,3 % cette année, c'est exactement au milieu de la fourchette, dans le haut du reste de ce que le Gouvernement avait dit. Et donc ça y est, mais une perspective de croissance de 0,6 au troisième trimestre et 0,5 au quatrième trimestre, donc on est tous sur un rythme de 2 à 2,5, c'est toujours ce que j'ai indiqué au minimum. Ce qui est une très bonne nouvelle, parce que cette croissance - et c'est un autre point que note l'Insee - est une croissance qui est fortement créatrice d'emplois. Vous vous souvenez qu'on s'est posé la question : la croissance crée-t-elle de l'emploi ? Eh bien oui.
E. Chavelet : De l'emploi durable ?
R - La croissance crée de l'emploi, puisque l'Insee attend - et là je la rejoins - pour cette année, pour 2006, 280.000 créations d'emplois au total...
G. Bonos : Alors que Bercy, monsieur le ministre...
R - ...et à mettre dedans, plus de 80 % qui sont dans le secteur privé, donc on a vraiment...
E. Chavelet : Mais combien de durables, combien à durée indéterminée ?
R - Alors est-ce que c'est durable ? Eh bien c'est durable, d'abord, parce que le taux de chômage, lui, l'Insee le voit baisser cette année, atteindre 8,6 %. Je rappelle- on sait qu'on a eu un petit accident au mois dernier, qu'on a pu expliquer et l'Insee prévoit que malgré cela - la tendance va continuer à baisser pour atteindre 8,6, ce qui est conforme exactement à mes prévisions à la fin de cette année. Je rappelle que rappelle 8,6 % de taux de chômage, c'est le meilleur résultat depuis près de 25 ans, il n'a été atteint qu'une seule fois, en 2001. Et puis enfin, et c'est là où je rejoins votre interrogation, sur le gain de pouvoir d'achat, sur l'Insee, il le prévoit à plus 2,3 % en 2006, ce qui est exactement ce que nous voyons, nous. Ce qui veut donc dire, oui, je le dis avec encore une fois beaucoup d'humilité - parce que je sais le travail que ceci comporte et la part de travail de toutes les Françaises et de tous les Français - nous sommes sur une tendance favorable de notre économie, le pouvoir d'achat va progresser cette année de plus 2,3 %, je rappelle qu'il progresse dans l'ensemble des pays de la zone euro uniquement de 1,5 % en 2006 et que la moyenne de la progression du pouvoir d'achat au cours des vingt-cinq dernières années est de plus 1,1. Donc on est sur une tendance très aussière.
G. Bonos : Et pour le début de l'année prochaine, cela veut dire...
R - Et pour le début de l'année prochaine, on continue à avoir la même dynamique. Je rappelle qu'effectivement l'année prochaine, on va avoir un élément conjoncturel important, c'est que l'Allemagne va augmenter ses taux de TVA de trois points. Comme l'Allemagne est notre grand partenaire commercial, il faut que l'on se prépare à cela. Donc pour faire face à cela, on va redonner massivement du pouvoir d'achat aux Françaises et aux Français...
G. Bonos : Comment ?
R - Dès le premier trimestre et dès le premier semestre 2007 pour compenser, tout simplement, parce que la réforme, la grande réforme fiscale que j'ai voulu mettre en oeuvre pour que les Français puissent bénéficier enfin d'un impôt et d'un impôt sur le revenu qui soit compétitif, va faire que l'on va rendre près de 4 milliards d'euros aux Français dès l'année prochaine et dès le premier semestre. On a fait en sorte avec J.-F. Copé, que les Français puissent en bénéficier dès leur premier versement, donc ceci leur redonnera du pouvoir d'achat. Je rappelle quand même que c'est un montant tout à fait significatif, 70 %, c'est-à-dire plus de 3 milliards d'euros, cela va à 70 % des Français qui sont les plus défavorisés. Et tout ça, c'est pour redoper évidemment le pouvoir d'achat et compenser le petit trou d'air que l'on pourrait avoir éventuellement - rien n'est sûr au premier trimestre, compte tenu de l'augmentation des taux d'intérêt... pardon de la TVA en Allemagne.
E. Chavelet : Très bien, alors une dernière question, monsieur le ministre. Vous avez dit vous-même que vous étiez modeste, mais D. de Villepin...
R - En économie, il faut toujours l'être.
E. Chavelet : D. de Villepin qui a tenu sa conférence de presse mensuelle, tout le monde a remarqué l'éloge appuyé qu'il faisait de votre travail. La cote du Premier ministre remonte, est-ce que vous croyez encore qu'il peut avoir envie de se présenter à la présidentielle ?
R - Alors, là, vous savez, moi je fais de l'économie, je ne fais pas de la spéculation.
G. Bonos : Cela lui brûlait les lèvres de vous la poser, monsieur le ministre...
R - Mais c'est tout à fait normal, elle est dans son rôle et moi je suis dans le mien, en vous disant que oui, c'est vrai, le ministre de l'Economie et des Finances doit être modeste devant les faits, devant les chiffres, mais réaliste ! Et j'essaye de l'être, c'est ce que j'ai essayé d'être de nouveau avec vous ce matin. Et puis en ce qui concerne le reste, eh bien chacun joue le rôle qu'il doit jouer, là où il est. En ce qui me concerne, je peux vous dire que moi, ma marque de fabrique c'est le travail. Alors, cela tombe bien, c'est la marque de fabrique de l'ensemble du gouvernement.
E. Chavelet : Eh bien bonne journée T. Breton.
G. Bonos : Merci, merci T. Breton, au revoir.
R - Au revoir.
Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 9 octobre 2006