Déclaration de M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, sur le rôle des instituts du travail et les avancées des droits des salariés en matière de formation professionnelle, Strasbourg le 13 octobre 2006.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : 50 ans de l'Institut du Travail de Strasbourg les 12 et 13 octobre 2006

Texte intégral

C'est avec une grande joie que j'ouvre aujourd'hui la seconde journée de votre colloque sur la formation professionnelle.
Une grande joie, tout d'abord, parce que votre colloque est l'occasion de célébrer le 50e anniversaire de l'Institut du travail de Strasbourg, qui fut le premier en France, et, parce que, nous le savons, les instituts du travail, sont des institutions essentielles à la vie de notre démocratie sociale.
Une grande joie, ensuite, parce que le thème de votre colloque me tient tout particulièrement à coeur. Je crois en effet que la question que vous posez, celle du salarié acteur de son évolution professionnelle, est fondamentale. Dans un monde où la mobilité est devenue, plus qu'un atout, une nécessité, il est essentiel de permettre à tous les salariés de s'approprier les outils de la formation professionnelle à leur bénéfice, aux bénéfices des entreprises et de la société toute entière.
L'Institut du Travail, acteur du dialogue social
En premier lieu, je voudrais rendre hommage à votre institution, qui remplit un rôle important depuis sa création en 1956 et qui sera amené à tenir une place encore plus grande dans les relations du travail dans les mois à venir, dans le cadre de la réforme du dialogue social.
Au service de la formation du monde syndical, l'Institut du travail est un maillon essentiel du dialogue social puisqu'il donne aux responsables et acteurs syndicaux les moyens de mieux exercer leur mission. Que cela soit en droit du travail, en stratégie de négociations ou en gestion des conflits, il leur permet d'acquérir les outils indispensables à l'accomplissement de leurs fonctions.
En enseignant les droits mais aussi les devoirs des salariés et de leurs représentants dans le monde du travail, l'Institut du travail a contribué à faciliter un dialogue social rénové fondé sur le sens des responsabilités de chacun et tourné résolument vers l'amélioration des situations de travail des salariés et une meilleure appréhension des environnements de l'entreprise et de ses organisations.
Les Instituts du Travail sont aussi pour moi de formidables tremplins de réussite sociale et professionnelle. Organisés au coeur des meilleures universités françaises, à Strasbourg par exemple au sein de la prestigieuse université Robert Schuman, héritière du gymnase protestant fondé en 1538 par Jean Sturm et de l'Ecole européenne de droit public, dite Ecole des diplomates, fréquentée notamment par Metternich et Goethe, les Instituts permettent à des salariés talentueux, engagés, motivés, d'acquérir une formation théorique et pratique de haut niveau. Je voudrais aussi rappeler ici, à Strasbourg, l'importance de la contribution européenne dans l'émergence d'un droit européen dans les relations sociales et je ne doute pas que l'institut du travail de Strasbourg place l'enseignement de ce droit au centre de ses programmes.
Vous accueillez ainsi des syndicalistes, des représentants du personnel, des conseillers prud'homaux, des mandataires des organismes économiques et sociaux. C'est une opportunité formidable qui leur est ainsi offerte d'accéder à une culture économique, juridique et sociologique, et, à ce titre, je crois qu'il est essentiel de souligner la pédagogie originale et pluridisciplinaire de votre institution qui, par son approche globale, en fait un élément décisif de notre démocratie sociale.
Cette démocratie sociale, vous le savez, nous sommes en train de la moderniser pour qu'elle fonctionne pleinement, dans un esprit de dialogue et de responsabilité.
Le Président de la République, Jacques Chirac, dans son discours devant le Conseil économique et social, a énoncé avec justesse notre ambition en matière de rénovation du dialogue social. Il a rappelé sa nécessité, au coeur des relations du travail, dans la construction des normes qui régissent la vie des salariés. Il a tracé les lignes directrices de la réforme que le Premier ministre, Dominique de Villepin, nous a demandé à Jean-Louis Borloo et moi-même, d'élaborer en concertation avec les partenaires sociaux.
Cette concertation qui a débuté à la fin du mois d'août par des rencontres bilatérales avec l'ensemble des organisations syndicales nous a permis de dégager les principaux axes de réforme que le Président a donc mis en perspective mardi dernier. Actuellement, des rencontres se poursuivent afin de préparer un projet de texte que nous discuterons de manière approfondie avec les organisations syndicales et patronales lors d'une commission nationale de la négociation collective (CNNC) qui se tiendra dans les prochains jours.
L'objectif a été clairement rappelé par le Président de la République : « Nous fixons une règle nouvelle : il ne sera plus possible de modifier le code du travail sans que les partenaires sociaux aient été en mesure de négocier sur le contenu de la réforme engagée. Et aucun projet de loi ne sera soumis au Parlement sans que les partenaires sociaux soient consultés sur son contenu. »
Inspirés des « bonnes pratiques » mises en oeuvre au niveau communautaire ou chez certains de nos partenaires européens, ces avancées font le pari de s'appuyer sur le sens des responsabilités de tous les acteurs. Et c'est pourquoi l'effort de formation accompli au sein des Instituts du travail sera, j'en suis convaincu, encore plus essentiel dans les années qui viennent.
Le salarié et la formation professionnelle
C'est d'ailleurs au dialogue social que nous devons l'une des plus grandes avancées en faveur de la formation professionnelle de ces dernières années - je veux parler de l'Accord national interprofessionnel du 5 décembre 2003, adopté à l'unanimité par l'ensemble des partenaires sociaux, et qui a donné naissance à la loi du 4 mai 2004.
Mesdames, Messieurs, si l'ensemble des partenaires sociaux ont tenu à travailler ensemble sur un tel projet, c'est bien avec l'idée de répondre à un environnement qui a changé. Aujourd'hui, le monde est devenu plus rapide, et l'environnement professionnel en mouvement permanent. Auparavant, il y a une ou deux générations, on apprenait souvent un métier que l'on allait pratiquer pendant toute sa vie, ou une bonne partie de celle-ci. La plupart du temps, on travaillait au sein de la même entreprise.
Désormais, les jeunes qui rentrent sur le marché du travail, vont changer dans leur vie professionnelle plusieurs fois de métiers, plusieurs fois d'entreprises, souvent plusieurs fois de lieux de vie.
Face à cette réalité, le besoin de formation et de qualification évolue de manière radicale. Les individus ont besoin plus que jamais de se former tout au long de leur vie pour entretenir leurs compétences, en acquérir de nouvelles. Désormais, la construction des qualifications ne se fait plus de façon définitive, mais au contraire s'envisage sur le long terme. La qualification durable n'est plus une qualification atteinte une fois pour toute, mais bien une qualification qui s'inscrit dans la durée, c'est-à-dire qui s'adapte, se modifie, s'enrichit, de manière itérative et modulaire, qui est finalement en perpétuel mouvement.
Il est désormais essentiel que tous les salariés aient les moyens de réagir aux événements qui marquent leur vie professionnelle et qu'au-delà même qu'ils aient la possibilité de les anticiper. C'est cette capacité de projection dans l'emploi, dans ses mutations à venir, que nous entendons développer. Je souhaite d'ailleurs saluer à ce propos les efforts engagés en la matière par certaines fédérations professionnelles, qui ont mis en place des observatoires de branches qui analysent les évolutions qui vont toucher leur secteur à moyen terme, et en prévoient les conséquences en termes d'emploi et de qualification.
Si jusqu'à présent, et comme vous le savez bien, notre système de formation professionnelle souffrait de certaines insuffisances et dysfonctionnements (inégalité d'accès à la formation, responsabilités insuffisamment définies, décalage entre les formations et les besoins des entreprises et des hommes), l'Accord national interprofessionnel puis la loi qui lui a succédé ont permis de moderniser nos outil. Je pense en particulier à la rénovation du plan de formation dont l'architecture distingue désormais les actions d'adaptation au poste de travail, les actions liées à l'évolution des emplois ou participant au maintien dans l'emploi et enfin, les actions de développement des compétences ; je pense également aux périodes de professionnalisation qui visent l'acquisition d'une qualification reconnue et la mise en place du contrat de professionnalisation.
Je pense enfin et évidemment au Droit individuel à la formation (DIF) qui offre au salarié un temps de formation de 20 heures par an cumulables sur 6 ans. Comme vous le savez, il s'agit là d'une disposition innovante qui permet au salarié de devenir co-auteur avec l'employeur de son projet de formation dans une perspective de bénéfice réciproque. Le DIF monte progressivement en puissance et devrait produire des effets tout à fait significatifs dès l'année prochaine, quand l'ensemble des salariés auront capitalisé une soixantaine d'heures de formation. Il appartient aux salariés et à leurs représentants de s'en saisir pour lui permettre d'être pleinement un outil en leur faveur.
Je voudrais évoquer aussi un dispositif fondamental qui me tient particulièrement à coeur et pour lequel les partenaires sociaux se sont également engagés : la Validation des acquis de l'expérience. Il s'agit là d'un dispositif fondamental pour la formation continue des salariés, mais aussi d'une révolution culturelle puisqu'il permet d'obtenir un diplôme non par la seule formation académique ou professionnelle mais par le travail et l'expérience professionnelle acquise au sein de l'entreprise.
Par ce biais, il s'agit de reconnaître au travail sa véritable valeur et d'ouvrir une brèche dans la religion du diplôme qui marque encore notre pays. Je crois que la VAE rejoint bien ici l'ambition des instituts du travail, et donne au salarié un outil supplémentaire pour être l'acteur de son projet professionnel.
Je voudrais rappeler que le Premier Ministre a décidé de multiplier par 3 le nombre de certifications d'ici une année, et j'ai présenté un plan de développement de la VAE en juin dernier.
Mesdames et messieurs, ces différents sujets que je viens d'évoquer vont être le thème de vos travaux aujourd'hui. A travers eux, l'enjeu posé est celui de la modernité de notre modèle social et de notre capacité à l'adapter, en lien étroit avec les partenaires sociaux avec qui nous l'avons en partage. Car j'ai la conviction que si beaucoup de chemin a été parcouru, cette adaptation reste un défi que nous devons impérativement relever pour permettre à chaque salarié, à chaque demandeur d'emploi, à chaque jeune, de trouver une place correspondant à ses désirs et à ses talents.
Je vous souhaite une bonne journée de travail.
Source http://www.cohesionsociale.gouv.fr, le 16 octobre 2006