Interview de M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, à Radio Classique le 17 octobre 2006, sur le coût de l'enseignement secondaire, la pédagogie de la lecture et la mise en place du socle commun des connaissances.

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Média : Radio Classique

Texte intégral

Q- Bonjour Monsieur le Ministre !
R- Oui, bonjour G. Bonos.
Q- On va prendre du temps, parce qu'on a plein de choses à se dire. Il y a bien sûr l'affaire Redeker, il y a l'histoire de la lecture : méthode globale ou pas méthode globale et la rogne des syndicats. Il y a aussi bien sûr le socle commun des connaissances. Mais avant d'arriver à tout ça ; la une du Figaro ; "Education : la facture flambe, les notes stagnent". En clair, il y a un audit qui sort aujourd'hui et qui dit que le coût annuel d'un collégien a grimpé de 33 % entre 90 et 2004, donc sur une petite quinzaine d'années et ça, alors que les résultats eux ont stagné. Bref, on est un des mauvais élèves de la classe de l'OCDE. Comment on a fait une telle dérive de coûter de plus en plus cher, Monsieur le ministre ?
R- Je pense qu'on a surtout étudié les moyens quantitatifs, avant de regarder les moyens qualitatifs : les programmes, les méthodes.
Q- Vous êtes d'accord avec cet audit alors ?
R- Alors bien sûr que je suis d'accord, c'est l'Inspection générale de l'Education nationale avec l'Inspection générale de Bercy qui a abouti à ces conclusions. Mais nous savions déjà par l'OCDE qui a comparé les grands pays, que la France était le pays qui mettait le plus d'argent sur l'enseignement secondaire pour des résultats, somme toute, on va dire moyens, moyens plus et avec beaucoup, beaucoup de redoublements.
Q- Comment vous expliquez quand même le fait, par exemple dans le Cercle des Economistes, nombreux sont les universitaires qui disent qu'un lycéen coûte plus cher en France qu'un étudiant - c'est une exception dans les pays de l'OCDE. Pourquoi, depuis le temps qu'on le dit, cela fait à peu près une dizaine d'années que je l'entends, on n'a jamais réussi à rectifier le tir ?
R- G. Bonos, il ne faut pas dire qu'on n'a jamais réussi, puisque c'est ce que l'on fait cette année. Et vous voyez d'ailleurs, il y a beaucoup de réactions hostiles de la part de certains syndicats, je rééquilibre aujourd'hui avec d'ailleurs avec le ministre délégué F. Goulard, je rééquilibre les choses en faveur du supérieur, parce que les universités manquent d'argent. Eh bien on aura embauché en trois ans 6.000 chercheurs, enseignants, chercheurs, professeurs qui vraiment sont utiles pour le supérieur. Et on aura adapté disons nos effectifs d'enseignants et de personnels administratifs à une certaine baisse des effectifs dans le secondaire. Et je pense que c'est une question vraiment d'efficacité et en même temps bien sûr, il n'y a pas quel es questions d'effectifs, je crois que vraiment, on passe trop de temps lorsque l'on discute finalement budget dans l'Education nationale, on passe trop de temps sur le nombre de postes. Le nombre de postes est une chose, mais le nombre de postes ce n'est pas essentiel, ce qui est essentiel c'est la méthode d'enseignement. Ce qui est essentiel, c'est les programmes, c'est la qualité des livres...
Q- On va y venir...
R- Et la formation des enseignants.
Q- L'audit signale qu'on aurait pu supprimer 8.946 emplois entre 95 et 2005, donc sur dix ans et que là, en fait, on en a créé 2.240 supplémentaires donc un delta de plus de 11.000 et cela a coûté 3,9 milliards d'euros au budget de l'Etat. Le mammouth est toujours aussi vivant en fait, C. Allègre n'a rien dégraissé du tout et ses successeurs non plus.
R- C. Allègre a fait des efforts, c'est J. Lang qui a été d'une démagogie, vraiment immense, en embauchant même 5.000 postes qui n'étaient même pas budgétés. Donc c'est vous dire à quel point, il voulait faire plaisir à ses amis, faire du clientélisme, mais certainement pas améliorer l'Education nationale. Et vraiment ce que je fais depuis un an et demi, c'est à fois de revisiter les programmes, la réforme des IUFM, renforcer les zones d'éducation prioritaires, améliorer par exemple l'enseignement de la lecture, demain de la grammaire, du calcul etc. C'est tout le socle commun qui est un enjeu fantastique.
Q- On va y venir au socle commun !
R- Et puis aussi donner aux élèves des repères, comme par exemple la note de vie scolaire, renforcer aussi le rôle des parents, leur donner une vraie place au sein de la communauté éducative. Et ça, ce ne sont pas des moyens financiers, ce sont véritablement des améliorations.
Q- C'est un redéploiement en fait.
R- C'est un redéploiement, c'est vraiment une démarche éducative. Je vais prendre un exemple : jusqu'à présent quand on est étudiant aux IUFM, on se destine à être enseignant, on attend des années avant d'être en situation en classe. Eh bien maintenant, avec la réforme des directeurs d'école, les directeurs d'école se voient déchargés d'une journée lorsqu'ils ont au moins quatre classes dans leur école. Et pendant cette journée, vient enseigner un futur enseignant, dans la classe du directeur. Cela ne coûte pas un sou et c'est extrêmement utile pour la formation des enseignants.
Q- Oui, c'est un stage de niveau un peu.
R- Et c'est exactement en milieu réel un stage qui va permettre au futur enseignant en tout cas d'être tout à fait au courant d'une situation réelle. Parce qu'en général, on attend trois ans ou quatre ans avant d'être devant des élèves et quelquefois on s'aperçoit qu'on n'a pas la vocation.
Q- Vous héritez quand même, Monsieur le ministre, d'une situation pas triste, parce qu'en plus, alors il y a, toujours dans le même audit, il y a quand même les 402 principaux de collège qui ont été interrogés à l'appui de cet audit, et ces chefs d'établissement sont 94 % à fustiger l'attachement des professeurs à la régularité de leur emploi du temps hebdomadaire - là, je cite, bien sûr M.-E. Pec qui est ma consoeur du Figaro.
R- Je vais prendre un autre exemple si vous voulez, d'abord à la fois pour souligner quand même la très grande capacité des enseignants, mais en même temps on leur impose des choses qui sont à la fois contraignantes et coûteuses. Savez-vous que les sujets au brevet et au CAP sont au nombre de 20.000, cela coûte des dizaines et des dizaines de millions, 20.000 sujets par an qu'il faut préparer dans des groupes de travail, qu'il faut rédiger, qu'il faut vérifier, qu'il faut imprimer... Pour les examens ! Qu'il faut imprimer, qu'il faut envoyer. Eh bien cette année, il y aura des sujets qui seront nationaux et non plus par académie. On va réduire par quatre, on va diviser par quatre le nombre de sujets et on va économiser des dizaines de millions d'euros. Est-ce qu'on nuit à l'Education ? Certainement pas ! Au contraire, il y aura une sorte d'équité sur l'ensemble du territoire français qui est une équité vraiment républicaine. Donc à la fois on simplifie, on réduit les coûts et on a plus d'équité républicaine, donc, on est tous gagnants, y compris le contribuable avec cette économie.
Q- Est-ce que vous n'avez pas le sentiment en tant que Ministre de l'Education nationale, qu'on vous propose en fin de compte de vider l'Océan avec une cuiller ?
R- Non, pas du tout. Je vais prendre un autre exemple. Par exemple, on nous dit qu'en France on redouble trop. Alors évidemment, il y a de jeunes qui ratent leur année scolaire...
Q- Oui, parce que dans les autres pays de l'OCDE, on redouble beaucoup moins, l'audit le fustige ça aussi, le dénonce.
R- L'audit le fustige et très justement. Eh bien que fait-on à partir de cette année ? On met en place ce qu'on appelle des programmes personnalisés de réussite éducative. Qu'est-ce que cela veut dire ? Lorsque l'on repère des jeunes qui sont en retard par rapport disons à la moyenne de la classe, eh bien par petits groupes, tout petits groupes, parfois même individuellement, il y a des assistants pédagogiques - qui sont en général des licenciés ou qui se destinent à un enseignement et qui accompagnent ces jeunes pour les faire reprendre le niveau justement auquel ils doivent atteindre pour pouvoir passer à la classe supérieure. Donc, plutôt que de redoubler, ce qui est à la fois un peu traumatisant, parfois pour l'élève, beaucoup pour les parents en général, ce qui coûte très cher à l'Education nationale - les redoublements cela coûte très cher, cela coûte une année scolaire de plus - et, au lieu de cela, eh bien quelques heures avec les programmes personnalisés...
Q- De remise à niveau un peu.
R- Ou quelques jours de remise à niveau, à la fois cela coûtera moins cher, mais ce sera surtout pour l'enfant, beaucoup plus efficace, parce qu'il se sentira mieux pendant toute l'année scolaire dans sa classe. Il aura l'impression, il aura la réalité de suivre le niveau de ses petits camarades.
Q- Oui, mais il y a juste une limite à cela, Monsieur le ministre, c'est le bac, parce que s'il échoue, il sera bien obligé à ce moment-là de redoubler, sauf à ce que vous nous disiez que le bac... C'est un peu comme l'ISF, j'ai l'impression qu'on n'ose pas y toucher en France.
R- Non, alors le bac, il a été simplifié, il n'y a qu'une partie. Et deuxièmement, si on a des programmes personnalisés à la réussite éducative, aussi bien en CE1 au niveau de la lecture qu'avant l'entrée en 6ème, ou justement au moment de la rentrée en 6ème, ou au moment du brevet, là, avec ces programmes personnalisés à la réussite éducative, les jeunes auront acquis ce qu'on appelle le socle commun de connaissances et de compétences. Et si ce socle commun de connaissances et de compétences est acquis par tous les élèves, je vous assure qu'au moment du bac, il y aura beaucoup moins de redoublements et que les jeunes arriveront au niveau du bac avec plus de connaissances, de meilleures connaissances, en meilleur état pour passer le bac.
Q- C'est le travail en amont qui est important.
R- Et c'est le travail en amont, plutôt que de traîner des jeunes et de les faire ou passer systématiquement dans la classe supérieure, même s'ils ne sont pas au niveau et finalement de les rendre un peu malheureux pendant un cursus de, 2, 3 ou 4 ans dans le secondaire - eh bien on leur permet de retrouver le niveau et à ce moment-là, ils se sentent à l'aise. Et quand on se sent à l'aise, on a envie d'apprendre et quand on a envie d'apprendre à ce moment-là, on peut espérer, on a envie également de passer dans l'enseignement supérieur et de continuer des études brillantes.
Q- Monsieur G. de Robien, le socle commun de connaissances, justement - avant d'en venir à la lecture qui est un autre débat du jour - le socle de connaissances, ça y est, il est en place. Parce que je crois que vous allez plancher dessus, si vous me permettez la formule cette semaine ?
R- Oui, il a été signé le 11 juillet, il a été signé le 11 juillet et avec le socle, on peut vraiment dire que le ministère de l'Education nationale renoue exactement avec l'esprit de la loi de Jules Ferry, va dire. Alors ce n'est pas par nostalgie bien sûr, mais c'est un vrai contrat que la Nation passe avec les parents et évidemment avec les élèves. Il s'agit de quoi en fait ? Il s'agit de définir très exactement les savoirs que tout élève doit posséder à la fin de la scolarité obligatoire. C'est-à-dire vraiment à la fois, il nous impose de passer au crible tous les programmes, il faut fixer la progression des élèves et en même temps, eh bien il y a dans ce socle, sept piliers on va dire fondamentaux. Evidemment la maîtrise de la langue française, parce que quand on ne connaît pas la langue française, comment voulez-vous suivre ensuite les cours, que ce soit dans le primaire ou le secondaire ? Ensuite la pratique d'une langue vivante étrangère, la pratique des techniques d'information et de communication qui aujourd'hui sont indispensables, évidemment pour apprendre. Les compétences de base en mathématiques et en culture scientifique et technologique. La culture humaniste et j'ai voulu rajouter dans ce socle, ce qui a été fait, les compétences sociales et civiques, c'est-à-dire pour vraiment faire des jeunes des citoyens - avec des connaissances de citoyens, des réflexes de citoyens, savoir-vivre ensemble. Et puis l'accession à l'autonomie et l'acquisition de l'esprit d'initiative. Vraiment des jeunes qui savent se prendre en main, qui seront devenir plus tard autonomes, faire des choix et assumer ces choix. Et donc il y aura sept groupes de travail pour la mise en place de ce socle et je vais installer ces groupes de travail le 18 octobre et ces groupes de travail vont rendre leur conclusion en janvier avec des personnalités de très grand renom qui ont accepté de participer à cette mise en oeuvre.
Q- Par exemple ?
R- Par exemple le professeur Dominique Schnapper, qui est une sociologue très réputée, par exemple le professeur Monique Canto-Sperber, directrice de l'Ecole Normale Sup. Le professeur Marc Fumarolli de l'Académie française, le professeur Jean-François Bach, secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences, l'Inspecteur général Roger Bambuck, qui est un ancien ministre, membre de l'Académie des sports. Et le professeur Pierre Brunel, qui est professeur à la Sorbonne, pour prendre quelques exemples. Voilà en tout cas des personnes de très très grande qualité qui vont nous permettre de mettre en place ce socle, ce grand contrat de la République avec ces élèves.
Q- Alors la deuxième réponse que je vous demande, Monsieur de Robien, c'est vis-à-vis du syndicat SNIP-FSU qui a annoncé une grande campagne d'affichage pour protester contre les propos caricaturaux que vous auriez tenus à propos de la lecture. Alors méthode globale, pas méthode globale, elle est supprimée, ils en veulent, on ne comprend plus très bien cette affaire non plus.
R- Ce qui est drôle, c'est qu'on voit vraiment que les forces conservatrices dans le ministère sont encore très très présentes.
Q- Là, vous êtes le premier employeur du monde. Avant, il y avait l'Armée rouge, et puis vous, maintenant il n'y a plus que vous.
R- Moi, je ne considère pas que l'Education nationale c'est l'Armée rouge, c'est au contraire une force de progrès considérable avec une générosité vraiment sur tous les bancs et les chaises des enseignants tout à fait extraordinaire que je vérifie tous les jours. Hier, j'étais encore à Marseille voir trois établissements ; ce qui se passe et l'évolution de cette grande maison est formidable. Alors ce qui est drôle c'est qu'on me reproche de caricaturer la méthode de lecture et on le fait par une caricature. Vous voyez, je ne vois pas qui caricature l'autre. Moi en tout cas, ce que je demande c'est qu'on ne caricature pas mes propos. Moi je n'ai pas dit, il faut telle ou telle méthode. J'ai dit très clairement : "il faut écarter les méthodes qui ne marchent pas". Et rappelez-vous il y a un an quand j'ai dit ça - et bien sûr, je visais les méthodes globales, semis-globales et assimilées - il faut écarter les méthodes qui ne marchent pas. Parce que c'est un constat, que les enseignants nous le disent et que personne n'osait le dire. Alors quand j'ai dit ça, on m'a dit tout de suite, mais elles n'existent plus, il y a longtemps qu'on les a retirées, cela voulait dire qu'elles n'étaient pas bonnes, puisqu'on les avait soi-disant retirées. Quand j'ai pris les textes pour les retirer, quand cela a été formalisé par une lettre circulaire du 3 janvier et puis ensuite par la modification des programmes, car je veux être efficace, à ce moment-là, on m'a dit : mais de quoi se mêle-t-il ? Il caricature, etc. Moi ce que je dis, je le fais d'abord, j'ai modifié les programmes. Que disent les programmes ? Eh bien ils disent, au début du CP, un entraînement systématique à la relation entre " graphème et phonème" doit être assurée pour permettre à l'élève de déchiffrer. C'est le déchiffrage par lequel on doit commencer, c'est exactement comme la conduite automobile, excusez-moi, mais, si on donne les clés à un jeune apprenti conducteur - on lui donne les clés et débrouille-toi, va sur l'autoroute : c'est l'accident assuré.
Q- Il y a des morts, oui.
R- Si on commence à lui dire à quoi sert le frein, l'accélérateur, le volant, les clignotants pour indiquer etc, à ce moment-là, on déchiffre les éléments les uns après les autres. Et quand on a ces automatismes-là, après les avoir déchiffrés, c'est-à-dire les lettres et les sons, les syllabes et les mots, à ce moment-là, oui, on peut globaliser. Et donc moi je dis très clairement et je ne le nie pas, c'est un texte officiel qu'il convient d'appliquer :"au début du CP, un entraînement systématique à la relation entre phonème et graphème". En tout cas, j'ai toute confiance dans les enseignants pour appliquer dès le CP, parce que c'est vraiment au CP qu'il faut le faire et j'ai toute confiance dans les enseignants pour appliquer ces textes. Et je voudrais rassurer d'ailleurs les professeurs, parce que je veux les aider, je veux qu'ils soient aussi aidés d'ailleurs par les inspecteurs, par les formateurs à assurer les programmes, on ne peut pas accepter aujourd'hui qu'il y ait jusqu'à 15 % des élèves qui éprouvent des difficultés à lire en 6ème. Et je suis sûr que pour les enseignants, c'est inacceptable de constater cela, pour le ministre c'est inacceptable de constater cela. Et j'aimerais que pour les syndicats ce soit aussi inacceptable de constater cela, ce n'est pas la générosité des enseignants qui est mise en cause, c'est au contraire pour les aider que l'on définit très clairement la façon dont ils doivent justement apporter leur savoir. On ne met pas en cause d'ailleurs leur liberté pédagogique, parce que je rappelle que la liberté pédagogique s'exerce dans le cadre des textes officiels.
Q- G. de Robien, on n'a pas beaucoup de temps encore, malheureusement, mais quand même, ici même à votre place, B.-H. Levy interrogé par C. Chazal, vendredi dernier réclamait votre démission, vous trouvant très "low profile", en tout cas ne vous trouvant pas assez solidaire du professeur, en l'occurrence R. Redeker qui avait écrit dans le Figaro du 19 septembre ce brûlot contre l'Islam. Il a estimé que vous n'avez pas soutenu votre enseignant et que ce n'était pas normal de la part du ministre de l'Education nationale et il réclamait votre démission. Vous répondez quoi Monsieur de Robien ?
R- Qu'en sait-il d'abord, qu'en sait-il de ce que j'ai fait vis-à-vis de Monsieur Redeker ? D'abord dans ce genre de situation, il vaut mieux rester discret, car Monsieur Redeker est en danger.
Q- C'est peut-être ça qu'on vous reproche un peu d'avoir été un peu trop discret non ?
R- Alors j'ai été discret ! Je pense que quand on se dit philosophe, on commence par se renseigner, parce qu'il y a des moments où l'ignorance frise le mensonge. Et là, vraiment, je peux vous dire que j'ai tout de suite dit et employé un mot qui est le plus fort que l'on puisse employer dans ces moments-là, c'est le terme de solidarité. Alors c'est bien beau d'enfourcher les grands combats au nom de la liberté, que j'ai enfourchés comme les autres. Mais j'ai d'abord dit solidarité, et la solidarité c'est bien plus fort que tout le reste, cela veut dire quoi ? Cela veut dire qu'être solidaire de Monsieur Redeker - quoi que l'on pense de ses écrits, ce n'est pas le problème, c'est la liberté de penser et d'écrire qui est en cause - le mot solidarité c'est dire que l'on se met à ses côtés et que l'on partage à la fois ses épreuves, mais à la fois ses risques. Et j'aimerais bien que quand on se dit philosophe aussi, on sache ce que recouvre le mot, solidarité. Et donc là, j'aurais aimé effectivement que quand on se dit philosophe, eh bien on commence à se renseigner sur mes déclarations précises avant d'attaquer, comme ça, le ministre de l'Education nationale sans savoir ce qu'il a dit, sans s'être renseigné sur ce qu'il a dit. Franchement, cela frise le mensonge !
Q- D'un mot, G. de Robien, qu'est-ce que vous avez dit à ce moment là, qui montre qu'en effet, vous avez été solidaire de R. Redeker ? Parce que lui-même, il est un peu ambigu vis-à-vis de vous ?
R- Eh bien écoutez, si je peux vous dire, j'ai même eu des relations téléphoniques avec Monsieur Redeker, on s'est expliqué. Simplement, ce que j'ai dit, solidaire, solidarité avec Monsieur Redeker, c'est un mot évidemment le plus fort que l'on puisse trouver. Et j'ai dit par ailleurs - mais par ailleurs et cela n'a rien à voir - qu'évidemment la nuance est toujours une vertu quand on écrit ; eh bien oui, la nuance est toujours une vertu quand on écrit, parce qu'on est mieux compris quand on est nuancé. Maisj'ai lu beaucoup, on va dire de commentaires sur ce qu'a écrit Monsieur Redeker, des commentaires qui étaient sévères sur le contenu. Mais en tout cas on doit tous se rejoindre sur les principes, c'est-à-dire sur la liberté d'expression qui est un fondement de notre République sur lequel on ne doit pas transiger. Dans notre démocratie, il n'y a pas de censure, il faut le savoir. Il est inadmissible que certains essayent de s'arroger le droit de la censure par l'intimidation, je l'ai dit et j'aurais aimé que voilà... Surtout quand on se dit philosophe, qu'on écoute et qu'on lise. Voilà, la lecture, vous voyez, ça a du bon, surtout quand on sait lire grâce à la bonne méthode, eh bien au moins on a des sources qui sont vraies et on ne condamne pas à l'avance, parce que ça c'est contraire à l'idée que je me fais de la philosophie.
Q- D'un mot G. de Robien, vous l'avez eu en ligne plusieurs fois R. Redeker, il va bien qu'est-ce qu'il va se passer maintenant pour lui ?
R- Je peux vous dire que l'Education nationale vraiment se mobilise de façon formidable, le recteur d'Académie bien sûr, le chef d'établissement également. Et donc oui, il est accompagné dans cette épreuve dont je souhaite évidemment qu'elle se termine très vite et très très tôt. Evidemment que son poste est totalement conservé, évidemment qu'il n'y a aucun préjudice financier pour lui, pendant le temps qu'il ne peut pas enseigner. On fait tout et dans la discrétion, parce que la discrétion est quelquefois nécessaire aussi pour la sécurité. On fait tout en tout cas pour l'accompagner dans cette épreuve.
Q- Merci monsieur le ministre. On n'a pas eu le temps de parler de 100.000 pour 100.000... qui vont être tuteurs d'élèves. C'est ça ?
R- Ah c'est très important, ça, franchement, ces étudiants qui sont d'une générosité. J'en ai vu hier une centaine qui vont être tuteurs de lycéens et de collégiens pour les aider et les accompagner dans ce passage difficile du secondaire vers le supérieur. Et pour bien envoyer ce message, notamment dans les zones d'éducation prioritaires, dans les collèges "Ambition Réussite" de oui, l'enseignement supérieur c'est aussi fait pour vous les jeunes. Et donc ces étudiants font un travail formidable d'accompagnement en tout cas de plus jeunes qu'eux. C'est un passage de relais qui est fait avec beaucoup de générosité.
Merci, Gilles de Robien.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 17 octobre 2006