Texte intégral
Travailleuses, travailleurs, camarades et amis,
Je voudrais tout d'abord vous rassurer : ma venue ici , à Brest, le même jour que Laurence Parisot, la présidente de l'organisation patronale Medef, est pure coïncidence. Elle vient pour rencontrer le patronat local, et je vous garantis que je n'ai pas du tout cette intention-là.
Mais, enfin, comme elle est dans cette ville, je saisis l'occasion pour commenter certaines de ces récentes déclarations qui sont bien caractéristiques de la morgue du grand patronat qu'elle représente. Bien caractéristiques sont aussi les réactions, pleines de sollicitude, des milieux gouvernementaux à ses déclarations. Laurence Parisot n'a pas besoin d'être ministre, en tant que porte-parole des patrons, c'est elle qui commande, et ce sont les ministres qui obéissent.
Il faut, a-t-elle dit, que le licenciement soit « une séparation à l'amiable », un peu comme dans certains divorces où les deux conjoints sont consentants. Il faut une bonne dose de cynisme pour comparer la situation d'un couple avec le rapport entre un patron et le travailleur qu'il s'apprête à licencier !
Dans le monde du travail, personne n'ignore que les gouvernements successifs, de gauche comme de droite, ont déjà offert au patronat une multitude de contrats précaires, tous faits pour permettre aux patrons de contourner la loi sur les licenciements. Personne n'ignore que, même dans les grandes entreprises, un nombre croissant de travailleurs sont embauchés en tant qu'intérimaires, souvent chez des sous-traitants, c'est-à-dire licenciables à volonté. Personne n'ignore que des super et hypermarchés aux entreprises de services, se multiplient le temps partiel non choisi où la personne embauchée se voit imposer son temps et son horaire de travail , pratiquement au jour le jour.
Mais, même le peu qui reste dans la loi gêne le patronat qui veut pouvoir licencier quand il veut, comme il veut, sans qu'aucun inspecteur du travail puisse s'en mêler.
Et Sarkozy de réagir aussitôt, en proposant un contrat unique, mais où les licenciements seraient facilités. Ce serait la consécration légale de la précarité pour tous les travailleurs qui n'auraient même pas la garantie donnée par un contrat à durée déterminée.
« Ce qu'il faut faire, c'est abroger le concept de durée légale du travail ». - avait encore déclaré Laurance Parisot. En clair, ni 35 heures, ni même 39 ou 40 heures, c'est aux patrons de définir la durée du travail, entreprise par entreprise. Faire travailler 40 heures, et pourquoi pas 50 ou plus, les semaines où cela arrange le patron, et moins ou pas du tout quand il n'en a pas besoin. Et là encore, à peine l'exigence a-t-elle été formulée que Fillon, ex-ministre du Travail et bras droit de Sarkozy, réagit en acquiesçant bruyamment : « Il faut libéraliser les heures supplémentaires ».
Quand c'est la droite qui détient le pouvoir politique, elle exprime d'autant plus cyniquement qu'elle est au service du patronat que cela ne la gêne même pas sur le plan électorat vu que c'est du côté des patrons, petits et grands, plus généralement du côté des possédants ou qui croient l'être, qu'elle trouve sa clientèle électorale.
Je rejoins, bien sûr, ma camarade Valérie Hamon pour exprimer toute ma solidarité avec les cheminots qui ont fait grève hier. Rien que les propos provocants d'Anne-Marie Idrac, la nouvelle présidente de la SNCF, ancien ministre de droite, parlant de « guerre froide » et de « mur de Berlin » entre elle-même et les syndicats, méritaient une réaction des cheminots. Ils la méritaient, car Anne Marie Idrac comme ses semblables du patronat, public comme privé, voudraient que les travailleurs la subissent, cette guerre qui démolit leurs conditions d'existence et qu'ils disent en plus poliment merci
Oui, il y a une guerre et même pas froide, mais c'est le patronat et le gouvernement qui la mènent contre les travailleurs. . Eh bien, les patrons comme le gouvernement la verront passer, lorsque les travailleurs se mettront réellement en guerre pour stopper l'offensive patronale ! Et pas seulement à la SNCF ou à la fonction publique, comme en 1995, mais partout dans le pays !
Vous savez que la situation décrite par ma camarade n'a rien de spécifique à la région. Je n'en finirais pas d'énumérer tous les licenciements collectifs, baptisés « plans sociaux », qui se sont produits depuis le début de l'année ou qui vont avoir lieu dans les mois à venir.
Pour ne citer que cet exemple : lorsque le patron d'Airbus a été remplacé par Gallois, ancien patron de la SNCF, celui-ci a promis-juré que les économies qu'il compte réaliser seront faites en douceur ! Et voilà que le groupe annonce, oh, pas des coupes claires dans ses propres effectifs, mais qu'il compte arrêter de travailler avec 2 500 de ses sous-traitants ! Cela représente 80 % de ses sous-traitants et fournisseurs.
Mais ces 2 500 sous-traitants, c'est combien de travailleurs ? Combien d'entre eux se retrouveront à l'ANPE ?
Pour une grande entreprise dont on parle un peu, combien d'autres où les licenciements se font dans la discrétion et où les licenciés et leur famille se retrouvent, d'un seul coup, plongés dans le chômage, premier pas vers la pauvreté ?
Et, pendant ce temps-là, les ministres se répandent dans les médias en brandissant des statistiques pour affirmer que le chômage baisse. Dans le monde du travail, tout le monde sait que ce sont des mensonges, tout le monde sait que ce ne sont que des manipulations statistiques. Mais ces gens-là mentent sans honte, ils sont payés pour cela. Ils sont payés pour faire croire que ça va de mieux en mieux pour l'économie et que, si on en licencie certains, c'est pour sauvegarder l'emploi des autres.
Il est quand même invraisemblable et révoltant que, dans un pays comme le nôtre, des millions de travailleurs potentiels soient exclus de toute activité sociale, collective, simplement pour que fonctionne leur machine économique faite pour produire du profit en fabriquant des chômeurs !
Pour les plus démunis parmi les travailleurs et parmi les retraités, la situation est dramatique. Tout devient un problème, même se nourrir quotidiennement lorsqu'il s'agit d'une famille nombreuse, ou se soigner et, avant tout, se loger convenablement. Le pouvoir d'achat n'est pas seulement rogné par les hausses de prix, mais aussi par toutes ces dépenses supplémentaires qui résultent de décisions qui semblent parfois anodines pour ceux qui ne sont pas concernés. Je veux parler des forfaits de consultation chez les médecins et le déremboursement total ou partiel de certains médicaments, décisions qui, pour les retraités, voire les salariés, les plus modestes, sont dramatiques.
Qui, parmi les travailleurs, ne voit la pauvreté qui monte ? Qui, parmi les travailleurs, ignore que, lorsqu'on a perdu un emploi stable, on a peu de chances de trouver autre chose qu'un emploi précaire mal payé ? Qui, dans les familles ouvrières, ne sait qu'un jeune n'a pratiquement aucune chance d'entrer dans la vie active autrement qu'en galérant d'intérim mal payé en stage pas payé du tout ?
Et les pires mesures anti-ouvrières sont prises, bien sûr, au nom de l'intérêt de tous ! Les forfaits, les déremboursements de médicaments, ce serait pour sauver la Sécurité sociale ! Les contrats comme le CNE qui permettent aux patrons concernés de licencier quand et comment ils veulent pendant deux ans, ce serait pour créer des emplois !
Les politiques qui nous gouvernent sont aux ordres. Ils exécutent ce que le patronat leur demande et, en plus, ils assurent le service après vente. C'est à eux de justifier, de rendre acceptables les pires infamies patronales contre les travailleurs.
On nous convoque périodiquement à des élections pour élire des responsables politiques à différents niveaux. Mais, dans le domaine économique, il y a une véritable dictature où une toute petite minorité de possesseurs de capitaux a le droit de tout faire, fermer des entreprises, délocaliser, licencier, sans avoir de comptes à rendre à quiconque. Et, en dominant l'économie, cette petite minorité domine aussi toute la vie sociale et toute la politique.
Les patrons commandent et le pouvoir politique s'exécute. Voilà la réalité dans ce pays des rapports entre le grand patronat et le pouvoir politique.
Dans ce système économique, la concurrence, la recherche du profit déterminent tout : l'habitat, la santé, la production de biens utiles à la vie de tous, les transports. Tout ce qui est nécessaire à une vie normale exige que sa production rapporte beaucoup de profits, sinon on ne le fabrique pas ou on ne l'assure pas. C'est pourquoi on ferme des entreprises, des hôpitaux, des lignes de chemin de fer et des services. Et, quand on ne les ferme pas, on les laisse à l'abandon.
Voilà pourquoi la pauvreté s'accroît. Voilà pourquoi le niveau de vie baisse.
Les larbins du grand patronat présentent la recherche du profit à tout prix non seulement comme un droit mais même comme un devoir sacré pour les entreprises. C'est au nom du profit qu'on impose sur les chaînes de production, dans les super et hypermarchés, c'est-à-dire partout des rythmes de travail insupportables ; c'est encore au nom du profit qu'on rogne les temps de repos.
Et pourquoi faire, ces profits ? Même pas pour investir dans la production afin de créer, au moins plus tard, des emplois supplémentaires ! Non, le profit est en partie dilapidé par la classe riche pour mener grand train, appartements aux quatre coins du pays, sinon du monde, hôtels de luxe, avions en première classe, ou bateaux de plaisance grands comme des paquebots. Ce n'est pas pour rien que le secteur économique qui marche le mieux en France est le secteur du luxe. Ce n'est pas pour rien que l'homme qui a détrôné Liliane Bettencourt, l'inamovible plus riche milliardaire du pays pendant des années, est Bernard Arnault, propriétaire de LVMH, trust spécialisé dans le champagne et les articles de luxe. La bourgeoisie a de l'argent, et elle en a de plus en plus.
Et la part des profits qui n'est pas engloutie -en fait, la plus importante- ne sert aux entreprises qu'à racheter d'autres entreprises, concurrentes ou pas, mettre la main sur leur marché et sur leurs ouvriers qui, seuls, ont la capacité de suer du profit. Du moins, sur ceux qui ne sont pas licenciés sous prétexte de restructuration.
La société, l'État, n'exercent aucun contrôle sur les conseils d'administration des grandes compagnies industrielles et financières. Pire, ceux qui les possèdent peuvent décider librement de la meilleure façon de gagner plus. Et, pour eux, tant pis si cela pousse à la misère des fractions croissantes de salariés, tant pis pour ceux qui en crèvent !
Eh bien, dans cette campagne, il faut qu'il y ait au moins quelqu'un qui puisse dire que c'est à ce système-là qu'il faut s'en prendre vraiment.
Il faut que, dans cette élection, soient réellement défendus les intérêts politiques et sociaux du monde du travail. Il faut que soit présente une candidature qui exprime clairement que le grand patronat, que la grande bourgeoisie sont les ennemis directs de toute la population. Une candidature qui dise pourquoi et comment la mainmise de la grande bourgeoisie sur l'économie et la société est la cause des maux principaux dont souffre la majorité des travailleurs.
Voilà pourquoi je présente ma candidature à l'élection présidentielle de 2007.
Ce que je dirai dans cette campagne, aucun des représentants des grands partis, aucun de ceux ou de celles qui ont une chance d'accéder à la présidence, ne le dit. Ils rivalisent de grandes phrases sur l'avenir de la France, sur le bonheur du peuple. Mais aucun d'entre eux n'osera s'en prendre au grand patronat et à ses intérêts, même pas en paroles, même pas par démagogie.
Alors, il ne faut pas être dupe des hommes et des femmes politiques qui occupent le devant de la scène. Ce ne sont pas eux qui détiennent le véritable pouvoir.
Ils ne tiennent pas tous le même discours, bien sûr. Il faut bien que les électeurs les distinguent les uns des autres pour qu'ils aient le sentiment qu'ils ont un choix réel. De plus, les uns et les autres n'ont pas le même électorat et ne cherchent pas à plaire aux mêmes gens.
La droite qui est au pouvoir depuis quatre ans n'a que faire de l'opinion, des sentiments des travailleurs et des classes populaires. Elle ne cherche à plaire qu'aux possédants, petits et grands. Elle se prosterne devant l'argent et ceux qui le détiennent, auxquels elle est liée par une multitude de liens personnels, familiaux ou financiers. Les téléspectateurs ont pu voir, dans un documentaire récent consacré à Chirac, comment l'avionneur Dassault, le père, s'était fait filmer faisant sauter l'enfant Chirac sur ses genoux !
Cette droite aux ordres des riches, mais cynique et arrogante à l'égard des classes populaires, a pris pendant les quatre années passées tellement de mesures anti-ouvrières, a tellement aidé le grand patronat à dégrader le sort des classes populaires, qu'elle mérite la haine de tous ceux, travailleurs, chômeurs, retraités, dont elle a écrasé les conditions d'existence.
Ces quatre ans au gouvernement, c'est quatre ans d'attaques tout azimut contre les travailleurs. Des attaques sur tous les terrains : contre les retraites, contre l'assurance maladie, contre les services publics, contre le peu qui dans la législation du travail gêne les patrons.
Lorsque de petits escrocs se font coincer en essayant de frauder la Sécurité sociale ou les Assedic, l'information est mise en évidence à la télévision et dans la presse. Le gouvernement vient même d'installer un Comité de lutte contre la fraude à la protection sociale pour tenter de faire croire que le déficit de la Sécurité sociale, c'est la faute aux tricheurs parmi les assurés.
Mais personne ne dit qu'une grande partie des cadeaux consentis aux entreprises se fait sous la forme de réductions de charges sociales, c'est-à-dire au détriment du budget de la Sécurité sociale. Même si l'État compense en partie, il ne le fait qu'en partie et encore, avec beaucoup de retard. Cela se chiffre par milliards ! Personne ne dénonce non plus les retards de paiement de la part patronale qui portent sur des sommes autrement plus importantes que ce que les petits escrocs en tout genre peuvent détourner.
Sous prétexte de mener la chasse aux petits escrocs, on va soumettre tous les assurés à des tracasseries supplémentaires. Les grands escrocs, les véritables voleurs de grand chemin qui prélèvent des milliards d'euros sur les caisses de la Sécurité sociale, qui sont les responsables de son déficit, non seulement on ne les inquiète pas, mais on leur dit « prenez donc, c'est pour favoriser l'emploi ». Et puis, de toute façon, lorsqu'il faudra combler le déficit, c'est encore les assurés sociaux, les travailleurs, voire les contribuables, qui paieront !
Sarkozy est sur la ligne de départ depuis plusieurs années pour être le « représentant naturel de la droite ». Oh, il a quelque raison de se méfier de Chirac, grand spécialiste des coups fourrés en tout genre, qui a déjà tenté de lui lancer Villepin dans les jambes ! Manque de chance pour Villepin et son protecteur de l'Élysée, la jeunesse scolarisée en révolte contre le CPE a bousculé le petit jeu triangulaire entre les trois hommes.
Ces temps-ci, c'est Michèle Alliot-Marie qui fleurte avec l'idée de se présenter. Et puis, voilà Chirac soi-même peut-être sur les rangs. Dans un récent interview au Figaro, il a répondu, à une question concernant sa candidature : « Tout est possible ! ».
Ni Alliot-Marie ni même Chirac ne peuvent espérer se faire élire à la place de Sarkozy. Mais ce n'est peut-être pas leur ambition. Peut-être seraient-ils simplement contents de le gêner jusqu'au bout en lui prenant quelques centaines de milliers de voix ?
Oh, Sarkozy le vaut bien, de représenter cet électorat de droite. Il est à son image, dans toute son arrogance, dans toute sa haine des pauvres, des quartiers populaires, des jeunes, des travailleurs immigrés, de tous les travailleurs ! Et il a derrière lui l'appareil de l'UMP, son argent et ses multiples liens avec le grand patronat.
Empêcher Sarkozy d'atteindre le fauteuil présidentiel, stopper, même provisoirement, sa carrière politique, oui, cela ferait plaisir à tous ceux que ce gouvernement écrase, même si, pour ce genre d'hommes, perdre sa place est certainement moins dramatique que de perdre son emploi pour un salarié. Ils iront pantoufler dans les entreprises dont ils ont si bien servi les patrons lorsqu'ils étaient ministres. Ils seront même probablement mieux payés encore.
Mais renvoyer la droite du pouvoir, cela ne peut se faire sur le terrain électoral qu'en y ramenant la gauche, cette gauche dont les travailleurs ont pu mesurer, pendant les cinq ans du gouvernement de Jospin, à quel point elle ne constitue en rien un rempart contre l'avidité patronale.
Même en pleine campagne électorale, les candidats à la candidature socialiste se gardent bien de prendre des engagements au cas où ils reviendraient aux affaires. Ils ont eu droit, à trois reprises, à un show à la télévision. On a pu les entendre. Qu'avaient-ils à dire aux classes populaires, ces trois rivaux pour l'investiture socialiste ?
Sur les salaires, problème qui devait, paraît-il, être abordé pendant le premier débat : silence de Strauss-Kahn et de Royal. Seul Fabius a donné des chiffres, en tout cas pour le Smic en promettant 1500 euros mensuels brut, et il a déjà dit dans le passé que les 1500 euros, c'est un objectif pour la fin de la législature. Mais 1500 euros brut, c'est à peu près le niveau qu'atteindra le Smic de toute façon avec l'ajustement automatique ! Et puis, combien de travailleurs précaires ou à temps partiel non choisi ne touchent de toute façon même pas le Smic et resteront des travailleurs pauvres, même lorsque le Smic atteindra 1500 euros ? Ah, si, quand même : Fabius a promis 100 euros brut par mois d'augmentation du Smic dès son élection. C'est déjà ça, mais ce n'est pas vraiment grand-chose et, s'il est élu, il faudra très certainement lui rappeler plusieurs fois sa promesse.
Les retraites : « Revaloriser le pouvoir d'achat des petites retraites sera une de mes priorités », a annoncé Royal. Avec cela, les retraités sont bien avancés ! Fabius a été plus précis : « Il faut fixer un niveau des retraites minimum à 80 ou 85 % du Smic ». Eh bien, 80 % du Smic, cela fait 80 % de 1254,28 euros, soit 1003,42 euros brut. Croyez-vous qu'on peut appeler cela une retraite décente après toute une vie de travail ?
Strauss-Kahn, dans un récent interview au journal Le Monde, a gauchi son langage : « La gauche ne peut plus se contenter de constater les inégalités du marché pour les corriger après coup, mais elle doit s'attaquer à la mécanique même de création de ces inégalités pour casser la machine à faire des pauvres ». Comment ? Là, il n'y a pas de réponse ! Et, de toute façon, si Strauss-Kahn se prépare à « casser la machine à faire des pauvres » avec autant d'efficacité que la gauche a « corrigé les inégalités du marché », on n'est certainement pas plus avancé avec lui !
Royal a fait sensation et a déclenché les sarcasmes de tout le milieu politique, y compris de ses rivaux du Parti socialiste, en proposant de créer des jurys populaires pour contrôler les élus. Le simple fait qu'on puisse évoquer le contrôle des élus donne des boutons à toute la gent politique.
Les propos de Royal ne méritent certes ni tant d'honneur ni tant d'indignité. Comment quinze citoyens tirés au sort pourraient-ils contrôler le travail des élus ? Et comment pourraient-ils sanctionner ceux qui renient leurs promesses ?
Oh, oui, je suis pour contrôler les élus, n'en déplaise à tous ceux qui voient dans l'évocation même de cette idée comme une atteinte à la démocratie ! Mais, pour contrôler les élus, le mouvement ouvrier, en l'espèce la Commune de Paris, avait inventé un système infiniment plus efficace que la petite démagogie sans conséquence de Royal : l'élection et la révocabilité à tout instant non seulement des élus qui ne tiennent pas leurs promesses, mais aussi de tous ceux qui assument une fonction publique de responsabilité ou qui détiennent une part d'autorité dans l'appareil d'État. Car, si on élit les députés ou le président de la République, personne n'élit ces quelques milliers de hauts fonctionnaires qui dirigent de fait les ministères et les grandes administrations, qui préparent les dossiers que les ministres n'ont plus qu'à signer. Pendant que les ministres changent, au gré des élections, la machinerie administrative continue à fonctionner sous la direction de femmes et d'hommes que personne n'a élus. Bien des mesures prises par le gouvernement Raffarin le furent sur des dossiers préparés au temps du gouvernement de Jospin !
Alors, se débarrasser de la droite, oui, mais il ne faut pas que, par refus de la droite et de l'extrême droite, l'électorat populaire porte le Parti socialiste au pouvoir sans rien en exiger en retour.
En attendant que le candidat officiel du Parti socialiste soit désigné par les militants, le premier secrétaire du Parti socialiste se démène pour empêcher la multiplication des candidatures venant de l'ex-Gauche plurielle. Il a obtenu que le Parti radical de gauche ne présente pas de candidat et appelle dès le premier tour à voter pour le candidat socialiste. Pour ce faire, Hollande a fait une offre qui ne se refuse pas quand on est radical, de gauche ou pas : l'assurance qu'aux législatives, le Parti socialiste appellera à voter pour un candidat radical dans trente circonscriptions permettant au Parti radical d'avoir un groupe parlementaire à l'Assemblée nationale.
Mais à peine les Radicaux de gauche ont-ils jeté Taubira par-dessus bord que réapparaît Chevènement annonçant sa candidature : « Je suis le meilleur candidat anti-libéral ». Décidément, il y a du monde qui se bouscule pour s'arroger une étiquette, d'autant plus disputée qu'elle ne signifie rien !
Le journal Libération rapporte que le Parti socialiste aurait proposé quatre circonscriptions aux amis de Chevènement. Ce qui aurait fait rugir Georges Sarre, un des lieutenants de Chevènement : « Indigne ! ». Allez savoir ce qui est « indigne » : la proposition de s'effacer derrière le candidat socialiste ? Ou de n'avoir droit qu'à quatre circonscriptions, c'est-à-dire quatre candidats éligibles, et non trente comme les Radicaux de gauche ?
Le Parti communiste, en revanche, restera bien sûr dans la course. Son conseil national a voté, non de présenter la candidature de Marie-George Buffet en tant que dirigeante du Parti communiste, mais -admirez la nuance !- en tant que candidate de ce courant qui s'intitule « la gauche anti-libérale » ou parfois « la gauche de la gauche ».
Ce ne serait pas la première fois que le Parti communiste se présenterait dans une élection, non pas sous sa propre étiquette, mais au nom d'associations et de groupements politiques divers. Que Marie-George Buffet postule à la représentation de ce courant se comprend : après tout, elle en partage en gros le programme, la phraséologie, et c'est tout de même le Parti communiste qui fournit à ce courant une grande partie de sa base.
Et se présenter non seulement comme la porte-parole du Parti communiste mais, surtout, d'un courant qui se veut plus large est une façon de faire passer pour nouvelle une stratégie politique bien vieille. Elle consiste à présenter à l'électorat populaire, comme la seule alternative contre une droite haïe et, surtout, comme la seule perspective politique, celle d'un gouvernement socialiste avec la participation de ministres communistes.
C'est avec cette politique que le Parti communiste a contribué à désarmer les travailleurs, à les détourner de la lutte des classes, le seul moyen véritable pour les travailleurs de peser vraiment sur les décisions politiques. C'est en demandant à ses militants de défendre cette perspective que le Parti communiste les a usés, dégoûtés de toute politique car, chaque fois que cette perspective s'est réalisée, sous Mitterrand et avec Jospin, les ministres du Parti communiste ont cautionné aux yeux des travailleurs les mesures anti-ouvrières du gouvernement auquel ils appartenaient.
Eh bien, en affirmant construire « la dynamique pleinement populaire » à vocation majoritaire, le Parti communiste reprend la même politique car il est évident que la gauche ne peut être majoritaire électoralement qu'avec le Parti socialiste, c'est-à-dire derrière lui. Et le jeu de la direction du Parti communiste par rapport à « la gauche anti-libérale » ne sert qu'à faire passer l'argumentation du parti qui prétend que, si cette « gauche anti-libérale » sait se rassembler autour du Parti communiste et si elle recueille beaucoup de suffrages, il se créera au sein de la gauche un rapport de forces qui obligera le Parti socialiste à infléchir son programme.
Ce n'est évidemment qu'un discours électoral car, même en 1981, à l'époque où, pour la première fois, Mitterrand avait pris quelques ministres communistes dans le gouvernement socialiste et où les résultats électoraux du Parti communiste dépassaient les 16 %, les ministres communistes n'avaient pas du tout pesé sur la politique du gouvernement socialiste. Ou, alors, il faut croire qu'ils étaient d'accord sur tout.
Ladite gauche anti-libérale vient de tenir son premier meeting électoral, lundi dernier. Elle se flatte d'avoir un programme mais pas encore de candidat pour le défendre. Ils sont cinq postulants : Marie-George Buffet, José Bové, Yves Salesse, Clémentine Autain et Patrick Braouezec.
Ils se sont livrés à une surenchère verbale dans l'optimisme. Pour Marie-George Buffet, « nous sommes en train de faire quelque chose de formidable : faire émerger une gauche populaire ». José Bové, auréolé de sa nuit précédente passée en garde à vue pour s'être attaqué à une ferme cultivant du maïs transgénique, en a appelé « à la conquête des usines et des villages et de tous ces électeurs qui ne croient plus en rien », pour conclure en affirmant « nous allons passer demain de la résistance au pouvoir car c'est la seule alternative que nous avons ».
Eh bien, pour ma part, je ne veux surtout pas me revendiquer de cette étiquette anti-libérale ! Mon étiquette à moi, c'est que je suis contre la dictature du grand patronat sur l'économie ! Je suis contre le système capitaliste ! Je suis contre l'exploitation de l'homme par l'homme !
Pour ma part, je tiens à dire, le plus clairement possible, que, sans s'en prendre au grand patronat, à sa dictature sur l'économie, c'est-à-dire sur toute la société, on ne pourra rien faire pour améliorer la situation des classes populaires.
Et puis, je me présente pour que s'expriment sur mon nom toutes celles et tous ceux dans l'électorat populaire qui ne sont pas dupes du duel gauche-droite et qui sont conscients que celui qui décide vraiment et dont le pouvoir n'est nullement mis en cause par les bulletins de vote, le grand patronat, ne sera pas impressionné par le changement de la personne qui est installée à l'Elysée.
La seule chose qui peut les impressionner, c'est que les travailleurs en aient assez de subir les coups qu'on leur porte et qu'ils décident de rendre collectivement les coups, à leur façon, avec leurs moyens, en obligeant la bourgeoisie à utiliser de manière utile à la société les profits immenses accumulés depuis tant de temps.
J'ai l'air de répéter tout le temps la même chose en disant cela. Mais on ne peut pas empêcher les licenciements, on ne peut pas empêcher les délocalisations, on ne peut pas diminuer, voire supprimer, le chômage, sans s'en prendre à ceux qui possèdent et dirigent à leur profit toute l'économie. Sans cela, on ne peut pas non plus loger convenablement les classes populaires, on ne peut pas résoudre les problèmes de la jeunesse, c'est-à-dire disposer de crèches puis de maternelles et d'écoles primaires en nombre suffisant et, surtout, d'enseignants en nombre suffisant pour donner un enseignement adapté à chacun. Résoudre ces problèmes, c'est aussi répondre au désespoir des jeunes de banlieue qui se voient sans avenir.
Tous ceux qui prétendent qu'on peut faire tout cela sans utiliser pour le bien de la collectivité, les profits accumulés, mentent effrontément. Car tous les maux qui rongent la société viennent de la concurrence, de la course au profit que mènent entre eux ceux qui possèdent les usines, les banques.
Ne pas s'en prendre à ceux-là, ce n'est pas seulement mentir, c'est contribuer à justifier les causes de la misère, c'est-à-dire l'entretenir.
Soumettre les entreprises, les banques, au contrôle de la population, cela peut sembler utopique, c'est vrai !
Mais c'est nécessaire, indispensable, vital pour que nous tous puissions avoir une vie normale et décente. Et ce qui est vital n'est pas utopique car attendre qu'on nous écrase, sans réagir, est impossible.
Il faut donc que tous puissent savoir d'où l'ensemble des patrons tirent leurs financements et ce qu'ils en font. Pourquoi ils n'investissent pas leurs profits dans la production de biens utiles à la population pour en faire baisser le coût, au lieu de spéculer dangereusement.
Si on contrôle les profits des entreprises, si on contrôle d'où vient l'argent, par où il passe, quels sont les coûts réels de production, quels sont les profits et où ils vont, on pourrait empêcher qu'ils servent à racheter des entreprises déjà existantes aux quatre coins du monde. Si l'on compare cela au coût du travail dans la valeur ajoutée, on pourrait vérifier qu'il est possible de créer des emplois correctement payés et en diminuant les efforts ou le temps de travail de chacun.
Il faut imposer que la population ait un accès direct à tout ce que les conseils d'administration envisagent pour l'avenir de leurs entreprises. Ce n'est pas une affaire privée car l'activité d'une entreprise et même les dividendes de ses actionnaires résultent de l'activité de l'ensemble de ses travailleurs. Et ce qu'une entreprise devient concerne toute la région où elle est implantée et toute la population.
On n'en est pas, aujourd'hui, à tout leur prendre. Il s'agit seulement de les contrôler pour ne leur prendre que le superflu, voire le nuisible, qui permettra de sortir la société de l'ornière et de la misère qui nous menace.
Je comprends les sentiments de l'électorat de gauche qui souhaite chasser la droite du pouvoir. Mais, ce que j'espère, ce que je souhaite, c'est que les travailleurs ne se contentent pas d'exprimer leurs sentiments dans les urnes au début 2007, mais qu'ils les expriment aussi, même plus tard, par un coup de colère qui surprenne et terrorise vraiment le grand patronat et la bourgeoisie.
Je ne prétends pas être la porte-parole de tous travailleurs, mais je serai la porte-parole de leurs intérêts politiques et sociaux. Oui, mon camp est celui des travailleurs !
La raison de ma présence dans cette campagne, c'est de permettre à tous ceux qui sont ou qui se sentent eux-mêmes dans le camp des travailleurs, de faire entendre leur voix. Ceux qui, comme moi trouvent intolérable le sort qui est réservé à la principale classe productive de la société ; ceux qui sont convaincus qu'il y a une autre façon de faire fonctionner la société que la seule recherche du profit, pourront le dire en votant pour ma candidature. Mais pourront le dire surtout ceux qui sont convaincus que toutes les promesses des politiciens de gauche ne sont que du vent s'ils ne sont pas capables de s'en prendre à la toute-puissance du capital sur l'économie, c'est-à-dire sur la société. C'est cela la signification principale du bulletin à mon nom qu'ils pourront mettre dans l'urne.
Alors, camarades et amis, je vous souhaite bon courage pour les mois qui viennent.
Bon courage pour trouver les quelques parrainages de maires qui nous manquent, mais bon courage surtout pour la campagne électorale qui commence.
Bien sûr, la campagne officielle n'est pas encore ouverte, on ne connaît pas encore tous les candidats, mais vous savez bien que nous aurons bien moins accès à la télévision, aux grands organes de presse, que les vedettes de la politique, ou en tout cas celles et ceux que les médias présentent comme tels.
Comme d'habitude, nous compenserons tout cela par le dévouement des militants, leur capacité de défendre nos idées autour d'eux, dans leur milieu de travail, auprès de leurs voisins, partout.
Aussi je fais appel à vous tous, à ceux qui sont ici, dans cette salle, comme à ceux qui n'ont pas pu venir mais que vous connaissez, pour nous aider, pour vous aider vous-même, pour que cette campagne électorale soit une occasion pour défendre les intérêts politiques et sociaux des nôtres, les travailleurs !
Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 13 novembre 2006
Je voudrais tout d'abord vous rassurer : ma venue ici , à Brest, le même jour que Laurence Parisot, la présidente de l'organisation patronale Medef, est pure coïncidence. Elle vient pour rencontrer le patronat local, et je vous garantis que je n'ai pas du tout cette intention-là.
Mais, enfin, comme elle est dans cette ville, je saisis l'occasion pour commenter certaines de ces récentes déclarations qui sont bien caractéristiques de la morgue du grand patronat qu'elle représente. Bien caractéristiques sont aussi les réactions, pleines de sollicitude, des milieux gouvernementaux à ses déclarations. Laurence Parisot n'a pas besoin d'être ministre, en tant que porte-parole des patrons, c'est elle qui commande, et ce sont les ministres qui obéissent.
Il faut, a-t-elle dit, que le licenciement soit « une séparation à l'amiable », un peu comme dans certains divorces où les deux conjoints sont consentants. Il faut une bonne dose de cynisme pour comparer la situation d'un couple avec le rapport entre un patron et le travailleur qu'il s'apprête à licencier !
Dans le monde du travail, personne n'ignore que les gouvernements successifs, de gauche comme de droite, ont déjà offert au patronat une multitude de contrats précaires, tous faits pour permettre aux patrons de contourner la loi sur les licenciements. Personne n'ignore que, même dans les grandes entreprises, un nombre croissant de travailleurs sont embauchés en tant qu'intérimaires, souvent chez des sous-traitants, c'est-à-dire licenciables à volonté. Personne n'ignore que des super et hypermarchés aux entreprises de services, se multiplient le temps partiel non choisi où la personne embauchée se voit imposer son temps et son horaire de travail , pratiquement au jour le jour.
Mais, même le peu qui reste dans la loi gêne le patronat qui veut pouvoir licencier quand il veut, comme il veut, sans qu'aucun inspecteur du travail puisse s'en mêler.
Et Sarkozy de réagir aussitôt, en proposant un contrat unique, mais où les licenciements seraient facilités. Ce serait la consécration légale de la précarité pour tous les travailleurs qui n'auraient même pas la garantie donnée par un contrat à durée déterminée.
« Ce qu'il faut faire, c'est abroger le concept de durée légale du travail ». - avait encore déclaré Laurance Parisot. En clair, ni 35 heures, ni même 39 ou 40 heures, c'est aux patrons de définir la durée du travail, entreprise par entreprise. Faire travailler 40 heures, et pourquoi pas 50 ou plus, les semaines où cela arrange le patron, et moins ou pas du tout quand il n'en a pas besoin. Et là encore, à peine l'exigence a-t-elle été formulée que Fillon, ex-ministre du Travail et bras droit de Sarkozy, réagit en acquiesçant bruyamment : « Il faut libéraliser les heures supplémentaires ».
Quand c'est la droite qui détient le pouvoir politique, elle exprime d'autant plus cyniquement qu'elle est au service du patronat que cela ne la gêne même pas sur le plan électorat vu que c'est du côté des patrons, petits et grands, plus généralement du côté des possédants ou qui croient l'être, qu'elle trouve sa clientèle électorale.
Je rejoins, bien sûr, ma camarade Valérie Hamon pour exprimer toute ma solidarité avec les cheminots qui ont fait grève hier. Rien que les propos provocants d'Anne-Marie Idrac, la nouvelle présidente de la SNCF, ancien ministre de droite, parlant de « guerre froide » et de « mur de Berlin » entre elle-même et les syndicats, méritaient une réaction des cheminots. Ils la méritaient, car Anne Marie Idrac comme ses semblables du patronat, public comme privé, voudraient que les travailleurs la subissent, cette guerre qui démolit leurs conditions d'existence et qu'ils disent en plus poliment merci
Oui, il y a une guerre et même pas froide, mais c'est le patronat et le gouvernement qui la mènent contre les travailleurs. . Eh bien, les patrons comme le gouvernement la verront passer, lorsque les travailleurs se mettront réellement en guerre pour stopper l'offensive patronale ! Et pas seulement à la SNCF ou à la fonction publique, comme en 1995, mais partout dans le pays !
Vous savez que la situation décrite par ma camarade n'a rien de spécifique à la région. Je n'en finirais pas d'énumérer tous les licenciements collectifs, baptisés « plans sociaux », qui se sont produits depuis le début de l'année ou qui vont avoir lieu dans les mois à venir.
Pour ne citer que cet exemple : lorsque le patron d'Airbus a été remplacé par Gallois, ancien patron de la SNCF, celui-ci a promis-juré que les économies qu'il compte réaliser seront faites en douceur ! Et voilà que le groupe annonce, oh, pas des coupes claires dans ses propres effectifs, mais qu'il compte arrêter de travailler avec 2 500 de ses sous-traitants ! Cela représente 80 % de ses sous-traitants et fournisseurs.
Mais ces 2 500 sous-traitants, c'est combien de travailleurs ? Combien d'entre eux se retrouveront à l'ANPE ?
Pour une grande entreprise dont on parle un peu, combien d'autres où les licenciements se font dans la discrétion et où les licenciés et leur famille se retrouvent, d'un seul coup, plongés dans le chômage, premier pas vers la pauvreté ?
Et, pendant ce temps-là, les ministres se répandent dans les médias en brandissant des statistiques pour affirmer que le chômage baisse. Dans le monde du travail, tout le monde sait que ce sont des mensonges, tout le monde sait que ce ne sont que des manipulations statistiques. Mais ces gens-là mentent sans honte, ils sont payés pour cela. Ils sont payés pour faire croire que ça va de mieux en mieux pour l'économie et que, si on en licencie certains, c'est pour sauvegarder l'emploi des autres.
Il est quand même invraisemblable et révoltant que, dans un pays comme le nôtre, des millions de travailleurs potentiels soient exclus de toute activité sociale, collective, simplement pour que fonctionne leur machine économique faite pour produire du profit en fabriquant des chômeurs !
Pour les plus démunis parmi les travailleurs et parmi les retraités, la situation est dramatique. Tout devient un problème, même se nourrir quotidiennement lorsqu'il s'agit d'une famille nombreuse, ou se soigner et, avant tout, se loger convenablement. Le pouvoir d'achat n'est pas seulement rogné par les hausses de prix, mais aussi par toutes ces dépenses supplémentaires qui résultent de décisions qui semblent parfois anodines pour ceux qui ne sont pas concernés. Je veux parler des forfaits de consultation chez les médecins et le déremboursement total ou partiel de certains médicaments, décisions qui, pour les retraités, voire les salariés, les plus modestes, sont dramatiques.
Qui, parmi les travailleurs, ne voit la pauvreté qui monte ? Qui, parmi les travailleurs, ignore que, lorsqu'on a perdu un emploi stable, on a peu de chances de trouver autre chose qu'un emploi précaire mal payé ? Qui, dans les familles ouvrières, ne sait qu'un jeune n'a pratiquement aucune chance d'entrer dans la vie active autrement qu'en galérant d'intérim mal payé en stage pas payé du tout ?
Et les pires mesures anti-ouvrières sont prises, bien sûr, au nom de l'intérêt de tous ! Les forfaits, les déremboursements de médicaments, ce serait pour sauver la Sécurité sociale ! Les contrats comme le CNE qui permettent aux patrons concernés de licencier quand et comment ils veulent pendant deux ans, ce serait pour créer des emplois !
Les politiques qui nous gouvernent sont aux ordres. Ils exécutent ce que le patronat leur demande et, en plus, ils assurent le service après vente. C'est à eux de justifier, de rendre acceptables les pires infamies patronales contre les travailleurs.
On nous convoque périodiquement à des élections pour élire des responsables politiques à différents niveaux. Mais, dans le domaine économique, il y a une véritable dictature où une toute petite minorité de possesseurs de capitaux a le droit de tout faire, fermer des entreprises, délocaliser, licencier, sans avoir de comptes à rendre à quiconque. Et, en dominant l'économie, cette petite minorité domine aussi toute la vie sociale et toute la politique.
Les patrons commandent et le pouvoir politique s'exécute. Voilà la réalité dans ce pays des rapports entre le grand patronat et le pouvoir politique.
Dans ce système économique, la concurrence, la recherche du profit déterminent tout : l'habitat, la santé, la production de biens utiles à la vie de tous, les transports. Tout ce qui est nécessaire à une vie normale exige que sa production rapporte beaucoup de profits, sinon on ne le fabrique pas ou on ne l'assure pas. C'est pourquoi on ferme des entreprises, des hôpitaux, des lignes de chemin de fer et des services. Et, quand on ne les ferme pas, on les laisse à l'abandon.
Voilà pourquoi la pauvreté s'accroît. Voilà pourquoi le niveau de vie baisse.
Les larbins du grand patronat présentent la recherche du profit à tout prix non seulement comme un droit mais même comme un devoir sacré pour les entreprises. C'est au nom du profit qu'on impose sur les chaînes de production, dans les super et hypermarchés, c'est-à-dire partout des rythmes de travail insupportables ; c'est encore au nom du profit qu'on rogne les temps de repos.
Et pourquoi faire, ces profits ? Même pas pour investir dans la production afin de créer, au moins plus tard, des emplois supplémentaires ! Non, le profit est en partie dilapidé par la classe riche pour mener grand train, appartements aux quatre coins du pays, sinon du monde, hôtels de luxe, avions en première classe, ou bateaux de plaisance grands comme des paquebots. Ce n'est pas pour rien que le secteur économique qui marche le mieux en France est le secteur du luxe. Ce n'est pas pour rien que l'homme qui a détrôné Liliane Bettencourt, l'inamovible plus riche milliardaire du pays pendant des années, est Bernard Arnault, propriétaire de LVMH, trust spécialisé dans le champagne et les articles de luxe. La bourgeoisie a de l'argent, et elle en a de plus en plus.
Et la part des profits qui n'est pas engloutie -en fait, la plus importante- ne sert aux entreprises qu'à racheter d'autres entreprises, concurrentes ou pas, mettre la main sur leur marché et sur leurs ouvriers qui, seuls, ont la capacité de suer du profit. Du moins, sur ceux qui ne sont pas licenciés sous prétexte de restructuration.
La société, l'État, n'exercent aucun contrôle sur les conseils d'administration des grandes compagnies industrielles et financières. Pire, ceux qui les possèdent peuvent décider librement de la meilleure façon de gagner plus. Et, pour eux, tant pis si cela pousse à la misère des fractions croissantes de salariés, tant pis pour ceux qui en crèvent !
Eh bien, dans cette campagne, il faut qu'il y ait au moins quelqu'un qui puisse dire que c'est à ce système-là qu'il faut s'en prendre vraiment.
Il faut que, dans cette élection, soient réellement défendus les intérêts politiques et sociaux du monde du travail. Il faut que soit présente une candidature qui exprime clairement que le grand patronat, que la grande bourgeoisie sont les ennemis directs de toute la population. Une candidature qui dise pourquoi et comment la mainmise de la grande bourgeoisie sur l'économie et la société est la cause des maux principaux dont souffre la majorité des travailleurs.
Voilà pourquoi je présente ma candidature à l'élection présidentielle de 2007.
Ce que je dirai dans cette campagne, aucun des représentants des grands partis, aucun de ceux ou de celles qui ont une chance d'accéder à la présidence, ne le dit. Ils rivalisent de grandes phrases sur l'avenir de la France, sur le bonheur du peuple. Mais aucun d'entre eux n'osera s'en prendre au grand patronat et à ses intérêts, même pas en paroles, même pas par démagogie.
Alors, il ne faut pas être dupe des hommes et des femmes politiques qui occupent le devant de la scène. Ce ne sont pas eux qui détiennent le véritable pouvoir.
Ils ne tiennent pas tous le même discours, bien sûr. Il faut bien que les électeurs les distinguent les uns des autres pour qu'ils aient le sentiment qu'ils ont un choix réel. De plus, les uns et les autres n'ont pas le même électorat et ne cherchent pas à plaire aux mêmes gens.
La droite qui est au pouvoir depuis quatre ans n'a que faire de l'opinion, des sentiments des travailleurs et des classes populaires. Elle ne cherche à plaire qu'aux possédants, petits et grands. Elle se prosterne devant l'argent et ceux qui le détiennent, auxquels elle est liée par une multitude de liens personnels, familiaux ou financiers. Les téléspectateurs ont pu voir, dans un documentaire récent consacré à Chirac, comment l'avionneur Dassault, le père, s'était fait filmer faisant sauter l'enfant Chirac sur ses genoux !
Cette droite aux ordres des riches, mais cynique et arrogante à l'égard des classes populaires, a pris pendant les quatre années passées tellement de mesures anti-ouvrières, a tellement aidé le grand patronat à dégrader le sort des classes populaires, qu'elle mérite la haine de tous ceux, travailleurs, chômeurs, retraités, dont elle a écrasé les conditions d'existence.
Ces quatre ans au gouvernement, c'est quatre ans d'attaques tout azimut contre les travailleurs. Des attaques sur tous les terrains : contre les retraites, contre l'assurance maladie, contre les services publics, contre le peu qui dans la législation du travail gêne les patrons.
Lorsque de petits escrocs se font coincer en essayant de frauder la Sécurité sociale ou les Assedic, l'information est mise en évidence à la télévision et dans la presse. Le gouvernement vient même d'installer un Comité de lutte contre la fraude à la protection sociale pour tenter de faire croire que le déficit de la Sécurité sociale, c'est la faute aux tricheurs parmi les assurés.
Mais personne ne dit qu'une grande partie des cadeaux consentis aux entreprises se fait sous la forme de réductions de charges sociales, c'est-à-dire au détriment du budget de la Sécurité sociale. Même si l'État compense en partie, il ne le fait qu'en partie et encore, avec beaucoup de retard. Cela se chiffre par milliards ! Personne ne dénonce non plus les retards de paiement de la part patronale qui portent sur des sommes autrement plus importantes que ce que les petits escrocs en tout genre peuvent détourner.
Sous prétexte de mener la chasse aux petits escrocs, on va soumettre tous les assurés à des tracasseries supplémentaires. Les grands escrocs, les véritables voleurs de grand chemin qui prélèvent des milliards d'euros sur les caisses de la Sécurité sociale, qui sont les responsables de son déficit, non seulement on ne les inquiète pas, mais on leur dit « prenez donc, c'est pour favoriser l'emploi ». Et puis, de toute façon, lorsqu'il faudra combler le déficit, c'est encore les assurés sociaux, les travailleurs, voire les contribuables, qui paieront !
Sarkozy est sur la ligne de départ depuis plusieurs années pour être le « représentant naturel de la droite ». Oh, il a quelque raison de se méfier de Chirac, grand spécialiste des coups fourrés en tout genre, qui a déjà tenté de lui lancer Villepin dans les jambes ! Manque de chance pour Villepin et son protecteur de l'Élysée, la jeunesse scolarisée en révolte contre le CPE a bousculé le petit jeu triangulaire entre les trois hommes.
Ces temps-ci, c'est Michèle Alliot-Marie qui fleurte avec l'idée de se présenter. Et puis, voilà Chirac soi-même peut-être sur les rangs. Dans un récent interview au Figaro, il a répondu, à une question concernant sa candidature : « Tout est possible ! ».
Ni Alliot-Marie ni même Chirac ne peuvent espérer se faire élire à la place de Sarkozy. Mais ce n'est peut-être pas leur ambition. Peut-être seraient-ils simplement contents de le gêner jusqu'au bout en lui prenant quelques centaines de milliers de voix ?
Oh, Sarkozy le vaut bien, de représenter cet électorat de droite. Il est à son image, dans toute son arrogance, dans toute sa haine des pauvres, des quartiers populaires, des jeunes, des travailleurs immigrés, de tous les travailleurs ! Et il a derrière lui l'appareil de l'UMP, son argent et ses multiples liens avec le grand patronat.
Empêcher Sarkozy d'atteindre le fauteuil présidentiel, stopper, même provisoirement, sa carrière politique, oui, cela ferait plaisir à tous ceux que ce gouvernement écrase, même si, pour ce genre d'hommes, perdre sa place est certainement moins dramatique que de perdre son emploi pour un salarié. Ils iront pantoufler dans les entreprises dont ils ont si bien servi les patrons lorsqu'ils étaient ministres. Ils seront même probablement mieux payés encore.
Mais renvoyer la droite du pouvoir, cela ne peut se faire sur le terrain électoral qu'en y ramenant la gauche, cette gauche dont les travailleurs ont pu mesurer, pendant les cinq ans du gouvernement de Jospin, à quel point elle ne constitue en rien un rempart contre l'avidité patronale.
Même en pleine campagne électorale, les candidats à la candidature socialiste se gardent bien de prendre des engagements au cas où ils reviendraient aux affaires. Ils ont eu droit, à trois reprises, à un show à la télévision. On a pu les entendre. Qu'avaient-ils à dire aux classes populaires, ces trois rivaux pour l'investiture socialiste ?
Sur les salaires, problème qui devait, paraît-il, être abordé pendant le premier débat : silence de Strauss-Kahn et de Royal. Seul Fabius a donné des chiffres, en tout cas pour le Smic en promettant 1500 euros mensuels brut, et il a déjà dit dans le passé que les 1500 euros, c'est un objectif pour la fin de la législature. Mais 1500 euros brut, c'est à peu près le niveau qu'atteindra le Smic de toute façon avec l'ajustement automatique ! Et puis, combien de travailleurs précaires ou à temps partiel non choisi ne touchent de toute façon même pas le Smic et resteront des travailleurs pauvres, même lorsque le Smic atteindra 1500 euros ? Ah, si, quand même : Fabius a promis 100 euros brut par mois d'augmentation du Smic dès son élection. C'est déjà ça, mais ce n'est pas vraiment grand-chose et, s'il est élu, il faudra très certainement lui rappeler plusieurs fois sa promesse.
Les retraites : « Revaloriser le pouvoir d'achat des petites retraites sera une de mes priorités », a annoncé Royal. Avec cela, les retraités sont bien avancés ! Fabius a été plus précis : « Il faut fixer un niveau des retraites minimum à 80 ou 85 % du Smic ». Eh bien, 80 % du Smic, cela fait 80 % de 1254,28 euros, soit 1003,42 euros brut. Croyez-vous qu'on peut appeler cela une retraite décente après toute une vie de travail ?
Strauss-Kahn, dans un récent interview au journal Le Monde, a gauchi son langage : « La gauche ne peut plus se contenter de constater les inégalités du marché pour les corriger après coup, mais elle doit s'attaquer à la mécanique même de création de ces inégalités pour casser la machine à faire des pauvres ». Comment ? Là, il n'y a pas de réponse ! Et, de toute façon, si Strauss-Kahn se prépare à « casser la machine à faire des pauvres » avec autant d'efficacité que la gauche a « corrigé les inégalités du marché », on n'est certainement pas plus avancé avec lui !
Royal a fait sensation et a déclenché les sarcasmes de tout le milieu politique, y compris de ses rivaux du Parti socialiste, en proposant de créer des jurys populaires pour contrôler les élus. Le simple fait qu'on puisse évoquer le contrôle des élus donne des boutons à toute la gent politique.
Les propos de Royal ne méritent certes ni tant d'honneur ni tant d'indignité. Comment quinze citoyens tirés au sort pourraient-ils contrôler le travail des élus ? Et comment pourraient-ils sanctionner ceux qui renient leurs promesses ?
Oh, oui, je suis pour contrôler les élus, n'en déplaise à tous ceux qui voient dans l'évocation même de cette idée comme une atteinte à la démocratie ! Mais, pour contrôler les élus, le mouvement ouvrier, en l'espèce la Commune de Paris, avait inventé un système infiniment plus efficace que la petite démagogie sans conséquence de Royal : l'élection et la révocabilité à tout instant non seulement des élus qui ne tiennent pas leurs promesses, mais aussi de tous ceux qui assument une fonction publique de responsabilité ou qui détiennent une part d'autorité dans l'appareil d'État. Car, si on élit les députés ou le président de la République, personne n'élit ces quelques milliers de hauts fonctionnaires qui dirigent de fait les ministères et les grandes administrations, qui préparent les dossiers que les ministres n'ont plus qu'à signer. Pendant que les ministres changent, au gré des élections, la machinerie administrative continue à fonctionner sous la direction de femmes et d'hommes que personne n'a élus. Bien des mesures prises par le gouvernement Raffarin le furent sur des dossiers préparés au temps du gouvernement de Jospin !
Alors, se débarrasser de la droite, oui, mais il ne faut pas que, par refus de la droite et de l'extrême droite, l'électorat populaire porte le Parti socialiste au pouvoir sans rien en exiger en retour.
En attendant que le candidat officiel du Parti socialiste soit désigné par les militants, le premier secrétaire du Parti socialiste se démène pour empêcher la multiplication des candidatures venant de l'ex-Gauche plurielle. Il a obtenu que le Parti radical de gauche ne présente pas de candidat et appelle dès le premier tour à voter pour le candidat socialiste. Pour ce faire, Hollande a fait une offre qui ne se refuse pas quand on est radical, de gauche ou pas : l'assurance qu'aux législatives, le Parti socialiste appellera à voter pour un candidat radical dans trente circonscriptions permettant au Parti radical d'avoir un groupe parlementaire à l'Assemblée nationale.
Mais à peine les Radicaux de gauche ont-ils jeté Taubira par-dessus bord que réapparaît Chevènement annonçant sa candidature : « Je suis le meilleur candidat anti-libéral ». Décidément, il y a du monde qui se bouscule pour s'arroger une étiquette, d'autant plus disputée qu'elle ne signifie rien !
Le journal Libération rapporte que le Parti socialiste aurait proposé quatre circonscriptions aux amis de Chevènement. Ce qui aurait fait rugir Georges Sarre, un des lieutenants de Chevènement : « Indigne ! ». Allez savoir ce qui est « indigne » : la proposition de s'effacer derrière le candidat socialiste ? Ou de n'avoir droit qu'à quatre circonscriptions, c'est-à-dire quatre candidats éligibles, et non trente comme les Radicaux de gauche ?
Le Parti communiste, en revanche, restera bien sûr dans la course. Son conseil national a voté, non de présenter la candidature de Marie-George Buffet en tant que dirigeante du Parti communiste, mais -admirez la nuance !- en tant que candidate de ce courant qui s'intitule « la gauche anti-libérale » ou parfois « la gauche de la gauche ».
Ce ne serait pas la première fois que le Parti communiste se présenterait dans une élection, non pas sous sa propre étiquette, mais au nom d'associations et de groupements politiques divers. Que Marie-George Buffet postule à la représentation de ce courant se comprend : après tout, elle en partage en gros le programme, la phraséologie, et c'est tout de même le Parti communiste qui fournit à ce courant une grande partie de sa base.
Et se présenter non seulement comme la porte-parole du Parti communiste mais, surtout, d'un courant qui se veut plus large est une façon de faire passer pour nouvelle une stratégie politique bien vieille. Elle consiste à présenter à l'électorat populaire, comme la seule alternative contre une droite haïe et, surtout, comme la seule perspective politique, celle d'un gouvernement socialiste avec la participation de ministres communistes.
C'est avec cette politique que le Parti communiste a contribué à désarmer les travailleurs, à les détourner de la lutte des classes, le seul moyen véritable pour les travailleurs de peser vraiment sur les décisions politiques. C'est en demandant à ses militants de défendre cette perspective que le Parti communiste les a usés, dégoûtés de toute politique car, chaque fois que cette perspective s'est réalisée, sous Mitterrand et avec Jospin, les ministres du Parti communiste ont cautionné aux yeux des travailleurs les mesures anti-ouvrières du gouvernement auquel ils appartenaient.
Eh bien, en affirmant construire « la dynamique pleinement populaire » à vocation majoritaire, le Parti communiste reprend la même politique car il est évident que la gauche ne peut être majoritaire électoralement qu'avec le Parti socialiste, c'est-à-dire derrière lui. Et le jeu de la direction du Parti communiste par rapport à « la gauche anti-libérale » ne sert qu'à faire passer l'argumentation du parti qui prétend que, si cette « gauche anti-libérale » sait se rassembler autour du Parti communiste et si elle recueille beaucoup de suffrages, il se créera au sein de la gauche un rapport de forces qui obligera le Parti socialiste à infléchir son programme.
Ce n'est évidemment qu'un discours électoral car, même en 1981, à l'époque où, pour la première fois, Mitterrand avait pris quelques ministres communistes dans le gouvernement socialiste et où les résultats électoraux du Parti communiste dépassaient les 16 %, les ministres communistes n'avaient pas du tout pesé sur la politique du gouvernement socialiste. Ou, alors, il faut croire qu'ils étaient d'accord sur tout.
Ladite gauche anti-libérale vient de tenir son premier meeting électoral, lundi dernier. Elle se flatte d'avoir un programme mais pas encore de candidat pour le défendre. Ils sont cinq postulants : Marie-George Buffet, José Bové, Yves Salesse, Clémentine Autain et Patrick Braouezec.
Ils se sont livrés à une surenchère verbale dans l'optimisme. Pour Marie-George Buffet, « nous sommes en train de faire quelque chose de formidable : faire émerger une gauche populaire ». José Bové, auréolé de sa nuit précédente passée en garde à vue pour s'être attaqué à une ferme cultivant du maïs transgénique, en a appelé « à la conquête des usines et des villages et de tous ces électeurs qui ne croient plus en rien », pour conclure en affirmant « nous allons passer demain de la résistance au pouvoir car c'est la seule alternative que nous avons ».
Eh bien, pour ma part, je ne veux surtout pas me revendiquer de cette étiquette anti-libérale ! Mon étiquette à moi, c'est que je suis contre la dictature du grand patronat sur l'économie ! Je suis contre le système capitaliste ! Je suis contre l'exploitation de l'homme par l'homme !
Pour ma part, je tiens à dire, le plus clairement possible, que, sans s'en prendre au grand patronat, à sa dictature sur l'économie, c'est-à-dire sur toute la société, on ne pourra rien faire pour améliorer la situation des classes populaires.
Et puis, je me présente pour que s'expriment sur mon nom toutes celles et tous ceux dans l'électorat populaire qui ne sont pas dupes du duel gauche-droite et qui sont conscients que celui qui décide vraiment et dont le pouvoir n'est nullement mis en cause par les bulletins de vote, le grand patronat, ne sera pas impressionné par le changement de la personne qui est installée à l'Elysée.
La seule chose qui peut les impressionner, c'est que les travailleurs en aient assez de subir les coups qu'on leur porte et qu'ils décident de rendre collectivement les coups, à leur façon, avec leurs moyens, en obligeant la bourgeoisie à utiliser de manière utile à la société les profits immenses accumulés depuis tant de temps.
J'ai l'air de répéter tout le temps la même chose en disant cela. Mais on ne peut pas empêcher les licenciements, on ne peut pas empêcher les délocalisations, on ne peut pas diminuer, voire supprimer, le chômage, sans s'en prendre à ceux qui possèdent et dirigent à leur profit toute l'économie. Sans cela, on ne peut pas non plus loger convenablement les classes populaires, on ne peut pas résoudre les problèmes de la jeunesse, c'est-à-dire disposer de crèches puis de maternelles et d'écoles primaires en nombre suffisant et, surtout, d'enseignants en nombre suffisant pour donner un enseignement adapté à chacun. Résoudre ces problèmes, c'est aussi répondre au désespoir des jeunes de banlieue qui se voient sans avenir.
Tous ceux qui prétendent qu'on peut faire tout cela sans utiliser pour le bien de la collectivité, les profits accumulés, mentent effrontément. Car tous les maux qui rongent la société viennent de la concurrence, de la course au profit que mènent entre eux ceux qui possèdent les usines, les banques.
Ne pas s'en prendre à ceux-là, ce n'est pas seulement mentir, c'est contribuer à justifier les causes de la misère, c'est-à-dire l'entretenir.
Soumettre les entreprises, les banques, au contrôle de la population, cela peut sembler utopique, c'est vrai !
Mais c'est nécessaire, indispensable, vital pour que nous tous puissions avoir une vie normale et décente. Et ce qui est vital n'est pas utopique car attendre qu'on nous écrase, sans réagir, est impossible.
Il faut donc que tous puissent savoir d'où l'ensemble des patrons tirent leurs financements et ce qu'ils en font. Pourquoi ils n'investissent pas leurs profits dans la production de biens utiles à la population pour en faire baisser le coût, au lieu de spéculer dangereusement.
Si on contrôle les profits des entreprises, si on contrôle d'où vient l'argent, par où il passe, quels sont les coûts réels de production, quels sont les profits et où ils vont, on pourrait empêcher qu'ils servent à racheter des entreprises déjà existantes aux quatre coins du monde. Si l'on compare cela au coût du travail dans la valeur ajoutée, on pourrait vérifier qu'il est possible de créer des emplois correctement payés et en diminuant les efforts ou le temps de travail de chacun.
Il faut imposer que la population ait un accès direct à tout ce que les conseils d'administration envisagent pour l'avenir de leurs entreprises. Ce n'est pas une affaire privée car l'activité d'une entreprise et même les dividendes de ses actionnaires résultent de l'activité de l'ensemble de ses travailleurs. Et ce qu'une entreprise devient concerne toute la région où elle est implantée et toute la population.
On n'en est pas, aujourd'hui, à tout leur prendre. Il s'agit seulement de les contrôler pour ne leur prendre que le superflu, voire le nuisible, qui permettra de sortir la société de l'ornière et de la misère qui nous menace.
Je comprends les sentiments de l'électorat de gauche qui souhaite chasser la droite du pouvoir. Mais, ce que j'espère, ce que je souhaite, c'est que les travailleurs ne se contentent pas d'exprimer leurs sentiments dans les urnes au début 2007, mais qu'ils les expriment aussi, même plus tard, par un coup de colère qui surprenne et terrorise vraiment le grand patronat et la bourgeoisie.
Je ne prétends pas être la porte-parole de tous travailleurs, mais je serai la porte-parole de leurs intérêts politiques et sociaux. Oui, mon camp est celui des travailleurs !
La raison de ma présence dans cette campagne, c'est de permettre à tous ceux qui sont ou qui se sentent eux-mêmes dans le camp des travailleurs, de faire entendre leur voix. Ceux qui, comme moi trouvent intolérable le sort qui est réservé à la principale classe productive de la société ; ceux qui sont convaincus qu'il y a une autre façon de faire fonctionner la société que la seule recherche du profit, pourront le dire en votant pour ma candidature. Mais pourront le dire surtout ceux qui sont convaincus que toutes les promesses des politiciens de gauche ne sont que du vent s'ils ne sont pas capables de s'en prendre à la toute-puissance du capital sur l'économie, c'est-à-dire sur la société. C'est cela la signification principale du bulletin à mon nom qu'ils pourront mettre dans l'urne.
Alors, camarades et amis, je vous souhaite bon courage pour les mois qui viennent.
Bon courage pour trouver les quelques parrainages de maires qui nous manquent, mais bon courage surtout pour la campagne électorale qui commence.
Bien sûr, la campagne officielle n'est pas encore ouverte, on ne connaît pas encore tous les candidats, mais vous savez bien que nous aurons bien moins accès à la télévision, aux grands organes de presse, que les vedettes de la politique, ou en tout cas celles et ceux que les médias présentent comme tels.
Comme d'habitude, nous compenserons tout cela par le dévouement des militants, leur capacité de défendre nos idées autour d'eux, dans leur milieu de travail, auprès de leurs voisins, partout.
Aussi je fais appel à vous tous, à ceux qui sont ici, dans cette salle, comme à ceux qui n'ont pas pu venir mais que vous connaissez, pour nous aider, pour vous aider vous-même, pour que cette campagne électorale soit une occasion pour défendre les intérêts politiques et sociaux des nôtres, les travailleurs !
Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 13 novembre 2006