Texte intégral
Q- Le dialogue social est-il bloqué à la SNCF, "relevant d'un autre âge, d'avant le Mur de Berlin", comme l'a dit A.-M. Idrac, sa présidente, ce week-end ?
R- Non, je crois que là aussi, ce sont un peu des formules à l'emporte pièce. Le dialogue social n'est pas bloqué à la SNCF pas plus qu'il n'est bloqué ailleurs.
Q- Et pourtant, il y a une grève annoncée le 8 novembre, et il n'y a pas vraiment de mot d'ordre, il n'y a pas de raison, on a l'impression que c'est une grève pour rien.
R- Si, il y a les problèmes qui sont liés au fret, il y a les problèmes qui sont posés depuis plusieurs semaines par les organisations syndicales. Donc, comme toujours, quand il y a une grève annoncée, des préavis sont déposés dans la fonction publique et dans le secteur public. A Mme Idrac d'ouvrir des négociations. Ou alors, elle ne veut pas bouger sur les négociations, elle ne veut rien lâcher avant, donc elle explique, et à partir de là, c'est bloqué. C'est un jeu de rôle un peu quand même.
Q- Alors, assurance chômage, contrat de travail, parcours professionnel. La rencontre entre le Medef et les syndicats a lieu aujourd'hui, la première, c'est à 10h00, c'est au Medef, vous y allez au nom de FO. Qu'êtes-vous prêt à céder aux patrons ?
R- Ce n'est pas comme cela que cela se pose. D'abord, cette réunion, j'avais émis des doutes au début en disant : est-ce que c'est de la com ou est-ce que c'est vraiment une réunion de travail ? Alors, ce sera une réunion de discussion. Il y a deux thèmes sur lesquels on est prêts à discuter : un, qui était prévu d'ailleurs, c'est l'assurance chômage ; si cette réunion n'avait pas eu lieu, on aurait déjà eu une réunion le 26 septembre. Le Deuxième, sur le parcours professionnel : comment éviter les ruptures pour un salarié dans son parcours professionnel ? Et le troisième, qui va poser problème, où là, on est sur deux lignes opposées avec le patronat, c'est sur le contrat de travail. Donc, je pense qu'aujourd'hui, cela va être plus une discussion, un échange de points de vue. Eventuellement, on arrêtera le principe de créer des groupes de travail pour faire un état des lieux. Mais je dis bien, un état des lieux, ce n'est pas obligatoirement un diagnostic partagé.
Q- Alors, les syndicats veulent un état des lieux du marché de l'emploi et de la précarité. En revanche, la CGPME dit : puisque c'est comme cela, nous on va demander un état de la rigidité. Etes-vous prêt à un groupe de travail sur les rigidités dans l'entreprise ?
R- Non, si il faut parler des rigidités, on va parler des rigidités économiques, mais ce n'est pas le rôle des organisations syndicales et patronales de l'évoquer. Aujourd'hui, qu'est-ce qui est rigide, ce n'est pas le marché du travail, ce sont les règles économiques qui sont rigides. Il n'y a plus de politique économique débattue. Cela fait partie des déclarations préalables. Mais le problème de fond, où c'est significatif, et où l'opposition est forte aujourd'hui, c'est sur le contrat de travail.
Q- Alors, le contrat de travail justement : se séparer plus facilement d'un salarié permet d'embaucher plus facilement. Contestez-vous toujours ce raisonnement ?
R- Oui, mais bien sûr. Pour le patronat, que veut dire "la séparabilité", c'est un mot nouveau, mais qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que d'une certaine manière, le contrat de travail ne devrait plus relever du Code du travail mais devrait relever du Code civil, parce que dans le Code civil on est à égalité de droits, ce qui n'est pas le cas dans l'entreprise. Nous, on tient à ce que le Code du travail comprenne encore le contrat de travail. Donc, cela, c'est un débat de fond. "La séparabilité", le divorce par consentement mutuel, comme je l'avais indiqué. On n'est pas mariés avec son employeur. Ou alors, c'est sous le régime de la communauté et on partage les profits.
Q- Il y a la durée du travail, et L. Parisot, présidente du Medef, veut supprimer la durée légale du travail, qu'il y ait simplement une durée maximale, et que le reste se passe par accord. Qu'en pensez-vous ?
R- Non, attendez...D'abord pourquoi le débat revient-il ? Le débat revient à l'initiative de M. Breton, sinon on ne parlait pas des 35 heures ; on ne va pas remettre le dossier des 35 heures sur la table. J'explique que les salariés ont payé les 35 heures, à la fois, par de l'annualisation, de la flexibilité, et de la modération salariale. Maintenant qu'ils l'ont, pas partout d'ailleurs, dans les petites entreprises, cela n'existe pas encore, on ne va pas leur remettre en cause, cela veut dire la double peine. Donc, pour nous, ce n'est pas un dossier d'actualité. Si Mme Parisot veut parler d'abrogation, ce sera un phénomène, là aussi, de rupture, parce qu'on est pas prêts à rediscuter et à remettre à plat le dossier 35 heures.
Q- C'est un dossier d'actualité les 35 heures, à cause aussi du Conseil d'Etat, qui a annulé l'accord "39 heures plus une sixième semaine de congés payés" dans l'hôtellerie-restauration. L'UMP, envisage de rétablir par la loi cet accord qui a été annulé par l'administration. Suivez-vous, êtes-vous d'accord ?
R- Je ne sais pas si ce sera possible juridiquement. C'est bien compliqué de faire une disposition par amendements. Ceci étant, FO était signataire de l'accord dans la restauration, on était à 43 heures dans la restauration, on ne peut pas passer du jour au lendemain à 35 heures, donc on avait pris une voie intermédiaire qui était de dire : 39 heures, en se débrouillant pour que ce soient respectées les 39 heures, ce qui n'est pas obligatoirement le cas partout. Mais pour être sûrs que les salariés aient un avantage, on a dit une sixième semaine de congés payés. Donc, nous, on était sur cette position. Une [inaud] syndicale a saisi le Conseil d'Etat qui, lui, se base sur la loi. Alors maintenant, c'est un secteur qui est effectivement en difficulté. Mais nous on maintient notre position. Notre position, c'est bien dans l'immédiat- 35 heures plus tard - mais dans l'immédiat : 39 heures et sixième semaine de congés payés.
Q- Alors, on peut aussi garder les 35 heures et assouplir, libéraliser le régime des heures supplémentaires. F. Fillon, N. Sarkozy, l'ont promis ce week-end : si l'UMP gagne, ce sera le cas. Est-ce une bonne solution ?
R- Non, parce que, attendez, on ne crée pas de l'emploi artificiellement. Les salariés font des heures supplémentaires quand il y a de l'activité économique, et un salarié ne refuse jamais de faire des heures supplémentaires, ce n'est pas lui qui décide de l'activité de l'entreprise, et si il doit ou ne doit pas faire des heures supplémentaires. En plus, les 35 heures ont déjà été assouplies, par le contingent d'heures supplémentaires, on paye moins cher les heures supplémentaires dans les entreprises de moins de 20, il y a eu beaucoup de souplesse d'accordée. Je pense que, vraiment, ce dossier des 35 heures, dans sa globalité, sur le plan de la loi, etc., ne doit pas être remis en cause, donc, ne doit pas être sur la table des discussions.
Q- 662.000 emplois en 14 mois sous forme de contrats "nouvelle embauche"...
R- Non...
Q- Reconnaissez-vous le succès de cette formule ?
R- Non, non, 674.000, non, c'est plutôt...
Q- 662, dit-on.
R- Oui, non, non, attendez, cela ce sont les intentions d'embauches. Tout le monde s'accorde à reconnaître, on n'a pas les vérifications, que c'est plutôt de l'ordre de 60.000 emplois crées, parce qu'il y a des emplois de substitution. Donc, ce sont des emplois qui auraient été crées aussi autrement que par le CNE. Donc, non...Le CNE, on continue à dire, nous, que c'est un mauvais contrat. Et je rappelle d'ailleurs que le Bureau International du Travail, sur une demande de FO, se prononcera au mois de novembre sur la conformité du CNE à une convention internationale du travail.
Q- Le PS, promet de l'abroger si il gagne les élections, mais en allongeant la période d'essai pour tout CDI. Etes-vous d'accord, est-ce bien de donner une période d'essai plus longue ?
R- Non, mais...On va pendant des semaines et des semaines entendre des petites phrases d'un côté comme de l'autre sur la campagne électorale. On ne va pas s'amuser, nous, à rentrer là-dedans de manière systématique, sauf si il y a des grosses propositions comme c'est déjà arrivé, qui sont vraiment provocatrices. C'est la campagne électorale...
Q- Période d'essai, six mois, sept mois, huit mois, non, c'est bien...pour ?
R- Non, mais la période d'essai a été négociée dans les conventions collectives. Donc, qu'on nous laisse négocier les périodes d'essai dans une convention collective, cela a été repris dans le Code du travail, c'est trois mois en général, six mois pour certains cadres particuliers, etc. Donc, on ne va pas commencer à rediscuter de ces choses-là aujourd'hui. Ce qu'il faut regarder sur les contrats de travail, c'est le foisonnement aujourd'hui des contrats de caractère précaire. Parce qu'on dit toujours "CDD" et "intérim", c'est vrai, mais il y en a d'autres : il y a les stages, il y a également les contrats d'usage, dans un secteur que Mme Parisot connaît bien puisque ce sont les instituts de sondages, où des gens sont en CDD permanent toute leur vie ; il y a maintenant, des CIDD...Il y a toute une série de formules qu'il faut revoir, parce que cela, c'est effectivement la précarité, et la précarité c'est dangereux socialement et c'est pervers économiquement.
Q- D. de Villepin veut également, il l'a demandé au Conseil économique et social, qu'on réfléchisse sur l'ouverture des commerces le dimanche. Etes-vous prêt à être plus souple ?
R- Non. Il y a des négociations qui ont lieu dans les départements en général. Quand les négociations ont lieu cela se limite à deux ou trois dimanches par an. Cela aussi c'est un faux problème. Les gens consomment plus si ils ont du pouvoir d'achat. Si ils vont dans un magasin le dimanche, ils n'iront pas ailleurs. Donc, à partir de là, il y a une forme de cannibalisme. Et même quand les gens disent : oui, moi je suis prêt à aller dans un magasin le dimanche. Si vous leur posez l'autre question : et vous, êtes-vous prêt à travailler le dimanche ? Non, ils ne sont pas prêts à travailler le dimanche. Parce que, si tout le monde travaille le dimanche, ce n'est plus la peine d'ouvrir les magasins le dimanche.
Q- Pour vous aider dans votre combat syndical, souhaitez-vous une candidature unique à la présidentielle, de ce qu'on appelle "la gauche anti-libérale" ?
R- Ce n'est pas mon problème, franchement, ce n'est pas mon problème. Quand je dis, ce n'est pas mon problème...Nous sommes une organisation syndicale indépendante, cela veut dire quoi ? Cela veut dire que nous ne prendrons pas partie dans la campagne électorale. Non seulement, nous ne donnerons pas de consignes de vote, mais nous ne ferons pas une analyse non plus des programmes des uns et des autres. Ce qui serait une manière indirecte de prendre position. Ce sera aux citoyens, citoyens, qui se prononceront dans cette campagne électorale.
Q- Vous souhaitiez quand même, vous le disiez en septembre, "réintroduire dans la présidentielle le débat économique et social".
R- Mais cela, on va le faire.
Q- Vous avez été satisfait du premier débat des trois candidats PS, ils ont parlé "économie, social" ...
R- Je vais vous faire un aveu : je n'ai pas regardé.
Q- Cela ne vous a pas semblé...
R- J'étais en déplacement en province, je n'ai pas regardé. Et je n'aurais pas réagi, je ne veux pas réagir, et FO ne va pas réagir à chaque fois qu'un candidat potentiel fait une déclaration. Donc, que l'on participe, nous, au-delà de la campagne électorale, à réhabiliter le débat économique parce que nous considérons que dans notre pays il n'y a plus de débat économique, qu'on nous présente l'économie comme une science exacte, ça c'est sur les questions de fond. Mais on ne va pas rentrer dans une démarche qui serait apparentée peu ou prou à une campagne électorale. Ce n'est pas de la responsabilité syndicale. Chacun ses responsabilités en démocratie.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 23 octobre 2006