Déclaration de M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur les fondamentaux économiques qui favorisent les investissements et les affaires en France, Paris le 27 novembre 2006.

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Circonstance : The Euromoney Paris Forum « At the heart of the Eurozone » à Paris le 27 novembre 2006

Texte intégral

Ladies and Gentlemen,
Mesdames Messieurs les Présidents,
Mesdames Messieurs,
Chers amis,
Please allow me a few words in English first.
I would first like to thank all of you for being here today, especially the Euromoney team and Christopher Garnett for taking the initiative to invite you all to Paris. Every year again, this is a very useful initiative and I am sure all of you are pleased to have one more opportunity to visit Paris.
Why are we here? I can guess why you are here. It is partly because you want to know why I am here.
So let me tell you!
Mesdames et messieurs,
Chers amis,
Je voudrais aborder deux sujets devant vous ce matin :
Le premier pour vous dire que vous avez raison d'investir et de faire des affaires en France.
Le deuxième pour vous dire que je m'emploie à ce que vous soyez en mesure de le faire encore davantage dans l'avenir.
I - Faire des affaires et investir en France repose sur des fondamentaux économiques prometteurs
Notre environnement économique est solide. Ma politique économique est ambitieuse et orientée vers la croissance.
a) Car je suis optimiste sur la croissance française.
Au premier semestre, l'économie française nous a montré qu'elle pouvait surperformer le reste de la zone euro. Malgré la pause du troisième trimestre, qui évidemment ne me satisfait pas, ma prévision de croissance pour 2006 reste cependant dans la fourchette de 2 à 2,5 %. En effet, les dernières données dont je dispose, tout comme l'ensemble des études disponibles, nous permettent d'anticiper une accélération nette au 4e trimestre que j'évalue entre 0,6 et 0,8 %. Comme vous le savez mon budget pour 2007 est fondé sur cette même prévision de croissance entre 2 et 2,5 %. Cette prévision est en ligne, elle aussi, avec celle de la plupart des organisations internationales (FMI, OCDE, Union européenne) et des instituts économiques.
Pour regarder plus loin, nous devons analyser les tendances de l'économie française et sa croissance potentielle à moyen et long terme. Je le dis clairement : je ne me satisfais pas d'une croissance entre 2 et 2,5 % pour notre pays.
Ma stratégie pour la France, dans un cadre européen, est de la préparer aux prochains défis de l'économie mondialisée : une économie de transition démographique, une économie de l'après pétrole, une économie post industrielle, fondée sur l'information et la connaissance, car ce sont aujourd'hui les véritables moteurs de la croissance. Une croissance qui doit pleinement s'approprier ces nouveaux moteurs pour croître à un rythme à terme de 3 à 4 %.
Nous avons mis en oeuvre des réformes importantes pour y parvenir. Mais il faut aller plus loin. La réforme des retraites et celle de l'assurance maladie ont été enclenchées. Ensuite, nous avons amélioré la flexibilité du travail. Là encore, il faut poursuivre les réformes, notamment sur les 35 heures. J'ai aussi fait approuver par le Parlement, l'année dernière, la plus importante réforme fiscale des 25 dernières années. Elle rend tout son intérêt au fait de travailler et d'investir en France.
Je vous ai donné mon point de vue, mais permettez-moi de citer quelques observateurs extérieurs :
- Les Nations unies ont rehaussé la France de la 7e à la 4e position pour la qualité du climat d'investissements. Cela fait de la France le pays le plus favorable aux investissements étrangers en Europe continentale.
- Les agences de notation, Standard and Poor 's en particulier, ont salué le changement profond dans notre politique de désendettement. Ce n'est pas si courant de la part de ces agences, comme vous le savez.
Bien sûr, nous devons identifier et garder en tête les incertitudes liées à notre environnement international : je pense au prix du pétrole, au cours du dollar dont la dépréciation récente doit susciter notre vigilance collective, aux incertitudes de la croissance américaine. C'est pour cette raison que nous devons tout faire, chez nous, pour soutenir notre dynamisme actuel. Et je fais un lien direct avec la consolidation en cours de nos finances publiques.
b) Nous soutenons cette croissance par un budget vertueux et une politique de désendettement dynamique.
Permettez-moi de vous rappeler d'abord que la France a été le premier pays de la zone euro à redescendre, dès 2005, en dessous des 3 % de déficit public. L'Allemagne est en train d'y parvenir aujourd'hui, et d'autres pays y seront également bientôt.
Il y a un an, à cette même conférence, je vous ai présenté les conclusions du rapport que j'avais commandé à Michel PEBEREAU sur notre dette publique.
Je m'étais engagé à mettre un terme à cette spirale de la dette. Je suis là, ce matin, pour vous expliquer ce que nous avons réalisé depuis un an. Sur la base du rapport PEBEREAU, le désendettement est devenu un objectif national. Le Premier ministre a fixé l'objectif de ramener la dette publique en dessous de 60 % du PIB en 2010. En mai dernier, j'ai décidé d'un plan d'action pour accélérer le désendettement, en utilisant trois méthodes complémentaires :
- Mieux contrôler la dépense publique ;
- Utiliser tout le produit de la vente des actifs publics pour rembourser notre dette ;
- Et gérer la trésorerie de l'État comme celle des administrations publiques plus efficacement.
J'ai ainsi pris l'engagement de réduire le ratio dette/PIB de la France d'au moins 2 % d'ici la fin de 2006 et de 1 % supplémentaire en 2007.
Je suis en mesure de vous dire aujourd'hui que nous sommes en bonne voie pour réaliser ces objectifs. C'est ce que montrent les chiffres. En pourcentage du PIB, la dette publique française avait déjà décru de 66,6 % en début d'année à 65,5 % au 30 juin 2006 : c'est 1,1 % en 6 mois !
Nous nous sommes concentrés sur quelques objectifs :
1) D'abord ramener le déficit public bien en deçà de 3 % du PIB.
En 2006 nous avons un objectif de déficit de 2,7 %, alors que ce déficit était de 2,9 % en 2005. Pour 2007 le budget que je présente au Parlement prévoit un déficit public à 2,5 % du PIB.
2) Deuxièmement nous affectons le produit des privatisations au remboursement de la dette.
Depuis le début de l'année, l'agence France Trésor a pu racheter 14,2 milliards euros de dettes à moyen et long terme. La vente des participations de l'État dans les sociétés concessionnaires d'autoroutes, dans le groupe Alstom, et dans Aéroports de Paris, y a contribué à hauteur de 13 milliards euros.
Grâce à cela, la France a été pour la première fois, en mesure de diminuer ses émissions de dette, en les ramenant du chiffre initial de 119,5 milliards euros à 105,5 milliards euros.
3) Nous avons amélioré la gestion de trésorerie de l'agence France Trésor.
Mon objectif est d'éviter tout reliquat de trésorerie qui ne serait pas strictement nécessaire à la sécurité de gestion de la dette. Pour faire face aux besoins occasionnels de trésorerie, j'ai demandé à l'agence France Trésor de se doter d'un bon à court terme, le BTF court terme, homologue du « cash management bill » dont dispose le Trésor américain.
Grâce à ces objectifs, nous sommes en train d'améliorer la gestion de notre trésorerie publique, et, par là, de gagner sur le terrain de la dette.
Je vous le disais, une économie solide, des déficits et un endettement publics contenus...
II - ...au-delà, ma priorité est de rendre le climat des affaires en France plus attractif.
Je sais que les décisions d'investissements sont complexes. Comme vous le savez, nous avons considérablement amélioré le climat d'investissement en France depuis 4 ans. Mais, pour ce qui concerne les marchés financiers eux-mêmes, beaucoup reste à faire dans les prochains mois. C'est pour la France, pour l'Europe, un moment important dans la décision.
a) D'abord, pour rendre la zone où exerce EURONEXT plus compétitive, je suis heureux de vous annoncer une évolution du mode de retenue à la source des prélèvements obligatoires.
Nous avons toujours, par le passé, soutenu EURONEXT et ses partenaires quand ils cherchaient à mettre en place un livre d'ordres unique. Cet objectif central demande une harmonisation européenne des activités de marché comme des activités de post-marché. Mettre en place un véritable livre d'ordres unique fait partie des plus grandes réalisations depuis la création d'EURONEXT.
Comme vous le savez peut-être, aujourd'hui seuls les établissements payeurs établis en France sont autorisés à intervenir comme agents pour ce qui concerne la retenue à la source des prélèvements obligatoires. Il en résulte une incompatibilité avec la création d'un marché à l'échelle de la zone EURONEXT, incompatibilité que beaucoup d'investisseurs m'ont demandé de supprimer.
Nous avons mené une concertation depuis plus d'un an avec la Place de Paris pour trouver une solution qui concilie d'une part les intérêts des intermédiaires qui travaillent dans la zone EURONEXT et d'autre part les principes du droit fiscal français. Je suis heureux de vous annoncer aujourd'hui que la loi de finance rectificative actuellement en discussion au Parlement permettra d'adopter, avant la fin de l'année, cette innovation fiscale et financière qui rendra la place de Paris toujours plus attractive dans l'Europe financière.
La principale conséquence de cette réforme sera que les intermédiaires européens seront dorénavant autorisés, dans des conditions précises, à recouvrer la retenue à la source des prélèvements obligatoires pour le compte de l'administration fiscale, même quand le porteur du titre n'est pas établi en France.
Compte tenu du temps qui sera nécessaire pour mettre en place les textes d'application, ce nouveau régime devrait être disponible avant la fin de 2007, c'est-à-dire dans un calendrier correspondant à celui de la mise en place du livre d'ordres unique.
b) Reste la question, posée aujourd'hui, du futur d'EURONEXT, qui pourrait se jouer dans les semaines et les mois qui viennent.
1) Permettez-moi de vous dire que je considère que l'avenir d'EURONEXT est d'abord dans les mains de ses actionnaires.
Les actionnaires, certes. Mais n'oubliez, cher Jean-François THEODORE, l'ensemble des parties prenantes concernées par vos projets. C'est évidemment votre rôle de proposer à vos actionnaires la meilleure option pour l'entreprise EURONEXT. Vous allez le faire lors de la prochaine assemblée générale que vous avez convoquée le 19 décembre prochain.
Mais pour leur soumettre les meilleures préconisations, pour leur présenter le meilleur scénario, il faut aussi que vous puissiez leur dire quelles sont les vues de l'ensemble des parties prenantes. Car il est utile, et même indispensable, pour vous comme pour vos actionnaires, de savoir ce que les clients d'EURONEXT pensent de vos projets car, avec leur appui, votre projet sera meilleur.
Il est tout aussi indispensable que vous sachiez comment vos régulateurs considèrent vos projets. Comme vous le savez l'Autorité des marchés financiers entretient un dialogue construit avec les autres régulateurs concernés. C'est leur rôle d'examiner l'ensemble des aspects de votre projet et de donner leur avis de régulateur.
Pour ma part, mon rôle est celui du ministre des finances d'un des pays où EURONEXT réalise une part significative de son activité et a le projet de la développer. C'est donc également mon devoir d'analyser vos projets, d'écouter les parties prenantes, de poser les questions qui éclaireront l'ensemble de nos concitoyens et des acteurs économiques sur les perspectives qu'ouvre chacune des options qui existent.
Car il faut se rendre compte que le processus de consolidation des entreprises de marché en Europe et dans le monde évolue chaque jour. Je mentionnerai naturellement la décision de DEUTSCHE BÖRSE de ne pas poursuivre son projet de rapprochement avec EURONEXT. Le projet EURONEXT - NYSE a, pour sa part, été modifié au cours des dernières semaines.
Plus globalement, pour l'ensemble des acteurs, la directive MIF représente un changement fondamental, dans les concepts comme dans les pratiques. Elle ouvre la voie à plus de créativité, à plus d'innovation. Elle permet, par exemple, le développement des plates-formes multilatérales. Les opérations d'échange de titres de gré à gré (OTC) ont également un avenir renouvelé, dans un contexte financier sécurisé.
C'est cela la réalité. Nous entrons dans une période d'innovation très grande pour les marchés financiers de notre continent. De nouvelles opportunités apparaissent, de nouveaux acteurs aussi.
Les entreprises de marché aujourd'hui en place devront trouver leur chemin dans cette nouvelle géographie. Je pense naturellement, en Europe, à EURONEXT, à DEUTSCHE BÖRSE et à BORSA ITALIANA. Mais je pense aussi au NYSE car, quand on parle de marchés financiers, on arrive naturellement à l'échelle mondiale.
Notre but est naturellement de faire baisser les coûts de financement en Europe, pour contribuer à améliorer la compétitivité de nos économies.
2) Dans ce contexte, pour appréhender le futur d'EURONEXT, j'ai établi une liste de 5 critères pour analyser les projets d'évolution qui se présentent.
J'ai établi cette liste il y a quelques mois. Je l'ai fait assez tôt pour que chacun sache quelle serait ma méthode d'analyse des différents scénarios.
Je l'ai fait assez tôt aussi car je souhaitais relayer les attentes exprimées par beaucoup d'acteurs sur la place de Paris. Et je pense en particulier à l'association Paris Europlace, qui regroupe beaucoup des émetteurs et des parties prenantes du marché financier parisien.
Permettez-moi de rappeler ces 5 critères :
- Une gouvernance équilibrée, conforme au modèle fédéral qui a fait le succès d'EURONEXT ;
- Le maintien d'une activité forte à Paris, notamment sur les actions et sur les technologies de l'information ;
- La régulation par l'AMF des opérations réalisées à Paris ;
- Une concurrence suffisante sur chaque segment des activités post-marché ;
- La capacité à intégrer les bourses européennes qui voudraient rejoindre le projet.
3) Vous le voyez mon rôle est, au total, de faire en sorte que l'évolution des marchés financiers, en France et en Europe, dans les prochains mois se déroule de façon ordonnée et avec le soutien des parties prenantes.
Je recherche donc constamment à connaître les positions des acteurs de marchés avant de prendre des décisions qui relèvent de ma responsabilité ou d'exprimer mon opinion sur les évolutions en cours.
Vous l'avez compris, sur l'évolution du marché financier en Europe, nous en sommes toujours au temps de l'analyse et du dialogue.
Chacune des parties prenantes a vocation à s'exprimer à son rythme propre. L'AMF et les régulateurs européens ont mené des analyses détaillées et ont prévu d'exprimer prochainement leur point de vue, celui des régulateurs. Je souhaite que les autres parties prenantes puissent le faire le moment venu. En particulier, je serai attentif au point de vue de la Place de Paris, c'est à dire des clients d'Euronext.
Pour conclure mon introduction à vos travaux d'aujourd'hui, je voudrais ajouter une seule chose à mon propos. Je voudrais insister sur la notion de confiance. Je suis confiant dans la capacité de nos marchés financiers à mettre en place les infrastructures dont notre économie a besoin pour se financer dans les prochaines années. Je suis confiant dans leur détermination à le faire de façon efficace et soutenable. Je suis confiant dans la capacité de notre économie à atteindre à terme un rythme de croissance élevé.
L'ensemble de ses réformes, l'ensemble des ses efforts, budgétaires ou structurels, la France les accomplit dans une année pré-électorale. Je voudrais souligner combien tout ceci est remarquable et traduit une sensibilité croissante de nos concitoyens aux questions économiques. Je souhaite contribuer à les aider à comprendre les évolutions économiques qui s'offrent à nous. Je n'hésiterai jamais à le faire chiffres en mains.
C'est aussi cela la base de la confiance. Je suis convaincu que nous avons mis la France en mouvement, et en mouvement dans la bonne direction.
Source http://www.minefi.gouv.fr, le 28 novembre 2006