Interview de M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, à RTL le 19 octobre 2006, sur les résultats de deux audits sur les performances de l'éducation nationale, le nombre élevé de redoublements, l'aprentissage de la lecture selon la méthode syllabique et François Bayrou, président de l'UDF.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Q- Bonjour G. de Robien. Deux audits effectués à la demande du ministère de l'Economie critiquent les performances de l'Education nationale...
R- ... Avec l'Education Nationale, avec l'Inspection Générale de l'Education Nationale ; par conséquent, c'est un travail en commun.
Q- Alors, le verdict est dur à entendre pour l'Education nationale puisque ce document dit que les lycéens coûteraient 10.000 euros par an - 30% de plus que dans les pays qui nous sont comparables et les résultats ne seraient pas très bons - et puis, c'est pareil pour les collégiens : leur coût aurait augmenté de 33% en quinze ans. Et là aussi, beaucoup de jeunes collégiens seraient mal formés dans les établissements scolaires. Acceptez-vous ces chiffres, G. de Robien ?
R- Absolument puisqu'ils sont faits en commun avec Bercy, avec l'Education nationale. Par conséquent, ils viennent confirmer ce que nous savions déjà par l'OCDE, qui avait rendu un rapport il n'y a pas tellement longtemps, il y a trois semaines ou un mois, pour dire que la France était le pays du monde qui mettait le plus d'argent sur l'Enseignement secondaire et l'Enseignement primaire.
Q- Et avec les résultats qui ne sont pas à la hauteur de l'argent investi.
R- Avec des résultats, et notamment un nombre de redoublants important, avec des gens qui sortent du système étant non formés ou en état d'échec. Par conséquent, oui l'état des lieux est exact. Mais on n'a pas attendu les audits pour se réformer, pour améliorer les choses. Je vais vous donner deux exemples. Sur les audits, par exemple, sur l'organisation des examens et des concours, il y a beaucoup d'argent pour organiser les concours, les examens. Savez-vous que pour le CAP, et pour le Brevet des collèges, il y a 20.000 sujets parce que ces sujets sont faits académie par académie. Cela coûte un prix fou : des dizaines de millions d'euros. Eh bien, nous allons faire maintenant des sujets qui seront nationaux. Au lieu d'avoir 20.000 sujets, nous en aurons que 5.000, j'allais dire que 5.000 - c'est déjà pas mal -, et on va économiser ainsi des dizaines de millions d'euros. Deuxième exemple que je voulais vous donner. Les audits pointent le problème des décharges. Les décharges, c'est un texte qui, en 1950, disait que les professeurs qui préparent au Bac, doivent avoir une heure de décharge d'enseignement pour préparer les élèves davantage au Bac, pour avoir davantage de temps. A cette époque-là, il y avait deux parties au Bac. Et donc, aujourd'hui, où il n'y a plus qu'une partie, sauf le Bac français, il est normal qu'on revisite ces décharges avec les enseignants de façon à pouvoir récupérer, c'est-à-dire remobiliser l'équivalent de 3.000 postes, ça veut dire qu'on va remettre 3.000 équivalents temps plein devant les enseignants. Vous voyez quel 'Education nationale se modernise, que les moyens seront mieux centrés sur l'Education et que l'objectif qui est de mieux éduquer, de mieux transmettre et de mieux former, eh bien, progressivement c'est une amélioration du système éducatif avec des moyens équivalents.
Q- Les audits pointent d'autres problèmes : trop de dédoublements de classes, disent-ils. Trop d'options aussi, c'est-à-dire l'Education nationale cède trop à la demande des parents en multipliant les options. Trop de redoublements aussi. C'est tout un fonctionnement qui est contesté quand même.
R- C'est un fonctionnement sur lequel j'ai déjà beaucoup agi avec l'ensemble de l'Education nationale, sur le plafonnement du redoublement. C'est vrai qu'on redouble trop en France ; et moi, je me suis emparé de ce problème-là en disant : mais il faut mettre en place des systèmes de suivi individualisé qu'on appelle les PPRE, les Programmes Personnalisés de Réussite Educative. Ça veut dire que lorsqu'on voit que des enfants traînent en classe, qu'ils prennent du retard par rapport à leurs petits camarades, eh bien on met un groupe avec un assistant pédagogique ou un professeur, deux ou trois ou quatre élèves. On les fait récupérer le niveau de la classe ; et ainsi on évite les redoublements. Alors, il y a des redoublements qui sont inévitables - 2%, 3%, 4%, 5% - et les autres sont évitables grâce au système qu'on a mis en place à titre expérimental dans l'année scolaire 2005-2006, et généralisé en 2006 ; à cette rentrée-ci, j'ai généralisé les programmes personnalisés de réussite éducative.
Q- Donc, on redoublera moins dans les collèges français à l'avenir ?
R- On redoublera moins, et surtout on permettra - parce que c'est un traumatisme pour tout le monde le redoublement, c'est un traumatisme pour l'élève, pour les parents, et ça coûte très cher. Et ce que j'ai décidé c'est lorsqu'on évitait les redoublements en classe, comme ça coûte très cher, on redistribue ces moyens-là à l'établissement pour pouvoir faire du soutien individualisé. Ca, c'est de la bonne gestion.
Q- Au fond, ces audits ne vous ont rien appris que vous ne saviez déjà visiblement ?
R- Ces audits confirment ce que nous pressentions, et surtout confirment la bonne direction qu'a pris l'Education nationale.
Q- C'est très bien. Vous êtes très critiqué, G. de Robien, pour votre autoritarisme. Vous souhaitez que la lecture soit enseignée, selon la méthode syllabique : le fameux B.A.-BA. Certains inspecteurs, certains enseignants jugent qu'il faudrait faire un mixte avec la méthode globale et l'un de ce qu'il a dit, Pierre Fracoviac, inspecteur de l'Education nationale dans le Nord, a même été sanctionné pour l'avoir dit. Est-ce que vous n'en faites pas trop G. de Robien ?
R- A ma connaissance, il n'a pas été sanctionné...
Q- Il y a une procédure qui est ouverte, en tout cas.
R- Ecoutez ...
Q- Il va être sanctionné, probablement...
R- Lorsqu'un inspecteur d'académie relaie quelque chose d'anormal dans son académie, il est normal qu'avec les procédures qui sont celles de la Fonction publique, il fasse suivre. Mais il n'y a pas d'autoritarisme dans cela. Moi, je m'occupe, avant tout - et arrêtons un petit peu les polémiques, je m'occupe avant tout - de la réussite des élèves. Et je m'occupe surtout du bon suivi des mesures qui sont prises et pas des mesures qui sont prises par caprice, des mesures qui sont prises avec l'aide de l'Inspection Générale, avec l'éclairage du Haut Conseil Supérieur de l'Education... Le Haut Conseil de l'Education...
Q- Ah, je ne peux pas vous aider...
R- ... et de la Recherche du Haut Conseil de l'Education, du Conseil Supérieur de l'Education et de la Recherche, tout cela m'éclaire et je prends des décisions qui s'appellent des bonnes mesures pour la Lecture.
Q- Cet inspecteur va être sanctionné, nous sommes d'accord.
R- Je ne peux pas... J'en sais rien. Je laisse faire une procédure qui est une procédure normale dans la Fonction publique. Moi, ce qui m'intéresse ce n'est pas une éventuelle sanction. Sanction ou pas sanction. S'il mérite une sanction, il aura la sanction. Je veux dire : c'est la noblesse...
Q- Vous avez dû regarder le dossier avant de venir quand même ?
R- ... C'est la noblesse de la Fonction publique d'avoir des devoirs et des droits. C'est tout simplement cela. Lorsqu'il y a un encadrement qui est chargé de faire appliquer des textes par les enseignants, il est normal que cet encadrement s'exprime, lorsqu'il s'exprime, dans le sens de l'application des textes officiels ; car si un encadrement se met contre les textes officiels, alors à quoi ça sert-il d'encadrer ? C'est-à-dire qu'il saboterait dans ce cas-là. Dans ce cas-là, il saboterait les textes officiels de l'Etat. Je rappelle qu'ils sont fonctionnaires de l'Etat, qu'ils ont un devoir d'application des textes de l'Etat, tout simplement.
Q- F. Bayrou, président de l'UDF, compare J. Chirac au "dernier des Bourbons". Il se dissimule, il se montre peu pour avoir le plus de pouvoir possible. C'est un peu dur comme jugement, non ?
R- Oui, enfin c'est complètement injuste. Et vous savez, F. Bayrou se met aujourd'hui dans une situation de dérive. On a eu successivement un F. Bayrou très critique ; on a eu ensuite un F. Bayrou qui a cherché à s'opposer au Gouvernement, qui a même cherché - il n'a pas réussi - à faire chuter le Gouvernement. Puis ensuite, on a eu un F. Bayrou qui n'est ni de droite, nide gauche, et puis on a maintenant une UDF avec un président qui veut être premier ministre de n'importe qui, pourvu qu'il soit démocrate. Je pense que la prochaine étape, ça sera l'UDF, force d'appoint de la gauche et je crains que, pour avoir une réponse définitive, on doive attendre le soir du premier tour. Donc, voilà c'est un travail qui est destiné à faire passer l'UDF du statut d'allié objectif du PS au statut d'allié tout court.
G. de Robien, ministre de l'Education, qui parlait du président de son parti, F. Bayrou. Et vous étiez l'invité de RTL.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 19 octobre 2006