Déclaration de M. Christian Poncelet, président du Sénat, à la mémoire d'Alain Poher, de son rôle comme président du Sénat, défenseur du bicamérisme, promoteur de la construction européenne et comme Président de la République par intérim, Paris le 12 décembre 2006.

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Circonstance : Célébration pour le 10ème anniversaire de la mort d'Alain Poher, au Sénat, le 12 décembre 2006

Texte intégral

Monsieur le Directeur général,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs, chers collègues,
Madame,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Après les mots, comme toujours si justes, si brillants et si personnels de mon ami Daniel HOEFFEL, le ministre HOEFFEL, il me revient le redoutable honneur d'évoquer à mon tour la mémoire de mon éminent prédécesseur, Alain POHER.
Je veux vous dire, à titre personnel, que la célébration du dixième anniversaire de sa mort est d'abord frappée du sceau de la reconnaissance pour tout ce que le plus célèbre sénateur de Seine-et-Oise, puis du Val-de-Marne, a accompli au service de la République et du Sénat, au service du Sénat dans la République.
Mais rassurez-vous ! Contrairement à ce qui vient d'être suggéré par le gardien du temple qu'est Daniel HOEFFEL, dont je salue l'action résolue à la tête de l'Institut, je n'évoquerai pas la totalité des 45 années passées par Alain POHER sur les bancs de notre Assemblée.
Cette cérémonie sympathique, et avant tout amicale, ne s'y prête pas. D'autres que moi, plus qualifiés, l'ont déjà fait, et fort bien fait.
Mon ambition aujourd'hui devant vous, sa famille, ses amis, ses fidèles, c'est de rendre -pardonnez-moi ma liberté de ton- un « coup de chapeau » à ce sénateur hors normes qui a survolé la vie politique de notre pays pendant toute la seconde moitié du siècle dernier et tutoyé l'Histoire -avec un grand H- à bien des reprises.
Chacun garde en mémoire la première élection à la présidence du Sénat de cet homme de conciliation, candidat un peu malgré lui, dans des circonstances pour le moins complexes, marquées par de vives tensions -cela arrive...- avec le gouvernement de l'époque.
Chacun conserve aussi présent à l'esprit l'extrême dureté du combat politique conduit par cet homme qui a dit « NON » à de GAULLE, « NON » surtout à ce projet de réforme du Sénat qui a eu raison de l'Homme du 18 juin et du 13 mai.
Le gaulliste que je suis ne peut, bien sûr, que regretter le double malentendu de 1969, entre le général de Gaulle et le Sénat d'une part, entre le général de Gaulle et le peuple français d'autre part.
Mais le Président du Sénat que je suis aussi ne peut manquer d'admirer la force intérieure et le courage politique d'un homme qui a défendu « bec et ongles » la Haute assemblée et est allé au bout de ses convictions.
C'est cette même résolution qui m'a habité, il y a quelques années, lorsque le Sénat a été qualifié « d'anomalie de la République ». C'est cette même détermination qui m'animera encore demain -soyez-en convaincus- si le Sénat était à nouveau attaqué dans ses fondements.
Chacun garde enfin en mémoire ces circonstances exceptionnelles de notre vie politique qui conduisirent Alain POHER, à deux reprises, à exercer la charge suprême de Président de la République par intérim.
Quel parcours pour ce fils de cheminot ! Quelle réussite pour cet homme modeste, simple et généreux !
Ce que je conserve à titre personnel de cette période épique, c'est le souci permanent d'Alain POHER de se rendre utile à la France et au Sénat, quelles que puissent être les turbulences.
C'est ainsi notamment que cet Européen de la première heure, ancien collaborateur de Robert SCHUMAN, joue un rôle premier, en 1974, dans la ratification par la France de la convention européenne des Droits de l'Homme. C'est à Alain POHER que nous devons ce nouvel acquis, cette garantie fondamentale offerte à tous les citoyens.
Selon ses propres mots : « d'un Sénat méprisé qu'on voulait supprimer, j'ai fait une assemblée restaurée pesant son poids dans la vie politique de notre pays ». C'est à cet héritage commun, à nous sénateurs, que j'ai voulu apporter ma contribution active depuis 1998 pour défendre, promouvoir et ouvrir le Sénat, « notre » Sénat, plus que jamais indispensable au fonctionnement équilibré de nos institutions.
Chers amis,
C'est en saluant la mémoire de l'homme d'Etat, du président d'assemblée sourcilleux de ses prérogatives, du défenseur intraitable du bicamérisme et du promoteur infatigable de la construction européenne, que je veux clore cet éloge en remerciant toutes celles et tous ceux qui ont permis de mener à bien ce projet de timbre commémoratif, symbole de notre attachement et de notre reconnaissance à Alain POHER.
Je vous remercie.Source http://www.senat.fr, le 13 décembre 2006