Interview de M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, à LCI le 19 décembre 2006, sur les décharges horaires accordées aux enseignants et la note de vie scolaire dans les collèges.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : La Chaîne Info

Texte intégral


le 19 décembre 2006
Q- Plus de 50 % de grévistes hier selon les syndicats, 37 % selon votre ministère... Reconnaissez-vous quand même que ce mouvement contre la réforme des décharges horaires a été un succès ?
R- Je ne sais pas pour qui c'est un succès. Il y a eu 37 % de grévistes, c'est important, c'est la moitié à peu près des grèves du temps de C. Allègre, c'est un peu moins que la grève d'octobre 2005...
Q- C'est la première fois qu'autant de syndicats étaient mobilisés ?
R- Mais avec autant de syndicats mobilisés, c'est moins qu'en octobre 2005, c'est moins qu'en janvier 2005 mais c'est une grève importante.
Q- Alléger les décharges horaires accordées aux enseignants, est-ce que ce n'est pas pour vous un moyen détourné de supprimer des emplois ? On parle de 28.000 postes qui pourraient disparaître.
R- C'est surtout une façon de rétablir une justice sociale entre les enseignants, les enseignants qui enseignent 17 heures et d'autres - c'est le plus grand nombre - qui enseignent 18 heures. Pourquoi est-ce que ceux qui enseignent 17 heures n'enseignent que 17 heures par rapport aux autres ? Tout simplement, parce qu'on leur avait accordé par un décret de 1950, par exemple, parce qu'ils préparaient au Bac. A cette époque-là, le Bac était en deux parties. Comme le Bac n'est plus qu'en une partie, il y a ceux qui préparaient au Bac - en Première, il n'y a plus le Bac - il est normal qu'ils enseignent de nouveau 18 heures. Donc c'est une question de justice entre les enseignants. Je ne vois pas pourquoi un enseignant en Première enseignerait moins d'heures qu'un enseignant en Seconde, en Troisième, en Quatrième.
Q- Allez vous discutez avec les syndicats ou allez-vous prendre votre décret rapidement ?
R- D'abord, j'ai déjà beaucoup discuté avec les syndicats, je les ai tous reçus en bilatéral et puis, j'ai reçu toute l'intersyndicale dès qu'elle me l'a demandé. Evidemment, que s'ils me demandent encore d'être reçus pour discuter du contenu du décret, je suis toujours pour la discussion. Mais sur le principe des décharges, sauf modalité à amodier le cas échéant ensemble, le système des décharges est quelque chose d'acquis après l'avis du Conseil d'Etat.
Q- Une manifestation est prévue le 20 janvier ; aurez-vous signé le décret avant ?
R- J'aurai signé le décret lorsque le Conseil d'Etat me donnera son avis Donc c'est dans le courant du mois de janvier. Très honnêtement, je ne sais à quelle date je signerai le décret. S'il faut rencontrer les partenaires sociaux avant, je suis évidemment à leur disposition.
Q- Plutôt que de supprimer ces décharges, pourquoi ne pas avoir pris la solution S. Royal, c'est-à-dire demander aux professeurs de faire leurs 35 heures dans l'établissement ?
R- Parce que, d'une part, les enseignants ne peuvent pas faire 35 heures dans les établissements. Il y a beaucoup d'établissement qui n'ont pas la place pour les recevoir 35 heures. Et moi, je suis justement en train de discuter avec les départements et les régions pour voir comment on peut dégager de la place et des bureaux quasi individuels pour les enseignants, de façon à les encourager à rester davantage dans l'établissement. Donc s'ils avaient des bureaux avec de l'informatique, avec une prise haut débit, là, ils auraient tout naturellement - ils en ont envie, je crois, vraiment sincèrement - envie de rester plus longtemps dans l'établissement, à condition d'avoir des conditions de travail adéquates avec ce temps passé dans l'établissement. Aujourd'hui, ils arrivent pour leur cours, ils n'ont pas d'endroit pour se poser, sauf ce que l'on appelle le CDI, le Centre de Documentation et d'information, mais c'est une salle collective. Donc, si on leur donnait des bureaux individuels, ils viendraient avant, ils pourraient préparer leurs cours, ils pourraient après recevoir les parents, d'autres enseignants et, le cas échéant, des élèves. Je crois que c'est par ce biais là, et pas par le système socialiste qui est vraiment agressif vis-à-vis des enseignants. Et là, je défends les enseignants en disant qu'il est inadmissible de les obliger à rester 35 heures dans un établissement, alors qu'ils font déjà, en moyenne, on l'a vu dans les enquêtes du ministère, 39 heures de travail.
Q- Le secrétaire national de l'UMP en charge de l'éducation, a critiqué votre initiative sur les décharges horaires, il parle de "punition". Que lui répondez-vous ?
R- Il les a votées, puisque j'ai présenté un budget avec ces mesures là ; il les a votées.
Q- Donc nous sommes dans une guéguerre liée à la présidentielle ?
R- Nous sommes dans un paradoxe vraiment inutile et une polémique inutile de sa part puisqu'il les a votées.
Q- La note de vie scolaire attribuée aux élèves fait grincer des dents chez les profs ; êtes-vous prêt à revoir ce système ?
R- Non, c'est mis en place, et c'est très bien mis en place. C'est normal que pour le premier trimestre, puisque c'est une note qui est délivrée à la fin de chaque trimestre, il est normal que l'on s'interroge sur la façon de délivrer cette note de vie scolaire. Il y a eu une circulaire du ministère qui a été déclinée dans tous les établissements. Les chefs d'établissement appliquent cette circulaire. Bien sûr qu'il y a des modulations, là encore et des variations d'un établissement à l'autre à ajuster mais je peux vous dire,d'après les premiers renseignements qui sont rentrés, que la plupart des établissements en France ont appliqué la note de vie scolaire. Elle est utile pour les jeunes, elle est utile pour les enseignants, elle est utile pour les parents parce que c'est un repère que l'on donne aux jeunes sur son comportement ; est-ce qu'il fait des progrès dans le respect de... le respect du règlement intérieur, qui peut nier qu'il est important de respecter le règlement intérieur d'un établissement ? Sinon, c'est la chienlit dans les établissements ! Donc, on aide les enseignants, à travers cette note de vie scolaire, à ce que les élèves se repèrent pour savoir s'ils ont fait des efforts
dans le respect du règlement intérieur, dans la ponctualité, dans l'assiduité. C'est la moindre des choses.
Q- Règlement intérieur de l'UMP : vous vous dites mécontent depuis quelques semaines des candidats à la présidentielle qui ne représentent pas, selon vous, les idées de la droite sociale ? Avez-vous trouvez, avec J.-L. Borloo, votre candidat ? L'incitez-vous à être candidat à la
présidentielle ?
R- Attendez : Pourquoi mon candidat ? J.-L. Borloo n'est pas mon candidat ! J.-L. Borloo a le même cri que moi, c'est "vivement que l'on parle du social dans la campagne présidentielle, vivement qu'on parle..."
Q- Hier, N. Sarkozy en a parlé toute la soirée, vous êtes content ?
R- Tant mieux ! Notre appel conjoint - puisque c'est samedi que j'ai envoyé un message à J.-L. Borloo et à A. Rossinot - c'est oui, on ne parle pas assez du social, on ne parle pas de culture, on ne parle pas d'environnement. On fait de l'image mais on ne parle pas vraiment des solutions, que l'on apporterait si l'on était au pouvoir demain et avec une majorité renouvelée. C'est ce qui m'intéresse.
Q- N. Sarkozy propose plus 50 % pour l'enseignement supérieur, vous dites bravo ?
R- C'est exactement ce que je suis en train de faire avec F. Goulard, cette année, enfin, l'année 2007, avec le budget qui a été voté par le Parlement : on rétablit un certain équilibre entre secondaire et supérieur. Cette majorité a mis entre trois ans 6 milliards de plus sur l'enseignement supérieur. C'est un progrès qui n'avait jamais été fait ni par la gauche ni par la droite, les décennies précédentes. On recrute 5 à 6.000 chercheurs et enseignants chercheurs pour l'enseignement supérieur et la recherche.
Q- Les états généraux de l'éducation, à l'été 2007, ce que suggère en filigrane J.-L. Borloo, vous êtes pour ?
R- C'est très bien, ça c'est parfait, c'est formidable. On a besoin, aujourd'hui, de savoir vraiment la mission que l'on donne à l'Education nationale, parce qu'à chaque fois qu'il y a des évènements dans notre pays, des tensions voire de l'agitation, on dit toujours "c'est de la faute à l'Education nationale" ; moi, je n'accepte pas que l'Education nationale prenne sur elle tous les maux de la société. S'il n'y avait pas l'Education nationale, la société, ce serait vraiment le désordre, l'anarchie et la révolte ! Au contraire, elle a un rôle pacificateur. Evidemment, elle éduque, elle transmet des valeurs et du savoir, elle a un rôle formidable. Elle a encore des marges de progrès, c'est pour cela que dans ces marges de progrès, maintenant, nous avons le socle commun de connaissances et de compétences, le socle de l'ensemble des connaissances que l'école de la République doit transférer à tous les jeunes. On va transmettre les fondamentaux, parce que savoir maîtriser la langue française, évidemment, la lecture, l'écriture, la grammaire, le calcul que je vais justement aborder en janvier...
Q- ...La grammaire, c'est votre nouveau combat, en attendant le calcul. Vous êtes critiqué là-dessus, est-ce que ce n'est pas faire un peu de réaction ?
R- Dès que l'on bouge quelque chose, on est critiqué. Je préfère de beaucoup être critiqué et faire bouger les choses que de rester dans mon coin à flatter et avec beaucoup de démagogie, les clientèles successives. Je suis indépendant par rapport à toutes les "écuries présidentielles", ceci me permet de faire avancer le grand ministère que l'on m'a confié.
Q- Marge de progrès : supprimer la carte scolaire ?
R- Assouplir, certainement, la carte scolaire...
Q- ...C'est le début de la fin quand on assouplit.
R- Non, au contraire. C'est permettre un choix dans un certain périmètre en respectant la mixité sociale, parce que dans notre pays, dans notre République, oui, la mixité sociale est indispensable pour apprendre à vivre en société.
Q- F. Bayrou n'est-il pas le troisième homme de la présidentielle ?
R- Je préférerais effectivement que ce soit lui plutôt que J.-M. Le Pen premier ou le second. Donc, aujourd'hui, mon combat pour les valeurs de l'UDF, qui sont des valeurs humanistes, permet, je pense, j'espère en tout cas, si ce combat est mené par d'autres sans divisions et sans agressivité à l'égard de quiconque, j'espère que monsieur Le Pen passera à la trappe. Alors qu'aujourd'hui, je crains, au contraire, que monsieur Le Pen soit en flèche parce que, hélas, je ne vois que des candidats qui critiquent la France, les Français, ce qu'ils sont fait depuis cinq ans, ce qu'ils ont fait depuis dix ans... Tous critiquent le voisin. Je crois que c'est comme cela que l'on fait monter effectivement l'extrémisme en France.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 20 décembre 2006