Texte intégral
« Monsieur le Président, mesdames et messieurs les membres du Conseil économique et social, mesdames et messieurs, je tiens tout d'abord à vous remercier pour l'occasion qui m'est donnée de m'exprimer devant votre assemblée sur un sujet qui me tient particulièrement à coeur et qui occupe aujourd'hui, comme assez souvent d'ailleurs, le tout premier plan de l'actualité.
La politique énergétique dans son ensemble, ses orientations stratégiques en matière de recherche et de production, présentent effectivement des enjeux majeurs. La prise de conscience de ces enjeux par nos concitoyens est aujourd'hui réelle, notamment du fait des prix du pétrole durablement élevés, qui oscillent entre 55 et 75 dollars par baril et entraînent avec eux les prix des autres énergies. Les Européens ont ainsi brutalement redécouvert ce que signifiait la sécurité d'approvisionnement électrique à l'occasion des récentes coupures et les risques encourus dans ce domaine. Car l'énergie est devenue un enjeu majeur de coopération internationale, et les menaces sur le gaz ont accéléré un dialogue renforcé entre les pays producteurs et les pays consommateurs.
Les enjeux environnementaux liés au changement climatique sont également au premier plan des préoccupations de nos concitoyens et identifiés comme tels dans le texte discuté aujourd'hui. Le récent rapport Stern sur l'économie du changement climatique est sans équivoque : agir dès maintenant dans la lutte contre le changement climatique ne pourrait nous coûter que 1 % du PIB mondial, agir trop tard nous coûtera jusqu'à 20 % de ce PIB avec, sur certaines zones, des impacts encore plus considérables. Nous avons conduit au niveau national des travaux de même nature, et le groupe « Facteur 4 », présidé par Christian de Boissieu, a remis ses conclusions le 9 octobre dernier.
Ces rapports, riches et fournis, traitent tout autant de politique énergétique que de politique climatique. Ils mettent en particulier l'accent sur trois grandes priorités : il faut un passage à l'action immédiat, un cadre de l'action nécessairement international, une augmentation considérable de l'effort de recherche et développement public, dans le domaine de l'énergie en particulier.
Je voudrais revenir sur chacun de ces points, particulièrement importants et évoqués dans votre projet d'avis, plus particulièrement sur le troisième point qui en constitue l'objet principal.
Pour ce passage immédiat à l'action, avec la loi de programme du 13 juillet 2005 fixant les orientations de politique énergétique, la France s'est dotée d'orientations claires et chiffrées pour préparer l'avenir. Ainsi la loi fixe les quatre grands objectifs de la politique énergétique française pour les trente ans à venir : contribuer à l'indépendance énergétique nationale et garantir la sécurité d'approvisionnement, assurer un prix compétitif de l'énergie, préserver la santé humaine et l'environnement, en particulier en luttant contre l'aggravation de l'effet de serre, garantir enfin la cohésion sociale et territoriale en assurant l'accès de tous à l'énergie.
Pour les atteindre, quatre axes majeurs ont été définis, qui recoupent les propositions du rapporteur : maîtriser la demande de l'énergie, diversifier le bouquet énergétique, développer la recherche et l'innovation dans le secteur de l'énergie et assurer des moyens de transport et de stockage adaptés aux besoins.
La loi fixe également des objectifs chiffrés ambitieux : soutenir l'objectif international d'une division par deux des émissions mondiales de gaz à effet de serre d'ici 2050, ce qui nécessite une division par quatre ou cinq des émissions pour les pays développés - le fameux « Facteur 4 », absolument indispensable pour arrêter les problèmes climatiques actuels, réduire l'intensité énergétique de notre économie, arriver à une stabilisation de notre consommation vers 2020 et produire 10 % des besoins énergétiques français à partir de sources d'énergie renouvelables à l'horizon 2010, avec des objectifs chiffrés pour l'électricité renouvelable à hauteur de 20 %, la chaleur renouvelable et les biocarburants à hauteur de 7 %.
La loi de programme sur les orientations de la politique énergétique prévoit également le maintien de l'option nucléaire en France. Enfin une place toute particulière est réservée aux actions de recherche et développement sur l'énergie. Une stratégie nationale de recherche sera ainsi publiée par le gouvernement et révisée tous les cinq ans.
Le cadre de l'action est nécessairement international et je voudrais revenir un instant sur cet aspect. Le défi climatique est global : c'est chaque point de la planète qui est menacé et chacun des États qui doit prendre des mesures de limitation de ces émissions.
Les pays les plus avancés, dans leur développement comme dans leur technologie, doivent apporter leur soutien aux autres, notamment par le transfert des technologies et des pratiques sobres en carbone, et par leur diffusion. C'est ce volet de l'action internationale auquel on pense habituellement le plus spontanément. Mais il en est un autre, à mon sens encore plus primordial pour rendre l'action possible, qui concerne la compétitivité des secteurs d'activité exposés à la concurrence internationale. Notre ambition doit être de mettre en place une économie sobre en carbone, compétitive, prospère et qui puisse être utilisée comme modèle par les autres pays : dans ce contexte, la délocalisation de notre industrie vers des pays moins soucieux de l'environnement n'est pas la solution. L 'effort en matière climatique doit donc être partagé équitablement entre les différents pays, ce qui n'est pas le cas quand les plus gros émetteurs - les Etats-Unis aujourd'hui et demain la Chine et l'Inde - diffèrent leur engagement.
C'est exactement le dilemme auquel se trouve confrontée l'Europe avec la mise en oeuvre de la deuxième période de la directive sur les permis des émissions de gaz à effet de serre. Il faut en effet concilier le désir de faire toujours mieux en termes environnementaux et la survie de l'industrie européenne face à ses concurrents américains ou asiatiques, qui ne sont soumis ni aux mêmes contraintes ni aux mêmes coûts.
Pour surmonter cet obstacle, la France a proposé à ses partenaires une réflexion sur la mise en place d'une taxe extérieure sur le carbone, qui rétablisse l'égalité entre les produits européens soumis à la contrainte carbone et leurs homologues internationaux. Un tel instrument pourra s'avérer ardu à définir et à mettre en place, mais il est nécessaire. Même si on est loin ici de la technologie, c'est bien un sujet sur lequel il nous faudra exercer tous nos talents, car c'est un véritable verrou pour l'action au niveau international.
Enfin, intensifier l'effort de recherche dans le domaine de l'énergie est une nécessité. Ceux qui maîtriseront les technologies énergétiques du futur, pour reprendre le titre de votre projet d'avis, auront acquis un avantage décisif.
La loi du programme du 13 juillet 2005, que j'ai déjà évoquée, prévoit la mise en place d'une stratégie de recherche dans le domaine de l'énergie. Définie pour une période de cinq ans, cette stratégie précise les thèmes prioritaires de la recherche dans le domaine énergétique et organise l'articulation entre les recherches publique et privée. Un projet rédigé par mes services et ceux du ministère chargé de la recherche fait d'ailleurs l'objet de consultation actuellement.
À mon sens, deux objectifs majeurs doivent être pris en considération pour la détermination des orientations stratégiques : la maîtrise de l'énergie et la sécurité d'approvisionnement, afin d'être plus indépendant des énergies fossiles, de les utiliser plus efficacement et de promouvoir une croissance sobre en énergie ; la lutte contre l'accroissement du réchauffement climatique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Comme le souligne à juste titre le projet d'avis, l'objectif de division par quatre de nos émissions suppose des progrès très substantiels en matière d'efficacité énergétique et d'introduction de nouvelles technologies. J'ai déjà évoqué le cas de l'industrie et sa situation spécifique au regard de la concurrence internationale. Deux secteurs d'activité contribuent aujourd'hui tant à la croissance de la consommation énergétique qu'à celle des émissions de gaz à effet de serre : le bâtiment et les transports. Dans les deux cas, les perspectives d'amélioration sont réelles. La recherche énergétique devrait donc porter une attention particulière aux percées envisageables dans ces deux domaines structurants pour les évolutions énergétiques à venir.
Compte tenu des constantes de temps dans le domaine de la recherche, la disponibilité industrielle et la pleine efficacité de technologies contribuant à réduire les émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2050 supposent de s'engager d'ores et déjà sur la trajectoire correspondante. Cela implique que, vers 2020, les premiers produits technologiques aient été élaborés et soient disponibles sur le marché. Une stratégie de recherche efficace se devra d'articuler ces deux horizons temporels.
Concernant les technologies de production peu émettrices de gaz à effet de serre, quelques domaines prioritaires peuvent être identifiés, comme le souligne votre projet d'avis, qui parle, lui, de ruptures nécessaires. Premièrement la préparation des technologies nucléaires du futur, dans laquelle la France est fortement engagée avec les générations III et IV, Iter, la loi sur la gestion durable des déchets. Deuxièmement, l'utilisation accrue et optimisée de la biomasse, pour laquelle la France dispose d'instruments et a mis en oeuvre des actions sur le développement des biocarburants, son avance sur les autres pays dans ce domaine étant flagrante. Troisièmement, l'optimisation des technologies liées à l'emploi des énergies renouvelables, pour lesquelles il faut accélérer la recherche. Enfin , la capture et le stockage du dioxyde de carbone, système coûteux qui pose problème, ne serait-ce que pour la réduction des émissions. Il en va de même pour le secteur de l'hydrogène : les véhicules prototypes développés induisent des problèmes de coût et des risques qui font douter de leur acceptation par les citoyens.
À ce sujet, il convient de faire trois observations. Sur les énergies renouvelables, il nous faut privilégier les usages où elles se substituent à des consommations d'énergie fossile : la production de chaleur et de carburant à partir de biomasse est bien un enjeu pour notre pays. Sur les énergies renouvelables électriques, une réflexion sur l'utilisation décentralisée apparaît pertinente pour la prise en compte des besoins nouveaux. Enfin, le développement de nouvelles options énergétiques doit s'insérer dans l'univers social. Il y a donc un réel enjeu de recherche dans les interactions entre technologies et formes d'organisation sociale, afin de bâtir un modèle énergétique durable et efficace. À ce propos, l'ouverture des dix-huitièmes comités locaux sur le nucléaire devrait servir d'exemple aux autres pays pour qu'ils cessent de considérer le nucléaire comme un sujet tabou.
Afin de suivre les recherches en matière énergétique, nous nous sommes dotés, en sus des organismes existant, de deux agences : l'Agence nationale de la recherche et l'Agence de l'innovation industrielle. La première consacre dès cette année 350 millions d'euros à la recherche, dont environ 80 sur les nouvelles technologies de l'énergie ; la seconde traite des projets intégrés dont certains ont une forte composante énergétique comme HOMES, pour un bâtiment économe en énergie, BioHub, pour la valorisation de ressources agricoles, NeoVal, système de transport modulaire sur pneus, ou encore VHD, projet de véhicule hybride diesel électrique.
Enfin à travers le programme budgétaire de recherche dans le domaine de l'énergie, ce sont plus de 660 millions d'euros qui sont répartis entre ces opérateurs pour les différents domaines.
En conclusion, l'énergie est aujourd'hui au coeur des préoccupations de nos concitoyens, tant sur les aspects liés à la sécurité des approvisionnements et à son prix que pour ses impacts environnementaux. Avec la loi du 13 juillet 2005, nous nous sommes dotés de véritables orientations de long terme ainsi que des outils pour les atteindre. La loi donne toute sa place à la recherche et la diffusion de nouvelles technologies, et demande qu'une stratégie soit mise en place et revue par le Parlement à cet effet.
Il est important que des rapports comme celui que vous examinez aujourd'hui éclairent nos travaux et puissent constituer des éléments de référence. Je remercie donc encore une fois le Conseil économique et social de s'être emparé du sujet et d'avoir organisé cette discussion, mais aussi la rapporteure pour la qualité de sa présentation.
Au plan français, il s'agit d'utiliser tous les outils à disposition, et l'on voit déjà l'État agir par l'établissement de règlements, de programmations, par l'axe énergie de la recherche publique, par la fiscalité, les prix de rachat ou les campagnes publiques par exemple. Au plan européen également, au-delà des livres verts et blancs et des actions et programmes déjà en cours, au-delà de la création d'une Agence exécutive pour l'énergie intelligente et des coopérations existantes, le CES exprime une nouvelle fois fortement - il l'a déjà fait en 1995 -le besoin d'une politique européenne de l'énergie, d'une politique forte. Au plan international enfin, des coopérations existent déjà au niveau du GIEC et des programmes de recherche en commun : leur essor est indispensable, non seulement pour partager les vastes champs de recherche fondamentale et leurs très lourds investissements, pour partager ainsi les connaissances, mais également pour permettre des transferts technologiques vers les pays en développement car, en plus des raisons éthiques, les pays développés ont tout intérêt à ce que le développement se fasse ailleurs avec des technologies et des énergies propres.
Il est par ailleurs nécessaire de convaincre et d'associer les entreprises comme les personnes à ces objectifs, ce qui suppose une nécessaire évolution des consommations et des comportements pour une plus grande sobriété énergétique, cela ne signifiant pas une diminution du confort. Pour cela il faut informer régulièrement la population, mettre en place un débat national sur les politiques à mener, les résultats des recherches et les évolutions de comportements souhaitées.
Bien entendu, le CES se place dans la perspective du développement durable, dans sa dimension environnementale, économique, sociale et temporelle. Il entend faire oeuvre pédagogique pour synthétiser, sensibiliser et diffuser audelà des experts les informations et les problématiques concernant les défis de l'énergie. Il veut également montrer comment les partenaires économiques et sociaux, les forces organisées de la société, peuvent se mettre d'accord sur des propositions, en réponse à des défis si grands, de façon que par l'information et le débat public réguliers, chacun ait la possibilité de se les approprier et d'en être acteurs.
Car, si les pays développés ont vécu deux siècles d'énergie abondante, peu chère et très souple d'usage, cette époque est désormais révolue, et la nouvelle situation appelle un nouveau système énergétique durable. Pour que les résultats soient au rendez-vous, il ne faut pas attendre. Ce projet d'avis n'avait pour but que de montrer que cet avenir est possible.
source http://www.ces.fr, le 28 décembre 2006
La politique énergétique dans son ensemble, ses orientations stratégiques en matière de recherche et de production, présentent effectivement des enjeux majeurs. La prise de conscience de ces enjeux par nos concitoyens est aujourd'hui réelle, notamment du fait des prix du pétrole durablement élevés, qui oscillent entre 55 et 75 dollars par baril et entraînent avec eux les prix des autres énergies. Les Européens ont ainsi brutalement redécouvert ce que signifiait la sécurité d'approvisionnement électrique à l'occasion des récentes coupures et les risques encourus dans ce domaine. Car l'énergie est devenue un enjeu majeur de coopération internationale, et les menaces sur le gaz ont accéléré un dialogue renforcé entre les pays producteurs et les pays consommateurs.
Les enjeux environnementaux liés au changement climatique sont également au premier plan des préoccupations de nos concitoyens et identifiés comme tels dans le texte discuté aujourd'hui. Le récent rapport Stern sur l'économie du changement climatique est sans équivoque : agir dès maintenant dans la lutte contre le changement climatique ne pourrait nous coûter que 1 % du PIB mondial, agir trop tard nous coûtera jusqu'à 20 % de ce PIB avec, sur certaines zones, des impacts encore plus considérables. Nous avons conduit au niveau national des travaux de même nature, et le groupe « Facteur 4 », présidé par Christian de Boissieu, a remis ses conclusions le 9 octobre dernier.
Ces rapports, riches et fournis, traitent tout autant de politique énergétique que de politique climatique. Ils mettent en particulier l'accent sur trois grandes priorités : il faut un passage à l'action immédiat, un cadre de l'action nécessairement international, une augmentation considérable de l'effort de recherche et développement public, dans le domaine de l'énergie en particulier.
Je voudrais revenir sur chacun de ces points, particulièrement importants et évoqués dans votre projet d'avis, plus particulièrement sur le troisième point qui en constitue l'objet principal.
Pour ce passage immédiat à l'action, avec la loi de programme du 13 juillet 2005 fixant les orientations de politique énergétique, la France s'est dotée d'orientations claires et chiffrées pour préparer l'avenir. Ainsi la loi fixe les quatre grands objectifs de la politique énergétique française pour les trente ans à venir : contribuer à l'indépendance énergétique nationale et garantir la sécurité d'approvisionnement, assurer un prix compétitif de l'énergie, préserver la santé humaine et l'environnement, en particulier en luttant contre l'aggravation de l'effet de serre, garantir enfin la cohésion sociale et territoriale en assurant l'accès de tous à l'énergie.
Pour les atteindre, quatre axes majeurs ont été définis, qui recoupent les propositions du rapporteur : maîtriser la demande de l'énergie, diversifier le bouquet énergétique, développer la recherche et l'innovation dans le secteur de l'énergie et assurer des moyens de transport et de stockage adaptés aux besoins.
La loi fixe également des objectifs chiffrés ambitieux : soutenir l'objectif international d'une division par deux des émissions mondiales de gaz à effet de serre d'ici 2050, ce qui nécessite une division par quatre ou cinq des émissions pour les pays développés - le fameux « Facteur 4 », absolument indispensable pour arrêter les problèmes climatiques actuels, réduire l'intensité énergétique de notre économie, arriver à une stabilisation de notre consommation vers 2020 et produire 10 % des besoins énergétiques français à partir de sources d'énergie renouvelables à l'horizon 2010, avec des objectifs chiffrés pour l'électricité renouvelable à hauteur de 20 %, la chaleur renouvelable et les biocarburants à hauteur de 7 %.
La loi de programme sur les orientations de la politique énergétique prévoit également le maintien de l'option nucléaire en France. Enfin une place toute particulière est réservée aux actions de recherche et développement sur l'énergie. Une stratégie nationale de recherche sera ainsi publiée par le gouvernement et révisée tous les cinq ans.
Le cadre de l'action est nécessairement international et je voudrais revenir un instant sur cet aspect. Le défi climatique est global : c'est chaque point de la planète qui est menacé et chacun des États qui doit prendre des mesures de limitation de ces émissions.
Les pays les plus avancés, dans leur développement comme dans leur technologie, doivent apporter leur soutien aux autres, notamment par le transfert des technologies et des pratiques sobres en carbone, et par leur diffusion. C'est ce volet de l'action internationale auquel on pense habituellement le plus spontanément. Mais il en est un autre, à mon sens encore plus primordial pour rendre l'action possible, qui concerne la compétitivité des secteurs d'activité exposés à la concurrence internationale. Notre ambition doit être de mettre en place une économie sobre en carbone, compétitive, prospère et qui puisse être utilisée comme modèle par les autres pays : dans ce contexte, la délocalisation de notre industrie vers des pays moins soucieux de l'environnement n'est pas la solution. L 'effort en matière climatique doit donc être partagé équitablement entre les différents pays, ce qui n'est pas le cas quand les plus gros émetteurs - les Etats-Unis aujourd'hui et demain la Chine et l'Inde - diffèrent leur engagement.
C'est exactement le dilemme auquel se trouve confrontée l'Europe avec la mise en oeuvre de la deuxième période de la directive sur les permis des émissions de gaz à effet de serre. Il faut en effet concilier le désir de faire toujours mieux en termes environnementaux et la survie de l'industrie européenne face à ses concurrents américains ou asiatiques, qui ne sont soumis ni aux mêmes contraintes ni aux mêmes coûts.
Pour surmonter cet obstacle, la France a proposé à ses partenaires une réflexion sur la mise en place d'une taxe extérieure sur le carbone, qui rétablisse l'égalité entre les produits européens soumis à la contrainte carbone et leurs homologues internationaux. Un tel instrument pourra s'avérer ardu à définir et à mettre en place, mais il est nécessaire. Même si on est loin ici de la technologie, c'est bien un sujet sur lequel il nous faudra exercer tous nos talents, car c'est un véritable verrou pour l'action au niveau international.
Enfin, intensifier l'effort de recherche dans le domaine de l'énergie est une nécessité. Ceux qui maîtriseront les technologies énergétiques du futur, pour reprendre le titre de votre projet d'avis, auront acquis un avantage décisif.
La loi du programme du 13 juillet 2005, que j'ai déjà évoquée, prévoit la mise en place d'une stratégie de recherche dans le domaine de l'énergie. Définie pour une période de cinq ans, cette stratégie précise les thèmes prioritaires de la recherche dans le domaine énergétique et organise l'articulation entre les recherches publique et privée. Un projet rédigé par mes services et ceux du ministère chargé de la recherche fait d'ailleurs l'objet de consultation actuellement.
À mon sens, deux objectifs majeurs doivent être pris en considération pour la détermination des orientations stratégiques : la maîtrise de l'énergie et la sécurité d'approvisionnement, afin d'être plus indépendant des énergies fossiles, de les utiliser plus efficacement et de promouvoir une croissance sobre en énergie ; la lutte contre l'accroissement du réchauffement climatique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Comme le souligne à juste titre le projet d'avis, l'objectif de division par quatre de nos émissions suppose des progrès très substantiels en matière d'efficacité énergétique et d'introduction de nouvelles technologies. J'ai déjà évoqué le cas de l'industrie et sa situation spécifique au regard de la concurrence internationale. Deux secteurs d'activité contribuent aujourd'hui tant à la croissance de la consommation énergétique qu'à celle des émissions de gaz à effet de serre : le bâtiment et les transports. Dans les deux cas, les perspectives d'amélioration sont réelles. La recherche énergétique devrait donc porter une attention particulière aux percées envisageables dans ces deux domaines structurants pour les évolutions énergétiques à venir.
Compte tenu des constantes de temps dans le domaine de la recherche, la disponibilité industrielle et la pleine efficacité de technologies contribuant à réduire les émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2050 supposent de s'engager d'ores et déjà sur la trajectoire correspondante. Cela implique que, vers 2020, les premiers produits technologiques aient été élaborés et soient disponibles sur le marché. Une stratégie de recherche efficace se devra d'articuler ces deux horizons temporels.
Concernant les technologies de production peu émettrices de gaz à effet de serre, quelques domaines prioritaires peuvent être identifiés, comme le souligne votre projet d'avis, qui parle, lui, de ruptures nécessaires. Premièrement la préparation des technologies nucléaires du futur, dans laquelle la France est fortement engagée avec les générations III et IV, Iter, la loi sur la gestion durable des déchets. Deuxièmement, l'utilisation accrue et optimisée de la biomasse, pour laquelle la France dispose d'instruments et a mis en oeuvre des actions sur le développement des biocarburants, son avance sur les autres pays dans ce domaine étant flagrante. Troisièmement, l'optimisation des technologies liées à l'emploi des énergies renouvelables, pour lesquelles il faut accélérer la recherche. Enfin , la capture et le stockage du dioxyde de carbone, système coûteux qui pose problème, ne serait-ce que pour la réduction des émissions. Il en va de même pour le secteur de l'hydrogène : les véhicules prototypes développés induisent des problèmes de coût et des risques qui font douter de leur acceptation par les citoyens.
À ce sujet, il convient de faire trois observations. Sur les énergies renouvelables, il nous faut privilégier les usages où elles se substituent à des consommations d'énergie fossile : la production de chaleur et de carburant à partir de biomasse est bien un enjeu pour notre pays. Sur les énergies renouvelables électriques, une réflexion sur l'utilisation décentralisée apparaît pertinente pour la prise en compte des besoins nouveaux. Enfin, le développement de nouvelles options énergétiques doit s'insérer dans l'univers social. Il y a donc un réel enjeu de recherche dans les interactions entre technologies et formes d'organisation sociale, afin de bâtir un modèle énergétique durable et efficace. À ce propos, l'ouverture des dix-huitièmes comités locaux sur le nucléaire devrait servir d'exemple aux autres pays pour qu'ils cessent de considérer le nucléaire comme un sujet tabou.
Afin de suivre les recherches en matière énergétique, nous nous sommes dotés, en sus des organismes existant, de deux agences : l'Agence nationale de la recherche et l'Agence de l'innovation industrielle. La première consacre dès cette année 350 millions d'euros à la recherche, dont environ 80 sur les nouvelles technologies de l'énergie ; la seconde traite des projets intégrés dont certains ont une forte composante énergétique comme HOMES, pour un bâtiment économe en énergie, BioHub, pour la valorisation de ressources agricoles, NeoVal, système de transport modulaire sur pneus, ou encore VHD, projet de véhicule hybride diesel électrique.
Enfin à travers le programme budgétaire de recherche dans le domaine de l'énergie, ce sont plus de 660 millions d'euros qui sont répartis entre ces opérateurs pour les différents domaines.
En conclusion, l'énergie est aujourd'hui au coeur des préoccupations de nos concitoyens, tant sur les aspects liés à la sécurité des approvisionnements et à son prix que pour ses impacts environnementaux. Avec la loi du 13 juillet 2005, nous nous sommes dotés de véritables orientations de long terme ainsi que des outils pour les atteindre. La loi donne toute sa place à la recherche et la diffusion de nouvelles technologies, et demande qu'une stratégie soit mise en place et revue par le Parlement à cet effet.
Il est important que des rapports comme celui que vous examinez aujourd'hui éclairent nos travaux et puissent constituer des éléments de référence. Je remercie donc encore une fois le Conseil économique et social de s'être emparé du sujet et d'avoir organisé cette discussion, mais aussi la rapporteure pour la qualité de sa présentation.
Au plan français, il s'agit d'utiliser tous les outils à disposition, et l'on voit déjà l'État agir par l'établissement de règlements, de programmations, par l'axe énergie de la recherche publique, par la fiscalité, les prix de rachat ou les campagnes publiques par exemple. Au plan européen également, au-delà des livres verts et blancs et des actions et programmes déjà en cours, au-delà de la création d'une Agence exécutive pour l'énergie intelligente et des coopérations existantes, le CES exprime une nouvelle fois fortement - il l'a déjà fait en 1995 -le besoin d'une politique européenne de l'énergie, d'une politique forte. Au plan international enfin, des coopérations existent déjà au niveau du GIEC et des programmes de recherche en commun : leur essor est indispensable, non seulement pour partager les vastes champs de recherche fondamentale et leurs très lourds investissements, pour partager ainsi les connaissances, mais également pour permettre des transferts technologiques vers les pays en développement car, en plus des raisons éthiques, les pays développés ont tout intérêt à ce que le développement se fasse ailleurs avec des technologies et des énergies propres.
Il est par ailleurs nécessaire de convaincre et d'associer les entreprises comme les personnes à ces objectifs, ce qui suppose une nécessaire évolution des consommations et des comportements pour une plus grande sobriété énergétique, cela ne signifiant pas une diminution du confort. Pour cela il faut informer régulièrement la population, mettre en place un débat national sur les politiques à mener, les résultats des recherches et les évolutions de comportements souhaitées.
Bien entendu, le CES se place dans la perspective du développement durable, dans sa dimension environnementale, économique, sociale et temporelle. Il entend faire oeuvre pédagogique pour synthétiser, sensibiliser et diffuser audelà des experts les informations et les problématiques concernant les défis de l'énergie. Il veut également montrer comment les partenaires économiques et sociaux, les forces organisées de la société, peuvent se mettre d'accord sur des propositions, en réponse à des défis si grands, de façon que par l'information et le débat public réguliers, chacun ait la possibilité de se les approprier et d'en être acteurs.
Car, si les pays développés ont vécu deux siècles d'énergie abondante, peu chère et très souple d'usage, cette époque est désormais révolue, et la nouvelle situation appelle un nouveau système énergétique durable. Pour que les résultats soient au rendez-vous, il ne faut pas attendre. Ce projet d'avis n'avait pour but que de montrer que cet avenir est possible.
source http://www.ces.fr, le 28 décembre 2006