Interview de M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du gouvernement, sur "BFM" le 11 janvier 2007, sur le commerce extérieur et les exportations, sur la croissance économique et sur la valeur de l'euro.

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Média : BFM

Texte intégral

Bonjour monsieur Copé.
Bonjour.
Q- Merci beaucoup d'être sur BFM ce matin. On va parler ensemble de l'euro, mais on a une petite batterie d'indices, on se demande si on n'est pas face à une France qui cale sur la fin de l'année 2006.
R- Non, non, je crois qu'il ne faut pas exagérer. D'abord, je voudrais dire, je viens d'entendre la chronique qui vient d'être faite, du commerce extérieur...
Q- Oui, ça réveille.
R- Ce n'est même pas que ça réveille, c'est que je suis désespéré d'entendre qu'on puisse à ce point être négatif sur la situation, et qu'on soit incapable de mesurer les progrès accomplis par notre économie.
Q- Allez-y.
R- Je voudrais quand même rappeler, sur le commerce extérieur, puisque votre chroniqueur en a parlé avec une science consommée, que ce n'est pas mal de regarder ce qui se passe dans les autres pays, mais aussi de regarder là où ça marche un peu moins bien. La Grande-Bretagne et l'Espagne accusent des déficits beaucoup plus lourds que le nôtre, beaucoup plus lourds. Le déficit français, sur le commerce extérieur, c'est 1,5% du PIB. Alors évidemment, on aimerait être en excédent, mais on a des exportations qui sont dynamiques et je rappelle que le déficit aux Etats-Unis c'est 8% du PIB et que c'est 10% en Grande- Bretagne contre 1,5% pour la France. Donc, je me permets de le dire parce qu'il y a un moment où il faut arrêter de taper sur nous-mêmes en permanence, parce qu'effectivement après, il ne faut pas s'étonner que le moral soit parfois un peu moins bon, que certains aient le blues. Et quant aux actions qui ont été menées pour aider à l'export et notamment
pour les PME, c'est justement ça qui a permis à de nombreuses PME de commencer enfin, même si ce n'est pas dans la mentalité française, à se déployer, et notamment à se déployer en Asie. Alors, quant aux autres indications...
Q- Oui, un mot de la croissance quand même, J.-F. Copé, parce que malheureusement je vais être obligé de vous resservir vos propres arguments, c'est-à-dire que là, pour le coup, on a peut-être été
beaucoup trop optimiste. Est-ce qu'on ne regrette pas, quand même, les déclarations triomphalistes du printemps dernier ?
R- Non, écoutez, nous avons toujours dit, que ce soit T. Breton ou moi-même, que nous tiendrions dans la fourchette de prévisions entre 2 et 2,5% de croissance, et donc même si nous serons sur la partie basse, nous n'en resterons pas moins à tenir notre objectif de croissance entre 2 et 2,5, donc je crois que là-dessus il n'y a pas de changement par rapport aux prévisions que nous avons faites. C'étaient des prévisions qui appliquaient le principe de précaution, et je crois qu'on a tout à fait bien fait. Mais enfin, je voudrais quand même rappeler que tout ça doit être mis en perspective. L'emploi, par exemple, on a un taux de chômage qui est de 8,7%, c'est son plus bas niveau depuis 2001, et on se rapproche du taux de 8,6 qui est le meilleur résultat obtenu depuis 25 ans. Pardon de vous donner des chiffres, mais...
Q- Non, mais c'est très intéressant, allez-y.
R- Il faudrait bien avoir ça en tête. J'ajoute, pour quand même voir les choses, c'est que là où les socialistes avaient bénéficié d'une très forte croissance à la fin des années 90, avec une baisse du chômage, ils avaient fait, pour l'essentiel, de la création d'emplois publics, alors que là, pour 95% cette baisse du chômage c'est le résultat des créations d'emplois dans le secteur privé, parce qu'on a justement assoupli les conditions d'embauche sur le marché du travail.
Q- Mais c'est vrai quand même, J.-F. Copé, que vous n'arrivez pas à raccrocher- nous n'arrivons pas collectivement - à raccrocher la croissance de la zone euro.
R- Ecoutez, moi je veux bien entendre ça, mais enfin, de la même manière je suis quand même obligé de vous dire qu'en moyenne nous avons un taux de croissance qui, au sein de la zone euro, est tout à fait honorable, comme d'ailleurs y contribue le fait qu'on a, de manière très significative, baissé le déficit du budget de l'Etat, puisque vous le savez, on va être en dessous de 40 milliards d'euros et que d'autre part on a un nombre de créations d'entreprises très important, 1 million d'entreprises créées en 5 ans. Enfin, moi je veux bien qu'on passe son temps à regarder le verre à moitié vide, mais je trouve que pour une économie française qui a connu des années difficiles, ce n'est quand même pas si mal !
Q- Ce n'est pas si mal, mais on sent bien, tout autour de nous en Europe, une forme de redécollage, et l'Allemagne en est le plus bel exemple, et on a l'impression que nous on reste au taquet, voilà. C'est ça l'inquiétude fondamentale sous-jacente dans l'ensemble des discours qu'on peut entendre aujourd'hui.
R- Ecoutez, moi ce que je voudrais vous dire sur ce point c'est qu'il faut rassurer vos auditeurs, parce qu'en réalité, d'un mois à l'autre il peut y avoir ici ou là des variations, mais globalement nous avons fait une bonne année 2006, et que c'est vrai que notre niveau de consommation et d'investissements a été suffisamment tonique pour que les choses soient bien tenues. Je voudrais quand même rappeler que les baisses d'impôts ont largement contribué à tenir aussi la croissance, que ce soit la baisse de l'impôt sur le revenu ou la baisse d'un certain nombre d'impositions qui portent sur les entreprises, et que d'autres baisses d'impôts arrivent, notamment la réforme de la taxe professionnelle. Ça va plutôt dans le bon sens.
Q- Juste un mot, J.-F. Copé, et ça va aller dans votre sens, sur la facture énergétique, puisque Le Figaro Économie nous a révélé le chiffre aujourd'hui, donc on a une flambée de 19%, ça ne remet pas en cause vos objectifs de déficit budgétaire ?
R- Non, pas du tout.
Q- C'est intégré, évidemment.
R- Oui, bien sûr, mais je voudrais dire sur ce sujet, les mêmes qui sont dans tous leurs états quand l'euro est un peu fort, sont également très inquiets quand l'euro est un peu plus faible. Je sais, c'est aussi dans le mal français, c'est un peu comme votre copain qui a parlé tout à l'heure pour expliquer que tout était fichu, moi je voudrais quand même lui dire qu'il y a des moments où il faut regarder aussi les choses positives.
Q- Là, l'euro nous a protégés, sur la facture énergétique.
R- Mais l'euro ne cesse de nous protéger, c'est ça que je voudrais vous dire S. Soumier. Alors, je sais qu'il y a eu cette polémique, tout à fait justifiée, lorsque l'on a lancé l'euro...
Q- Non, non, attendez ! Il y a eu une polémique beaucoup plus récente, lancée par votre candidat préféré, qui nous a parlé de l'autisme de la Banque Centrale et qui a eu l'air de dire que l'euro était un " bloqueur " de croissance.
R- Non. Enfin, en l'occurrence, pour ce qui me concerne, la seule chose
que je peux vous dire concernant l'euro, moi je ne suis pas dans mes
fonctions à faire de commentaires sur la politique de la Banque
Centrale, mais par contre sur l'euro, le moins qu'on puisse dire, c'est
qu'elle nous a protégés de toutes les dévaluations compétitives, c'est
que sans l'euro on aurait eu une crise énergétique majeure, en terme de
prix, et enfin, dernier point, que le fait que l'euro baisse un peu en ce
moment, alors que dans le même temps le prix du baril a
considérablement baissé, puisqu'on est à 55 dollars...
Q- 53 en ce moment.
R- ...53, permet d'atténuer les choses. Donc, encore une fois, nous avons beaucoup d'éléments qui vont dans le bon sens, je me permets de le dire, parce qu'il est quand même grand temps de mesurer le chemin accompli par notre économie en 5 ans, elle n'est plus du tout de même nature, elle est beaucoup plus internationalisée qu'avant, beaucoup plus adaptable qu'avant, et même s'il y a encore des contraintes, il faut les alléger, eh bien le combat doit continuer.
Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 11 janvier 2007