Déclaration à la presse française de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, notamment sur le fonctionnement des conférences internationales, l'élargissement de l'OTAN et les relations franco-américaines et franco-allemandes, New York le 23 juin 1997.

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Circonstance : 21ème session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations unies sur l'environnement et le développement (CNUED) à New York du 23 au 27 juin 1997 (sommet de la terre)

Texte intégral

Un des aspects utiles de la rencontre à New York sur le plan personnel c'est que cela m'a permis beaucoup de rencontres, et 15 jours après ma prise de fonctions, cela me permet d'avoir vu, entre Amsterdam, Denver et New York, de nombreux ministres. A Denver, j'ai vu longuement M. Primakov, Mme Albright, j'ai revu M. Kinkel et je dois aller le voir bientôt à Bonn. Nous allons passer une journée ensemble. J'ai revu M. Cook que je dois également aller voir à Londres dans le courant du mois de juillet, j'ai revu le ministre italien, j'ai passé un long moment à Amsterdam avec le ministre espagnol. J'ai vu les ministres japonais et canadien... Tout cela, c'est le côté moins visible, moins spectaculaire des sommets, comme cela a toujours été le cas d'ailleurs pour les ministres des Affaires étrangères dans tous les sommets du G7.

Vous savez, j'ai participé, à un rang plus modeste, dans des délégations, à dix sommets déjà. Donc je crois que j'ai une bonne vision panoramique de ce que sont les sommets du G7 depuis longtemps. L'une des priorités, c'est de se recaler, de voir où en sont les uns et les autres sur l'ensemble des sujets. Dans les sommets du G7, derrière la grosse machinerie que vous observez en priorité, ce qui est bien naturel, c'est-à-dire la machine de la discussion à 7 - plus de 7 en réalité, 8, et plus de 8 - parce que derrière le système, les grandes déclarations, les grands sujets macro-économiques et les grands sujets qui viennent, tels que l'environnement ou certaines maladies, il y a ce travail politique qui est fait un petit peu dans l'ombre du sommet, à peu près chaque fois. Il n'y a pas de différence notable d'un sommet à l'autre par rapport à cela, et ce travail est très utile car il permet de balayer l'ensemble des sujets d'actualité ou de crise politique du moment. J'ai trouvé très intéressant le dîner et la journée animés par Mme Albright. C'est logique, c'était elle la présidente avec l'ensemble des ministres et les directeurs politiques. Sur le plan personnel, c'est très utile et c'est une remise dans le bain, disons, rapide et efficace. Après on tombe sur les différents sujets du volet politique parce que, encore une fois, les ministres des Affaires étrangères ne traitent pas, ne discutent pas, de ce qu'il y a dans la grande déclaration générale, sauf ce que vous voyez apparaître dans un des deux communiqués qui est la partie émergée sur certains sujets politiques de l'ensemble des discussions du moment.

Voilà, c'est pour cela d'ailleurs que je n'ai pas la même vue panoramique que certains d'entre vous, j'imagine, parce que j'aurais beaucoup de mal à caractériser l'ensemble du sommet. Ce sont des sujets assez différents, les sujets politiques, économiques, les autres sujets d'actualité, sans parler de l'ambiance et des multiples relations bilatérales. L'utilité pour moi c'est de bien voir ceux que nous avons aujourd'hui comme partenaires.

Q - De plus en plus, la partie officielle de ce genre de grande machinerie offre une image ridicule de la concertation entre grands pays industrialisés (cacophonie, désordre dans la façon dont sont abordés les sujets etc.)...

R - C'est sans doute vrai mais, encore une fois, c'est la partie que les ministres des Affaires étrangères ne connaissent pas. C'est-à-dire qu'on ne travaille pas là-dessus, les sujets politiques sont plus cohérents, plus précis. La grande machinerie, dont vous parlez, est un phénomène un peu ancien car je me rappelle avoir entendu des commentaires de ce genre dans des sommets des années 80 auxquels j'ai participé, notamment dans d'autres sommets sous présidence américaine. C'est le troisième sommet sous présidence américaine que je vois. J'ai assisté au sommet de Williamsburgh, au sommet de Houston et à celui-ci. C'est un peu vrai pour la grande déclaration, depuis qu'on accroche à la concertation essentielle sur la macro-économie, des questions de société, de civilisation, de santé publique. A chaque fois, il y a toujours un ou deux Etats qui ont un certain intérêt : de leur point de vue, est ce que l'on dit certaines choses, est-ce qu'on envoie un signal, est-ce qu'on impulse telle ou telle coopération ? Dans certains cas, cela met en marche de bonnes choses, dans d'autres cas ce sont des déclarations d'intention. Cela abrite quand même un pullulement de contacts, de séances de travail, que ce soient les séances de travail à 7-8 ou les séances bilatérales. Cela abrite beaucoup de choses très utiles, pas forcément spectaculaires. C'est vrai que c'est peut-être frustrant à commenter ou à analyser mais ce qui s'y passe est assez fécond, indépendamment de la structure même du sommet.

Q - Sur l'Iraq, Tarek Aziz vous a t-il convaincu ce matin de la bonne foi de l'Iraq ?

R - Vous avez une drôle de façon de poser la question. J'ai rencontré Tarek Aziz parce que la France entretient et n'a pas de raison de ne pas poursuivre, un dialogue avec Tarek Aziz. Ces dernières années tous mes prédécesseurs l'ont vu, notamment ici à New York. A chaque fois, c'est l'occasion de rappeler ce qui a été dit, c'est-à-dire que l'on explique à l'Iraq qu'il doit se conformer strictement à l'ensemble des résolutions votées, que c'est la seule façon pour l'Iraq de reprendre la place qui est la sienne dans la région et dans le concert des Nations, et qu'il n'y a pas à ruser par rapport à cela...

Q - ...oui mais lui, il argumente !
R - Naturellement, il argumente. Il argumente dans un autre sens. Il explique que l'Iraq a rempli l'ensemble de ses obligations, que l'Iraq est de bonne foi, etc... Si tout le monde en était convaincu, la résolution récente, qui n'introduit pas de nouvelles sanctions mais qui est un avertissement sévère malgré tout, n'aurait pas été votée à l'unanimité. Mais la question n'est pas de savoir si M. Tarek Aziz m'a convaincu moi, ou si je l'ai convaincu de la nécessité de se conformer strictement aux résolutions. Ce qui est important c'est que, dans ce contexte où la France a une position de strict respect des résolutions qui ont été votées au Conseil de sécurité, position légaliste, que toutes les résolutions soient respectées, pas plus pas moins. Ce qui est important, donc, c'est que ce canal de discussion se poursuive. C'est maintenant établi, c'est régulier. Ce n'est pas vrai qu'avec la France, et il faut que ce soit poursuivi puisqu'il faut que l'Iraq entende cela régulièrement et c'est important.

Q - Est ce que vous avez vu le ministre roumain ?
R - Je n'ai pas vu le ministre roumain, mais j'ai vu le ministre ukrainien il y a quelques instants.

Q - Est-ce qu'en Afrique les positions sont plus antagoniques qu'on le dit entre les Etats-Unis d'un coté et les autres pays de l'autre, les Etats-Unis voulant faire de la macro-économie et les autres pays restant à l'aide au développement ?

R - Ce n'est pas si net que ça. A peu près dans chaque sommet un pays - et ce sont souvent les Etats-Unis - met en avant un thème qui est porteur ou flatteur pour lui et puis les autres pays réagissent en disant : "mais nous n'avons pas attendu le sommet pour y penser". Vous voyez, il y a souvent ce phénomène. Il faut voir que dans un sommet du G7 chacun parle un peu selon sa propre opinion. Quand un pays est président, il a plus de moyen pour exercer ce phénomène d'impact. Alors sur l'Afrique, il y a une initiative américaine qui a cherché à se développer dans le cadre du sommet et la plupart des autres pays, en effet, avec des nuances dans le ton, ont répondu : "oui l'Afrique, c'est important mais c'est tellement important que nous y faisons des tas de choses depuis très longtemps". Et puis, il y a une sorte de clivage entre ceux qui disent, comme les Etats-Unis, que c'est essentiellement affaire de commerce, que c'est une initiative d'investissements privés, d'abaissement des barrières douanières, et ceux qui disent que la situation africaine nécessite les deux approches au minimum. Ce n'est pas absolument tranché. Il y a quand même une façon européenne, peut-être parce qu'il y a une présence européenne, il y a une existence de l'Union européenne dans ce domaine parce qu'il y a les Accords de Lomé, parce qu'il y a toute cette mécanique. Oui, il y a une approche européenne assez nette sur ce sujet. D'ailleurs, sur beaucoup des grands sujets de ce sommet, où les Etats-Unis ont mis en avant leur vision des choses, ce qui n'est pas nouveau, j'ai eu l'impression dans certains cas que certains découvraient la lune ; c'est comme cela depuis qu'il y a des sommets du G7, les autres répondent en rappelant leur approche à eux, leurs sensibilités à eux. Même s'il y a un gros effet d'annonce de la part des pays qui ont les meilleurs moyens en termes d'annonce, rien n'empêche de rappeler ce qu'on fait et pourquoi, lorsque c'est différent.

Q - Mais vous aviez l'air de dire que vous étiez frappé par une véritable approche européenne au Sommet de Denver. Est-ce que c'est vrai sur tout les sujets ?

R - Non, là je parlais de l'Afrique. Non ce n'est pas vrai sur tous les sujets mais sur ce sujet-là, sur les questions d'environnement, c'est assez vrai aussi. Mais souvent, ce n'est pas que l'Europe, puisque l'on retrouve souvent, par exemple, des positions canadiennes qui sont proches, mais aussi japonaises. L'action du Japon en Afrique n'est pas négligeable du tout, c'est un pays donateur important. Donc c'est même plus large que la simple approche européenne. Mais ce n'est pas vrai sur tous les sujets, il y a des combinaisons très variables.

Q - Pour prolonger sur l'environnement, est-ce que la France et l'Allemagne n'auraient pas pu faire une proposition commune? On voit le chancelier Kohl faire sa proposition, le président Chirac faire la sienne...

R - Les propositions ne sont pas du tout antagoniques. Simplement, il y a des sortes de priorités qui ne sont pas les mêmes. La question de la forêt, par exemple, a toujours été extrêmement importante pour les Allemands pour des raisons précises de pluies acides et pour des raisons presque culturelles en réalité. Mais il y a une bonne convergence quand même.

Q - Dans les relations spécialement franco-américaines, voyez-vous une certaine évolution du climat, des rapports entre les hommes, les priorités... ?

R - J'ai l'impression qu'il y a toujours dans les relations franco-américaines la même combinaison de sujets sur lesquels on s'entend et on travaille bien. Par exemple, à l'heure actuelle, la France et les Etats-Unis travaillent de façon assez convergente sur la question de la Bosnie et vous avez en permanence des sujets sur lesquels il y a des différences d'approches, de sensibilité, de priorité. Le langage n'est pas le même, les conceptions ne sont pas les mêmes. Mais c'est comme ça depuis toujours. Vous prenez les relations franco-américaines depuis 50 ans, vous les prenez à peu près n'importe quand et vous avez ce type de situation. En revanche et d'autre part, il ne faut pas personnaliser à l'excès parce que, que les déclarations au Sommet soient bonnes ou soient "fraîches", cela ne change pas grand chose dans la proportion des sujets d'accord et des sujets de désaccord. La différence, me semble t-il, est que, depuis 1991, on est dans un monde différent qui n'est plus un monde bipolaire mais qui est un monde global. Alors, il y a évidemment une situation qui n'est pas tout à fait la même. Voilà le principal changement. Je ne vois pas de changement franco-américain.

Q - C'est un changement qui sert avant tout les Etats-Unis ?
R - Oui, depuis 1991, les Etats-Unis sont dans une situation, disons prédominante, pour employer le terme kissingerien. Donc cela a des conséquences un peu sur tous les plans et la France doit se situer par rapport à cela, aussi bien sur un plan français que sur un plan européen. Maintenant, vous savez, je fais cette réponse d'ailleurs en général sur beaucoup de sujets, y compris sur les relations franco-allemandes. Il y a toujours, au point de départ, des différences nombreuses sur des tas de sujets. Donc il faut juger la qualité des relations, non pas sur une harmonie imaginaire, pré-établie qui n'existe entre aucun pays - les pays sont différents par construction - mais sur la capacité politique que l'on a à traiter des sujets différents quand ils arrivent. Quand les différences se manifestent, que fait-on ? Est-ce qu'elles s'enveniment ?
Est-ce qu'elles sont développées parce qu'elles deviennent publiques, un peu irréversibles, ou, au contraire, est-ce qu'il y a des mécanismes pour se parler, pour discuter, pour ramener les différences au minimum de ce qu'elles sont en réalité et pour bâtir un accord par-dessus ? C'est le travail de la diplomatie. Et c'est vrai pour de nombreux sujets.

Q - Si on prend le cas de l'OTAN par exemple, on n'a pas l'impression que la discussion fasse avancer les choses parce qu'en définitive il y a deux positions qui sont tout à fait contraires.

R - Cela, c'est un peu propre à l'OTAN. Vous voyez que finalement les conclusions du Sommet du G7 vous paraissent vagues et générales, mais elles le sont souvent parce que des éléments de contradiction étaient présents, parce qu'il a fallu chercher la synthèse et que personne n'est en mesure d'imposer strictement son point de vue. Je ne parle pas en terme de communication, parce qu'en terme de communication, chacun peut toujours dire après "j'ai gagné, parce que...". Dans les communiqués vous voyez qu'il y a deux sortes de synthèses qui se font. Au sein de l'OTAN, c'est un peu plus compliqué. Mais ce n'est pas un problème franco-américain puisque vous avez aujourd'hui neuf pays, je crois, qui sont favorables à un élargissement à 5 alors que les Etats-Unis ont annoncé que, pour différentes raisons internes et autres, ils s'en tiendraient à trois. Mais ce n'est pas franco-américain. Là, c'est un problème entre les Etats-Unis qui ont annoncé 3, et neuf pays qui sont plutôt favorables à 5.

Q - Donc la France a été plutôt mise en position de leader de cette position ?
R - Non pas spécialement, parce que les Allemands et les Italiens, par exemple, sont leaders sur la question de la Slovénie. Les Canadiens ont la même position. Non, ce n'est pas une question franco-américaine. Vous savez on est dans un monde où il y a tout de même 185 pays. On ne peut pas lire tous les sujets en "franco-quelque chose".

Q - Quel est votre scénario pour sortir justement de ce blocage ?
R - C'est une question qu'on a pris en cours de route. Il y a tout un travail de préparation qui a été fait avant, il y a plusieurs volets en plus, il y a le volet français, il y a le volet "réforme de l'OTAN", il y a le volet "élargissement". Il me semble que les Etats-Unis sont assez soucieux d'avoir un bon sommet, je veux dire par là, un sommet qui aboutisse à des conclusions et qui dégage une perspective d'avenir, donc, en bonne logique, ils devrait se soucier du point de vue exprimé par les neuf pays dont je parlais et dégager autre chose que la simple réponse du type : "3, point final".

Q - Vous n'excluez pas un veto ?
R - Un veto... le terme est un peu violent. Un veto de qui ? Je crois qu'aucun des pays participants n'a envie de raisonner en ces termes. Je crois que les Etats-Unis ont entendu beaucoup de choses pendant ce sommet, aussi bien le président Clinton que Mme Albright, sur beaucoup de questions, dont celle là, et que précisément pour avoir un sommet qui ouvre des perspectives d'avenir et non pas l'inverse, ils vont chercher quelque chose. Ils vont chercher une solution, ils vont chercher à combiner cette position un peu abrupte qui a été prise sur "3" et puis des perspectives d'avenir. C'est à eux de voir. Ils emploient l'expression de "porte ouverte", que vous connaissez. Il faut voir ce que cela veut dire, mais étant donné que ce sont eux qui expriment le désir que le Sommet de Madrid soit réussi, c'est un peu à eux d'y mettre du leur.

Q - Quoi qu'il arrive, le Sommet de Madrid sera un succès ?
R - Le succès par rapport à quoi ?
Q - C'est le genre de formule qui est souvent utilisée dans ce genre de situation. Le président Chirac l'utilise souvent.

R - Cela dépend par rapport à quels objectifs. Je crois que, puisque nous tournons autour de la position américaine, ce sont eux qui ont pris cette position avant le sommet, abrupte sur les 3 ; en même temps, ils voudraient que ce sommet se passe bien, qu'il n'y ait pas une opposition entre les uns et les autres qui soit brutale. Donc, je le répète, c'est à eux d'introduire dans la discussion, d'ici à Madrid, des perspectives qui permettent un accord sur la suite.

Q - Sinon la France ira au "clash" ?
R - Non, personne ne parle de "clash". Ce n'est pas un problème français. Ce n'est pas un problème spécialement inventé par la France.

Q - Pourquoi les Américains sont-ils aussi bloqués sur un élargissement à ces 3 pays, et non pas plus ? Est-ce que c'est pour des raisons qui tiennent à la politique intérieure américaine ou est-ce que c'est pour ménager Eltsine qui trouve qu'un élargissement plus large sera plus difficile à supporter ?

R - C'est plutôt à eux qu'il faut le demander. Eux mettent en avant les positions du Congrès. Cela ne fait que reculer votre question. Pourquoi le Congrès ? Ils mettent en avant un élément de coût et ils mettent en avant un élément de consensus, en disant, puisqu'il faut justement aboutir à des décisions sur lesquelles tout le monde puisse être d'accord : on constate que tout le monde est d'accord sur ces 3 pays et qu'au-delà il n'y a pas d'accord. Voilà leur position. Mais là, vous me faites parler à leur place.

Q - Oui, mais vous n'avez pas de soupçons sur ce qui peut guider la position américaine sur le choix de ces pays ?

R - Il n'y a pas à avoir de soupçons. On peut avoir des explications à l'esprit mais il n'y a pas à avoir de soupçon. Le terme est impropre. Je ne connais que les explications qu'ils mettent eux même en avant.

Q - Avez vous eu l'occasion d'évoquer l'atmosphère de ce Sommet avec M. Jospin ?

R - J'en ai parlé avant. Mais qu'est-ce que vous entendez par "l'atmosphère de ce Sommet" ? Depuis 48 heures, je n'ai pas eu de contact direct avec le Premier ministre. J'ai eu beaucoup de contacts avec mon cabinet qui était en contact avec Matignon ou avec les collaborateurs du Premier ministre, mais pas directement. Il n'y avait aucun problème particulier qui imposait cela en réalité. Il n'y a pas de partage des rôles non plus. Il n'y a pas de distribution des rôles.

Q - Est-ce que vous vous êtes fixé une règle non écrite qui fasse que M. Jospin assiste à un Sommet plutôt qu'à un autre, selon les termes abordés, ou cela se fait-il au coup par coup ?

R - Il n'y a pas de règle générale. C'est lui qui a décidé d'aller au Conseil d'Amsterdam, en accord avec le président de la République pour qui cela n'a posé aucun problème. C'est lui qui a décidé de ne pas venir au Sommet du G7 parce qu'il lui semblait qu'il y avait le président, deux ministres, qu'il avait des choses importantes à faire à Paris et que le Sommet du G7 s'y prêtait moins. Je ne sais pas si l'on peut en tirer une règle. C'est plutôt au cas par cas en réalité.

Q - Est-ce que vous avez évoqué une force de maintien de la paix pour
le Congo-Brazzaville à Denver ?

R - Toutes les questions politiques ont été abordées, que ce soit par les ministres ou par les directeurs politiques. Mais c'est une question qui est plutôt traitée ici au Conseil de sécurité.

Q - Cela en prend-il le chemin ?
R - C'est en cours de discussion. La France dans l'affaire de la crise du Congo a appuyé depuis le début toutes les médiations : les efforts du président Bongo, les efforts de l'ambassadeur Sahnoun. Elle a indiqué qu'elle appuierait toute force de maintien de la paix qui pourrait être mise en oeuvre, interafricaine ou des Nations unies. Ce n'était pas un sujet spécial à Denver.

Q - Qu'est-ce que vous attendez de vos entretiens avec Klaus Kinkel le mois
prochain ?

R - Je vais voir M. Kinkel parce qu'il m'a invité. Il m'a invité à venir le voir le plus tôt possible à Bonn. Donc je vais y aller début juillet. Nous allons passer les deux tiers d'une journée ensemble, de façon très informelle et nous allons parler de tous les sujets : les relations franco-allemandes, les suites d'Amsterdam, le Sommet de Denver, le Sommet de l'OTAN... Mais on va en parler d'une façon plus détendue, moins pressée que c'était le cas quand on s'est vu à Poitiers, à Amsterdam ou ici. C'est un type de relation qu'il est très important d'avoir quand il y a un nouveau ministre qui arrive, parce qu'après, quand on a besoin de travailler vite sur tel ou tel point, il faut savoir un peu comment raisonne l'autre. Et j'irai quelques temps après, je vous l'ai dit, voir M. Cook.

Q - Vous irez à Bonn après le Sommet de l'OTAN ?
R - J'irai à Bonn prochainement. Quant au "moteur", vous savez, il y a toujours des sujets sur lesquels on est parfaitement d'accord, des sujets sur lesquels les deux pays ont des réactions différentes, et puis une énergie politique pour surmonter les difficultés du moment. A mon avis, ce qui peut avoir changé avec le temps, ce n'est pas la qualité de la relation franco-allemande, mais ce sont les problèmes eux-mêmes qui sont peut-être devenu plus compliqués. C'est vrai que le fonctionnement de l'Europe à Quinze est un peu plus compliqué que celui de l'Europe à Douze qui est, lui-même, plus compliqué que l'Europe à Neuf. Mais ce n'est pas à cause de la relation franco-allemande : c'est objectivement plus compliqué. Amsterdam était objectivement compliqué. La combinaison du Pacte de stabilité, du nécessaire volet "croissance et emploi", les conclusions de la CIG, négociation elle-même compliquée, avec beaucoup d'aspects... Il y a un contexte qui n'est pas facile.

Q - Une des caractéristiques d'Amsterdam, du moins cela a été ressenti comme cela, a été le côté "frein" que jouait le chancelier Kohl, son refus, par exemple, d'accepter l'extension etc... Ne croyez-vous pas que cela va poser un problème pour l'avenir d'Amsterdam, cette attitude plus repliée de l'Allemagne, par rapport au développement européen ?

R - Vous dites que l'Allemagne est repliée mais le chancelier, principal héros - au sens ancien - de l'euro...
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 octobre 2001)