Interview de M. José Bové, candidat à l'élection présidentielle 2007, à RTL le 2 février 2007, sur les objectifs de sa candidture et le rôle qu'il lui assigne dans le cadre de la gauche antilibérale.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

le 2 février 2007
Q- Vous voilà donc candidat à la présidence de la République, et ça ne doit pas être facile à vivre pour vous. Ecoutez ce que vous disiez en 2003 [voix de J. Bové] : "Il n'est pas question pour moi de me présenter à une quelconque élection politique, qu'elle soit nationale ou européenne"... Pas question que je me présente à une quelconque élection politique. Quatre ans plus tard, vous y êtes.
Pourquoi ? Vous vous faites violence, vous souffrez de la situation ?
R- Non, parce que je crois que quand je disais cela en 2003, la situation était telle que le débat politique, la façon dont les gens vivaient l'engagement, étaient différents d'aujourd'hui.
Q- En quoi ?
R- Ce qui s'est passé c'est que depuis, un certain nombre de choses importantes qui se sont passées dans le pays, et je pense notamment au vote du 29 mai 2005, c'est vrai qu'il y a eu une mobilisation extraordinaire pendant l'année 2004 et le début de l'année 2005. Une mobilisation de citoyens, un débat politique. Et pour la première fois, on a vu une réappropriation du bulletin de vote dans une forme tout à fait nouvelle. Et le débat politique a pu véritablement avoir lieu.
Q- Vous, vous étiez partisan du "Non", le "Non" a gagné et le "Non" est représenté parmi les candidats, aujourd'hui : O. Besancenot, M.-G. Buffet, pourquoi vous, en plus ?
R- Alors ce qui s'est passé, ce qui a été intéressant c'est que suite à ce "Non", il y a des Collectifs qui sont nés. Il y a eu véritablement une formidable mobilisation ; et cette mobilisation a débouché sur la création de Collectifs, sur un travail de fond. Aujourd'hui, de manière très évidente, il y a des partis politiques qui ont participé à cette mobilisation, qui ont décidé de faire cavalier seul, mais les Collectifs sont là, des citoyens sont mobilisés. Et aujourd'hui, ce qui est important, c'est que ces Collectifs des citoyens, plusieurs dizaines de milliers, près de 40.000 aujourd'hui, pensent qu'il faut véritablement qu'on continue ce travail parce que notre candidature peut être utile, peut être utile à la Gauche pour véritablement battre N. Sarkozy. Il est important, aujourd'hui, que N. Sarkozy soit renvoyé au second tour des élections présidentielles.
Q- C'est une des motivations importantes de votre candidature, c'est J. Bové ?
R- Je crois qu'il faut qu'on soit très clair : on n'est pas là pour renvoyer dos à dos la droite et la gauche. C'est évident que nous sommes dans le camp de gauche. Simplement, aujourd'hui, il est évident que la gauche doit être incarnée sur des véritables valeurs anti-libérales et que les gens, si en 2002, ils n'ont pas accepté la candidature de L.Jospin, s'il y a eu cet effet 21 avril, c'est parce que la gauche n'a pas été capable évidemment d'avoir un programme qui soit anti-libéral et qui rompt avec une logique qui est en train de créer des dégâts insupportables.
Q- Par souci de clarté et d'honnêteté, vous pouvez dire, J. Bové, ce matin, sur RTL que les gens qui voteront pour vous, au premier tour, vous les appelerez à voter S. Royal au second tour ?
R- Ce qui est évident, c'est que pour moi, d'abord je ne suis pas propriétaire des voix des gens qui voteront.
Q- Personne ne l'a dit. Vous les appelerez à voter S. Royal.
R- Mais il est évident qu'on fera tout pour que la droite perde ces élections et c'est le sens même de notre candidature, aujourd'hui : il est important que cette mobilisation ait lieu dans la clarté mais en
même temps, sur le fond pour qu'il y ait un projet anti-libéral, un projet écologique qui aille de pair parce que - ça a été dit tout à l'heure un peu dans la chronique - aujourd'hui, on ne peut pas mener ce combat pour un projet anti-libéral si on ne mène pas en même temps un programme par rapport à une défense de l'Ecologie. Et l'écologie ne peut pas se mettre en place, on ne peut pas défendre la Planète dans un cadre libéral. Ce n'est pas possible. C'est d'ailleurs ce qui explique peut-être le retrait de N. Hulot parce qu'il s'est bien rendu compte que les petits gestes de la vie quotidienne, s'ils sont indispensables, ne suffisent pas effectivement à changer l'effet calamiteux du réchauffement climatique.
Q- Vous ne confondez pas droite et gauche J. Bové. Mais S. Royal a appelé à voter "Oui" à la Constitution européenne, en 2005.
R- Je pense qu'aujourd'hui, le débat a été changé. Les Français majoritairement ont voté "Non". Aujourd'hui, il est évident qu'il faut tenir compte de ce que les Français ont dit. Or, aujourd'hui, les Français rejettent une Europe libérale. On a déjà eu le débat dans ce studio. On n'était pas
d'accord ...
Q- Qui ? Vous et moi ?
R- Ah pas avec vous, mais dans le débat avec monsieur Duhamel, par exemple.
Q- Ah monsieur Duhamel, d'accord.
R- On avait débattu de cela il y a quelques mois. Eh bien c'est évident, aujourd'hui, que si on ne prend pas en compte cette volonté de dire, on refuse l'ouverture des frontières à tout va dans une logique libérale, si on ne met pas des freins à la construction d'une Europe financière avec cette Banque Européenne qui reste toujours indépendante, s'il n'y a pas un contrôle politique, etc, etc ... eh bien aujourd'hui, la gauche ira à nouveau à l'échec.
Q- Pour pouvoir être candidat, il faut avoir 500 signatures de personnalités, de maires et d'élus. Vous dites que vous en avez 200 aujourd'hui. Pour aller jusqu'au bout, J. Bové, est-ce que vous attendez le retrait d'O. Besancenot ou M.-G. Buffet ?
R- Je l'ai dit hier. Cette candidature a aussi pour but d'essayer d'aller vers l'unité. L'unité est quelque chose à laquelle on compte. Donc, O. Besancenot s'est présenté au nom de la LCR, M.-G. Buffet au nom du Parti Communiste. Nous, on est tout à fait prêt à ce qu'ils nous rejoignent, il n'y a pas de problème.
Q- Ca, j'imagine. Et s'ils ne se retirent pas, vous n'irez pas jusqu'au bout ?
R- Pour l'instant, on est dans cette dynamique. On a décidé de se présenter. Donc, ...
Q- Est-ce que vous irez jusqu'au bout quoi qu'il arrive, si vous avez les 500 signatures ?
R- Ecoutez, ce qu'on va faire c'est qu'on va évaluer la campagne au fur et à mesure, mais si on annonce sa candidature, c'est pas pour dire : on va se retirer parce que de toute façon, on a juste envie de faire deux tours : une fois à la télé, une fois à la radio, et puis après, on repart. Donc, je pense qu'aujourd'hui, il y a une dynamique qui se met en place. Et on l'a bien vu, hier, des gens de plus en plus nombreux viennent soutenir. Hier dans la journée, 3-4.000 personnes se sont inscrites sur le site pour continuer et participer à cette dynamique. Donc, aujourd'hui, on est prêt à faire le pari qu'on peut changer la donne, le 22 avril.
Q- Sondage CSA - Le Parisien, ce matin : 1% de voix pour J. Bové. Si ça ne monte pas, qu'est-ce que vous allez faire ?
R- Ecoutez, pour l'instant, on a lancé la campagne. Donc, un sondage qui a été fait avant le lancement de la campagne, l'annonce de la campagne. Aujourd'hui, ce qui est important, c'est que la dynamique se mette en place, qu'il y ait de plus en plus de gens qui se mobilisent ; et je crois que c'est important parce qu'il y a beaucoup de gens attendent aujourd'hui qu'il y ait un autre discours que le discours stéréotypé des gens qui ne font que reproduire ce qui est dit dans leur parti et la ligne de leur parti.
Q- Mais spontanément, 1% de voix dans les sondages, ce n'est pas terrible.
R- Mais écoutez, il faut commencer quelque part. L'important, c'est le point de départ. Eh bien voilà. Donc, je pense que c'est déjà très, très bien de pouvoir dire "on démarre". Ce qui est important, c'est de s'engager parce qu'on m'a trop souvent dit : en fait, tu refuses, tu ne veux pas assumer le débat politique. On m'a dit : c'est très facile, le contre pouvoir, vous êtes dans le contre pouvoir, comme ça vous ne prenez pas de risques et vous n'assumez pas vos responsabilités. Souvent maintenant, on me dit : tu démarres ; et puis, ça va faire quoi ? Est-ce que ça vaut vraiment la peine d'y aller ? Alors, là aussi, il faut être cohérent. Moi je dis, j'assume cette responsabilité parce qu'il y a eu ce vote du 29 mai 2005, cette dynamique. Eh bien aujourd'hui, cette dynamique me pousse à assumer cette responsabilité qui est une responsabilité publique.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 6 février 2007