Texte intégral
Je n'ai jamais oublié que ce n'est pas seulement un combat politique, jamais pensé que ce fut seulement un combat de parti, un combat ... et d'élection.
C'est un combat de société et c'est un combat de civilisation.
Dire cela à Strasbourg, devant vous si nombreux, dire cela sur la terre de l'homme dont j'ai été le jeune et respectueux ami, le collaborateur dont nous fêtions il y a quelques jours, à la Cathédrale, le centième anniversaire de la naissance, dire cela sur la terre de Pierre Pflimlin, c'est pour moi un honneur et une fierté. De le dire avec vous, c'est une espérance.
Vous savez le combat que nous sommes en train de mener et vous savez ce que le peuple français entend de ce combat. Vous savez à quel point, par centaine de milliers et par millions, les Français nous rejoignent parce qu'ils ont aperçu que, alors qu'on leur présentait depuis des mois les choses faites, on leur disait, comme chaque fois, que ce n'était même pas la peine qu'il se déplace pour le premier tour de l'élection présidentielle, que c'était joué et que l'on pouvait leur annoncer à l'avance le nom des deux finalistes et que Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, l'UMP et le PS et le Sarko/Ségo et Ségo/Sarko, cet aller et retour, c'était leur destin qui était fixé et que, désormais, il leur restait à choisir entre les deux candidats officiels.
Eh bien, le peuple français a décidé, comme chaque fois, que la démocratie chez nous, que la République chez nous, cela avait un sens et qu'il allait changer les choses pour montrer que c'est lui le peuple souverain et qu'il était décidé, une fois pour toutes, à montrer qui était le patron dans la République française.
Ce n'est pas sans raison que l'on croit que le peuple français est manipulable. Mes chers amis, il ne l'est pas. Les femmes et les hommes, les citoyens de ce pays forment une communauté civique qui a la connaissance, la mémoire, l'attention et la générosité que beaucoup d'autres ou que des observateurs lui refusent. Ce n'est pas un peuple manipulable, c'est un peuple qui sait exactement où il en est de son histoire.
Il sait exactement ce que lui ont coûté 25 années d'illusion en désillusion, 25 années de promesses non tenues, chaque fois des promesses supplémentaires et chaque fois des désillusions amères.
Le peuple français sait exactement ou l'a conduit ce long chemin de 1981 à 2007.
8 alternances... 8 fois le peuple français a été invité d'aller des uns aux autres et de nouveau des autres aux uns.
8 fois il a vécu ce qu'était l'absurdité d'un événement politique qui faisait que ceux qui arrivent n'ont de cesse que de démolir le plus tôt possible le travail de ceux qui les avaient précédés.
Et que quand on est dans la majorité, on est obligé d'être d'accord avec tous, même si on n'en pense pas un mot et si on est dans l'opposition, on est obligé d'être contre tous, même si on n'en pense pas un mot.
Eh bien, cet affrontement systématique qui fait que l'opposition démolit ce que propose la majorité et qu'après l'alternance la majorité nouvelle démolira ce qu'avait fait la majorité précédente, ce travail-là, ce gaspillage a condamné la France à l'échec où nous sommes aujourd'hui et cet échec, nous pouvons l'énumérer ou en énumérer les éléments, le décliner exactement comme si nous étions un peuple de politologues et de sociologues savants.
Nous, nous savons que le chômage n'a pas reculé, qu'il n'y a pas en France 2 millions de chômeurs comme on comme on nous le raconte, mais 4,5 millions de chômeurs.
Savez-vous que les statistiques sont telles dans notre pays que plus des deux tiers des RMIstes ne sont pas décomptés dans les statistiques du chômage ?
Les statistiques sont telles dans notre pays que les chômeurs d'outre-mer, 300.000, ne sont pas décomptés dans les statistiques du chômage.
Les statistiques sont telles dans notre pays qu'il suffit que vous acceptiez un emploi à temps partiel simplement pour essayer d'en sortir et vous disparaissez à l'instant des statistiques du chômage ; une formation et on vous raye des statistiques du chômage. Je ne dis pas cela pour noircir le trait. Je dis cela parce que j'ai une certitude, un peuple ne peut s'en sortir que s'il y voit clair.
On ne peut balayer la pièce que si la lumière est allumée. On a besoin de faire la clarté, la transparence si l'on veut créer la volonté politique.
Moi, je suis fier que nous soyons un grand courant politique français qui a toujours choisi de dire la vérité pour que se forge, parmi les Français, la volonté qui seule permet d'en sortir.
Je choisis de dire la vérité et vous choisissez de demander la vérité et nous choisissons ensemble d'exprimer la vérité pour que les Français enfin se sortent de l'enlisement où ils sont depuis trop longtemps. C'est une grande ambition et c'est la seule que l'on puisse nourrir pour une nation comme la nôtre.
Je sais ce que sont les dégâts de l'exclusion et vous le savez aussi, il suffit de regarder autour de vous, ces femmes et ces hommes aux minima sociaux comme l'on dit, RMIste comme ils sont souvent, des femmes et des hommes qui n'osent même plus sortir de chez eux parce qu'ils ne veulent pas croiser le regard de leur voisin, n'étant pas capable de répondre à la question : et en ce moment, qu'est-ce que vous faites ?
Ils n'osent même pas dire à leurs enfants quelle est leur situation.
Plus ils sont enfermés dans cette situation, plus ils s'y ferment. Il y a un piège terrible, décrit depuis longtemps, auquel on n'a pas su porter remède, vous en connaissez très bien les causes et les raisons.
On est enfermé dans le RMI parce que l'organisation de l'aide sociale dans notre pays fait que, pour la plupart des RMIstes, quand ils osent reprendre un emploi, ils y perdent.
Est-ce que on n'est pas un pays qui marche sur la tête ?
Au lieu de bâtir un pays dans lequel, pour passer de l'assistance à l'activité ou au travail, on y gagne, on a bâti un pays dans lequel, lorsqu'on passe de l'assistance au travail, on y perd.
Comment voulez-vous y perdre quand vous avez des enfants à charge et que, si vous travaillez, vous devez tout d'un coup payer la cantine, payer les transports.
Vous aviez, la vieille, au RMI, l'exonération des impôts locaux, vous aviez l'exonération de la redevance télévision et au bout de six mois, tout cela vous retombe sur la tête ; s'il faut y ajouter les frais de transport pour aller travailler un peu loin, cela veut dire que vous ne faites même plus cet effort-là.
Nous avons un pays qui marche sur la tête, il faut le remettre sur ses pieds.
L'une des clés pour remettre le pays sur ses pieds, je la connais et je veux la défendre devant vous et tant pis si vous trouvez que c'est une marotte, j'assume la marotte.
Une des clés pour remettre le pays sur ces pieds, c'est l'éducation.
Je sais bien que la mode est de désigner les enseignants au titre de bouc émissaire de tous les échecs de la société française.
Eh bien, Président de la République, je ne laisserai pas faire cette accusation perpétuelle contre le monde de l'éducation et contre le monde enseignant. Je suis pour qu'on le soutienne. Je suis pour qu'on l'aide, je suis pour qu'on le respecte et je suis pour que l'on soit exigeant avec l'éducation nationale, non pas que l'on soit inconditionnel, mais que l'on soit exigeant.
Je peux dire qu'on peut le faire, je l'ai fait pendant des années. Je ne veux pas avoir l'air de dire du bien du ministre de l'Éducation nationale que j'étais il y a de très longues années, très jeune, j'ai vu hier des images à la télévision, pour ceux qui ont suivi cette émission, je me suis vu il y a 13 ans en 1993 et j'ai trouvé que, ma foi, les choses avaient bien changé, je sais pas si c'est en bien ou en mal, en tout cas en maturité, je n'ai aucun doute sur ce point.
Mais je veux rappeler, je le fais régulièrement lorsqu'on me pose des questions sur ce temps-là, qu'il y a un indice certain de la confiance qui s'était nouée entre l'Éducation nationale, son ministre et le peuple français et ceci est aisément vérifiable, c'est que c'est au terme de cette époque, à la fin de 1996, que la confiance exprimée par les parents d'élèves dans l'école du pays a été la plus haute que l'on ait jamais mesuré par des sondages réguliers dans notre histoire récente.
Je suis fier que l'on ait pu, ainsi, faire la preuve que la défiance n'était pas obligatoire entre l'école et la nation.
Je suis heureux des relations que j'ai, à cette époque, noué avec le monde enseignant. J'ai l'intention d'y être fidèle comme candidat aujourd'hui, comme Président de la République demain.
Mais je dis, exigeant. La nation doit garantir, selon moi, les moyens de l'école sans passer sa vie à craindre chaque année que l'on supprime quelques milliers de postes de plus, un nombre d'ailleurs forcément au bout du compte assez faible alors que l'on a de tels besoins d'école et de scolarisation et de suivi pédagogique et de pédagogie différenciée pour ceux qui ont le plus de mal à suivre, je ne crois pas que les problèmes des élèves en difficulté soient seulement des problèmes pédagogiques parce que je crois que lorsque les élèves ont du mal à suivre à l'école, que les élèves n'arrivent pas à apprendre à lire à l'école, c'est très souvent parce qu'ils ont quelque chose de brisé en eux. Il y a tant et tant de difficultés dans les familles, tant et tant de drames muets, tant et tant de crises inavouées, parfois de violences inavouées, parfois pire que, si l'on veut être sérieux, détecter les difficultés précoces des enfants et leur apporter de vraies réponses, ces réponses ne seront pas seulement entre les mains des instituteurs et des professeurs des écoles, elles doivent être aussi entre les mains de psychologues.
Il faut être avec eux pour les accompagner et leur permettre de cicatriser leurs blessures et c'est peut-être comme cela en faisant le détour de : "Je te reconstruis comme enfant" que l'on aura la chance de dire : "Je te reconstruis comme élève."
Ceci est un choix profond pour une société qui veut à voir des valeurs et pas seulement des promesses électorales.
De la même manière, il faudra reconstruire l'université française.
C'est très important, difficile et je peux vous en dire un mot, si vous le voulez bien.
Il est nécessaire de reconstruire l'université française parce que, entre le temps où elle a été bâtie et le moment où elle se trouve aujourd'hui, cette université a changé de vocation.
Personne n'en a réellement pris la mesure. Elle a changé de vocation parce que c'était une université pour l'élite et c'est devenu une université pour le grand nombre.
Ceci est une révolution incroyable qui a entraîné naturellement des difficultés de salles, vous ressemblez assez bien à un amphi comme il y en a aujourd'hui dans les universités !
Des défis de corps enseignant, des défis de recherche, des défis d'épuisement avec des universitaires qui ont l'impression qu'ils vident la mer avec une petite cuillère, qu'ils ont devant eux des élèves qui entrent à l'université sortant de l'enseignement secondaire qui n'ont pas acquis ce qui est nécessaire pour entrer à l'université, c'est-à-dire l'autonomie de la démarche d'étude, l'autonomie.
Les élèves entrent à l'université en croyant que l'université, c'est comme l'enseignement secondaire, qu'il suffit de suivre les cours pour avoir des diplômes et c'est vrai dans beaucoup de cas, que l'assiduité, c'est important, je ne vais pas dire le contraire, comme ancien enseignant, ancien ministre de l'Éducation. Mais la vérité obligerait à dire, si l'on veut leur parler vraiment, qu'à l'université on construit soi-même son propre savoir, on bâtit soi-même son propre chemin. On trace soi-même son propre chemin, on bâtit soi-même ses propres connaissances et il est vrai que l'enseignement secondaire non plus n'a pas fait la mutation nécessaire pour apprendre aux enfants à se comporter de manière autonome en face du savoir, raison pour laquelle j'ai regretté que l'on supprime récemment un certain nombre d'épreuves qui étaient des épreuves d'édification de petites thèses ou de petits mémoires que l'on faisait comme des esprits autonomes et libres, et pas seulement comme des élèves qui répètent ce que les enseignants leur ont appris.
Mais tout cela, nous avons à le reconstruire pour deux raisons profondes.
La première : il y a un drame désormais au sein des familles françaises lorsqu'elle pense à l'université. Il y a un drame parce que le contrat a changé, on ne l'a dit à personne.
Quand les générations plus avancées, la mienne, étions enfants, on savait bien sur quoi reposait le contrat entre l'école et la nation.
Le contrat était simple, c'était : si les enfants travaillent bien à l'école, ils auront une situation meilleure que celle des parents.
N'est-ce pas ?....
C'est ce que l'on a dit dans toutes les familles. C'est ce que l'on a pensé pendant des décennies et cela a été vrai pendant des décennies.
Chacun d'entre nous se souvient, s'il a eu la chance de faire des études, de ce qu'était l'attente des parents en disant : Il a sa licence, il est à l'abri.
Ma mère disait cela. Elle écoute en ce moment, alors je lui dis bonjour derrière l'écran. Ma mère disait cela : si tu as ta licence, tu pourras toujours enseigner.
Cela s'est passé comme cela pendant des générations.
Puis, aujourd'hui on a étendu les diplômes. Il y a beaucoup de bac+4 de bac+5, + 6 de bac++ qui sont chômeurs et, dans les familles, cela crée un séisme parce qu'ils n'ont plus confiance en rien.
Il faut que nous prenions ce problème face à face, les yeux dans les yeux et que nous soyons capables de dire ceci : désormais, nous le savons bien, le diplôme ne garantit plus l'emploi.
Le diplôme ne garantit plus le métier. Donc il faut que nous construisions la deuxième étape derrière le diplôme : tu as un diplôme, il faut que nous t'offrions une formation professionnelle qui conduise à un vrai emploi et cette formation professionnelle, il faut la bâtir avec les entreprises, avec le monde de l'économie parce qu'on ne peut pas abandonner des centaines, des milliers de jeunes tous les ans avec des diplômes qui ressemblent pour eux d'une certaine manière à quelque chose comme de la fausse monnaie.
Moi, je veux que, en France, on reconnaisse que la formation universitaire à sa valeur. C'est bien d'avoir une culture générale, c'est bien de voir une culture générale se spécialiser, il faut ajouter, derrière, que la formation professionnelle doit conduire à l'emploi.
Ceci est le nouveau contrat dont nous avons besoin entre l'université et la société française. Cela signifie aussi, c'est un message un tout-petit peu technique, mais je veux le dire à cette tribune, dans cette grande ville universitaire, qu'il faut aussi que nous changions la manière dont dont nos universités fonctionnent.
C'est trop compliqué, c'est très difficile de comprendre, il y a un labyrinthe de centres de décisions et de conseils. Les présidents d'université n'ont pas les instruments pour diriger réellement 'université.
Il y a un degré d'autonomie à faire intervenir dans les universités françaises et ce sera une grande tâche, très importante, du prochain gouvernement.
Ce n'est pas un enjeu électoral, mais je dis que ce sera très important de même que sera très importante l'exigence et la demande de réconcilier la recherche française avec la société française.
La recherche, nous sommes un pays qui n'est pas habitué à traiter de ces questions, surtout pas dans les moments de campagne électorale, mais nous formons les meilleurs chercheurs de la planète... ce sont les chercheurs qui applaudissent, ils ont bien raison ! Des médailles Field*, c'est l'équivalent du Prix Nobel en mathématique.
Vous savez pourquoi il n'y a pas de Prix Nobel en mathématique parce que M. Alfred Nobel, inventeur de la nitroglycérine avait une femme et cette femme est partie avec un mathématicien. Pour se venger, il a décidé qu'il n'y aurait jamais de Prix Nobel de mathématiques.
Voilà pourquoi, nous avons des médailles Field*.
On forme les meilleurs chercheurs de la planète, les plus honorés, les plus révérés, ceux devant qui tout le monde exprime son respect. Nous les formons et ils vont travailler aux États-unis.
Pour beaucoup d'entre eux.
Regardez la rentabilité de cette opération ! Nous payons des impôts pour assumer la formation intellectuelle, technique et pratique de brillantes jeunes filles et de brillants jeunes garçons. Nous les accompagnons au-delà du baccalauréat, pendant 8, 9, 10 ans, ils achèvent leur doctorat et, à ce moment-là, ce sont les Américains qui retirent les marrons du feu.
Nous avons planté l'arbre, nous avons soutenu l'arbre, nous avons fait pousser l'arbre, nous avons nourri l'arbre, nous avons abreuvé l'arbre, l'arbre produit des fleurs, ce sont les autres qui ramassent les fruits.
Eh bien, ceci n'est pas une réalité acceptable dans un grand pays comme le nôtre.
Y a-t-il une raison à cela ?
Je ne veux pas rester à la surface des choses. Pendant cette campagne, je me suis juré que l'on traiterait les problèmes à fond.
La plupart diront : c'est une question de budget et je ne leur donne pas tort.
Je suis pour qu'il y ait une augmentation régulière et programmée des budgets de la recherche, ne serait-ce que pour que l'on traite et que l'on paie mieux les jeunes chercheurs en France qui sont dans une situation scandaleuse et il est nécessaire de le dire.
Si je vous disais les salaires des jeunes chercheurs, vous auriez honte pour notre pays donc il faut une augmentation régulière et programmée qui permette d'améliorer la situation et le nombre des jeunes chercheurs, mais cela ne suffit pas parce que, dans les autres pays, la recherche est soutenue beaucoup plus largement et profondément pour une raison bien plus profonde, c'est que l'on considère que c'est par la recherche que l'on sélectionne les élites des entreprises aussi bien que du monde de l'État et, en France, ce n'est pas la voie de sélection car nous avons les grandes écoles qui sont absolument remarquables, mais qui forment des ingénieurs et non pas des chercheurs.
Il faut que nous réconcilions les grandes écoles et le monde de la recherche.
Je vous invite à y réfléchir parce que cela, c'est le troisième dossier.
Il faut qu'un jour, bientôt, en France, les entreprises considèrent qu'elles peuvent recruter leurs cadres par la recherche aussi bien que par les grandes écoles et ce sera un grand progrès pour la nation, je vous encourage à applaudir à cet endroit.
Applaudissements.
D'abord parce que cela me permet de boire un coup ! Ce qui est une chose nécessaire et puis, il y a un chantier que nous devons absolument traiter.
Je me suis juré qu'il n'y aurait aucune prise de parole de moi pendant cette campagne électorale, et je tiens ma promesse tous les soirs et à toutes les émissions, sans que nous nous parlions, comme cadre à cette campagne électorale, de la honte que représentent les milliers de milliards de dette que nous avons laissés sur les épaules de nos enfants et que nous creusons tous les ans par un déficit scandaleux.
Si nous avions le courage de leur dire la vérité, eux, les plus jeunes qui sont là, qui sont des centaines et des milliers, qui ont 20 ans, ceux-là devraient manifester sous la fenêtre des gouvernants de la France et ils devraient dire : nous n'acceptons pas le sort auquel vous allez nous condamner si vous continuez à ne rien faire parce que, des dettes, le savent-ils, il y en aura deux : la dette financière que l'on paît déjà, chaque famille, entre 2 et 3000 euros tous les ans, alors ne vous étonnez pas si les feuilles de paie à la fin du mois sont plus légères que ce que l'on espérait, mais que l'on va payer encore plus au fur et à mesure ; cette dette va s'alourdir en espérant que les taux d'intérêt n'augmentent pas parce que, si les taux d'intérêt augmentent, sachez-le, nous sommes assis sur une bombe.
Donc, si nous pouvons prier, prions pour que la Banque Centrale Européenne dont tout le monde dit du mal, fasse en sorte que les taux d'intérêt pour la France demeurent aussi bas qu'ils le sont aujourd'hui. Sans cela, vous allez sentir passer l'addition et, moi, je dis merci à ceux qui font en sorte que la confiance dans la monnaie soit telle que, sur les marchés financiers on prête aujourd'hui à la France à 50 ans à 3,85 %.
C'est le taux le plus bas depuis 300 ans.
Espérons que cela va durer comme cela, mais ne laissons pas se creuser ce déficit et cette dette. Ayons le courage de dire qu'il faut interrompre cette glissade perpétuelle et si vous êtes d'accord avec ce point de vue, alors il faut que vous demandiez des explications à d'autres candidats à cette élection.
Je vous invite à demander des explications à Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal qui, tous les soirs, dans leur discours, promettre des dizaines de milliards de dépenses supplémentaires et, pour l'un d'entre eux, en plus, de baisser les prélèvements obligatoires et les recettes du pays.
Nous, nous pensons et nous disons, et je prends l'engagement devant vous, qu'il n'y aura pas, dans notre programme, de recette qui ne soit équilibrée par des économies de manière que nous puissions regarder nos enfants en face et de ne pas leur laisser le fardeau que nous sommes en train de leur abandonner par lâcheté.
Et ce que nous laissons comme fardeau à nos enfants, ce n'est pas seulement la dette financière comme je viens de dire, c'est une autre dette, savamment on l'appelle : dette démographique.
Cela veut dire que nous qui venons de générations parmi lesquels il n'y avait 4 actifs, 5 actifs pour payer une retraite, nous allons vers des générations, si l'on ne fait rien, dans lesquelles, il n'y aura plus seulement un actif pour payer une retraite.
On dit qu'il y aura 0,7 actif pour payer une retraite, cela veut dire que tous ceux qui travaillent devront travailler pour eux, pour leur famille et pour le retraité dont ils auront la charge.
Il est juste de dire, en regard dans les Français, que ceci est inacceptable et ne sera pas accepté et que donc, il est beaucoup raillé et civique d'annoncer à l'avance qu'il faudra, dans notre pays, une réforme des retraites et cette réforme des retraites, pour que personne ne soit surpris et pour que personne n'ait le sentiment qu'on le trompe, je dis à l'avance que je la ferai décider par les Français par référendum.
Je vous dis les grandes lignes de ce que j'imagine. Je pense que les retraites de l'avenir devront être organisées de telle sorte que tout le monde puisse décider, en vérité, de l'âge du départ à la retraite.
A partir de 60 ans, chacun connaîtra la pension qui sera la sienne, s'il considère que la pension est suffisante, il pourra s'en aller avec ces droits acquis. Qu'il considère que la pension est insuffisante, il prolongera son travail au fur et à mesure que l'espérance de vie augmente dans notre pays.
C'est une réforme de liberté, mais cela veut dire, je me tourne vers les chefs d'entreprise et vers ceux qui ont la responsabilité de l'organisation sociale de la nation, qu'il faut arrêter de se raconter des histoires. Il faut faire des choses concrètes et pratiques pour que les plus de 50 ans puissent rester dans les entreprises sans être mis en préretraite.
Aujourd'hui, tout le monde parle d'allonger la durée de travail dans une vie, mais plus d'un français sur deux a déjà été mis à la porte de l'entreprise au moment où il prend sa retraite et vous savez pourquoi on les met à la porte ? En préretraite, excusez-moi, l'expression à la porte n'était pas heureuse, n'était pas élégante, ils le vivent souvent comme quelque chose de cruel et l'impossibilité de retrouver un emploi à partir de 50 ans est une des choses les plus honteuses que notre société porte et vous savez pourquoi on s'arrange pour qu'ils soient sur le bord de la route ? Parce qu'à 50 ans, on coûte plus cher qu'à 25 ans.
Eh bien, moi, je demande que l'on réfléchisse à la manière d'équilibrer ce genre de choses afin qu'il soit valorisant et valorisé pour une entreprise d'embaucher des plus de 50 ans au lieu de les laisser peu à peu se mettre ou être poussés sur le bord de la route.
Pour valoriser l'embauche des plus de 50 ans, j'ai une des clés pour cela qui est au fond une des mesures les plus concrètes et positives que l'on puisse imaginer pour l'emploi.
Élu Président de la République, je proposerai que toute entreprise française, quelle que soit sa taille, se voit reconnaître la capacité de créer 2 emplois sans charges de manière à pouvoir libérer, dégeler, ces centaines de milliers d'emplois dont l'entreprise a besoin et qui ne peuvent pas être créés parce qu'ils coûtent trop cher.
Cela intéresse spécialement trois groupes, les jeunes dont la qualification est faible, ils sont nombreux, plus de 150000 par an. Cela intéresse les jeunes diplômés que l'on n'embauche pas souvent parce que leur expérience est faible et que donc avec le prix que représente leur salaire, plus les charges, "cela ne le fait pas pour l'entreprise", comme disent les jeunes et cela intéresse les seniors, les plus de 50 ans, parce que ceux là aussi coûtent à l'entreprise.
Je suis sûr qu'il y a là des centaines de milliers d'emplois que l'on va pouvoir créer. Comme vous le voyez, cela avantage davantage les petites entreprises que les très grandes entreprises puisque tout le monde n'a droit qu'à 2.
C'est une aide formidable, réelle, concrète, explicable en 30 secondes à la télévision pour que tout le monde comprenne que, à partir du 6 mai, quelque chose aura changé en France.
Tout ces chantiers que je viens de décliner devant vous, et il y en a d'autres, j'en aborderai quelques-uns dans la deuxième partie de cette intervention, sont immenses.
La situation du pays est telle que beaucoup de gens, beaucoup de citoyens considèrent que... comment va-t-on faire pour y arriver ? Quelle décision ? Quelle détermination ? Quelle orientation prendre pour que la France ne soit plus, l'année prochaine, dans le même état où elle est cette année ?
Moi, j'ai une conviction, pour sortir par le haut la France de l'extrême difficulté dans laquelle elle se trouve, il faut arracher la politique aux clivages du passé.
Si je suis élu Président de la République, je nommerai un gouvernement dans lequel seront représentées les grandes tendances démocratiques du pays pour qu'une moitié du pays arrête de faire la guerre à l'autre et qu'elles se mettent à travailler ensemble pour relever notre nation.
Alors, naturellement, il y a des gens qui ne veulent à aucun prix de cela, c'est l'UMP et le Parti Socialiste. Eux, ce qu'ils veulent, c'est que cela dure comme c'est parce que cela leur garantit d'avoir la totalité du pouvoir un coup sur deux, un coup les uns, un coup les autres. En mettant en scène l'affrontement entre les deux, ils ont l'illusion que les Français ne comptent pas voir qu'il existe un autre chemin.
J'ai une mauvaise nouvelle pour eux, les Français se sont aperçus qu'il existait un autre chemin et ils
vont le choisir.
Mes chers amis, ceci paraîtrait idéaliste ou utopique si j'avais prononcé ces phrases il y a quelques mois encore et si je les prononçais ailleurs qu'à Strasbourg, mais vous, vous savez qu'il suffit de traverser le Rhin, que, de l'autre côté du Rhin, dans des élections qui sont intervenues il y a à peine 18 mois, on a assisté au même scénario : les deux partis officiels, les deux partis dominants du système ancien ont fait toute la campagne électorale, vous en êtes témoin, vous qui parlez allemand, en garantissant la main sur le coeur qu'ils ne travailleraient jamais avec ces gens de l'autre côté, puis les électeurs allemands ont pris la décision savante car moi je crois que les peuples sont savants, je pense que les peuples savent exactement ce qu'ils font et que tous ceux qui les prennent pour des naïfs ou des gogos vont se tromper.
Le peuple allemand a pris la décision savante de les obliger à travailler ensemble.
Il les a mis en situation d'égalité et il leur a dit : Mesdames et messieurs, vous êtes maintenant priés de vous occuper de nous et pas de vous occuper de vos querelles et de vos guerres intestines.
En Allemagne, ceci peut se faire parce qu'ils ont un mode de scrutin législatif juste. Nous, nous avons une loi électorale injuste qui ne représente pas les minorités mais qui ne représentent que les majorités, mais nous avons l'élection présidentielle.
L'élection présidentielle, c'est fait pour que les Français aient la faculté la possibilité, la liberté, la capacité de changer le paysage politique s'ils en ont envie. Eh bien, le 22 avril et le 6 mai, les Français vont changer le paysage politique en élisant un nouveau Président de la République et ce nouveau Président de la République aura reçu mandat des Français.
Le mandat que le peuple français aura remis au nouveau Président de la République est très simple, c'est : Nous, peuple français souverain, nous demandons au nouveau Président de la République d'aller les chercher où ils sont, dans leurs querelles d'autrefois, dans leurs caricatures d'autrefois, dans leur scénario d'opposition systématique d'autrefois, et de leur dire : Mesdames et messieurs, c'est fini, le temps de s'affronter est derrière nous, maintenant, vous allez nous rendre le service de vous entendre pour redresser le pays comme il mérite d'être redressé.
Et ils seront bien obligés d'obéir parce que vous aurez entre les mains l'épée de Damoclès : 5 semaines après l'élection présidentielle, 3 semaines après la nomination du nouveau gouvernement pluraliste par le Président de la République nouveau que vous aurez choisi, il y a les élections législatives et, aux élections législatives, de deux choses l'une, soit les candidats diront : Nous soutiendrons l'action du nouveau gouvernement et nous sommes prêts à nous rassembler pour le faire soit vous ne les réélirez pas et, croyez-moi, ils vont réfléchir à deux fois avant de s'opposer à la volonté du peuple français.
Une nouvelle fois, on aura vu qui est le patron dans la démocratie et dans la République française.
Naturellement, à Strasbourg, il faut que je vous parle du grand chantier de l'avenir qui est le chantier européen pour vous dire ceci : je veux parler d'Europe dans cette campagne électorale ou personne n'en parle. Je veux défendre l'espoir que l'Europe représente pour la France, je veux le faire sans timidité, sans esprit partisan, je veux le faire en regardant sans emphase la crise que l'Europe connaît aujourd'hui.
Je veux parler d'Europe aux français, qui sont désespérés que cette question ne soit pas abordé et je veux parler, je m'adresse à eux, aux défenseurs du oui dont je connais le désarroi aujourd'hui parce qu'ils ne voient plus le chemin et je veux parler à ceux qui étaient partisans du non parce qu'un grand nombre d'entre eux ont voté non en croyant qu'ils servaient l'idée européenne.
On a besoin aujourd'hui de parler d'eux.
Je veux parler à la France de ces raisons de croire à l'Europe et à ceux qui doutent des raisons pour lesquelles ils ont douté de l'Europe avec l'espoir, une évidence, que nous allons rassembler les Français autour d'un grand projet européen pour notre avenir national.
A Strasbourg, il faut dire que la situation dans laquelle l'Europe aujourd'hui, c'est le terme d'une longue histoire et si j'osais je dirai d'une longue et d'une magique histoire.
Je n'ai qu'une photo dans mon bureau, c'est la photo de Robert Schumann à Strasbourg et dans les marches de l'est, naturellement pour les plus jeunes, c'est un nom de l'Histoire, mais c'est aussi le nom d'un de ces hommes qui ont fait de la France ce qu'elle est.
J'ai beaucoup de vénération pour la mémoire de cet homme humble, avec un grand idéal, une grande ambition pour son pays et, lui, un homme humble, n'aimant pas les ors de la République détestant les voitures de fonction, refusant les gardes du corps.
Il montait à Paris de sa Moselle par le train avec un sandwich qu'il avait entouré dans du papier sulférisé et qu'il mangeait et, dans sa serviette, à côté du sandwich, il y avait les dossiers les plus extraordinaires que l'Humanité ait connu ces derniers millénaires.
Cet homme qui réfléchissait, disons-le puisque c'est vrai, qui priait, a rendu à son pays qui avait été souvent dur avec lui comme il a souvent été dur avec ces hommes et ces femmes qui ont changé de nationalité parce que la guerre avait changé les frontières, je dis cela en Alsace qui a connu beaucoup de victimes de cet aller-retour des nationalités, des victimes souffrantes, certaines qui ont souffert toute leur vie parce qu'elles avaient été emportées par le vent de l'histoire et peut-être quelques uns comprendront ce que je veux dire en évoquant ces victimes, sans dire leur nom.
Ces hommes-là ont pensé et senti que, dans le siècle où nous allions entrer, il fallait radicalement changer de vision.
Je pense très souvent à eux à cause du Proche Orient.
Vous me direz quel rapport ?
Quelle étrangeté d'évoquer la mémoire de Schumann quand on parle d'Israël, de la Palestine, du Liban et de leurs voisins ?
Moi je pense que cette question à beaucoup à voir.
Ils ont compris, Jean Monnet l'inspirateur et Schumann, celui qui a porté le projet en France, et Adenauer de l'autre côté du Rhin et de Gasperi, en Italie, que la paix serait impossible tant que l'on s'arrêterait à l'armistice.
Ils ont compris que la paix entre les peuples qui se sont fait la guerre pendant des centaines d'années, qui se haïssent, ne peut pas s'arrêter, ne peut pas s'établir uniquement par la cessation des hostilités.
Ils ont compris qu'il fallait faire tout de suite un pas de plus que la paix officielle, il fallait supprimer la haine et pour cela il fallait bâtir une maison commune.
Ils l'ont fait et je parle très souvent ainsi avec mes amis israéliens, avec mes amis palestiniens, avec mes amis libanais, je parlerais si je le pouvais avec les dirigeants syriens en leur expliquant à chacun que la paix est impossible à atteindre sauf si on se décide à la dépasser.
Ils ont eu l'éclair de génie, car c'est un éclair de génie, d'aller chercher le charbon et l'acier, c'est-à-dire les deux matière première pour lesquels on s'était fait la guerre et les deux moyens de se faire la guerre et ils ont décidé que, désormais, charbon et acier appartiendraient en communauté aux deux peuples et même à tous ceux qui les rejoindraient.
C'est chez nous qu'on la fait et c'est chez vous, la capitale de cette Europe parlementaire, ce qui me permet de dire devant vous que Strasbourg est la capitale de l'Europe parlementaire et qu'elle le restera si je suis élu Président de la République, car ce n'est pas un hasard si la capitale parlementaire de l'Europe a été bâtie à Strasbourg. Elle a été bâtie à Strasbourg parce que c'est ici qu'est l'épicentre du grand drame européen qui a fait que l'Europe, d'abord, a tué des millions de jeunes garçons, vous vous rendez compte... sur le monument aux morts du petit village de Bordères, 350 habitants en 1914, il y a 36 noms de garçons.
36 familles sur 350 habitants qui ont vu leurs garçons partir la fleur au fusil, comme on disait, à la guerre puis un jour, le maire est venu frapper à la porte avec des larmes dans les yeux pour dire : c'est fini.
Nous avons fait cela autour de l'Alsace et de la Lorraine et, après, nous avons reconstruit patiemment et il était juste, symbolique et important, que l'Europe se souvienne de cette histoire-là, pas seulement pour ne jamais recommencer, mais pour montrer à tous les autres peuples de la planète que toutes les haines étaient dépassables et que toute haine pouvait se changer en affection et en volonté de construction ensemble.
Puis ils ont fait le Marché commun, et c'était génial, c'était drôlement difficile parce que même de très grands esprits que je vénère comme Pierre Mendès-France ont considéré... que j'aime, que je respecte et dont je trouve que la trace mérite de nous guider, Pierre Mendès-France a été un des sept parlementaires à voter contre le traité de Rome.
Nous qui avons fêté le 50ème anniversaire du traité de Rome dans les mois qui viennent, souvenons-nous combien cela a été difficile à bâtir.
Après l'échec de la Communauté européenne de défense, pour montrer aux Européens qu'ils avaient un avenir qui dépassait même leurs prévisions les plus optimistes, que l'on pouvait bâtir une des économies les plus puissantes de la planète pourvu que l'on accepte que les frontières s'effacent, que les produits puissent circuler, que les entreprises prennent la taille de ce nouveau marché où nous allions devenir, grâce à cette décision, une des zones où la prospérité, la capacité de croissance seraient les plus fortes de la planète.
On a fait tout cela.
Cela a débouché sur la monnaie unique.
Savez-vous qu'il n'y a jamais eu, dans l'histoire des hommes, des peuples qui ont décidé librement de se doter d'une monnaie commune pour que puisse circuler entre eux le signe de la souveraineté ?
Cela ne s'est jamais produit dans l'histoire des hommes, une fois on a essayé, un peu plus à l'est.
Nous l'avons fait, nos générations l'ont fait. C'est dire la gratitude qui est là nôtre à l'égard de ces hommes, j'allais dire de ces géants qui ont, pour nous, porté ce projet.
Puis, cela arrive souvent dans l'histoire, Charles Péguy que j'aime beaucoup disait : tout commence en mystique et tout finit en politique et là, pour l'Europe, tout a commencé en mystique et peu à peu, nous l'avons laissé s'éloigner en technocratie.
Peu à peu, sans nous en apercevoir, à partir de bonnes intentions, nous avons laissé le grand idéal européen se réserver ou n'être contrôle que par des experts.
Des experts brillants, des hommes et des femmes de grande qualité, mais qui vivaient dans le monde des institutions européennes comme l'on dit, qui vivaient dans l'univers des lois, des normes, des règlements, des habitudes, des pratique, des moeurs européennes, avec le sentiment de bien faire et sans se rendre compte que peu à peu les peuples décrochaient.
Les citoyens, peu à peu, n'ont plus compris ce que c'était que cette Europe dont on leur parlait.
Qu'on leur présentait comme un grand idéal. Ils ont eu l'impression que tout ceci n'était plus leur affaire et on avait de très bonnes raisons pour agir ainsi, bien sûr qu'au début, c'était difficile d'expliquer au peuple qu'il fallait faire la paix entre la France et l'Allemagne. Il y avait encore tant de haine de part et d'autre du Rhin, tant de rancoeur que cela s'explique qu'on l'ait fait sans tout à fait le leur expliquer.
Puis, après, il était juste sans doute de dire qu'il fallait définir des normes pour que les produits puissent circuler au travers des frontières. On a oublié de rappeler aux citoyens pourquoi on le faisait et alors les Français, les Allemands et les autres ont eu l'impression que l'Europe servait à indiquer des règlements sur le bruit des tondeuses à gazon, à régler la question des phares automobiles, à embêter les fabricants de fromage au lait cru, à régler la taille des oeufs et à embêter ceux qui faisaient des marchés sur la place des villes.
Oui ou non ?
C'est cela la vérité de l'Europe. Peu à peu, les Français, nos concitoyens, le peuple de ceux qui ont bâti l'Europe ont eu le sentiment qu'à Bruxelles, il y avait des gens dont, au fond, la vocation était d'empêcher les autres de continuer à vivre comme ils vivaient.
Ceci est une des plus grandes tragédies politiques de notre temps.
Je dis souvent que je regrette qu'on ait laissé les spécialistes très éminents qui réglaient les questions des moteurs automobiles, des lampes d'automobile, du gabarit, des décibels, de la taille des frigos chez les cuisiniers ou chez les agriculteurs qui faisaient du foie gras, à Bruxelles.
On aurait dû les mettre n'importe ou ailleurs, à Milan par exemple, ils auraient été très bien à Milan, à Florence dans une grande et magnifique ville italienne comme cela on n'aurait pas dit : "C'est Bruxelles qui nous embête", mais : "C'est Milan qui nous embête" et cela n'aurait pas eu la même signification aux yeux de l'histoire européenne.
J'ai l'air de plaisanter, mais ne vous y trompez pas, je ne plaisante pas trop parce que je pense qu'on a laissé ainsi se pervertir l'idée européenne et on est arrivé à cette aventure difficile de la constitution européenne.
Là, sans s'en rendre compte, on a donné aux français le signe ou la confirmation d'une Europe qu'il craignait pour son opacité.
Je m'empresse de dire que l'inspiration du texte de la Constitution européenne était juste. Elle était : puisqu'on doit prendre de grandes décisions en Europe, il faut que les citoyens les acceptent par l'organisation d'une démocratie européenne ou d'une démocratie organisée pour l'Europe.
Cette inspiration était juste, mais on a donné un texte qui était proprement, simplement et complètement illisible.
Je suis persuadé qu'il était illisible pour tout le monde y compris pour ceux qui l'ont lu parce que j'ai des commentaires divers autour de moi comme vous l'imaginez, j'entends en stéréo des approbations et des désapprobations, mes chers amis, pourquoi je dis cela ? Parce que ce ne sont pas les mêmes qui ont pris la partie 1 et la partie 3 et la partie 2.
D'un côté, il y avait des politiques, d'ailleurs qui ont eu du mal à se mettre d'accord autour d'idées simples et, de l'autre, des juristes qui essayaient de retraduire tous les traités de toute l'histoire européenne pour en faire un seul volume et tout cela a été proprement, purement, simplement incompréhensible pour un citoyen même pour un citoyen de bonne volonté.
À cause de cela, les Français ont eu le sentiment, l'impression qu'il y avait un piège, qu'il y avait un loup, que s'il ne pouvait pas comprendre c'était qu'on ne voulait pas qu'ils comprennent et, à ce moment-là, ils ont eu deux terreurs, deux craintes.
La première, c'était qu'on veuille leur imposer un modèle de société dont ils ne voulaient pas et sans leur demander leur avis.
Alors ils ont appelé à l'ultra libéralisme, le sentiment que le modèle dominant sur la planète, le modèle anglo-américain financier s'était emparé de la grande aventure européenne.
La deuxième terreur, la deuxième crainte qu'ils ont eue, en raison de la manière dont on avait décidé d'ouvrir les négociations avec la Turquie, c'est qu'on leur arrache leur identité européenne.
Ils ont eu cette double crainte-là.
En raison de la manière dont le parlement français a été exclu de la réflexion pourtant fondamentale, pourtant historique de l'adhésion de la Turquie, ils ont eu le sentiment qu'on avait décidé de faire les choses sans eux et s'il le faut contre eux.
Je dis cela parce que ceci est aussi un symptôme de la crise qui est la crise de la République française aujourd'hui.
Il n'y a pas un parlement dans le monde, il n'y a pas un parlement dans un pays démocratique, complètement ou moyennement démocratique, qui aurait accepté, comme le parlement français, que la décision la plus importante de l'histoire de notre pays soit prise sans même que l'on accepte de lui demander son avis, sans même qu'il puisse dire un mot de ce qu'il pensait sur cette histoire.
Je vous le dis au passage, si je suis Président de la République, je changerai cela, il y aura, en France, un parlement de plein exercice qui représentera les Français et qui ne pourra être exclu d'aucune décision qui concernent leur avenir.
Alors les Français ont voté non, les Néerlandais ont voté non. Les Anglais sont drôlement contents de n'avoir pas eu à voter, les Polonais sont dans une situation qui n'est pas très éloignée, bref, nous sommes dans une impasse ou une crise européenne.
Cette crise européenne répond à un débat profond qui n'est pas tranché en Europe et que je veux exposer devant vous : Quel est réellement le projet européen ?
Qu'avons-nous entrepris réellement de faire ensemble, nous, les citoyens européens et les États d'Europe ?
Vers quoi allons nous ?
A cette question, il y a deux réponses.
Je voudrais vous dire les deux réponses possibles.
Il y a la réponse qui dit : l'Europe, Mesdames et messieurs, cela sert à faire du commerce, cela sert à avoir le plus grand marché possible, et de surcroît, cela sert à avoir des lois et des règles de vie en commun qui nous assurent que, dans tous nos pays, on va respecter un certain nombre de procédures un certain type de légalité, que l'on va respecter les droits de l'Homme en particulier, bref que nous serons dans un espace commun de droits et d'échanges.
C'est un projet dont je ne dis pas qu'il est nul, dont je ne dis pas qu'il est sans intérêt, c'est très important de faire du commerce, c'est très important d'avoir des règles communes qui permettent, d'un côté et de l'autre de la frontière, de se retrouver, mais pour nous, ce n'est pas l'essence du projet européen parce que, pour nous, notre projet européen répond à une autre question, non pas, qui veut faire un grand marché ? Mais qui veut l'union de l'Europe pour changer le monde ? Qui veut l'union de l'Europe pour défendre notre modèle de société européen ? Qui veut l'union de l'Europe pour défendre nos valeurs, nos valeurs sociales en particulier, l'Europe sociale en particulier, notre modèle social et culturel.
Si j'osais, si j'allais tout à fait au bout de ce que je pense, je dirais notre modèle culturel et presque même notre modèle philosophique et spirituel.
Pour nous, l'Europe, c'est fait pour cela et c'est pour cela qu'il y a ce grand débat : constitution, pas constitution ? Traité, pas traité ? Vers où l'on va, où les uns sont contents que l'on n'avance pas davantage ?
Eh bien, ce que je veux dire devant vous, avec certitude pour moi, c'est que les plus grands problèmes qui se posent à notre pays, les plus grands problèmes qui sont source d'inquiétude pour les Français, aucun de ces problèmes ne peut trouver une véritable réponse si l'Europe n'existe pas, si elle ne décide pas que, tous ensemble, nation européenne, nous allons nous regrouper pour reconstruire un monde qui soit un monde plus juste.
Ces problèmes, j'en ai sélectionné 7 ou 8 pour en parler devant vous. J'aurais dû en ajouter d'autres, je le ferai peut-être en un mot à la fin, dont un qui vous tient à coeur, mais nous avons devant nous des questions que nous ne pouvons pas régler tout seul à l'intérieur de notre cadre national. Je sais très bien que les candidats aux élections présidentiels disent, il y en a même un qui en a fait un slogan : votez pour moi et tout s'arrangera.
Et bien je vous dis qu'il ne suffit pas de voter pour quelqu'un pour que tous s'arrangent.
Il faut aussi avoir conscience que, désormais, les problèmes sont devenus si important et si lourd qu'il faut décider de les arranger non pas tout seul, mais avec les autres et que les décisions nationales que nous prenons à l'intérieur de notre hexagone ne suffiront pas pour régler les problèmes que je vais énumérer devant vous.
Nous avons un grand problème de politique économique.
Est-ce que vous croyez que l'on peut avoir une monnaie commune avec des politiques budgétaires et des politiques fiscales aussi différentes que celles que l'on est en train d'avoir dans les pays européens ?
Regardez dans quelle course incroyable nous sommes engagés du point de vue fiscal, chacun, pour attirer les entreprises, est en train de faire en sorte que les impôts à l'intérieur de son État soient plus bas que ceux du voisin.
Moi-même peut-être je vais faire ce genre de chose.
Je ne dis pas que j'y renonce dans la compétition fiscale qu'il y a entre les États, mais ne serait-il pas plus raisonnable de fixer un gabarit et de dire : Mes chers amis, pour l'impôt sur les sociétés on va essayer d'avoir tous à peu près le même impôt pour que la répartition des entreprises soit homogène dans le cadre européen et en tout cas dans le cadre de la zone euro.
Première question : l'économie, la fiscalité les budgets.
Deuxième question : nous ne pouvons pas ne pas traiter de la défense. Ce n'est pas possible de croire que nous allons continuer à bâtir des défenses nationales. Aucun d'entre nous n'a les moyens budgétaires et aucun d'entre nous n'a les moyens politiques de bâtir des défenses nationales. Il faut que nous ayons une démarche européenne en matière de défense.
Si je dois vous dire tout à fait ce que je pense, je me ferai naturellement prendre à partie sur ce sujet, il faut aussi que nous réfléchissions à la manière dont nous traitons notre armement nucléaire dans le cadre européen parce qu'on ne peut pas avoir une stratégie nucléaire sans prendre en compte ceux qui sont autour de nous, sans en parler avec eux, sans réfléchir à ce que sera la carte ou la stratégie de notre politique de défense à l'avenir.
Troisièmement, il faut que nous ayons une stratégie diplomatique. Mes chers amis, est-ce que vous imaginez l'impuissance dans laquelle nous nous plongeons, nous, Européens, simplement parce que nous sommes divisés ?
Je suis allé au Darfour, nous avons vu le drame, au Darfour, j'ai l'habitude de dire : ce n'est pas la dernière guerre du Moyen Âge, c'est la première guerre du XXIe siècle sans que l'on s'en aperçoive.
Bien sûr, ils s'égorgent à l'arme blanche. L'arme suprême, c'est une mitrailleuse, mais la guerre du Darfour c'est la première guerre que l'on vive parce que le changement du climat fait avancer le désert et qu'il n'y a plus de terres disponibles alors les tribus des uns ont décidé d'aller arracher la terre des tribus des autres. C'est le premier génocide du XXIe siècle.
Mes chers amis, est-ce que vous imaginez ce que nous pourrions faire si la connaissance de cette région par les Français et les services secrets français et la connaissance de cette région par les agents et les agents et les services secrets britanniques pourraient faire s'ils se mettaient ensemble ?
Nous connaissons cette région, le Tchad le Soudan, les Français, les Britanniques, et les Italiens maintenant, comme notre poche. Nous connaissons les liens, les tribus, les influences, l'islamisme qui est en train d'envahir tout cela, nous sommes capables, nous serions capables de jouer un rôle majeur.
Au lieu de cela, qui joue le rôle majeur ?
Méfiez-vous, cette phrase, vous allez l'entendre si vous vivez assez longtemps pendant tout le XXIe siècle ?
Ce sont les Chinois qui ont décidé que, partout en Afrique où il y aurait du pétrole, il y aurait désormais l'influence de leur immense puissance.
Et les dirigeants chinois ont offert aux dirigeants soudanais de les protéger contre toute intervention de l'ONU en opposant aussi longtemps que possible leur droit de veto au Conseil de sécurité à toute résolution qui voudrait les forcer à accepter les forces d'interposition ou les condamner.
Ceci, c'est le XXIe siècle comme il est en train de se bâtir.
Est-ce que vous imaginez ce que nous pourrions faire tous ensemble, toutes les puissances européennes, si nous décidions, enfin, de servir de garant dans le conflit du Proche Orient et de ne pas laisser face à face l'influence américaine avec tous ceux qui considèrent que l'influence américaine a été, dans cette région, une menace.
Je suis pour que nous ayons une action diplomatique concertée, pas que nos diplomaties disparaissent.
Dieu me garde de vouloir faire disparaître la diplomatie française, c'est une de nos fiertés, mais il faut une action concertée des diplomaties européennes de manière que nous puissions bâtir quelque chose de sérieux et de conséquent.
Quatrièmement, j'évoquais à l'instant, à propos du Darfour le drame du climat. Ce qui est en train de se passer dans le réchauffement de l'atmosphère, les centaines et les centaines de savants qui sont venus à Paris la semaine dernière pour dire : c'est un... et côté bien, c'est désormais un fait scientifique avéré, certains, à 95 %, que le réchauffement de l'atmosphère qui est en train de provoquer la plus incroyable mutation parmi les espèces humaines dans les océans, qui va menacer peut-être l'espèce humaine dans sa survie, c'est un fait avéré que cette augmentation de la température de l'atmosphère terrestre est dû à l'activité humaine.
C'est un fait scientifique avéré que c'est l'utilisation irréfléchie du pétrole, du gaz et du charbon, des énergies fossiles, que nous brûlons et libérons dans l'atmosphère de telle sorte qu'on a épuisé, en quelque dizaine d'années, les réserves que la planète avait constituées, en quelques centaines de millions d'années.
C'est cela qui a provoqué le réchauffement de l'atmosphère et, si c'est vrai, si c'est un fait scientifique avéré, alors cela signifie, mes chers amis, que l'on est obligé d'agir.
Est-ce que vous imaginez qu'un pays solitaire comme la France peut s'adresser aux États-unis, les plus grands consommateurs d'énergie et les plus grands créateurs de gaz à effets de serre dans la planète, ceux qui ont refusé de signer le protocole de Kyoto, le président Bush père ayant dit : "Excusez-nous, mais ces affaires d'atmosphère -si j'ose dire- on n'en a rien à faire parce que le mode de vie des américains n'est pas négociable."
Cette phrase a été prononcée devant Kyoto.
Est-ce que vous croyez qu'un pays seul comme la France est de nature à pouvoir imposer ne serait-ce que l'on inscrive cette question sur l'agenda de la planète ? Moi, je vous dis que non.
On a besoin d'une action concertée, on a besoin de faire que nous, tous les Européens, nous indiquions au monde que c'est un problème majeur et que nous l'indiquions, non seulement aux plus riches, mais que nous en parlions respectueusement et amicalement avec les plus pauvres.
Politique de l'énergie, j'espère que vous suivez ce qui s'écrit dans les journaux. Nous avons quelques problèmes énergétiques que j'indique comme cela, seulement, en passant, il n'y a que trois fournisseurs de gaz principaux auprès de qui nous pouvons nous fournir.
Le premier s'appelle la Norvège, un peuple ouvert et sérieux avec lequel il n'y a pas de difficulté, l'autre s'appelle l'Algérie et le troisième la Russie.
La Russie fournit aujourd'hui 50 % du gaz à l'Europe.
Je ne sais pas si vous avez aperçu que la Russie avait une idée politique de la fourniture du gaz, je dis cela avec la plus extrême des prudences dans ma formulation.
Si nous ne sommes pas capables de comprendre qu'il faut que nous bâtissions une politique énergétique Européenne qui tiennent compte des conditions politiques de notre indépendance énergétique, la capacité à nous retrouver indépendants de manière énergétique, c'est-à-dire la capacité à poser la question du pétrole naturellement, du gaz naturellement, de l'énergie nucléaire naturellement, dont je prétends et tant pis si je me fais mal voir, qu'elle est aujourd'hui une des énergies ou la source d'énergie la plus propre s'agissant des gaz à effet de serre dont nous disposions dans notre patrimoine énergétique et que je ne crois pas un mot, non pas de la bonne volonté, mais de la faisabilité, de l'engagement de Ségolène Royal qui prétend que l'on va baisser de 80 à 50 % la part de la fourniture de l'électricité nucléaire dans notre bilan énergétique national.
Je ne crois pas un mot de cela où alors on ouvre des centrales à charbon, c'est-à-dire que l'on se remet à polluer et à émettre des gaz à effet de serre de manière que Kyoto ne sera plus qu'un lointain souvenir et que nos enfants pourront nous faire procès de n'avoir pas été à la hauteur de nos responsabilités.
Puis, je l'évoquais, je n'en parle qu'en passant, est-ce que nous croyons que nous pouvons rester avec uniquement des politiques de recherche nationale ?
Vous avez vu que Boeing est en train, provisoirement je l'espère, de reprendre l'avantage sur Airbus et de s'imposer désormais comme le premier avionneur du monde.
Vous savez pourquoi ? Parce que le gouvernement américain sous forme de crédits militaires a offert à Boeing des crédits de recherche illimités ce qui a permis à Boeing de prendre de l'avance sur nous, sur le secteur où nous étions le plus fort, c'est-à-dire celui des matériaux composites ? Vous allez mesurer en emploi et en produit intérieur brut et en manque de croissance ce que veut dire un pays qui a une vraie politique de recherche, c'est-à-dire pas comme nous, je souhaite que l'Europe prenne la tête d'une politique de recherche à la hauteur de nos responsabilités et de ce que nous voulons obtenir comme croissance.
Dernière politique que je voulais évoquer devant vous : celle de l'immigration et du codéveloppement.
Je ne crois pas, je ne crois plus si je l'ai jamais cru, mais j'ai aujourd'hui la certitude que quiconque prétendra réguler l'immigration dans le cadre national n'y arrivera pas.
Nous avons besoin si nous voulons traiter des problèmes d'immigration, bien sûr nous avons besoin de rigueur nationale, bien sûr nous avons besoin de réfléchir à la manière dont on peut éviter par exemple que le travail au noir nourrisse tant et tant de filières d'immigration clandestine, bien sûr on a besoin de lutter contre ces filières et de les sanctionner, mais mes chers amis je veux vous dire ma conviction profonde, ce n'est pas avec des douaniers, ce n'est pas avec des miradors ce n'est pas avec des chiens policiers, ce n'est pas avec des papiers infalsifiables, ce n'est pas avec des charters que l'on réglera les questions d'immigration, on réglera les questions d'immigration si l'on est capable de développer l'Afrique parce qu'il n'y a pas d'immigrés qui viennent pour son plaisir. Les immigrés viennent parce qu'ils meurent chez eux. Si nous voulons qu'ils vivent chez eux, il faut que nous leur garantissions qu'ils peuvent nourrir leur famille.
Depuis que le monde est monde, les pauvres s'en vont chez les riches. Nous le savons, nous l'avons fait en Béarn, aux pays basques, partout dans le monde rural français à la fin du dix-neuvième siècle, nos pères ou nos oncles s'en allaient, ils s'en allaient parce qu'ils crevaient de faim, ils passaient de l'autre côté de l'océan, ils allaient aux États-unis et ils essayaient, là-bas, de reconstruire leur vie comme ils pouvaient et souvent très bien.
Eh bien c'est exactement la même chose.
Quand vous avez des riches à côté des pauvres, les pauvres fuient chez les riches.
Nous avons, à quelques centaines de kilomètres de nos côtes, les vingt pays les plus pauvres de la planète et nous formons ici les dix pays les plus riches de la planète.
Si nous ne faisons pas ce qu'il faut, ils viendront, ils viendront à pied, à cheval, en voiture, ils viendront à la nage, ils viendront en rampant, ils viendront en s'usant les doigts.
Ils viendront parce que, chez eux ils ont la certitude que, hélas, ils vont mourir et leurs enfants avec eux et, si vous étiez à leur place mes chers amis, vous feriez la même chose.
La seule politique d'immigration sérieuse, c'est une politique de développement du continent africain.
La seule politique, c'est de leur garantir qu'au lieu de mourir chez eux, ils vont pouvoir vivre chez eux, qu'ils vont pouvoir nourrir et pouvoir équiper leurs pays. Cela veut dire changer une partie du commerce international, notamment pour que les paysans ne soient plus arrachés à leur terre sous le déversoir des millions de tonnes de céréales que nous leur envoyons dont les prix sont effondrés à cause des subventions américaines et, disons-le aussi, des subventions européennes.
Alors, s'il faut faire tout cela avec l'Europe, plus une politique culturelle, ce qui m'amène à dire devant vous à Strasbourg -et ce n'est peut-être pas un hasard- que, si je suis Président de la République, je ferai ratifier la charte de protection des langues et cultures régionales de la France.
Et ce sera un Béarnais qui a été l'élu des Basques qui le fera avec les Alsaciens et les Bretons et les Languedociens et les Corses, toutes ces langues qui appartiennent au patrimoine national de la France.
Si nous devons faire tout cela, qui ne peut être fait que dans le cadre européen, alors il y a une condition nécessaire et cette condition est celle-ci : il faut que l'Europe soit l'affaire des citoyens européens, c'est-à-dire que chacun des citoyens européens soient informés de ce qui se passe, de ce qui se décide, de ce qui se prépare dans les instances européennes, que chacun, en ouvrant son journal tous les jours sache quelles décisions sont en train d'être préparées, sont en voie d'être adoptée, que l'on suive les décisions européennes non pas comme quelque chose d'étranger, de quelque chose éminemment important pour notre vie, que l'Europe deviennent affaire de citoyen.
Si elle doit devenir affaire de citoyen, il faut qu'elle ait des institutions.
Je veux dire simplement en deux mots ceci : on va devoir naturellement traiter et vivre la suite du référendum du 29 mai 2005.
Cette suite, je la prends au sérieux. Je sais, je crois, que, dans les mois qui viennent, les gouvernements européens et l'Allemagne qui préside l'Union va être obligée de constater qu'en l'état le traité ne sera pas possible. Je pense et je crois souhaitable que Mme Angela Merkel, au nom de l'Allemagne, dise que l'on va convoquer une conférence intergouvernementale et que cette conférence des États européens va examiner les objections faites à ce texte, qu'elle va garantir que l'on peut trouver des voies pour que l'Europe deviennent la terre des citoyens et qu'elle échappe à l'accusation qui a été si souvent alléguée, une Europe qui imposerait aux citoyens un projet de société qui ne serait pas le leur et qui leur garantirait une identité qui est celle qu'ils estiment devoir être l'identité européenne.
J'espère qu'un texte lisible par tout le monde court, compréhensible et offrant les garanties démocratiques nécessaires, sera rédigé et, ce texte, je ne veux pas qu'il soit décidé en court-circuitant les Français.
Je dis à l'avance que, élu Président de la République, ce texte nouveau qui fera de l'Europe une Europe des citoyens, je le soumettrai au référendum des français, je ne déciderai pas à leur place.
Ce qu'ils ont décidé une première fois, ils ont voté, ils ont le droit d'être informés de la suite des événements.
Et il faudra que le Président de la République s'engage, il ne sera pas spectateur éloigné de cette histoire, il faudra qu'il aille devant les Français et qu'il leur dise ce qui se joue d'essentiel dans l'histoire de leur pays, de leur continent et dans l'histoire du monde avec cette décision de donner à l'Europe sa dimension démocratique d'en faire une Europe des citoyens au lieu d'une Europe des diplomates ou des technocrates.
C'est la responsabilité du futur Président de la République que d'aller devant les Français. Je ne suis pas d'accord quand Nicolas Sarkozy dit : On va faire adopter ce texte par le parlement sans en parler aux Français.
Je pense que l'on créerait un fossé désormais impossible à effacer entre le peuple des citoyens français et l'aventure européenne qui a été faite pour eux.
Je suis pour que l'on fasse confiance aux citoyens, qu'on leur demande leur avis, qu'on fasse vis-à-vis d'eux la pédagogie nécessaire et que l'on ait le courage de s'engager puisque après tout c'est lui le peuple souverain.
Vous voyez ainsi tout ce qui se joue dans cette élection présidentielle.
Nous allons poser les problèmes et apporter les réponses, des questions les plus cruciales que notre pays ait jamais eu devant lui en tout cas dans les décennies et les siècles récents.
J'ai la conviction que la France et les Français ont besoin d'Europe, mais que cette Europe doit être une Europe transparente, à leur portée et qui leur apporte des garanties.
Ils ont besoin d'Europe pour défendre ce qu'ils ont de plus précieux et donner à notre vision du monde la vision française du monde un écho qu'autrement elle ne rencontrerait pas ou ne rencontrerait plus.
Je suis persuadé que le monde a besoin d'Europe.
Pas seulement nous les européens, le monde a besoin d'Europe parce que c'est la première fois dans l'histoire de l'univers que l'on aura construit une puissance qui ne sera pas une puissance de nomination.
C'est la première fois dans l'histoire de l'univers que l'on aura une puissance pacifique, une puissance de compréhension de la diversité et en particulier de la diversité des civilisations et des cultures de la planète. Le monde a besoin d'Europe.
Le monde a besoin d'Europe comme modèle, mes chers amis, on a besoin d'Europe au Proche Orient, je viens de le dire comme un modèle de ce que cela pourrait devenir.
On a besoin d'Europe en Amérique latine comme un modèle de ce que peut être l'organisation d'un continent, on a besoin d'Europe en Afrique parce qu'un jour il y aura une union africaine qui aura les mêmes inspirations, les mêmes règles, la même volonté de vivre ensemble que nous avons eue en Europe.
Le monde a besoin d'Europe.
Si nous n'avions pas l'Europe, des questions vitales pour la planète ne pourraient même pas être abordées, mais l'Europe a besoin de la France et l'Europe a besoin d'une France en bonne santé, ce qui veut dire que l'Europe a besoin que la France règle ses problèmes pour qu'elle redevienne l'acteur majeur qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être de l'évolution de notre continent.
Pour régler ces problèmes, la France a besoin d'un large et profond rassemblement de responsables, animés de la même volonté et non pas du sens de l'intérêt des partis, mais du sens de l'intérêt général, décidée enfin à agir enfin, à agir ensemble et non pas les uns contre les autres.
La France, pour jouer ce rôle retrouvé d'acteurs majeurs, avec ses collègues européens, a besoin d'un président européen.
C'est le bon moment et c'est la bonne heure, c'est la bonne heure parce que nous avons la chance - ce sont tous des amis pour moi, des amis de longtemps, des amis profonds, pas seulement des amis de partis, des amis d'inspiration- que se présentent, soit actuellement en fonction, venant d'être élus pour beaucoup d'entre eux, une génération de responsables européens, de chefs de gouvernement capables d'agir ensemble parce que marqués de la même inspiration ! Romano Prodi, Jean-Claude Juncker, Angela Merkel, Guy Verhofstadt.
Voilà une équipe de chefs d'États et de gouvernements qui pourra conduire l'Europe où elle avait désappris à aller.
Je suis heureux que la soirée que nous avons connue aujourd'hui présage, laisse ressentir, face espérer, montre que va advenir ce grand moment de redressement, de ressaisissement et d'espérance nationale.
Je vous remercie.Source http://www.bayrou.fr, le 13 février 2007
C'est un combat de société et c'est un combat de civilisation.
Dire cela à Strasbourg, devant vous si nombreux, dire cela sur la terre de l'homme dont j'ai été le jeune et respectueux ami, le collaborateur dont nous fêtions il y a quelques jours, à la Cathédrale, le centième anniversaire de la naissance, dire cela sur la terre de Pierre Pflimlin, c'est pour moi un honneur et une fierté. De le dire avec vous, c'est une espérance.
Vous savez le combat que nous sommes en train de mener et vous savez ce que le peuple français entend de ce combat. Vous savez à quel point, par centaine de milliers et par millions, les Français nous rejoignent parce qu'ils ont aperçu que, alors qu'on leur présentait depuis des mois les choses faites, on leur disait, comme chaque fois, que ce n'était même pas la peine qu'il se déplace pour le premier tour de l'élection présidentielle, que c'était joué et que l'on pouvait leur annoncer à l'avance le nom des deux finalistes et que Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, l'UMP et le PS et le Sarko/Ségo et Ségo/Sarko, cet aller et retour, c'était leur destin qui était fixé et que, désormais, il leur restait à choisir entre les deux candidats officiels.
Eh bien, le peuple français a décidé, comme chaque fois, que la démocratie chez nous, que la République chez nous, cela avait un sens et qu'il allait changer les choses pour montrer que c'est lui le peuple souverain et qu'il était décidé, une fois pour toutes, à montrer qui était le patron dans la République française.
Ce n'est pas sans raison que l'on croit que le peuple français est manipulable. Mes chers amis, il ne l'est pas. Les femmes et les hommes, les citoyens de ce pays forment une communauté civique qui a la connaissance, la mémoire, l'attention et la générosité que beaucoup d'autres ou que des observateurs lui refusent. Ce n'est pas un peuple manipulable, c'est un peuple qui sait exactement où il en est de son histoire.
Il sait exactement ce que lui ont coûté 25 années d'illusion en désillusion, 25 années de promesses non tenues, chaque fois des promesses supplémentaires et chaque fois des désillusions amères.
Le peuple français sait exactement ou l'a conduit ce long chemin de 1981 à 2007.
8 alternances... 8 fois le peuple français a été invité d'aller des uns aux autres et de nouveau des autres aux uns.
8 fois il a vécu ce qu'était l'absurdité d'un événement politique qui faisait que ceux qui arrivent n'ont de cesse que de démolir le plus tôt possible le travail de ceux qui les avaient précédés.
Et que quand on est dans la majorité, on est obligé d'être d'accord avec tous, même si on n'en pense pas un mot et si on est dans l'opposition, on est obligé d'être contre tous, même si on n'en pense pas un mot.
Eh bien, cet affrontement systématique qui fait que l'opposition démolit ce que propose la majorité et qu'après l'alternance la majorité nouvelle démolira ce qu'avait fait la majorité précédente, ce travail-là, ce gaspillage a condamné la France à l'échec où nous sommes aujourd'hui et cet échec, nous pouvons l'énumérer ou en énumérer les éléments, le décliner exactement comme si nous étions un peuple de politologues et de sociologues savants.
Nous, nous savons que le chômage n'a pas reculé, qu'il n'y a pas en France 2 millions de chômeurs comme on comme on nous le raconte, mais 4,5 millions de chômeurs.
Savez-vous que les statistiques sont telles dans notre pays que plus des deux tiers des RMIstes ne sont pas décomptés dans les statistiques du chômage ?
Les statistiques sont telles dans notre pays que les chômeurs d'outre-mer, 300.000, ne sont pas décomptés dans les statistiques du chômage.
Les statistiques sont telles dans notre pays qu'il suffit que vous acceptiez un emploi à temps partiel simplement pour essayer d'en sortir et vous disparaissez à l'instant des statistiques du chômage ; une formation et on vous raye des statistiques du chômage. Je ne dis pas cela pour noircir le trait. Je dis cela parce que j'ai une certitude, un peuple ne peut s'en sortir que s'il y voit clair.
On ne peut balayer la pièce que si la lumière est allumée. On a besoin de faire la clarté, la transparence si l'on veut créer la volonté politique.
Moi, je suis fier que nous soyons un grand courant politique français qui a toujours choisi de dire la vérité pour que se forge, parmi les Français, la volonté qui seule permet d'en sortir.
Je choisis de dire la vérité et vous choisissez de demander la vérité et nous choisissons ensemble d'exprimer la vérité pour que les Français enfin se sortent de l'enlisement où ils sont depuis trop longtemps. C'est une grande ambition et c'est la seule que l'on puisse nourrir pour une nation comme la nôtre.
Je sais ce que sont les dégâts de l'exclusion et vous le savez aussi, il suffit de regarder autour de vous, ces femmes et ces hommes aux minima sociaux comme l'on dit, RMIste comme ils sont souvent, des femmes et des hommes qui n'osent même plus sortir de chez eux parce qu'ils ne veulent pas croiser le regard de leur voisin, n'étant pas capable de répondre à la question : et en ce moment, qu'est-ce que vous faites ?
Ils n'osent même pas dire à leurs enfants quelle est leur situation.
Plus ils sont enfermés dans cette situation, plus ils s'y ferment. Il y a un piège terrible, décrit depuis longtemps, auquel on n'a pas su porter remède, vous en connaissez très bien les causes et les raisons.
On est enfermé dans le RMI parce que l'organisation de l'aide sociale dans notre pays fait que, pour la plupart des RMIstes, quand ils osent reprendre un emploi, ils y perdent.
Est-ce que on n'est pas un pays qui marche sur la tête ?
Au lieu de bâtir un pays dans lequel, pour passer de l'assistance à l'activité ou au travail, on y gagne, on a bâti un pays dans lequel, lorsqu'on passe de l'assistance au travail, on y perd.
Comment voulez-vous y perdre quand vous avez des enfants à charge et que, si vous travaillez, vous devez tout d'un coup payer la cantine, payer les transports.
Vous aviez, la vieille, au RMI, l'exonération des impôts locaux, vous aviez l'exonération de la redevance télévision et au bout de six mois, tout cela vous retombe sur la tête ; s'il faut y ajouter les frais de transport pour aller travailler un peu loin, cela veut dire que vous ne faites même plus cet effort-là.
Nous avons un pays qui marche sur la tête, il faut le remettre sur ses pieds.
L'une des clés pour remettre le pays sur ses pieds, je la connais et je veux la défendre devant vous et tant pis si vous trouvez que c'est une marotte, j'assume la marotte.
Une des clés pour remettre le pays sur ces pieds, c'est l'éducation.
Je sais bien que la mode est de désigner les enseignants au titre de bouc émissaire de tous les échecs de la société française.
Eh bien, Président de la République, je ne laisserai pas faire cette accusation perpétuelle contre le monde de l'éducation et contre le monde enseignant. Je suis pour qu'on le soutienne. Je suis pour qu'on l'aide, je suis pour qu'on le respecte et je suis pour que l'on soit exigeant avec l'éducation nationale, non pas que l'on soit inconditionnel, mais que l'on soit exigeant.
Je peux dire qu'on peut le faire, je l'ai fait pendant des années. Je ne veux pas avoir l'air de dire du bien du ministre de l'Éducation nationale que j'étais il y a de très longues années, très jeune, j'ai vu hier des images à la télévision, pour ceux qui ont suivi cette émission, je me suis vu il y a 13 ans en 1993 et j'ai trouvé que, ma foi, les choses avaient bien changé, je sais pas si c'est en bien ou en mal, en tout cas en maturité, je n'ai aucun doute sur ce point.
Mais je veux rappeler, je le fais régulièrement lorsqu'on me pose des questions sur ce temps-là, qu'il y a un indice certain de la confiance qui s'était nouée entre l'Éducation nationale, son ministre et le peuple français et ceci est aisément vérifiable, c'est que c'est au terme de cette époque, à la fin de 1996, que la confiance exprimée par les parents d'élèves dans l'école du pays a été la plus haute que l'on ait jamais mesuré par des sondages réguliers dans notre histoire récente.
Je suis fier que l'on ait pu, ainsi, faire la preuve que la défiance n'était pas obligatoire entre l'école et la nation.
Je suis heureux des relations que j'ai, à cette époque, noué avec le monde enseignant. J'ai l'intention d'y être fidèle comme candidat aujourd'hui, comme Président de la République demain.
Mais je dis, exigeant. La nation doit garantir, selon moi, les moyens de l'école sans passer sa vie à craindre chaque année que l'on supprime quelques milliers de postes de plus, un nombre d'ailleurs forcément au bout du compte assez faible alors que l'on a de tels besoins d'école et de scolarisation et de suivi pédagogique et de pédagogie différenciée pour ceux qui ont le plus de mal à suivre, je ne crois pas que les problèmes des élèves en difficulté soient seulement des problèmes pédagogiques parce que je crois que lorsque les élèves ont du mal à suivre à l'école, que les élèves n'arrivent pas à apprendre à lire à l'école, c'est très souvent parce qu'ils ont quelque chose de brisé en eux. Il y a tant et tant de difficultés dans les familles, tant et tant de drames muets, tant et tant de crises inavouées, parfois de violences inavouées, parfois pire que, si l'on veut être sérieux, détecter les difficultés précoces des enfants et leur apporter de vraies réponses, ces réponses ne seront pas seulement entre les mains des instituteurs et des professeurs des écoles, elles doivent être aussi entre les mains de psychologues.
Il faut être avec eux pour les accompagner et leur permettre de cicatriser leurs blessures et c'est peut-être comme cela en faisant le détour de : "Je te reconstruis comme enfant" que l'on aura la chance de dire : "Je te reconstruis comme élève."
Ceci est un choix profond pour une société qui veut à voir des valeurs et pas seulement des promesses électorales.
De la même manière, il faudra reconstruire l'université française.
C'est très important, difficile et je peux vous en dire un mot, si vous le voulez bien.
Il est nécessaire de reconstruire l'université française parce que, entre le temps où elle a été bâtie et le moment où elle se trouve aujourd'hui, cette université a changé de vocation.
Personne n'en a réellement pris la mesure. Elle a changé de vocation parce que c'était une université pour l'élite et c'est devenu une université pour le grand nombre.
Ceci est une révolution incroyable qui a entraîné naturellement des difficultés de salles, vous ressemblez assez bien à un amphi comme il y en a aujourd'hui dans les universités !
Des défis de corps enseignant, des défis de recherche, des défis d'épuisement avec des universitaires qui ont l'impression qu'ils vident la mer avec une petite cuillère, qu'ils ont devant eux des élèves qui entrent à l'université sortant de l'enseignement secondaire qui n'ont pas acquis ce qui est nécessaire pour entrer à l'université, c'est-à-dire l'autonomie de la démarche d'étude, l'autonomie.
Les élèves entrent à l'université en croyant que l'université, c'est comme l'enseignement secondaire, qu'il suffit de suivre les cours pour avoir des diplômes et c'est vrai dans beaucoup de cas, que l'assiduité, c'est important, je ne vais pas dire le contraire, comme ancien enseignant, ancien ministre de l'Éducation. Mais la vérité obligerait à dire, si l'on veut leur parler vraiment, qu'à l'université on construit soi-même son propre savoir, on bâtit soi-même son propre chemin. On trace soi-même son propre chemin, on bâtit soi-même ses propres connaissances et il est vrai que l'enseignement secondaire non plus n'a pas fait la mutation nécessaire pour apprendre aux enfants à se comporter de manière autonome en face du savoir, raison pour laquelle j'ai regretté que l'on supprime récemment un certain nombre d'épreuves qui étaient des épreuves d'édification de petites thèses ou de petits mémoires que l'on faisait comme des esprits autonomes et libres, et pas seulement comme des élèves qui répètent ce que les enseignants leur ont appris.
Mais tout cela, nous avons à le reconstruire pour deux raisons profondes.
La première : il y a un drame désormais au sein des familles françaises lorsqu'elle pense à l'université. Il y a un drame parce que le contrat a changé, on ne l'a dit à personne.
Quand les générations plus avancées, la mienne, étions enfants, on savait bien sur quoi reposait le contrat entre l'école et la nation.
Le contrat était simple, c'était : si les enfants travaillent bien à l'école, ils auront une situation meilleure que celle des parents.
N'est-ce pas ?....
C'est ce que l'on a dit dans toutes les familles. C'est ce que l'on a pensé pendant des décennies et cela a été vrai pendant des décennies.
Chacun d'entre nous se souvient, s'il a eu la chance de faire des études, de ce qu'était l'attente des parents en disant : Il a sa licence, il est à l'abri.
Ma mère disait cela. Elle écoute en ce moment, alors je lui dis bonjour derrière l'écran. Ma mère disait cela : si tu as ta licence, tu pourras toujours enseigner.
Cela s'est passé comme cela pendant des générations.
Puis, aujourd'hui on a étendu les diplômes. Il y a beaucoup de bac+4 de bac+5, + 6 de bac++ qui sont chômeurs et, dans les familles, cela crée un séisme parce qu'ils n'ont plus confiance en rien.
Il faut que nous prenions ce problème face à face, les yeux dans les yeux et que nous soyons capables de dire ceci : désormais, nous le savons bien, le diplôme ne garantit plus l'emploi.
Le diplôme ne garantit plus le métier. Donc il faut que nous construisions la deuxième étape derrière le diplôme : tu as un diplôme, il faut que nous t'offrions une formation professionnelle qui conduise à un vrai emploi et cette formation professionnelle, il faut la bâtir avec les entreprises, avec le monde de l'économie parce qu'on ne peut pas abandonner des centaines, des milliers de jeunes tous les ans avec des diplômes qui ressemblent pour eux d'une certaine manière à quelque chose comme de la fausse monnaie.
Moi, je veux que, en France, on reconnaisse que la formation universitaire à sa valeur. C'est bien d'avoir une culture générale, c'est bien de voir une culture générale se spécialiser, il faut ajouter, derrière, que la formation professionnelle doit conduire à l'emploi.
Ceci est le nouveau contrat dont nous avons besoin entre l'université et la société française. Cela signifie aussi, c'est un message un tout-petit peu technique, mais je veux le dire à cette tribune, dans cette grande ville universitaire, qu'il faut aussi que nous changions la manière dont dont nos universités fonctionnent.
C'est trop compliqué, c'est très difficile de comprendre, il y a un labyrinthe de centres de décisions et de conseils. Les présidents d'université n'ont pas les instruments pour diriger réellement 'université.
Il y a un degré d'autonomie à faire intervenir dans les universités françaises et ce sera une grande tâche, très importante, du prochain gouvernement.
Ce n'est pas un enjeu électoral, mais je dis que ce sera très important de même que sera très importante l'exigence et la demande de réconcilier la recherche française avec la société française.
La recherche, nous sommes un pays qui n'est pas habitué à traiter de ces questions, surtout pas dans les moments de campagne électorale, mais nous formons les meilleurs chercheurs de la planète... ce sont les chercheurs qui applaudissent, ils ont bien raison ! Des médailles Field*, c'est l'équivalent du Prix Nobel en mathématique.
Vous savez pourquoi il n'y a pas de Prix Nobel en mathématique parce que M. Alfred Nobel, inventeur de la nitroglycérine avait une femme et cette femme est partie avec un mathématicien. Pour se venger, il a décidé qu'il n'y aurait jamais de Prix Nobel de mathématiques.
Voilà pourquoi, nous avons des médailles Field*.
On forme les meilleurs chercheurs de la planète, les plus honorés, les plus révérés, ceux devant qui tout le monde exprime son respect. Nous les formons et ils vont travailler aux États-unis.
Pour beaucoup d'entre eux.
Regardez la rentabilité de cette opération ! Nous payons des impôts pour assumer la formation intellectuelle, technique et pratique de brillantes jeunes filles et de brillants jeunes garçons. Nous les accompagnons au-delà du baccalauréat, pendant 8, 9, 10 ans, ils achèvent leur doctorat et, à ce moment-là, ce sont les Américains qui retirent les marrons du feu.
Nous avons planté l'arbre, nous avons soutenu l'arbre, nous avons fait pousser l'arbre, nous avons nourri l'arbre, nous avons abreuvé l'arbre, l'arbre produit des fleurs, ce sont les autres qui ramassent les fruits.
Eh bien, ceci n'est pas une réalité acceptable dans un grand pays comme le nôtre.
Y a-t-il une raison à cela ?
Je ne veux pas rester à la surface des choses. Pendant cette campagne, je me suis juré que l'on traiterait les problèmes à fond.
La plupart diront : c'est une question de budget et je ne leur donne pas tort.
Je suis pour qu'il y ait une augmentation régulière et programmée des budgets de la recherche, ne serait-ce que pour que l'on traite et que l'on paie mieux les jeunes chercheurs en France qui sont dans une situation scandaleuse et il est nécessaire de le dire.
Si je vous disais les salaires des jeunes chercheurs, vous auriez honte pour notre pays donc il faut une augmentation régulière et programmée qui permette d'améliorer la situation et le nombre des jeunes chercheurs, mais cela ne suffit pas parce que, dans les autres pays, la recherche est soutenue beaucoup plus largement et profondément pour une raison bien plus profonde, c'est que l'on considère que c'est par la recherche que l'on sélectionne les élites des entreprises aussi bien que du monde de l'État et, en France, ce n'est pas la voie de sélection car nous avons les grandes écoles qui sont absolument remarquables, mais qui forment des ingénieurs et non pas des chercheurs.
Il faut que nous réconcilions les grandes écoles et le monde de la recherche.
Je vous invite à y réfléchir parce que cela, c'est le troisième dossier.
Il faut qu'un jour, bientôt, en France, les entreprises considèrent qu'elles peuvent recruter leurs cadres par la recherche aussi bien que par les grandes écoles et ce sera un grand progrès pour la nation, je vous encourage à applaudir à cet endroit.
Applaudissements.
D'abord parce que cela me permet de boire un coup ! Ce qui est une chose nécessaire et puis, il y a un chantier que nous devons absolument traiter.
Je me suis juré qu'il n'y aurait aucune prise de parole de moi pendant cette campagne électorale, et je tiens ma promesse tous les soirs et à toutes les émissions, sans que nous nous parlions, comme cadre à cette campagne électorale, de la honte que représentent les milliers de milliards de dette que nous avons laissés sur les épaules de nos enfants et que nous creusons tous les ans par un déficit scandaleux.
Si nous avions le courage de leur dire la vérité, eux, les plus jeunes qui sont là, qui sont des centaines et des milliers, qui ont 20 ans, ceux-là devraient manifester sous la fenêtre des gouvernants de la France et ils devraient dire : nous n'acceptons pas le sort auquel vous allez nous condamner si vous continuez à ne rien faire parce que, des dettes, le savent-ils, il y en aura deux : la dette financière que l'on paît déjà, chaque famille, entre 2 et 3000 euros tous les ans, alors ne vous étonnez pas si les feuilles de paie à la fin du mois sont plus légères que ce que l'on espérait, mais que l'on va payer encore plus au fur et à mesure ; cette dette va s'alourdir en espérant que les taux d'intérêt n'augmentent pas parce que, si les taux d'intérêt augmentent, sachez-le, nous sommes assis sur une bombe.
Donc, si nous pouvons prier, prions pour que la Banque Centrale Européenne dont tout le monde dit du mal, fasse en sorte que les taux d'intérêt pour la France demeurent aussi bas qu'ils le sont aujourd'hui. Sans cela, vous allez sentir passer l'addition et, moi, je dis merci à ceux qui font en sorte que la confiance dans la monnaie soit telle que, sur les marchés financiers on prête aujourd'hui à la France à 50 ans à 3,85 %.
C'est le taux le plus bas depuis 300 ans.
Espérons que cela va durer comme cela, mais ne laissons pas se creuser ce déficit et cette dette. Ayons le courage de dire qu'il faut interrompre cette glissade perpétuelle et si vous êtes d'accord avec ce point de vue, alors il faut que vous demandiez des explications à d'autres candidats à cette élection.
Je vous invite à demander des explications à Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal qui, tous les soirs, dans leur discours, promettre des dizaines de milliards de dépenses supplémentaires et, pour l'un d'entre eux, en plus, de baisser les prélèvements obligatoires et les recettes du pays.
Nous, nous pensons et nous disons, et je prends l'engagement devant vous, qu'il n'y aura pas, dans notre programme, de recette qui ne soit équilibrée par des économies de manière que nous puissions regarder nos enfants en face et de ne pas leur laisser le fardeau que nous sommes en train de leur abandonner par lâcheté.
Et ce que nous laissons comme fardeau à nos enfants, ce n'est pas seulement la dette financière comme je viens de dire, c'est une autre dette, savamment on l'appelle : dette démographique.
Cela veut dire que nous qui venons de générations parmi lesquels il n'y avait 4 actifs, 5 actifs pour payer une retraite, nous allons vers des générations, si l'on ne fait rien, dans lesquelles, il n'y aura plus seulement un actif pour payer une retraite.
On dit qu'il y aura 0,7 actif pour payer une retraite, cela veut dire que tous ceux qui travaillent devront travailler pour eux, pour leur famille et pour le retraité dont ils auront la charge.
Il est juste de dire, en regard dans les Français, que ceci est inacceptable et ne sera pas accepté et que donc, il est beaucoup raillé et civique d'annoncer à l'avance qu'il faudra, dans notre pays, une réforme des retraites et cette réforme des retraites, pour que personne ne soit surpris et pour que personne n'ait le sentiment qu'on le trompe, je dis à l'avance que je la ferai décider par les Français par référendum.
Je vous dis les grandes lignes de ce que j'imagine. Je pense que les retraites de l'avenir devront être organisées de telle sorte que tout le monde puisse décider, en vérité, de l'âge du départ à la retraite.
A partir de 60 ans, chacun connaîtra la pension qui sera la sienne, s'il considère que la pension est suffisante, il pourra s'en aller avec ces droits acquis. Qu'il considère que la pension est insuffisante, il prolongera son travail au fur et à mesure que l'espérance de vie augmente dans notre pays.
C'est une réforme de liberté, mais cela veut dire, je me tourne vers les chefs d'entreprise et vers ceux qui ont la responsabilité de l'organisation sociale de la nation, qu'il faut arrêter de se raconter des histoires. Il faut faire des choses concrètes et pratiques pour que les plus de 50 ans puissent rester dans les entreprises sans être mis en préretraite.
Aujourd'hui, tout le monde parle d'allonger la durée de travail dans une vie, mais plus d'un français sur deux a déjà été mis à la porte de l'entreprise au moment où il prend sa retraite et vous savez pourquoi on les met à la porte ? En préretraite, excusez-moi, l'expression à la porte n'était pas heureuse, n'était pas élégante, ils le vivent souvent comme quelque chose de cruel et l'impossibilité de retrouver un emploi à partir de 50 ans est une des choses les plus honteuses que notre société porte et vous savez pourquoi on s'arrange pour qu'ils soient sur le bord de la route ? Parce qu'à 50 ans, on coûte plus cher qu'à 25 ans.
Eh bien, moi, je demande que l'on réfléchisse à la manière d'équilibrer ce genre de choses afin qu'il soit valorisant et valorisé pour une entreprise d'embaucher des plus de 50 ans au lieu de les laisser peu à peu se mettre ou être poussés sur le bord de la route.
Pour valoriser l'embauche des plus de 50 ans, j'ai une des clés pour cela qui est au fond une des mesures les plus concrètes et positives que l'on puisse imaginer pour l'emploi.
Élu Président de la République, je proposerai que toute entreprise française, quelle que soit sa taille, se voit reconnaître la capacité de créer 2 emplois sans charges de manière à pouvoir libérer, dégeler, ces centaines de milliers d'emplois dont l'entreprise a besoin et qui ne peuvent pas être créés parce qu'ils coûtent trop cher.
Cela intéresse spécialement trois groupes, les jeunes dont la qualification est faible, ils sont nombreux, plus de 150000 par an. Cela intéresse les jeunes diplômés que l'on n'embauche pas souvent parce que leur expérience est faible et que donc avec le prix que représente leur salaire, plus les charges, "cela ne le fait pas pour l'entreprise", comme disent les jeunes et cela intéresse les seniors, les plus de 50 ans, parce que ceux là aussi coûtent à l'entreprise.
Je suis sûr qu'il y a là des centaines de milliers d'emplois que l'on va pouvoir créer. Comme vous le voyez, cela avantage davantage les petites entreprises que les très grandes entreprises puisque tout le monde n'a droit qu'à 2.
C'est une aide formidable, réelle, concrète, explicable en 30 secondes à la télévision pour que tout le monde comprenne que, à partir du 6 mai, quelque chose aura changé en France.
Tout ces chantiers que je viens de décliner devant vous, et il y en a d'autres, j'en aborderai quelques-uns dans la deuxième partie de cette intervention, sont immenses.
La situation du pays est telle que beaucoup de gens, beaucoup de citoyens considèrent que... comment va-t-on faire pour y arriver ? Quelle décision ? Quelle détermination ? Quelle orientation prendre pour que la France ne soit plus, l'année prochaine, dans le même état où elle est cette année ?
Moi, j'ai une conviction, pour sortir par le haut la France de l'extrême difficulté dans laquelle elle se trouve, il faut arracher la politique aux clivages du passé.
Si je suis élu Président de la République, je nommerai un gouvernement dans lequel seront représentées les grandes tendances démocratiques du pays pour qu'une moitié du pays arrête de faire la guerre à l'autre et qu'elles se mettent à travailler ensemble pour relever notre nation.
Alors, naturellement, il y a des gens qui ne veulent à aucun prix de cela, c'est l'UMP et le Parti Socialiste. Eux, ce qu'ils veulent, c'est que cela dure comme c'est parce que cela leur garantit d'avoir la totalité du pouvoir un coup sur deux, un coup les uns, un coup les autres. En mettant en scène l'affrontement entre les deux, ils ont l'illusion que les Français ne comptent pas voir qu'il existe un autre chemin.
J'ai une mauvaise nouvelle pour eux, les Français se sont aperçus qu'il existait un autre chemin et ils
vont le choisir.
Mes chers amis, ceci paraîtrait idéaliste ou utopique si j'avais prononcé ces phrases il y a quelques mois encore et si je les prononçais ailleurs qu'à Strasbourg, mais vous, vous savez qu'il suffit de traverser le Rhin, que, de l'autre côté du Rhin, dans des élections qui sont intervenues il y a à peine 18 mois, on a assisté au même scénario : les deux partis officiels, les deux partis dominants du système ancien ont fait toute la campagne électorale, vous en êtes témoin, vous qui parlez allemand, en garantissant la main sur le coeur qu'ils ne travailleraient jamais avec ces gens de l'autre côté, puis les électeurs allemands ont pris la décision savante car moi je crois que les peuples sont savants, je pense que les peuples savent exactement ce qu'ils font et que tous ceux qui les prennent pour des naïfs ou des gogos vont se tromper.
Le peuple allemand a pris la décision savante de les obliger à travailler ensemble.
Il les a mis en situation d'égalité et il leur a dit : Mesdames et messieurs, vous êtes maintenant priés de vous occuper de nous et pas de vous occuper de vos querelles et de vos guerres intestines.
En Allemagne, ceci peut se faire parce qu'ils ont un mode de scrutin législatif juste. Nous, nous avons une loi électorale injuste qui ne représente pas les minorités mais qui ne représentent que les majorités, mais nous avons l'élection présidentielle.
L'élection présidentielle, c'est fait pour que les Français aient la faculté la possibilité, la liberté, la capacité de changer le paysage politique s'ils en ont envie. Eh bien, le 22 avril et le 6 mai, les Français vont changer le paysage politique en élisant un nouveau Président de la République et ce nouveau Président de la République aura reçu mandat des Français.
Le mandat que le peuple français aura remis au nouveau Président de la République est très simple, c'est : Nous, peuple français souverain, nous demandons au nouveau Président de la République d'aller les chercher où ils sont, dans leurs querelles d'autrefois, dans leurs caricatures d'autrefois, dans leur scénario d'opposition systématique d'autrefois, et de leur dire : Mesdames et messieurs, c'est fini, le temps de s'affronter est derrière nous, maintenant, vous allez nous rendre le service de vous entendre pour redresser le pays comme il mérite d'être redressé.
Et ils seront bien obligés d'obéir parce que vous aurez entre les mains l'épée de Damoclès : 5 semaines après l'élection présidentielle, 3 semaines après la nomination du nouveau gouvernement pluraliste par le Président de la République nouveau que vous aurez choisi, il y a les élections législatives et, aux élections législatives, de deux choses l'une, soit les candidats diront : Nous soutiendrons l'action du nouveau gouvernement et nous sommes prêts à nous rassembler pour le faire soit vous ne les réélirez pas et, croyez-moi, ils vont réfléchir à deux fois avant de s'opposer à la volonté du peuple français.
Une nouvelle fois, on aura vu qui est le patron dans la démocratie et dans la République française.
Naturellement, à Strasbourg, il faut que je vous parle du grand chantier de l'avenir qui est le chantier européen pour vous dire ceci : je veux parler d'Europe dans cette campagne électorale ou personne n'en parle. Je veux défendre l'espoir que l'Europe représente pour la France, je veux le faire sans timidité, sans esprit partisan, je veux le faire en regardant sans emphase la crise que l'Europe connaît aujourd'hui.
Je veux parler d'Europe aux français, qui sont désespérés que cette question ne soit pas abordé et je veux parler, je m'adresse à eux, aux défenseurs du oui dont je connais le désarroi aujourd'hui parce qu'ils ne voient plus le chemin et je veux parler à ceux qui étaient partisans du non parce qu'un grand nombre d'entre eux ont voté non en croyant qu'ils servaient l'idée européenne.
On a besoin aujourd'hui de parler d'eux.
Je veux parler à la France de ces raisons de croire à l'Europe et à ceux qui doutent des raisons pour lesquelles ils ont douté de l'Europe avec l'espoir, une évidence, que nous allons rassembler les Français autour d'un grand projet européen pour notre avenir national.
A Strasbourg, il faut dire que la situation dans laquelle l'Europe aujourd'hui, c'est le terme d'une longue histoire et si j'osais je dirai d'une longue et d'une magique histoire.
Je n'ai qu'une photo dans mon bureau, c'est la photo de Robert Schumann à Strasbourg et dans les marches de l'est, naturellement pour les plus jeunes, c'est un nom de l'Histoire, mais c'est aussi le nom d'un de ces hommes qui ont fait de la France ce qu'elle est.
J'ai beaucoup de vénération pour la mémoire de cet homme humble, avec un grand idéal, une grande ambition pour son pays et, lui, un homme humble, n'aimant pas les ors de la République détestant les voitures de fonction, refusant les gardes du corps.
Il montait à Paris de sa Moselle par le train avec un sandwich qu'il avait entouré dans du papier sulférisé et qu'il mangeait et, dans sa serviette, à côté du sandwich, il y avait les dossiers les plus extraordinaires que l'Humanité ait connu ces derniers millénaires.
Cet homme qui réfléchissait, disons-le puisque c'est vrai, qui priait, a rendu à son pays qui avait été souvent dur avec lui comme il a souvent été dur avec ces hommes et ces femmes qui ont changé de nationalité parce que la guerre avait changé les frontières, je dis cela en Alsace qui a connu beaucoup de victimes de cet aller-retour des nationalités, des victimes souffrantes, certaines qui ont souffert toute leur vie parce qu'elles avaient été emportées par le vent de l'histoire et peut-être quelques uns comprendront ce que je veux dire en évoquant ces victimes, sans dire leur nom.
Ces hommes-là ont pensé et senti que, dans le siècle où nous allions entrer, il fallait radicalement changer de vision.
Je pense très souvent à eux à cause du Proche Orient.
Vous me direz quel rapport ?
Quelle étrangeté d'évoquer la mémoire de Schumann quand on parle d'Israël, de la Palestine, du Liban et de leurs voisins ?
Moi je pense que cette question à beaucoup à voir.
Ils ont compris, Jean Monnet l'inspirateur et Schumann, celui qui a porté le projet en France, et Adenauer de l'autre côté du Rhin et de Gasperi, en Italie, que la paix serait impossible tant que l'on s'arrêterait à l'armistice.
Ils ont compris que la paix entre les peuples qui se sont fait la guerre pendant des centaines d'années, qui se haïssent, ne peut pas s'arrêter, ne peut pas s'établir uniquement par la cessation des hostilités.
Ils ont compris qu'il fallait faire tout de suite un pas de plus que la paix officielle, il fallait supprimer la haine et pour cela il fallait bâtir une maison commune.
Ils l'ont fait et je parle très souvent ainsi avec mes amis israéliens, avec mes amis palestiniens, avec mes amis libanais, je parlerais si je le pouvais avec les dirigeants syriens en leur expliquant à chacun que la paix est impossible à atteindre sauf si on se décide à la dépasser.
Ils ont eu l'éclair de génie, car c'est un éclair de génie, d'aller chercher le charbon et l'acier, c'est-à-dire les deux matière première pour lesquels on s'était fait la guerre et les deux moyens de se faire la guerre et ils ont décidé que, désormais, charbon et acier appartiendraient en communauté aux deux peuples et même à tous ceux qui les rejoindraient.
C'est chez nous qu'on la fait et c'est chez vous, la capitale de cette Europe parlementaire, ce qui me permet de dire devant vous que Strasbourg est la capitale de l'Europe parlementaire et qu'elle le restera si je suis élu Président de la République, car ce n'est pas un hasard si la capitale parlementaire de l'Europe a été bâtie à Strasbourg. Elle a été bâtie à Strasbourg parce que c'est ici qu'est l'épicentre du grand drame européen qui a fait que l'Europe, d'abord, a tué des millions de jeunes garçons, vous vous rendez compte... sur le monument aux morts du petit village de Bordères, 350 habitants en 1914, il y a 36 noms de garçons.
36 familles sur 350 habitants qui ont vu leurs garçons partir la fleur au fusil, comme on disait, à la guerre puis un jour, le maire est venu frapper à la porte avec des larmes dans les yeux pour dire : c'est fini.
Nous avons fait cela autour de l'Alsace et de la Lorraine et, après, nous avons reconstruit patiemment et il était juste, symbolique et important, que l'Europe se souvienne de cette histoire-là, pas seulement pour ne jamais recommencer, mais pour montrer à tous les autres peuples de la planète que toutes les haines étaient dépassables et que toute haine pouvait se changer en affection et en volonté de construction ensemble.
Puis ils ont fait le Marché commun, et c'était génial, c'était drôlement difficile parce que même de très grands esprits que je vénère comme Pierre Mendès-France ont considéré... que j'aime, que je respecte et dont je trouve que la trace mérite de nous guider, Pierre Mendès-France a été un des sept parlementaires à voter contre le traité de Rome.
Nous qui avons fêté le 50ème anniversaire du traité de Rome dans les mois qui viennent, souvenons-nous combien cela a été difficile à bâtir.
Après l'échec de la Communauté européenne de défense, pour montrer aux Européens qu'ils avaient un avenir qui dépassait même leurs prévisions les plus optimistes, que l'on pouvait bâtir une des économies les plus puissantes de la planète pourvu que l'on accepte que les frontières s'effacent, que les produits puissent circuler, que les entreprises prennent la taille de ce nouveau marché où nous allions devenir, grâce à cette décision, une des zones où la prospérité, la capacité de croissance seraient les plus fortes de la planète.
On a fait tout cela.
Cela a débouché sur la monnaie unique.
Savez-vous qu'il n'y a jamais eu, dans l'histoire des hommes, des peuples qui ont décidé librement de se doter d'une monnaie commune pour que puisse circuler entre eux le signe de la souveraineté ?
Cela ne s'est jamais produit dans l'histoire des hommes, une fois on a essayé, un peu plus à l'est.
Nous l'avons fait, nos générations l'ont fait. C'est dire la gratitude qui est là nôtre à l'égard de ces hommes, j'allais dire de ces géants qui ont, pour nous, porté ce projet.
Puis, cela arrive souvent dans l'histoire, Charles Péguy que j'aime beaucoup disait : tout commence en mystique et tout finit en politique et là, pour l'Europe, tout a commencé en mystique et peu à peu, nous l'avons laissé s'éloigner en technocratie.
Peu à peu, sans nous en apercevoir, à partir de bonnes intentions, nous avons laissé le grand idéal européen se réserver ou n'être contrôle que par des experts.
Des experts brillants, des hommes et des femmes de grande qualité, mais qui vivaient dans le monde des institutions européennes comme l'on dit, qui vivaient dans l'univers des lois, des normes, des règlements, des habitudes, des pratique, des moeurs européennes, avec le sentiment de bien faire et sans se rendre compte que peu à peu les peuples décrochaient.
Les citoyens, peu à peu, n'ont plus compris ce que c'était que cette Europe dont on leur parlait.
Qu'on leur présentait comme un grand idéal. Ils ont eu l'impression que tout ceci n'était plus leur affaire et on avait de très bonnes raisons pour agir ainsi, bien sûr qu'au début, c'était difficile d'expliquer au peuple qu'il fallait faire la paix entre la France et l'Allemagne. Il y avait encore tant de haine de part et d'autre du Rhin, tant de rancoeur que cela s'explique qu'on l'ait fait sans tout à fait le leur expliquer.
Puis, après, il était juste sans doute de dire qu'il fallait définir des normes pour que les produits puissent circuler au travers des frontières. On a oublié de rappeler aux citoyens pourquoi on le faisait et alors les Français, les Allemands et les autres ont eu l'impression que l'Europe servait à indiquer des règlements sur le bruit des tondeuses à gazon, à régler la question des phares automobiles, à embêter les fabricants de fromage au lait cru, à régler la taille des oeufs et à embêter ceux qui faisaient des marchés sur la place des villes.
Oui ou non ?
C'est cela la vérité de l'Europe. Peu à peu, les Français, nos concitoyens, le peuple de ceux qui ont bâti l'Europe ont eu le sentiment qu'à Bruxelles, il y avait des gens dont, au fond, la vocation était d'empêcher les autres de continuer à vivre comme ils vivaient.
Ceci est une des plus grandes tragédies politiques de notre temps.
Je dis souvent que je regrette qu'on ait laissé les spécialistes très éminents qui réglaient les questions des moteurs automobiles, des lampes d'automobile, du gabarit, des décibels, de la taille des frigos chez les cuisiniers ou chez les agriculteurs qui faisaient du foie gras, à Bruxelles.
On aurait dû les mettre n'importe ou ailleurs, à Milan par exemple, ils auraient été très bien à Milan, à Florence dans une grande et magnifique ville italienne comme cela on n'aurait pas dit : "C'est Bruxelles qui nous embête", mais : "C'est Milan qui nous embête" et cela n'aurait pas eu la même signification aux yeux de l'histoire européenne.
J'ai l'air de plaisanter, mais ne vous y trompez pas, je ne plaisante pas trop parce que je pense qu'on a laissé ainsi se pervertir l'idée européenne et on est arrivé à cette aventure difficile de la constitution européenne.
Là, sans s'en rendre compte, on a donné aux français le signe ou la confirmation d'une Europe qu'il craignait pour son opacité.
Je m'empresse de dire que l'inspiration du texte de la Constitution européenne était juste. Elle était : puisqu'on doit prendre de grandes décisions en Europe, il faut que les citoyens les acceptent par l'organisation d'une démocratie européenne ou d'une démocratie organisée pour l'Europe.
Cette inspiration était juste, mais on a donné un texte qui était proprement, simplement et complètement illisible.
Je suis persuadé qu'il était illisible pour tout le monde y compris pour ceux qui l'ont lu parce que j'ai des commentaires divers autour de moi comme vous l'imaginez, j'entends en stéréo des approbations et des désapprobations, mes chers amis, pourquoi je dis cela ? Parce que ce ne sont pas les mêmes qui ont pris la partie 1 et la partie 3 et la partie 2.
D'un côté, il y avait des politiques, d'ailleurs qui ont eu du mal à se mettre d'accord autour d'idées simples et, de l'autre, des juristes qui essayaient de retraduire tous les traités de toute l'histoire européenne pour en faire un seul volume et tout cela a été proprement, purement, simplement incompréhensible pour un citoyen même pour un citoyen de bonne volonté.
À cause de cela, les Français ont eu le sentiment, l'impression qu'il y avait un piège, qu'il y avait un loup, que s'il ne pouvait pas comprendre c'était qu'on ne voulait pas qu'ils comprennent et, à ce moment-là, ils ont eu deux terreurs, deux craintes.
La première, c'était qu'on veuille leur imposer un modèle de société dont ils ne voulaient pas et sans leur demander leur avis.
Alors ils ont appelé à l'ultra libéralisme, le sentiment que le modèle dominant sur la planète, le modèle anglo-américain financier s'était emparé de la grande aventure européenne.
La deuxième terreur, la deuxième crainte qu'ils ont eue, en raison de la manière dont on avait décidé d'ouvrir les négociations avec la Turquie, c'est qu'on leur arrache leur identité européenne.
Ils ont eu cette double crainte-là.
En raison de la manière dont le parlement français a été exclu de la réflexion pourtant fondamentale, pourtant historique de l'adhésion de la Turquie, ils ont eu le sentiment qu'on avait décidé de faire les choses sans eux et s'il le faut contre eux.
Je dis cela parce que ceci est aussi un symptôme de la crise qui est la crise de la République française aujourd'hui.
Il n'y a pas un parlement dans le monde, il n'y a pas un parlement dans un pays démocratique, complètement ou moyennement démocratique, qui aurait accepté, comme le parlement français, que la décision la plus importante de l'histoire de notre pays soit prise sans même que l'on accepte de lui demander son avis, sans même qu'il puisse dire un mot de ce qu'il pensait sur cette histoire.
Je vous le dis au passage, si je suis Président de la République, je changerai cela, il y aura, en France, un parlement de plein exercice qui représentera les Français et qui ne pourra être exclu d'aucune décision qui concernent leur avenir.
Alors les Français ont voté non, les Néerlandais ont voté non. Les Anglais sont drôlement contents de n'avoir pas eu à voter, les Polonais sont dans une situation qui n'est pas très éloignée, bref, nous sommes dans une impasse ou une crise européenne.
Cette crise européenne répond à un débat profond qui n'est pas tranché en Europe et que je veux exposer devant vous : Quel est réellement le projet européen ?
Qu'avons-nous entrepris réellement de faire ensemble, nous, les citoyens européens et les États d'Europe ?
Vers quoi allons nous ?
A cette question, il y a deux réponses.
Je voudrais vous dire les deux réponses possibles.
Il y a la réponse qui dit : l'Europe, Mesdames et messieurs, cela sert à faire du commerce, cela sert à avoir le plus grand marché possible, et de surcroît, cela sert à avoir des lois et des règles de vie en commun qui nous assurent que, dans tous nos pays, on va respecter un certain nombre de procédures un certain type de légalité, que l'on va respecter les droits de l'Homme en particulier, bref que nous serons dans un espace commun de droits et d'échanges.
C'est un projet dont je ne dis pas qu'il est nul, dont je ne dis pas qu'il est sans intérêt, c'est très important de faire du commerce, c'est très important d'avoir des règles communes qui permettent, d'un côté et de l'autre de la frontière, de se retrouver, mais pour nous, ce n'est pas l'essence du projet européen parce que, pour nous, notre projet européen répond à une autre question, non pas, qui veut faire un grand marché ? Mais qui veut l'union de l'Europe pour changer le monde ? Qui veut l'union de l'Europe pour défendre notre modèle de société européen ? Qui veut l'union de l'Europe pour défendre nos valeurs, nos valeurs sociales en particulier, l'Europe sociale en particulier, notre modèle social et culturel.
Si j'osais, si j'allais tout à fait au bout de ce que je pense, je dirais notre modèle culturel et presque même notre modèle philosophique et spirituel.
Pour nous, l'Europe, c'est fait pour cela et c'est pour cela qu'il y a ce grand débat : constitution, pas constitution ? Traité, pas traité ? Vers où l'on va, où les uns sont contents que l'on n'avance pas davantage ?
Eh bien, ce que je veux dire devant vous, avec certitude pour moi, c'est que les plus grands problèmes qui se posent à notre pays, les plus grands problèmes qui sont source d'inquiétude pour les Français, aucun de ces problèmes ne peut trouver une véritable réponse si l'Europe n'existe pas, si elle ne décide pas que, tous ensemble, nation européenne, nous allons nous regrouper pour reconstruire un monde qui soit un monde plus juste.
Ces problèmes, j'en ai sélectionné 7 ou 8 pour en parler devant vous. J'aurais dû en ajouter d'autres, je le ferai peut-être en un mot à la fin, dont un qui vous tient à coeur, mais nous avons devant nous des questions que nous ne pouvons pas régler tout seul à l'intérieur de notre cadre national. Je sais très bien que les candidats aux élections présidentiels disent, il y en a même un qui en a fait un slogan : votez pour moi et tout s'arrangera.
Et bien je vous dis qu'il ne suffit pas de voter pour quelqu'un pour que tous s'arrangent.
Il faut aussi avoir conscience que, désormais, les problèmes sont devenus si important et si lourd qu'il faut décider de les arranger non pas tout seul, mais avec les autres et que les décisions nationales que nous prenons à l'intérieur de notre hexagone ne suffiront pas pour régler les problèmes que je vais énumérer devant vous.
Nous avons un grand problème de politique économique.
Est-ce que vous croyez que l'on peut avoir une monnaie commune avec des politiques budgétaires et des politiques fiscales aussi différentes que celles que l'on est en train d'avoir dans les pays européens ?
Regardez dans quelle course incroyable nous sommes engagés du point de vue fiscal, chacun, pour attirer les entreprises, est en train de faire en sorte que les impôts à l'intérieur de son État soient plus bas que ceux du voisin.
Moi-même peut-être je vais faire ce genre de chose.
Je ne dis pas que j'y renonce dans la compétition fiscale qu'il y a entre les États, mais ne serait-il pas plus raisonnable de fixer un gabarit et de dire : Mes chers amis, pour l'impôt sur les sociétés on va essayer d'avoir tous à peu près le même impôt pour que la répartition des entreprises soit homogène dans le cadre européen et en tout cas dans le cadre de la zone euro.
Première question : l'économie, la fiscalité les budgets.
Deuxième question : nous ne pouvons pas ne pas traiter de la défense. Ce n'est pas possible de croire que nous allons continuer à bâtir des défenses nationales. Aucun d'entre nous n'a les moyens budgétaires et aucun d'entre nous n'a les moyens politiques de bâtir des défenses nationales. Il faut que nous ayons une démarche européenne en matière de défense.
Si je dois vous dire tout à fait ce que je pense, je me ferai naturellement prendre à partie sur ce sujet, il faut aussi que nous réfléchissions à la manière dont nous traitons notre armement nucléaire dans le cadre européen parce qu'on ne peut pas avoir une stratégie nucléaire sans prendre en compte ceux qui sont autour de nous, sans en parler avec eux, sans réfléchir à ce que sera la carte ou la stratégie de notre politique de défense à l'avenir.
Troisièmement, il faut que nous ayons une stratégie diplomatique. Mes chers amis, est-ce que vous imaginez l'impuissance dans laquelle nous nous plongeons, nous, Européens, simplement parce que nous sommes divisés ?
Je suis allé au Darfour, nous avons vu le drame, au Darfour, j'ai l'habitude de dire : ce n'est pas la dernière guerre du Moyen Âge, c'est la première guerre du XXIe siècle sans que l'on s'en aperçoive.
Bien sûr, ils s'égorgent à l'arme blanche. L'arme suprême, c'est une mitrailleuse, mais la guerre du Darfour c'est la première guerre que l'on vive parce que le changement du climat fait avancer le désert et qu'il n'y a plus de terres disponibles alors les tribus des uns ont décidé d'aller arracher la terre des tribus des autres. C'est le premier génocide du XXIe siècle.
Mes chers amis, est-ce que vous imaginez ce que nous pourrions faire si la connaissance de cette région par les Français et les services secrets français et la connaissance de cette région par les agents et les agents et les services secrets britanniques pourraient faire s'ils se mettaient ensemble ?
Nous connaissons cette région, le Tchad le Soudan, les Français, les Britanniques, et les Italiens maintenant, comme notre poche. Nous connaissons les liens, les tribus, les influences, l'islamisme qui est en train d'envahir tout cela, nous sommes capables, nous serions capables de jouer un rôle majeur.
Au lieu de cela, qui joue le rôle majeur ?
Méfiez-vous, cette phrase, vous allez l'entendre si vous vivez assez longtemps pendant tout le XXIe siècle ?
Ce sont les Chinois qui ont décidé que, partout en Afrique où il y aurait du pétrole, il y aurait désormais l'influence de leur immense puissance.
Et les dirigeants chinois ont offert aux dirigeants soudanais de les protéger contre toute intervention de l'ONU en opposant aussi longtemps que possible leur droit de veto au Conseil de sécurité à toute résolution qui voudrait les forcer à accepter les forces d'interposition ou les condamner.
Ceci, c'est le XXIe siècle comme il est en train de se bâtir.
Est-ce que vous imaginez ce que nous pourrions faire tous ensemble, toutes les puissances européennes, si nous décidions, enfin, de servir de garant dans le conflit du Proche Orient et de ne pas laisser face à face l'influence américaine avec tous ceux qui considèrent que l'influence américaine a été, dans cette région, une menace.
Je suis pour que nous ayons une action diplomatique concertée, pas que nos diplomaties disparaissent.
Dieu me garde de vouloir faire disparaître la diplomatie française, c'est une de nos fiertés, mais il faut une action concertée des diplomaties européennes de manière que nous puissions bâtir quelque chose de sérieux et de conséquent.
Quatrièmement, j'évoquais à l'instant, à propos du Darfour le drame du climat. Ce qui est en train de se passer dans le réchauffement de l'atmosphère, les centaines et les centaines de savants qui sont venus à Paris la semaine dernière pour dire : c'est un... et côté bien, c'est désormais un fait scientifique avéré, certains, à 95 %, que le réchauffement de l'atmosphère qui est en train de provoquer la plus incroyable mutation parmi les espèces humaines dans les océans, qui va menacer peut-être l'espèce humaine dans sa survie, c'est un fait avéré que cette augmentation de la température de l'atmosphère terrestre est dû à l'activité humaine.
C'est un fait scientifique avéré que c'est l'utilisation irréfléchie du pétrole, du gaz et du charbon, des énergies fossiles, que nous brûlons et libérons dans l'atmosphère de telle sorte qu'on a épuisé, en quelque dizaine d'années, les réserves que la planète avait constituées, en quelques centaines de millions d'années.
C'est cela qui a provoqué le réchauffement de l'atmosphère et, si c'est vrai, si c'est un fait scientifique avéré, alors cela signifie, mes chers amis, que l'on est obligé d'agir.
Est-ce que vous imaginez qu'un pays solitaire comme la France peut s'adresser aux États-unis, les plus grands consommateurs d'énergie et les plus grands créateurs de gaz à effets de serre dans la planète, ceux qui ont refusé de signer le protocole de Kyoto, le président Bush père ayant dit : "Excusez-nous, mais ces affaires d'atmosphère -si j'ose dire- on n'en a rien à faire parce que le mode de vie des américains n'est pas négociable."
Cette phrase a été prononcée devant Kyoto.
Est-ce que vous croyez qu'un pays seul comme la France est de nature à pouvoir imposer ne serait-ce que l'on inscrive cette question sur l'agenda de la planète ? Moi, je vous dis que non.
On a besoin d'une action concertée, on a besoin de faire que nous, tous les Européens, nous indiquions au monde que c'est un problème majeur et que nous l'indiquions, non seulement aux plus riches, mais que nous en parlions respectueusement et amicalement avec les plus pauvres.
Politique de l'énergie, j'espère que vous suivez ce qui s'écrit dans les journaux. Nous avons quelques problèmes énergétiques que j'indique comme cela, seulement, en passant, il n'y a que trois fournisseurs de gaz principaux auprès de qui nous pouvons nous fournir.
Le premier s'appelle la Norvège, un peuple ouvert et sérieux avec lequel il n'y a pas de difficulté, l'autre s'appelle l'Algérie et le troisième la Russie.
La Russie fournit aujourd'hui 50 % du gaz à l'Europe.
Je ne sais pas si vous avez aperçu que la Russie avait une idée politique de la fourniture du gaz, je dis cela avec la plus extrême des prudences dans ma formulation.
Si nous ne sommes pas capables de comprendre qu'il faut que nous bâtissions une politique énergétique Européenne qui tiennent compte des conditions politiques de notre indépendance énergétique, la capacité à nous retrouver indépendants de manière énergétique, c'est-à-dire la capacité à poser la question du pétrole naturellement, du gaz naturellement, de l'énergie nucléaire naturellement, dont je prétends et tant pis si je me fais mal voir, qu'elle est aujourd'hui une des énergies ou la source d'énergie la plus propre s'agissant des gaz à effet de serre dont nous disposions dans notre patrimoine énergétique et que je ne crois pas un mot, non pas de la bonne volonté, mais de la faisabilité, de l'engagement de Ségolène Royal qui prétend que l'on va baisser de 80 à 50 % la part de la fourniture de l'électricité nucléaire dans notre bilan énergétique national.
Je ne crois pas un mot de cela où alors on ouvre des centrales à charbon, c'est-à-dire que l'on se remet à polluer et à émettre des gaz à effet de serre de manière que Kyoto ne sera plus qu'un lointain souvenir et que nos enfants pourront nous faire procès de n'avoir pas été à la hauteur de nos responsabilités.
Puis, je l'évoquais, je n'en parle qu'en passant, est-ce que nous croyons que nous pouvons rester avec uniquement des politiques de recherche nationale ?
Vous avez vu que Boeing est en train, provisoirement je l'espère, de reprendre l'avantage sur Airbus et de s'imposer désormais comme le premier avionneur du monde.
Vous savez pourquoi ? Parce que le gouvernement américain sous forme de crédits militaires a offert à Boeing des crédits de recherche illimités ce qui a permis à Boeing de prendre de l'avance sur nous, sur le secteur où nous étions le plus fort, c'est-à-dire celui des matériaux composites ? Vous allez mesurer en emploi et en produit intérieur brut et en manque de croissance ce que veut dire un pays qui a une vraie politique de recherche, c'est-à-dire pas comme nous, je souhaite que l'Europe prenne la tête d'une politique de recherche à la hauteur de nos responsabilités et de ce que nous voulons obtenir comme croissance.
Dernière politique que je voulais évoquer devant vous : celle de l'immigration et du codéveloppement.
Je ne crois pas, je ne crois plus si je l'ai jamais cru, mais j'ai aujourd'hui la certitude que quiconque prétendra réguler l'immigration dans le cadre national n'y arrivera pas.
Nous avons besoin si nous voulons traiter des problèmes d'immigration, bien sûr nous avons besoin de rigueur nationale, bien sûr nous avons besoin de réfléchir à la manière dont on peut éviter par exemple que le travail au noir nourrisse tant et tant de filières d'immigration clandestine, bien sûr on a besoin de lutter contre ces filières et de les sanctionner, mais mes chers amis je veux vous dire ma conviction profonde, ce n'est pas avec des douaniers, ce n'est pas avec des miradors ce n'est pas avec des chiens policiers, ce n'est pas avec des papiers infalsifiables, ce n'est pas avec des charters que l'on réglera les questions d'immigration, on réglera les questions d'immigration si l'on est capable de développer l'Afrique parce qu'il n'y a pas d'immigrés qui viennent pour son plaisir. Les immigrés viennent parce qu'ils meurent chez eux. Si nous voulons qu'ils vivent chez eux, il faut que nous leur garantissions qu'ils peuvent nourrir leur famille.
Depuis que le monde est monde, les pauvres s'en vont chez les riches. Nous le savons, nous l'avons fait en Béarn, aux pays basques, partout dans le monde rural français à la fin du dix-neuvième siècle, nos pères ou nos oncles s'en allaient, ils s'en allaient parce qu'ils crevaient de faim, ils passaient de l'autre côté de l'océan, ils allaient aux États-unis et ils essayaient, là-bas, de reconstruire leur vie comme ils pouvaient et souvent très bien.
Eh bien c'est exactement la même chose.
Quand vous avez des riches à côté des pauvres, les pauvres fuient chez les riches.
Nous avons, à quelques centaines de kilomètres de nos côtes, les vingt pays les plus pauvres de la planète et nous formons ici les dix pays les plus riches de la planète.
Si nous ne faisons pas ce qu'il faut, ils viendront, ils viendront à pied, à cheval, en voiture, ils viendront à la nage, ils viendront en rampant, ils viendront en s'usant les doigts.
Ils viendront parce que, chez eux ils ont la certitude que, hélas, ils vont mourir et leurs enfants avec eux et, si vous étiez à leur place mes chers amis, vous feriez la même chose.
La seule politique d'immigration sérieuse, c'est une politique de développement du continent africain.
La seule politique, c'est de leur garantir qu'au lieu de mourir chez eux, ils vont pouvoir vivre chez eux, qu'ils vont pouvoir nourrir et pouvoir équiper leurs pays. Cela veut dire changer une partie du commerce international, notamment pour que les paysans ne soient plus arrachés à leur terre sous le déversoir des millions de tonnes de céréales que nous leur envoyons dont les prix sont effondrés à cause des subventions américaines et, disons-le aussi, des subventions européennes.
Alors, s'il faut faire tout cela avec l'Europe, plus une politique culturelle, ce qui m'amène à dire devant vous à Strasbourg -et ce n'est peut-être pas un hasard- que, si je suis Président de la République, je ferai ratifier la charte de protection des langues et cultures régionales de la France.
Et ce sera un Béarnais qui a été l'élu des Basques qui le fera avec les Alsaciens et les Bretons et les Languedociens et les Corses, toutes ces langues qui appartiennent au patrimoine national de la France.
Si nous devons faire tout cela, qui ne peut être fait que dans le cadre européen, alors il y a une condition nécessaire et cette condition est celle-ci : il faut que l'Europe soit l'affaire des citoyens européens, c'est-à-dire que chacun des citoyens européens soient informés de ce qui se passe, de ce qui se décide, de ce qui se prépare dans les instances européennes, que chacun, en ouvrant son journal tous les jours sache quelles décisions sont en train d'être préparées, sont en voie d'être adoptée, que l'on suive les décisions européennes non pas comme quelque chose d'étranger, de quelque chose éminemment important pour notre vie, que l'Europe deviennent affaire de citoyen.
Si elle doit devenir affaire de citoyen, il faut qu'elle ait des institutions.
Je veux dire simplement en deux mots ceci : on va devoir naturellement traiter et vivre la suite du référendum du 29 mai 2005.
Cette suite, je la prends au sérieux. Je sais, je crois, que, dans les mois qui viennent, les gouvernements européens et l'Allemagne qui préside l'Union va être obligée de constater qu'en l'état le traité ne sera pas possible. Je pense et je crois souhaitable que Mme Angela Merkel, au nom de l'Allemagne, dise que l'on va convoquer une conférence intergouvernementale et que cette conférence des États européens va examiner les objections faites à ce texte, qu'elle va garantir que l'on peut trouver des voies pour que l'Europe deviennent la terre des citoyens et qu'elle échappe à l'accusation qui a été si souvent alléguée, une Europe qui imposerait aux citoyens un projet de société qui ne serait pas le leur et qui leur garantirait une identité qui est celle qu'ils estiment devoir être l'identité européenne.
J'espère qu'un texte lisible par tout le monde court, compréhensible et offrant les garanties démocratiques nécessaires, sera rédigé et, ce texte, je ne veux pas qu'il soit décidé en court-circuitant les Français.
Je dis à l'avance que, élu Président de la République, ce texte nouveau qui fera de l'Europe une Europe des citoyens, je le soumettrai au référendum des français, je ne déciderai pas à leur place.
Ce qu'ils ont décidé une première fois, ils ont voté, ils ont le droit d'être informés de la suite des événements.
Et il faudra que le Président de la République s'engage, il ne sera pas spectateur éloigné de cette histoire, il faudra qu'il aille devant les Français et qu'il leur dise ce qui se joue d'essentiel dans l'histoire de leur pays, de leur continent et dans l'histoire du monde avec cette décision de donner à l'Europe sa dimension démocratique d'en faire une Europe des citoyens au lieu d'une Europe des diplomates ou des technocrates.
C'est la responsabilité du futur Président de la République que d'aller devant les Français. Je ne suis pas d'accord quand Nicolas Sarkozy dit : On va faire adopter ce texte par le parlement sans en parler aux Français.
Je pense que l'on créerait un fossé désormais impossible à effacer entre le peuple des citoyens français et l'aventure européenne qui a été faite pour eux.
Je suis pour que l'on fasse confiance aux citoyens, qu'on leur demande leur avis, qu'on fasse vis-à-vis d'eux la pédagogie nécessaire et que l'on ait le courage de s'engager puisque après tout c'est lui le peuple souverain.
Vous voyez ainsi tout ce qui se joue dans cette élection présidentielle.
Nous allons poser les problèmes et apporter les réponses, des questions les plus cruciales que notre pays ait jamais eu devant lui en tout cas dans les décennies et les siècles récents.
J'ai la conviction que la France et les Français ont besoin d'Europe, mais que cette Europe doit être une Europe transparente, à leur portée et qui leur apporte des garanties.
Ils ont besoin d'Europe pour défendre ce qu'ils ont de plus précieux et donner à notre vision du monde la vision française du monde un écho qu'autrement elle ne rencontrerait pas ou ne rencontrerait plus.
Je suis persuadé que le monde a besoin d'Europe.
Pas seulement nous les européens, le monde a besoin d'Europe parce que c'est la première fois dans l'histoire de l'univers que l'on aura construit une puissance qui ne sera pas une puissance de nomination.
C'est la première fois dans l'histoire de l'univers que l'on aura une puissance pacifique, une puissance de compréhension de la diversité et en particulier de la diversité des civilisations et des cultures de la planète. Le monde a besoin d'Europe.
Le monde a besoin d'Europe comme modèle, mes chers amis, on a besoin d'Europe au Proche Orient, je viens de le dire comme un modèle de ce que cela pourrait devenir.
On a besoin d'Europe en Amérique latine comme un modèle de ce que peut être l'organisation d'un continent, on a besoin d'Europe en Afrique parce qu'un jour il y aura une union africaine qui aura les mêmes inspirations, les mêmes règles, la même volonté de vivre ensemble que nous avons eue en Europe.
Le monde a besoin d'Europe.
Si nous n'avions pas l'Europe, des questions vitales pour la planète ne pourraient même pas être abordées, mais l'Europe a besoin de la France et l'Europe a besoin d'une France en bonne santé, ce qui veut dire que l'Europe a besoin que la France règle ses problèmes pour qu'elle redevienne l'acteur majeur qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être de l'évolution de notre continent.
Pour régler ces problèmes, la France a besoin d'un large et profond rassemblement de responsables, animés de la même volonté et non pas du sens de l'intérêt des partis, mais du sens de l'intérêt général, décidée enfin à agir enfin, à agir ensemble et non pas les uns contre les autres.
La France, pour jouer ce rôle retrouvé d'acteurs majeurs, avec ses collègues européens, a besoin d'un président européen.
C'est le bon moment et c'est la bonne heure, c'est la bonne heure parce que nous avons la chance - ce sont tous des amis pour moi, des amis de longtemps, des amis profonds, pas seulement des amis de partis, des amis d'inspiration- que se présentent, soit actuellement en fonction, venant d'être élus pour beaucoup d'entre eux, une génération de responsables européens, de chefs de gouvernement capables d'agir ensemble parce que marqués de la même inspiration ! Romano Prodi, Jean-Claude Juncker, Angela Merkel, Guy Verhofstadt.
Voilà une équipe de chefs d'États et de gouvernements qui pourra conduire l'Europe où elle avait désappris à aller.
Je suis heureux que la soirée que nous avons connue aujourd'hui présage, laisse ressentir, face espérer, montre que va advenir ce grand moment de redressement, de ressaisissement et d'espérance nationale.
Je vous remercie.Source http://www.bayrou.fr, le 13 février 2007