Texte intégral
Q - Brigitte Girardin, ministre déléguée à la Coopération, au Développement et à la Francophonie, est l'invitée de TV5 MONDE. Merci, Madame la Ministre, d'être avec nous, d'autant plus que le Sommet, le XIVème Sommet Afrique-France s'est achevé à Cannes. Vous en arrivez, vous êtes sur le plateau avec nous en direct. Un bilan positif pour ce sommet. On va bien sûr parler des accords pour le Darfour, de la situation en Guinée mais globalement, comment s'est passée la sortie de Jacques Chirac ?
R - Tout d'abord, permettez-moi de dire que ce n'était pas une sortie de Jacques Chirac. C'était un sommet important comme tout ce type de sommets qui, année après année, montre à quel point ils sont utiles. D'ailleurs j'ai envie de dire que s'ils étaient inutiles, ils ne seraient pas copiés par l'Union européenne, par l'Amérique latine, par la Chine, par le Japon. Pourquoi ? Parce que ces sommets permettent de parler de sujets globaux qui concernent, bien sûr, le continent africain mais qui concernent la place du continent africain dans le monde, une place qui est de plus en plus reconnue. Et puis surtout, cela permet d'évoquer certaines crises régionales et de le faire de façon informelle. Vous savez que ce type de dialogue est souvent ce qu'il y a de plus efficace avec l'Afrique.
Q - Est-ce que cela ne reflète pas, finalement - on va en reparler - des relations entre la France et l'Afrique où la France était qualifiée de gendarme de l'Afrique, où on essaye de résoudre les conflits. Est-ce que finalement cette situation-là n'est pas terminée ? Est-ce que ce n'est pas finalement l'un des derniers sommets du genre peut-être ?
R - Mais pas du tout. Je crois que tout ce que l'on raconte sur la France-Afrique, la France gendarme de l'Afrique, mais tout cela c'est une vision complètement dépassée. Cela fait des années que nous militons pour ne plus être les seuls à essayer de développer ce continent et surtout, à essayer d'intéresser le reste du monde à l'avenir de ce continent. Je rappelle que c'est le président Chirac qui, le premier, a réussi à imposer que l'Afrique soit à l'ordre du jour d'un sommet du G8. C'est lui qui a beaucoup milité pour que l'ONU soit plus présente en Afrique et fasse un effort de mobilisation de la communauté internationale pour le développement de ce continent. Tout simplement parce que - et nous sommes enfin écoutés - tout le monde commence enfin à comprendre que l'Afrique est au coeur de l'équilibre du monde. Regardez tous les grands défis auxquels nous devons faire face, que ce soit le fléau de l'immigration clandestine, que ce soit le fléau des grandes pandémies - le sida par exemple, les problèmes de grippe aviaire -, que ce soit la lutte que nous devons faire pour préserver l'environnement, on se rend compte que tout passe par l'Afrique et que, sans développement de l'Afrique, nous n'arriverons pas à lutter efficacement contre ces fléaux.
Q - Oui, et d'ailleurs Jacques Chirac avait parlé de l'enjeu considérable, de l'importance de l'Afrique. Il a pratiquement lancé un appel aux candidats à l'élection présidentielle en France. On a l'impression qu'il les a critiqués de ne pas s'intéresser à l'Afrique.
R - D'une façon générale, le président Chirac est le plus grand militant de tous les temps sur le thème de la défense de l'Afrique et je crois qu'il aura consacré vraiment beaucoup d'énergie au cours de toutes ces années pour intéresser le reste du monde à ce continent. Son pari a été gagné et on le voit bien aujourd'hui : l'Afrique est au coeur de toute la problématique mondiale et ce qui est très positif, c'est que nous avons réussi à entraîner derrière nous l'Union européenne. Angela Merkel était là à Cannes non seulement comme présidente de l'Union européenne mais comme future présidente du G8. On voit bien que la perception qu'a la France du rôle de l'Afrique dans le monde est de plus en plus partagée. Nous sommes sans doute le pays qui connaît le mieux l'Afrique parce que nous avons une relation historique, affective avec ce continent. Mais le combat que nous menons depuis des années pour intéresser le reste du monde à l'Afrique, ce combat est en train d'être gagné. C'est une très bonne chose. Bien sûr, nous ne sommes plus le gendarme de l'Afrique puisque chaque fois que nous intervenons en Afrique, nous le faisons à la demande des organisations régionales africaines, nous le faisons à la demande de l'ONU. Nous ne sommes pas là comme une puissance néo-coloniale comme je l'entends dire encore trop souvent.
Q - Et ce qu'écrivent les journalistes, qui écrivent que l'influence de la France finalement n'est plus ce qu'elle était en Afrique, voire même des critiques plus politiques ; on a même vu Ségolène Royal écrire dans une interview disant - en critiquant Jacques Chirac, en parlant d'une politique de relations personnelles, de clientélisme. Vous pensez que c'est choquant, qu'il devrait y avoir un consensus sur cette question-là ?
R - Mais je crois surtout que ceux qui portent de tels jugements ne connaissent pas la réalité de la situation. Notre coopération avec l'Afrique, d'abord elle a complètement évolué toutes ces dernières années. Cette coopération, ce n'est pas seulement l'Etat qui apporte de l'aide publique au développement, ce n'est pas une simple relation interétatique. J'entends dire que l'on soutient des dictateurs, des gouvernements en place qui sont critiquable au niveau de la gouvernance. Ce que nous faisons, c'est avant tout aider les populations à sortir de la pauvreté et la coopération française, ce n'est plus uniquement le canal étatique ; c'est le canal des ONG. Nous avons doublé, nous sommes en train de doubler notre effort d'aide au développement qui transite par les ONG, ce sont les collectivités locales. La coopération décentralisée a connu un essor extraordinaire ces dernières années. Ce sont les entreprises ou des partenariats publics/privés. Mais ce qui est intéressant de constater, c'est que depuis peu de temps, depuis à peu près deux ans, depuis que nous avons mis en place cette réforme importante de notre coopération, alors qu'auparavant chacun travaillait un petit peu dans son coin, nous avons fait cet effort de coordination, de concertation et il y a une cohérence dans la politique de coopération française avec un seul objectif : l'efficacité, le résultat.
Q - Oui, pour vous il ne peut pas y avoir d'autre politique de la France en Afrique, c'est-à-dire qu'on ne peut pas avec l'élection présidentielle imaginer un changement ou qu'il y aurait une autre façon de faire pour eux ?
R - Ecoutez, j'espère que cette politique sera poursuivie parce que c'est l'honneur de la France d'avoir ce type de politique, de faire cet effort bilatéral. C'est aussi le soutien aux organisations internationales parce que nous avons aussi fortement augmenté nos contributions par exemple aux agences des Nations unies pour le développement. Tout cela se fait à partir d'un constat selon lequel, si on veut être efficace pour sortir l'Afrique de la pauvreté, il faut s'y mettre à plusieurs, il faut que nous puissions démultiplier nos efforts avec d'autres bailleurs de fonds. Si vous voulez, cela va à l'encontre de ceux qui disent qu'on perd de l'influence. Non seulement on ne perd pas de l'influence parce que, encore une fois, nous sommes perçus comme les meilleurs connaisseurs et les meilleurs amis de l'Afrique mais nous sommes aussi perçus comme ceux qui arrivent à mobiliser les autres pour que ce continent sorte enfin de la pauvreté.
Q - Madame la Ministre, il y a une situation difficile en Guinée, on va d'abord en parler. Il y a 113 morts depuis le début du mois de janvier, une situation politique très confuse ; grève générale, 2.000 Français voire même plus qui sont présents. La France a pris des mesures pour les rapatrier en cas de besoin. Quelles sont ces mesures et est-ce que c'est envisagé rapidement ?
R - Nous avons pris des mesures effectivement logistiques, à la fois navales et aéronautiques pour pouvoir évacuer les Français qui sont en Guinée actuellement au cas où ce serait nécessaire mais nous espérons évidemment que cette crise sera surmontée et que nous ne serons pas obligés d'en arriver-là. En tout cas, on a pris les dispositions nécessaires pour évacuer si besoin nos ressortissants mais aussi d'autres communautés qui nous ont demandé un soutien - je pense notamment à la communauté libanaise qui est importante. Il y a aussi d'autres ressortissants, qu'ils soient Américains ou Européens et nous avons effectivement un dispositif qui est prêt en cas de nécessité.
Q - C'est-à-dire que les 2.000 ou plus personnes également d'autres nationalités pourraient être évacuées très, très rapidement ? C'est-à-dire que tout est en place, là maintenant ? Et quel est votre souci par rapport à la situation politique sur place ?
R - Nous appelons non seulement au dialogue mais à faire en sorte qu'un Premier ministre de consensus puisse être nommé en Guinée et que l'on sorte de cette spirale de la violence qui ne peut rien résoudre. Nous en appelons à la sagesse des partenaires Guinéens pour qu'ils puissent arriver à faire cette réconciliation qui est nécessaire et sans que nous ayons à connaître d'autres drames. Il y a eu plus de 100 morts déjà et ce n'est pas acceptable.
Q - Autre situation de conflit : le Darfour. On a beaucoup parlé de cet accord entre le Soudan, le Tchad, la Centrafrique. Le Tchad même dit : "On n'y croit pas trop, on a signé mais on ne se fait pas d'illusions". C'est un accord de plus ou c'est vraiment un accord historique ?
R - Vous savez, cela montre bien que ces sommets ont une utilité. Quand on met autour d'une même table le président du Soudan, le président du Tchad, le président de la Centrafrique, le président égyptien qui joue un rôle important, le président Sassou Nguesso qui était l'ancien président de l'Union africaine, le président Bongo qui est le doyen des chefs d'Etat africains et nous bien sûr puisque nous étions la puissance invitante à Cannes, pour une réunion sous la présidence du président Kufuor qui est le président du Ghana, qui est le président de l'Union africaine aujourd'hui, c'est déjà réussir à faire parler tous ces gens qui n'ont pas l'habitude naturelle, compte tenu de la situation difficile au Darfour, de le faire. C'est déjà quelque chose d'important et les faire signer une déclaration comme celle qui a pu être signée à Cannes, je crois que cela va dans le sens des pressions de la communauté internationale pour qu'on arrive à avoir une situation qui s'apaise au Darfour parce que ce n'est plus tolérable que des organisations humanitaires qui, pourtant, ont l'habitude de rester même dans des conditions souvent dramatiques, certaines s'en vont et c'est très inquiétant. Je crois qu'il y a vraiment urgence à ce que toutes les bonnes volontés s'unissent et que la pression soit suffisamment forte sur les parties concernées pour qu'on arrive à surmonter cette crise.
Q - Un mot, une minute, il nous reste très peu de temps, sur la Côte d'Ivoire. Il y a eu encore une fois j'imagine des entretiens, essayer de faire avancer les choses, relancer un processus électoral.
R - Je crois que nous sommes sur la Côte d'Ivoire à un moment important. On a une résolution des Nations unies qui est une bonne résolution, qui n'est pas mise en oeuvre parce que les partenaires Ivoiriens n'arrivent pas à retrouver un minimum de confiance entre eux pour mettre en oeuvre cette résolution. Nous fondons beaucoup d'espoir dans le président Compaoré qui, en tant que président de la CEDEAO, essaye d'obtenir avec sa médiation un accord notamment entre le président Gbagbo et Guillaume Soro, le chef de la rébellion. Nous faisons tout pour le soutenir, pour qu'il arrive à un accord politique le plus rapidement possible, pour que cette résolution des Nations unies soit mise en oeuvre, c'est-à-dire que des élections démocratiques puissent être organisées. Il ne faut pas oublier que le coeur de la crise ivoirienne, c'est qu'un grand nombre d'Ivoiriens n'ont pas de papiers d'identité et ne peuvent donc pas s'exprimer lors d'un scrutin. Si l'on n'arrive pas à identifier cette population, c'est-à-dire lui donner des papiers d'identité pour refondre des listes électorales, on ne réglera pas cette crise ivoirienne. Je crois que le président Compaoré a tous les atouts pour nous aider à sortir de cette crise.
Q - Merci Brigitte Girardin. Ce n'était pas la sortie de Jacques Chirac, je l'ai noté, vous l'avez dit au début.
R - Non, pas du tout. En tout cas, cela n'a pas du tout été perçu comme cela à Cannes.
Q - Merci Brigitte Girardin d'avoir été l'invitée de TV5 MONDE aujourd'hui.
R - Merci.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 février 2007
R - Tout d'abord, permettez-moi de dire que ce n'était pas une sortie de Jacques Chirac. C'était un sommet important comme tout ce type de sommets qui, année après année, montre à quel point ils sont utiles. D'ailleurs j'ai envie de dire que s'ils étaient inutiles, ils ne seraient pas copiés par l'Union européenne, par l'Amérique latine, par la Chine, par le Japon. Pourquoi ? Parce que ces sommets permettent de parler de sujets globaux qui concernent, bien sûr, le continent africain mais qui concernent la place du continent africain dans le monde, une place qui est de plus en plus reconnue. Et puis surtout, cela permet d'évoquer certaines crises régionales et de le faire de façon informelle. Vous savez que ce type de dialogue est souvent ce qu'il y a de plus efficace avec l'Afrique.
Q - Est-ce que cela ne reflète pas, finalement - on va en reparler - des relations entre la France et l'Afrique où la France était qualifiée de gendarme de l'Afrique, où on essaye de résoudre les conflits. Est-ce que finalement cette situation-là n'est pas terminée ? Est-ce que ce n'est pas finalement l'un des derniers sommets du genre peut-être ?
R - Mais pas du tout. Je crois que tout ce que l'on raconte sur la France-Afrique, la France gendarme de l'Afrique, mais tout cela c'est une vision complètement dépassée. Cela fait des années que nous militons pour ne plus être les seuls à essayer de développer ce continent et surtout, à essayer d'intéresser le reste du monde à l'avenir de ce continent. Je rappelle que c'est le président Chirac qui, le premier, a réussi à imposer que l'Afrique soit à l'ordre du jour d'un sommet du G8. C'est lui qui a beaucoup milité pour que l'ONU soit plus présente en Afrique et fasse un effort de mobilisation de la communauté internationale pour le développement de ce continent. Tout simplement parce que - et nous sommes enfin écoutés - tout le monde commence enfin à comprendre que l'Afrique est au coeur de l'équilibre du monde. Regardez tous les grands défis auxquels nous devons faire face, que ce soit le fléau de l'immigration clandestine, que ce soit le fléau des grandes pandémies - le sida par exemple, les problèmes de grippe aviaire -, que ce soit la lutte que nous devons faire pour préserver l'environnement, on se rend compte que tout passe par l'Afrique et que, sans développement de l'Afrique, nous n'arriverons pas à lutter efficacement contre ces fléaux.
Q - Oui, et d'ailleurs Jacques Chirac avait parlé de l'enjeu considérable, de l'importance de l'Afrique. Il a pratiquement lancé un appel aux candidats à l'élection présidentielle en France. On a l'impression qu'il les a critiqués de ne pas s'intéresser à l'Afrique.
R - D'une façon générale, le président Chirac est le plus grand militant de tous les temps sur le thème de la défense de l'Afrique et je crois qu'il aura consacré vraiment beaucoup d'énergie au cours de toutes ces années pour intéresser le reste du monde à ce continent. Son pari a été gagné et on le voit bien aujourd'hui : l'Afrique est au coeur de toute la problématique mondiale et ce qui est très positif, c'est que nous avons réussi à entraîner derrière nous l'Union européenne. Angela Merkel était là à Cannes non seulement comme présidente de l'Union européenne mais comme future présidente du G8. On voit bien que la perception qu'a la France du rôle de l'Afrique dans le monde est de plus en plus partagée. Nous sommes sans doute le pays qui connaît le mieux l'Afrique parce que nous avons une relation historique, affective avec ce continent. Mais le combat que nous menons depuis des années pour intéresser le reste du monde à l'Afrique, ce combat est en train d'être gagné. C'est une très bonne chose. Bien sûr, nous ne sommes plus le gendarme de l'Afrique puisque chaque fois que nous intervenons en Afrique, nous le faisons à la demande des organisations régionales africaines, nous le faisons à la demande de l'ONU. Nous ne sommes pas là comme une puissance néo-coloniale comme je l'entends dire encore trop souvent.
Q - Et ce qu'écrivent les journalistes, qui écrivent que l'influence de la France finalement n'est plus ce qu'elle était en Afrique, voire même des critiques plus politiques ; on a même vu Ségolène Royal écrire dans une interview disant - en critiquant Jacques Chirac, en parlant d'une politique de relations personnelles, de clientélisme. Vous pensez que c'est choquant, qu'il devrait y avoir un consensus sur cette question-là ?
R - Mais je crois surtout que ceux qui portent de tels jugements ne connaissent pas la réalité de la situation. Notre coopération avec l'Afrique, d'abord elle a complètement évolué toutes ces dernières années. Cette coopération, ce n'est pas seulement l'Etat qui apporte de l'aide publique au développement, ce n'est pas une simple relation interétatique. J'entends dire que l'on soutient des dictateurs, des gouvernements en place qui sont critiquable au niveau de la gouvernance. Ce que nous faisons, c'est avant tout aider les populations à sortir de la pauvreté et la coopération française, ce n'est plus uniquement le canal étatique ; c'est le canal des ONG. Nous avons doublé, nous sommes en train de doubler notre effort d'aide au développement qui transite par les ONG, ce sont les collectivités locales. La coopération décentralisée a connu un essor extraordinaire ces dernières années. Ce sont les entreprises ou des partenariats publics/privés. Mais ce qui est intéressant de constater, c'est que depuis peu de temps, depuis à peu près deux ans, depuis que nous avons mis en place cette réforme importante de notre coopération, alors qu'auparavant chacun travaillait un petit peu dans son coin, nous avons fait cet effort de coordination, de concertation et il y a une cohérence dans la politique de coopération française avec un seul objectif : l'efficacité, le résultat.
Q - Oui, pour vous il ne peut pas y avoir d'autre politique de la France en Afrique, c'est-à-dire qu'on ne peut pas avec l'élection présidentielle imaginer un changement ou qu'il y aurait une autre façon de faire pour eux ?
R - Ecoutez, j'espère que cette politique sera poursuivie parce que c'est l'honneur de la France d'avoir ce type de politique, de faire cet effort bilatéral. C'est aussi le soutien aux organisations internationales parce que nous avons aussi fortement augmenté nos contributions par exemple aux agences des Nations unies pour le développement. Tout cela se fait à partir d'un constat selon lequel, si on veut être efficace pour sortir l'Afrique de la pauvreté, il faut s'y mettre à plusieurs, il faut que nous puissions démultiplier nos efforts avec d'autres bailleurs de fonds. Si vous voulez, cela va à l'encontre de ceux qui disent qu'on perd de l'influence. Non seulement on ne perd pas de l'influence parce que, encore une fois, nous sommes perçus comme les meilleurs connaisseurs et les meilleurs amis de l'Afrique mais nous sommes aussi perçus comme ceux qui arrivent à mobiliser les autres pour que ce continent sorte enfin de la pauvreté.
Q - Madame la Ministre, il y a une situation difficile en Guinée, on va d'abord en parler. Il y a 113 morts depuis le début du mois de janvier, une situation politique très confuse ; grève générale, 2.000 Français voire même plus qui sont présents. La France a pris des mesures pour les rapatrier en cas de besoin. Quelles sont ces mesures et est-ce que c'est envisagé rapidement ?
R - Nous avons pris des mesures effectivement logistiques, à la fois navales et aéronautiques pour pouvoir évacuer les Français qui sont en Guinée actuellement au cas où ce serait nécessaire mais nous espérons évidemment que cette crise sera surmontée et que nous ne serons pas obligés d'en arriver-là. En tout cas, on a pris les dispositions nécessaires pour évacuer si besoin nos ressortissants mais aussi d'autres communautés qui nous ont demandé un soutien - je pense notamment à la communauté libanaise qui est importante. Il y a aussi d'autres ressortissants, qu'ils soient Américains ou Européens et nous avons effectivement un dispositif qui est prêt en cas de nécessité.
Q - C'est-à-dire que les 2.000 ou plus personnes également d'autres nationalités pourraient être évacuées très, très rapidement ? C'est-à-dire que tout est en place, là maintenant ? Et quel est votre souci par rapport à la situation politique sur place ?
R - Nous appelons non seulement au dialogue mais à faire en sorte qu'un Premier ministre de consensus puisse être nommé en Guinée et que l'on sorte de cette spirale de la violence qui ne peut rien résoudre. Nous en appelons à la sagesse des partenaires Guinéens pour qu'ils puissent arriver à faire cette réconciliation qui est nécessaire et sans que nous ayons à connaître d'autres drames. Il y a eu plus de 100 morts déjà et ce n'est pas acceptable.
Q - Autre situation de conflit : le Darfour. On a beaucoup parlé de cet accord entre le Soudan, le Tchad, la Centrafrique. Le Tchad même dit : "On n'y croit pas trop, on a signé mais on ne se fait pas d'illusions". C'est un accord de plus ou c'est vraiment un accord historique ?
R - Vous savez, cela montre bien que ces sommets ont une utilité. Quand on met autour d'une même table le président du Soudan, le président du Tchad, le président de la Centrafrique, le président égyptien qui joue un rôle important, le président Sassou Nguesso qui était l'ancien président de l'Union africaine, le président Bongo qui est le doyen des chefs d'Etat africains et nous bien sûr puisque nous étions la puissance invitante à Cannes, pour une réunion sous la présidence du président Kufuor qui est le président du Ghana, qui est le président de l'Union africaine aujourd'hui, c'est déjà réussir à faire parler tous ces gens qui n'ont pas l'habitude naturelle, compte tenu de la situation difficile au Darfour, de le faire. C'est déjà quelque chose d'important et les faire signer une déclaration comme celle qui a pu être signée à Cannes, je crois que cela va dans le sens des pressions de la communauté internationale pour qu'on arrive à avoir une situation qui s'apaise au Darfour parce que ce n'est plus tolérable que des organisations humanitaires qui, pourtant, ont l'habitude de rester même dans des conditions souvent dramatiques, certaines s'en vont et c'est très inquiétant. Je crois qu'il y a vraiment urgence à ce que toutes les bonnes volontés s'unissent et que la pression soit suffisamment forte sur les parties concernées pour qu'on arrive à surmonter cette crise.
Q - Un mot, une minute, il nous reste très peu de temps, sur la Côte d'Ivoire. Il y a eu encore une fois j'imagine des entretiens, essayer de faire avancer les choses, relancer un processus électoral.
R - Je crois que nous sommes sur la Côte d'Ivoire à un moment important. On a une résolution des Nations unies qui est une bonne résolution, qui n'est pas mise en oeuvre parce que les partenaires Ivoiriens n'arrivent pas à retrouver un minimum de confiance entre eux pour mettre en oeuvre cette résolution. Nous fondons beaucoup d'espoir dans le président Compaoré qui, en tant que président de la CEDEAO, essaye d'obtenir avec sa médiation un accord notamment entre le président Gbagbo et Guillaume Soro, le chef de la rébellion. Nous faisons tout pour le soutenir, pour qu'il arrive à un accord politique le plus rapidement possible, pour que cette résolution des Nations unies soit mise en oeuvre, c'est-à-dire que des élections démocratiques puissent être organisées. Il ne faut pas oublier que le coeur de la crise ivoirienne, c'est qu'un grand nombre d'Ivoiriens n'ont pas de papiers d'identité et ne peuvent donc pas s'exprimer lors d'un scrutin. Si l'on n'arrive pas à identifier cette population, c'est-à-dire lui donner des papiers d'identité pour refondre des listes électorales, on ne réglera pas cette crise ivoirienne. Je crois que le président Compaoré a tous les atouts pour nous aider à sortir de cette crise.
Q - Merci Brigitte Girardin. Ce n'était pas la sortie de Jacques Chirac, je l'ai noté, vous l'avez dit au début.
R - Non, pas du tout. En tout cas, cela n'a pas du tout été perçu comme cela à Cannes.
Q - Merci Brigitte Girardin d'avoir été l'invitée de TV5 MONDE aujourd'hui.
R - Merci.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 février 2007