Déclaration de M. François Bayrou, président de l'UDF et candidat à l'élection présidentielle de 2007, sur la défense de "l'école de la République", à Dijon le 20 février 2007.

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Circonstance : Réunion meeting au Palais des Congrès, à Dijon le 20 février 2007

Texte intégral

C'est un grand moment d'émotion pour moi. La dernière fois, dans la dernière campagne électorale, quand je suis venu faire un meeting à Dijon, c'était très bien, mais nous étions un peu moins nombreux que nous ne le sommes ce soir.
Je suis très heureux de ce qui se passe, car, ce qui se passe et qui fait que vous êtes si nombreux ce soir, rassemblés ici, et si jeunes pour beaucoup d'entre vous... Le nombre de jeunes présents dans cette salle est impressionnant et me rend heureux, et il y a aussi des plus âgés qui ont bien droit aux applaudissements... ce que nous vivons ensemble, ce qui se passe là, c'est un grand mouvement de peuple, un grand mouvement du peuple français qui a décidé de changer le destin qu'on lui promettait, qu'on lui annonçait, auquel on le condamnait.
Tous les jours, en annonçant, sans vergogne, que : Mesdames et Messieurs, le deuxième tour était joué avec... Ce n'était pas la peine de se déplacer, il n'y aurait pas de premier tour, on connaissait déjà les finalistes du deuxième tour" et, comme chaque fois, ils se sont trompés et, comme chaque fois, ils ont en face d'eux quelque chose de très profond, c'est que le peuple français a décidé d'exercer sa responsabilité constitutionnelle, parce que, même si beaucoup d'observateurs l'ignorent, il y a une responsabilité constitutionnelle du peuple français.
Dans les institutions, dans la Constitution de la République, il est écrit quelque chose de très important : la souveraineté, en France, appartient au peuple. C'est le peuple qui est souverain et pas ceux qui veulent le conduire à des choix préfabriqués. C'est le peuple des citoyens, des femmes et des hommes qui ont cette idée si profonde que, quand il y a des grands choix à faire pour la France, c'est à eux de les faire librement, sans se laisser conduire par le bout du nez.
Si vous relisez l'histoire de toutes les élections présidentielles sans exception, depuis la première organisée en décembre 1965 jusqu'à la plus récente du mois d'avril 2002, vous découvrirez qu'à chaque élection, sans exception, il y a ce que les observateurs appellent une surprise, mais la surprise n'en est pas une. La surprise, c'est le choix médité et profond du peuple qui décide que c'est lui qui va écrire l'Histoire, lui et personne d'autre, lui parce que la décision, dans la République, lui appartient, à lui, peuple des citoyens et il a décidé de l'exercer.
Seulement, il arrive, comme on l'a vu en 2002, que la surprise ne change rien. Beaucoup de ceux.... Peut-être y en a-t-il dans cette salle... qui ont voté pour Le Pen en 2002, l'ont fait en pensant que cela allait donner un coup de pied dans la fourmilière, que cela allait faire changer les choses, qu'on allait secouer tout cela. Or, ils se sont aperçus que ce n'était pas un coup de pied dans la fourmilière, que c'était le renforcement de la fourmilière et que, d'avoir fait ce choix pour secouer les choses, cela a entraîné, en réalité, un choix qui a renforcé les choses.
Cette insatisfaction, que beaucoup de Français avaient, au lieu d'être un message au gouvernement pour dire aux gouvernants : "S'il vous plaît, écoutez-nous, faites attention", grâce aux 82 % des voix qui se sont dirigées vers le Président de la République sortant, cela a été au contraire comme un message d'absolue tranquillité et de prise totale du pouvoir par un seul parti, ce que j'ai pour ma part profondément regretté.
Je veux vous dire ceci : je ne veux pas raconter le détail de cette histoire, mais je pense souvent à ce qui s'est passé en 2002. Le 22 avril au matin, très tôt, j'avais rendez-vous avec Jacques Chirac et, ayant rendez-vous avec Jacques Chirac, je lui ai dit :
"Vous allez être élu par plus de 80 % des voix. Je voudrais que vous réfléchissiez à ceci : dans ces 80 %, il y aura plus de voix de gauche que de droite et beaucoup de citoyens français, pour qui c'est un effort de voter pour vous. Ils vont le faire, parce que c'est la République. Ils vont le faire, parce que les valeurs de la République sont en jeu, mais vous devez tenir compte de ces citoyens, si nombreux, Républicains et vous devez leur reconnaître la place qui est la leur dans la reconstruction de la République que nous avons à faire ensemble."
Je n'ai pas réussi à convaincre Jacques Chirac. Il m'a dit, ce jour-là, que, ce qu'il allait faire, c'était un parti unique. Je lui ai dit que je n'en serai pas et que je pensais que ceci était une impasse.
Eh bien, c'est avec à l'esprit ce qui s'est passé en 2002 que je suis, aujourd'hui, dans un chemin de réconciliation pour les Français, que je suis aujourd'hui dans un chemin où je veux que chacun, avec ses valeurs, ses convictions, son identité, vienne participer au redressement de la France parce que c'est de cela dont nous avons besoin.
Voyez-vous, la situation de la France, comme elle est aujourd'hui, avec tout ce que vous savez, avec le déficit et la dette, comme vous le savez, je me suis juré de ne jamais prendre la parole pendant cette campagne électorale, ni devant une foule ni devant les caméras de télévision ou devant un micro sans évoquer la charge honteuse que nous avons constituée et que nous allons laisser à porter sur les épaules de nos enfants.
Il est inacceptable et inadmissible que nous nous soyons ainsi débarrassés des responsabilités qui auraient dû être celles de notre génération sur les plus jeunes qui, si nous n'y prenons garde, vont être obligés de travailler plusieurs mois dans l'année pour payer la dette des générations précédentes.
Ceci n'est pas à notre honneur et ce n'est pas à l'honneur de ceux qui, devant une situation comme celle-là, qu'ils connaissent parfaitement, font des discours tous les soirs, multipliant les promesses : une promesse à chaque catégorie, un chèque à chaque catégorie, une subvention à chaque catégorie. Ils sont, en réalité, en train de creuser le déficit, en train d'alourdir la dette qu'ils dénoncent par ailleurs. Ils se comportent, à mes yeux, sans la responsabilité qui devrait être celle des hommes politiques et, a fortiori, des hommes et des femmes d'État que veulent être les candidats à la présidence de la République.
Alors, je vous le dis, je ne veux pas faire de promesses que je ne tiendrai pas. Je prends l'engagement devant les Français que, soirée après soirée, discours après discours, je refuserai les promesses démagogiques, parce qu'un peuple ne s'achète pas, un peuple ne s'achète pas catégorie par catégorie, un peuple ne s'achète pas âge par âge, un peuple ne s'achète pas association par association. Un peuple, comme le peuple français, n'a pas que des problèmes individuels. Un peuple a des problèmes et des défis collectifs à relever. Nous ne sommes pas seulement un peuple, nous sommes une Nation et nous sommes la République et nous allons montrer que l'on peut changer les choses sans se faire acheter par des promesses fallacieuses.
Je vais vous raconter ma journée à Dijon rapidement, journée préparée par François Sauvadet qui est à côté de moi. Je veux dire, devant ses amis, ses électeurs et ses concitoyens, quelle estime et quelle affection j'ai pour lui.
Je veux lui dire que j'aime sa solidité, j'aime son humour, j'aime sa compétence sur de très grands sujets, notamment les sujets agricoles, sur lesquels il s'est imposé comme un des spécialistes indiscutés à l'Assemblée Nationale. J'aime son amitié à côté de moi et j'aime que vous lui fassiez confiance pour aujourd'hui et pour demain. J'aime son présent et j'aime son avenir et je suis heureux de partager cet avenir et ce présent avec vous et avec vos applaudissements.
Aujourd'hui, à l'arrivée du train, nous avons d'abord eu une surprise....
UN INTERVENANT. - Un ministère !
François BAYROU. - On en discutera. Chez nous, Béarnais, Jean Lassalle vous enseignera qu'il y a un vieux proverbe qui parle de la peau de l'ours ! Je ferai en sorte qu'on ne vende pas la peau de l'ours !
Tant que l'on y est, me tournant vers la gauche, sur mon interpellateur, je voulais le faire en introduction, je salue les traducteurs en langue des signes qui sont là pour transmettre aux malentendants l'organisation de cette réunion.
On a eu une surprise en arrivant et, cette surprise, c'est que, au pied de l'escalier qui permettait de descendre du wagon, il y avait une manifestation d'infirmières qui étaient venues nous interpeller.
Pour dire la vérité, c'est un peu plus compliqué, elles partaient pour faire une manifestation à l'Agence régionale pour l'hospitalisation et, en cours de route, elles ont dit : "Tiens François Bayrou arrive. On va aller manifester au pied du wagon", ce que j'ai trouvé un sentiment de concitoyens sympathique et heureux.
Alors, du coup, on ne s'est pas contenté de saluer la manifestation, on les a invitées à venir faire une table ronde pour discuter avec elles de leurs conditions de vie et du déséquilibre qui existe entre un certain nombre de professionnels faisant le même métier, les uns dans le privé, les autres dans le public, professionnels qui ne se voient pas appliquer la grande règle qui devrait être la grande règle sociale française : à travail égal, salaire égal.
En disant, à travail égal, salaire égal, je veux dire aussi que je pense à la situation des femmes dans les entreprises qui, en faisant le même métier, en exerçant les mêmes responsabilités, gagnent quelque 20 ou 30 % de moins que les hommes. Je dis que ce n'est pas normal et que je ferai tout ce que je peux pour que cela se corrige Donc on a eu cette table ronde avec les infirmières et on est parti pour visiter le centre de formation pour apprenti de Lanoux qui est une oeuvre tout à fait remarquable, qui scolarise 1928 jeunes.
Ce qui m'a frappé en entrant dans ce centre où l'accueil était extrêmement gentil, chaleureux, même extrêmement affectueux, en visitant, atelier par atelier, les places de ces jeunes qui, vous le savez font 15 jours en entreprise 15 jours dans les murs du CFA en alternance, jeunes qui ont très souvent rencontrés des difficultés scolaires, c'était le visage heureux qui était le leur.
En quelques mètres en visitant cet établissement, en visitant la coiffure, en visitant la tapisserie, en visitant les fleuristes, en visitant les mécaniciens qui faisaient des moteurs automobiles, je me suis trouvé, nous nous sommes trouvés en face de jeunes qui, tout d'un coup, avaient une immense confiance dans la vie.
Je trouve que cela mérite d'être noté, d'abord parce que cela prouve que vous avez, dans votre région, un centre tout à fait remarquable, mais aussi parce qu'on voit qu'il y a bien des voies pour arracher la jeunesse française aux difficultés qui sont les leurs, bien des voies pour qu'elle retrouve un optimisme que, très souvent, ailleurs, elles ont perdu.
Je leur ai promis que je vous dirai ceci. Je leur ai promis que je vous dirai qu'il faut aider ces formations et la première aide qu'il faille leur apporter, c'est de dire que l'apprentissage, ce n'est pas un échec, qu'il y a, au contraire,... j'ai beaucoup regretté des décisions gouvernementales ou plus exactement des présentations de décision gouvernementale, j'ai beaucoup regretté que l'on ne parle d'apprentissage dans notre pays que lorsqu'il y avait de grande difficulté, par exemple quand il y a eu la crise dans les quartiers, dans les banlieues, les émeutes qui ont eu lieu au mois de novembre 2005 et auquel je le dis au passage, pour l'instant, on n'a pas apporté les réponses qu'elles méritaient.
Donc le gouvernement a dit à l'époque : Pour ces jeunes, on va créer de l'apprentissage.
Je voudrais dire ceci : l'apprentissage ne doit pas être la ou une voie à laquelle on fait appel quand on a échoué, cela doit être une voix de réussite. Et si c'est une voie de réussite, alors les jeunes nombreux se tourneront vers cette voie de réussite. Les entreprises aussi ont besoin d'avoir des jeunes professionnels qui soient des jeunes professionnels contents, équilibrés et compétents, y compris dans la formation générale. En tout cas, c'est dans ce sens-là que nous irons et c'était le sens de la visite que j'ai rendue tout à l'heure au CFA de Lanoux.
Je suis venu à Dijon pour vous rencontrer, pour parler d'éducation. C'est le thème du discours que, ce soir, je voulais à voir devant vous. Je veux parler d'éducation avec un sentiment de gravité et d'urgence que je voudrais expliquer devant vous.
Je le fais avec une grande affection et un grand sentiment de solidarité. J'ai été, dans ma vie, cela a même été le début de ma vie professionnelle, un enseignant et j'ai été un enseignant très heureux. J'ai été, pendant 4 années, ministre de l'Éducation nationale et j'ai été très heureux de l'être. Nous avons fait, si cela intéresse quelqu'un, c'est désormais sur le site bayrou.fr qui est notre site de campagne, il y a le bilan des années que nous avons passées au ministère de l'Éducation nationale et du travail que nous y avons fait.
Avec naturellement des accidents parce qu'il en arrive toujours, avec des enthousiasmes, heureusement, nous en avons eus. On a fait des choses formidables et ces choses formidables, on peut en donner un indice très certain : un grand journal du soir publie tous les deux ans depuis des décennies une enquête sur la satisfaction des français à l'égard de l'Éducation nationale.
Eh bien, c'est à la fin de la période où j'ai exercé cette responsabilité que le sentiment des Français à l'égard de l'Éducation nationale est le plus haut de tous les temps. Il y avait, à cette époque, sans doute en raison du lien de confiance, un moment où, entre la Nation et l'Éducation nationale, les choses allaient très bien et c'est très important.
Je voudrais m'arrêter sur ce point. C'est terriblement important parce que, du soutien de la Nation à l'Éducation nationale, dépend la réussite de l'Éducation nationale. J'avais fait procéder à une enquête à cette époque sur un phénomène que nous avions observé et qui est un phénomène très éclairant est en même temps troublant pour tous ceux qui pensent que la situation des parents règle le sort des enfants. J'avais voulu étudier les raisons pour lesquelles des enfants de milieux très favorisés échouent et des enfants de milieu très défavorisés réussissent.
Et ceci est une énigme pour beaucoup de personnes qui sont des observateurs des systèmes éducatifs au travers du monde. On avait fait faire une enquête et je voudrais vous livrer le résultat de cette enquête parce que, pour moi, elle avait été terriblement éclairante.
Le résultat de cette enquête était celui-ci : réussissent les enfants dont les familles dans des familles desquels l'école est soutenue, estimée et poussée par les parents. Et échouent, les enfants dans les familles desquelles l'école est maltraitée, mal vue et méprisée par les parents. Nous avons besoin de méditer cette réflexion. Nous avons besoin de méditer cette réflexion parce que, selon moi, c'est la même chose pour une Nation.
Les nations parmi celles qui ont les meilleures performances éducatives dans le monde, notamment un certain nombre de nations du sud-est asiatique sont des nations dans lesquelles l'image de l'école est soutenue, poussée, encouragée, par la Nation tout entière. Et je suis désespéré quand je vois en France de quelles manières on fait de l'école et des enseignants les boucs émissaires de la crise de la société française. Je vous demande d'y réfléchir. Ce n'est pas seulement de l'amitié avec ce grand milieu de la nation que je défends là, c'est l'intérêt de toute la Nation.
Il faut que nous rétablissions le lien de confiance et le lien de soutien parce que c'est trop lourd est trop difficile de prétendre que tous les maux de la société française, sans aucune exception, doivent être corrigées par l'Éducation nationale.
C'est trop lourd et trop difficile de dire qu'il faut que l'Éducation nationale fasse l'éducation, l'éducation aux civilités, fasse l'instruction, la transmission des connaissances, fasse un certain nombre d'autres charges qu'on lui demande perpétuellement d'assumer.
Il y a des tâches pour l'Éducation nationale, mais essayons, s'il vous plaît, d'accompagner l'Éducation nationale et pas de perpétuellement la surcharger.
C'est une chose très importante pour la France. En tout cas, pour ma part, président de la République, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour ne pas laisser perpétuellement que nourrir et se multiplier les accusations contre les responsables : les enseignants, les parents d'élèves, le monde de l'Éducation nationale.
Mais s'il y a cette manifestation de confiance, il faut aller encore un peu plus loin. Je pense qu'il faut changer les rapports entre l'État, le gouvernement et cette grande part de l'État que l'Éducation nationale représente. Je pense que les missions que nous lui confions sont lourdes, nombreuses et cruciales. Je m'arrête un instant à ce sujet.
Les missions sont lourdes, nombreuses et cruciales pour une raison fondamentale qu'il faut que nous placions devant notre réflexion au moment de l'élection présidentielle.
Une élection présidentielle, ce n'est pas une élection de catégorie, c'est une élection de stratégie pour la nation.
Ce qui est important dans une élection présidentielle, c'est de décider de ce qui est essentiel et de ce qui est second. Je ne dis pas secondaire,, je dis second.
Les problèmes que nous avons devant nous, que nous connaissons très bien, sont entièrement des problèmes qui tiennent à cette profonde question française qui est : nous, la France, notre pays, notre nation, nous avons un modèle de société.
Ce modèle de société, c'est le modèle républicain nous avons un modèle autour duquel s'est constituée la France. La France, ce n'est pas un peuple qui est fondé par la race, même pas un peuple qui est fondé par la géographie. Il y a des France à chaque bout du monde, il y a des France outre-mer, il y a des France dans l'océan Atlantique, il y a des France dans l'océan indien, il y a des France dans l'océan Pacifique, il y a des France du nord à Saint-Pierre et Miquelon et des France du sud là-bas, aux antipodes.
La France, ce n'est pas seulement l'hexagone. La France, c'est beaucoup de gens d'ailleurs qui sont venus nous rejoindre et tous ceux-là se sont groupés autour d'une certaine idée qui est : liberté, égalité, fraternité. La France est un pays qui est fondé autour de valeurs. C'est cela qui fait la France.
Je peux vous dire que, plus je parcours les banlieues que l'on appelle difficiles, plus je rencontre ces français qui sont des descendants de l'immigration, ces Français qui sont devenus Français, ce dernier demi-siècle, en partie parce qu'ils venaient des anciennes colonies françaises, plus ce qui me frappe, c'est le sentiment républicain profond dont ils sont animés.
Ces trois valeurs-là : liberté, égalité, fraternité, quand on y réfléchit, quand on les examine, on s'aperçoit qu'elles dessinent un projet de société formidable parce que c'est un projet de résistance.
La liberté, ce n'est pas naturel. Ce qui est naturel, c'est les forts qui dominent les faibles.
L'égalité, ce n'est pas naturel, ce qui est naturel c'est l'inégalité.
Et la fraternité, ce n'est pas naturel ce qui est naturel c'est : je préfère mes filles à mes cousines et mes cousines à mes voisines et mes voisines au reste du monde.
Nous, nous avons bâti un projet depuis deux siècles qui est, au contraire, un projet dans lequel les hommes ont décidé d'être libre, égaux en chance et égaux en droits. Au coeur de ce projet, il y a une réalité, c'est l'école.
Si l'on veut la liberté, il faut former les enfants pour que, peu à peu, ils acquièrent le jugement qui est celui d'un citoyen, le jugement sur leur vie et le jugement sur la société à laquelle ils appartiennent. Si l'on veut l'égalité, il faut la pratiquer et si l'on veut la fraternité, il faut la transmettre.
Au coeur de tout se là, il y a l'école de la République. Cette école de la République, elle fait son oeuvre, elle agit dans un pays profondément troublé parce que ce pays est en but, en confrontation avec la mondialisation.
Et que, au coeur de beaucoup de Français, y compris pendant le référendum européen, il y a eu cette idée que les valeurs de la République, le projet républicain, l'idéal républicain, au fond, cela n'avait plus la force qui était la sienne parce qu'on était entré dans la soumission à la mondialisation.
Voilà la vérité profonde de ce qui se passe en ce moment dans l'âme française.
Moi, je veux vous dire ceci : la mondialisation, personne ne l'empêchera, personne ne fermera la porte sur elle. Si nous voulons donc prolonger notre projet de société, lui donner l'élan qui doit être le sien dans le XXIème siècle, élan que tous les Français attendent et qu'une grande partie des habitants de la planète attendent des Français. Parce que la France, c'est comme cela, c'est notre histoire et c'est notre grandeur, c'est aussi le pays capable de résister aux puissants quand il s'agit de défendre des principes. J'ai été très heureux, lorsque Jacques Chirac a fait le choix que vous savez au moment de la guerre en Irak. J'ai eu suffisamment de débats avec lui, j'ai eu dans notre vie politique intérieure suffisamment de débats avec lui et suffisamment souvent pour ne pas apparaître comme complaisant à son endroit, mais, au moment de la guerre en Irak, je n'ai pas été une seconde tenté de suivre ceux, suivez mon regard, qui pensaient que la France était arrogante en invoquant le droit de veto au conseil de sécurité. Je pense que nous avons fait ce que nous devions faire.
Et je l'ai dit à la tribune de l'Assemblée Nationale alors que de multiples expressions, comme vous l'imaginez, essayaient d'influer sur la décision qui serait la notre pour que nous apparaissions ou que nous montrions au monde que la France n'était pas rassemblée derrière ce grand choix.
Je suis très heureux d'avoir au contraire soutenu ce choix parce que, à ce moment-là, nous avons montré au peuple de la planète que, en effet, il existait, dans le monde, une capacité de résistance, même au plus puissant des puissants, au nom des principes qui étaient ceux du droit, de la justice internationale, de la liberté, au fond les principes de la République appliquée à l'échelon international.
Je suis content que nous ayons fait ce choix, mais j'ai mesuré, à cette époque, comme vous, combien il y avait de dizaine de millions d'êtres humains, de centaines de millions d'êtres humains qui attendaient que la France dise quelque chose. Et si la France n'avait pas été là, personne, mes chers amis, n'aurais rien dit. Je voudrais que nous mesurions la responsabilité qui est là nôtre parmi les nations et je voudrais que nous mesurions la responsabilité qui va être celle des citoyens français lorsqu'ils vont choisir celui où celle qui va avoir la responsabilité de conduire la France, de porter la voix de la France dans les années qui viennent.
Je veux vous dire ceci : selon le choix qui sera celui des Français, l'avenir de notre pays ne sera pas le même, l'avenir de l'Europe ne sera pas le même et l'avenir du monde probablement pourra un peu changer. Si le président de la République française est quelqu'un qui a une idée claire de ce que l'on peut faire pour que notre pays se réconcilie avec l'idéal Européen, alors l'Europe changera de visage.
Elle deviendra, je l'espère, plus transparente, plus démocratique, plus accessible au citoyen qu'elle ne l'est, autrement, elle demeurera, hélas ! plongée dans une crise profonde.
Cela dépend de l'élection présidentielle française. Il dépend de l'élection présidentielle française de pouvoir aussi continuer à porter une voix dans les grands conflits des nations, une voix qui rassemble une fois voix qui défende ce qui est essentiel et qui ne soit pas une voix complaisante à l'égard d'autres puissances sur la planète.
On attend de la France qu'elles défende un modèle dans la mondialisation, qu'elle joue sa carte dans la mondialisation et, sa carte, c'est la solidarité. On dit, vous savez, en sport qu'une équipe ne se juge pas tant sur ses individualités que sur son collectif.
Une équipe de football, une équipe de rugby, ce qui la caractérise, ce qui fait qu'elle remporte des victoires, c'est la solidarité entre ses membres.
Il faut défendre le projet français de solidarité et au coeur du projet français de solidarité, au coeur de l'égalité des chances, au coeur de ce qui fait la compétition ou la réussite dans la compétition du monde, il y a l'Éducation nationale. Et c'est pourquoi je ferai de l'éducation la priorité absolue de toutes les priorités que je défendrai pendant cette campagne électorale.
Je veux vous dire sous quelle forme je ferai cette priorité.
Pour moi, cette priorité doit s'écrire, elle doit être signée, il faut signer un contrat entre l'école et la Nation, un nouveau contrat entre l'école et la Nation. Ce contrat, il comporte donnant/donnant ou plus exactement garanties et ambitions, ces décisions. Première décision : au lieu de grappiller comme on le fait chaque année quelques centaines ou milliers de postes pour déshabiller l'Éducation nationale au profit de je ne sais quel autre intérêt, je propose que, étant donné la gravité, le nombre, le poids des défis que l'Éducation nationale va relever, on garantisse, pendant 5 années, à l'Éducation nationale les moyens nécessaires à son action.
Et je propose qu'en échange, on définisse, avec l'Éducation nationale, les objectifs nouveaux que désormais, il convient d'atteindre pour que nous apparaissions au premier rang des nations et non pas dans un rang déclinant du point de vue de ce qui est la formation de base et la formation supérieure des Français.
On a le plus urgent besoin, on a le plus éminent besoin de voir la France retrouver, et elle peut le faire, elle peut le faire en peu de temps, la place de système de référence parmi les éducations d'Europe et du monde. Nous avons occupé cette place. Il y a eu un temps ou tous les étudiants de la planète, et tous les étudiants d'Europe se trouvaient dans nos universités, se retrouvaient dans nos universités.
Après tout, nous sommes le peuple qui a, au fond, inventé l'université moderne avec la Sorbonne ; nous sommes le peuple qui a fait l'idéal universitaire et nous avons servi ainsi de référence à beaucoup d'autres peuples de la planète. Alors je veux vous dire les défis et les engagements qu'il est nécessaire de relever pour que l'Éducation nationale française retrouve les premiers rangs qu'elle n'aurait jamais dû quitter.
Le premier défi, c'est j'allais dire le défi élémentaire, c'est celui de faire en sorte que chacun des enfants qui sortira de l'école primaire maîtrise réellement la lecture et l'écriture. Je demande donc, ceci passe par une décision dont il est difficile naturellement de garantir l'exécution, et je demande qu'on la garantisse, c'est qu'il n'y ait plus d'enfants qui entrent en sixième sans avoir, auparavant, maîtrisé la lecture et l'écriture.
Que l'entrée en sixième, la sortie de l'école primaire soit un seuil où l'on vérifie préalablement que chacun des enfants maîtrise l'écrit, mes chers amis, ce n'est pas si facile qu'on le croirait. C'est un défi extrêmement compliqué à relever.
Je vais vous donner deux raisons principales et je suis sûr que, s'il y a des enseignants du primaire, des professeurs des écoles présents dans cette salle, ils pourront en ajouter encore : il y a eu un temps ou l'écrit était roi. Il y a eu un temps, chacun s'en souvient ici, en tout cas beaucoup peuvent s'en souvenir, où le livre était honoré, partout comme étant en fait le seul moyen d'évasion, le seul moyen de rêve, le seul moyen de réussite dont ont disposait dans les familles et dans la vie.
J'ai raconté l'autre jour, dans une émission de télévision, ce souvenir m'est revenu tout d'un coup, parlant des livres, que, à la maison, autour de la table de famille, à tous les repas, tout le monde, mon père, ma mère, c'était des agriculteurs, ma soeur et moi, tout le monde lisait son livre et il m'a fallu très longtemps pour comprendre que cela ne se faisait pas, que ce n'était pas de très bonne éducation d'avoir ainsi autant de convives plongés dans autant de lecture. Que normalement on supposait que la conversation dût devenir générale pour être à peu près convenablement éduqué.
Vous aurez bien compris depuis que je n'appartiens pas à la catégorie de ceux qui sont à peu près convenablement éduqués et il y a beaucoup de gens dans le monde politique qui partagent ce jugement ! mais le livre était roi. Le livre était le moyen de l'évasion, du rêve, de la réalisation personnelle. Naturellement, nous avons changé de société, nous sommes entrés dans une société où ce n'est plus l'écrit qui est roi, c'est l'image qui est reine.
Et les enfants, nos enfants, pour eux, désormais, l'évasion, le rêve, la réalisation, c'est sur l'écran de télévision ou sur l'écran des jeux vidéo qu'elle se trouve et ils passent beaucoup, beaucoup de temps dans l'univers de l'image et beaucoup, beaucoup moins de temps dans l'univers de l'écrit.
C'est une grande difficulté. Elle se complique du fait que, en face de l'écrit naturellement les inégalités n'ont pas disparu et que par exemple l'univers Internet est un univers où l'écrit jouent encore non pas le seul rôle, mais le premier rôle et où, dans la vie et notamment dans la vie professionnelle, entre ceux qui maîtrisent l'écrit et ceux qui ne le maîtrisent pas, il y a de grandes distances et parfois des gouffres. Première raison de difficulté : l'écrit, l'image.
Il y a une deuxième raison de difficulté, c'est que transmettre l'écriture, transmettre la lecture, naturellement cela se fait assez aisément lorsque l'on a en face de soi des enfants qui vont bien, des enfants qui sont intérieurement équilibrés, cela se fait beaucoup plus difficilement quand vous avez en face de vous une petite fille ou un petit garçon au regard vide qui attend que cela se passe parce qu'en réalité, il est intérieurement cassé.
Il a intérieurement des fractures ou des fissures parce que la société dans laquelle nous vivons, les structures familiales souvent éclatées que nous rencontrons, les conflits quelquefois très durs, conflits de personne à personne, quelquefois conflits de culture à culture, font que les enfants sont en général et très souvent les premières victimes, c'est dans l'âme et dans le coeur des enfants que ce monde si dur envoie ses ondes de choc. Et naturellement, quand un enfant ne va pas bien intérieurement, il est beaucoup plus difficile de lui apprendre à lire et à écrire. Il faut donc faire deux choses majeures, si l'on veut relever ce défi du zéro illettrisme ou du illettrisme tendant vers zéro, il faut accompagner et repérer très tôt les enfants qui vont rencontrer des difficultés.
Cela signifie que l'école ne peut pas être seulement le lieu des pédagogies traditionnelles. Elle doit être aussi le lieu de l'accompagnement notamment psychologique des enfants qui rencontrent des difficultés.
C'est une charge pour la Nation, mais c'est un investissement parce que, si vous les rattrapez, ces enfants, vous allez avoir beaucoup moins de difficulté lorsqu'ils seront adolescents et lorsqu'ils seront adultes. Vous allez tous d'un coup rencontrer des êtres reconstruits au lieu d'être déstabilisés et croyez moi, si vous avez en face de vous des adolescents déstabilisés alors ils déstabiliseront le monde auquel ils appartiennent et donc, je considère que cet accompagnement est un investissement. C'est un très grand défi, tendre vers l'illettrisme zéro.
Faire qu'à l'entrée en sixième tous les enfants sachent lire et écrire. Maintenant on bouge de l'école primaire à l'école élémentaire au collège.
Nous avons deux défis principaux devant nous. Il y en a naturellement beaucoup, mais il y en a deux. Le premier est que le collège est aujourd'hui pour un certain nombre de famille un endroit où les enfants ne sont pas en sécurité. J'ai été extrêmement frappé tout au long de cette campagne électorale en rencontrant des milliers et des milliers de jeune femmes qui élevaient leur enfant, leur famille, quelques fois nombreuse et souvent seule notamment dans les quartiers en difficulté que je signalais à l'instant.
J'ai parlé longuement avec elle et j'ai entendu dix fois la même antienne. Dix fois, ces jeunes femmes, musulmannes pour la plupart, m'ont dit : écoutez c'est décidé, à la rentrée prochaine, je vais inscrire mes enfants à l'école privée catholique du coin.
J'aime beaucoup que la foi ne soit plus une fracture, que les religions soient capables de parler, de se rencontrer, je trouve que c'est une grande chance pour la France, mais je trouve terrible, terrible pour qui aime l'école publique, pour qui aime l'Éducation nationale, que les enfants, spécialement les enfants des familles modestes, ne se sentent plus en sécurité dans l'école de la République. Et ceci pour moi est purement et simplement inacceptable.
Il faut donc prendre les décisions qui s'imposent et les décisions qui s'imposent, c'est celles-ci : il faut rétablir la discipline scolaire dans les établissements du premier cycle, du second degré. Il faut rétablir la discipline scolaire dans les collèges de notre pays. Si nous ne le faisons pas, c'est de la non-assistance à personne en danger. C'est de la non-assistance à famille en danger, c'est de la non-assistance à quartier en danger.
Alors il faut avoir le courage de regarder les choses. Tous les enseignants vous disent, quand on parle de ce sujet, qu'il y a huit, dix, douze, quinze élèves seulement par établissement qui, en raison des lourdes difficultés personnelles qui sont les leurs, en réalité, mettent le bazar, font régner la loi. Un petit caïd de cour de récréation terrorise ou déstabilise les professeurs, notamment les jeunes professeurs. Notamment les jeunes femmes professeurs au début de leur carrière ou leurs camarades.
Eh bien, ceci n'est plus acceptable. Je dis que, quand on est avec où devant des élèves comme cela, alors il faut leur offrir un autre type de scolarité que le collège normal, il faut leur offrir une scolarité qui garantisse que, avec le nombre nécessaire de psychologues et d'éducateurs, on les reconstruise, mais qu'ils ne déstabilisent plus le collège dans lequel ils sont scolarisés.
Je propose donc qu'il y ait la création d'établissements qui soient des établissements d'éducation qui puisse recevoir les élèves qui présentent des difficultés particulières et que l'on ne se contente pas de faire ce que l'on fait depuis des années, ils sont au collège A, Conseil de discipline on les inscrit au collège B, conseil de discipline, on les inscrit au collège C, conseil de discipline on les remet au collège A jusqu'au jour où ils atteignent l'âge légal de manière qu'on les mette à la porte.
Je trouve qu'il y a là quelque chose qui n'est pas généreux de notre part. Voyez vous, il est plus généreux de faire face aux problèmes quand ils se posent que de les ignorer, de pousser la poussière sous le tapis et de se retrouver les difficultés que vous savez dans des collèges qui, hélas, apparaissent comme des ghettos.
Premier point. Je veux la discipline scolaire.
Je veux la discipline scolaire avec les moyens de l'école c'est-à-dire avec des professeurs et des surveillants, pas avec des policiers, parce que,évidemment, contrairement à ce que raconte un certain nombre de personnes généralement quand il y a des crises, des policiers, il n'y en aura jamais assez, il y en a tellement besoin dans la rue, il n'y en aura jamais assez pour l'école et quand bien même il y en aurait assez, je ne trouve pas normal que l'on montre aux élèves que la loi de la cour de récréation ou de la classe, c'est la même loi que la loi de la rue. Je crois exactement le contraire. Dans la rue, c'est possible qu'il faille des rapports de force, c'est la vérité et hélas ! Nous le savons tous bien, mais dans l'école, ce n'est pas des rapports de force qu'il faut ce sont des rapports de respect.
On doit respecter les enseignants, on doit respecter les élèves.
Et ceci est une éducation. Puis il faut une deuxième chose, spécialement dans les collèges, et spécialement dans les collèges des quartiers difficiles, ce n'est pas de renoncer au principe d'égalité, c'est de restaurer le principe d'égalité. Voyez-vous, il y a eu un long débat autour de la carte scolaire. Je vais vous dire mon point de vue.
La carte scolaire, ce n'est pas une obligation pour les familles d'abord, c'est une obligation pour l'État, d'abord. Cela veut dire, nous, Éducation nationale, nous État, République française, nous avons une mission qui est celle-ci : nous avons la mission d'offrir les mêmes chances à tous les élèves, quel que soit le quartier où il habite, l'établissement ou ils sont scolarisé. Ceci est la loi de la République.
Par exemple, nous avons connu un temps pendant de longues décennies dans lesquelles on pouvait, dans un petit lycée pyrénéen, au coeur des vallées pyrénéennes, par exemple, le lycée de Naye, Pyrénées-Atlantiques, 4500 habitants, on faisait dans ce lycée, je le sais puisque cela était mon parcours, les mêmes études classiques avec du latin, du grec, les langues, que l'on avait dans les lycées de centre-ville de Pau, de Bordeaux ou même au lycée Henri IV ou au lycée Louis-le-Grand à Paris. Ceci était la fierté de la France.
Moi, je demande que l'on reconstruise cette fierté et que l'on ait un pays qui s'oblige à offrir les mêmes options et la même exigence et la même excellence pour les élèves qui en ont la volonté ou la capacité que l'on habite le sixième arrondissement, la banlieue de Lyon, le Val Fourré où nous étions l'autre jour, certains quartiers de Nanterre ou bien Clichy-sous-Bois, on a droit aux mêmes chances, quel que soit le lieu d'où l'on est originaire et quel que soit le lieu où l'on a habite.
Ceci est l'exigence républicaine. Après, qu'on assouplisse si on le veut, je le comprends. Je voudrais simplement mettre en garde contre certaines réflexions un peu courtes.
Mes chers amis, qu'est-ce qu'on fait, je pose la question, il y a des candidats, vous en connaissez plusieurs qui disent : "Écoutez, abandonnons la carte scolaire. Tout cela appartient au passé."
Très bien.
Qu'est-ce qu'on fait s'il y a cinq fois plus d'inscription dans le collège et le lycée de centre-ville qu'il n'y a de place disponible ? On donne la priorité à quoi ? On organise un concours à l'entrée ? Si l'on organise un concours à l'entrée, cela signifie que les enfants des familles défavorisées, par exemple des familles qui occupent des fonctions dans les maisons des quartiers par exemple concierge dans le quartier de cet établissement de centre-ville, ces enfants-là, qui ne réussiront pas de la même manière le concours, on va aller les scolariser en banlieue ?
Ou bien on tire au sort. Vous voyez bien que l'on est devant une immense difficulté scolaire qui fait qu'aucun pays dans le monde, sauf les pays où l'enseignement est payant, n'a abandonné une sectorisation même approximative. Je dis qu'il y a là, pour nous, des sujets de réflexion, mais je maintiens que, pour l'État, il doit considérer qu'il a l'obligation d'offrir la même excellence et la même discipline partout parce que, autrement, on n'a pas des ghettos, on a des super-ghettos.
Cela veut dire que vous avez des établissements de quartiers défavorisés dans lesquels il ne reste que des élèves défavorisés. Et moi, je n'ai pas envie de vivre dans une France comme celle-là. J'ai envie de vivre dans une France qui assume l'idéal républicain et il me semble que cela doit faire parti des obligations que nous nous fixons à nous-mêmes dès l'instant que nous avons décidé un nouveau contrat avec l'Éducation nationale.
Je bouge du côté du collège vers le lycée. Il y a naturellement beaucoup de choses à faire au lycée, je voudrais en citer une. La préoccupation principale du lycée, ce sont les taux d'échec des bacheliers quand ils s'inscrivent dans le premier cycle universitaire.
La principale préoccupation du lycée, ce n'est pas pendant le lycée, c'est après le lycée. Il y a là quelque chose qui doit donner des cauchemars et des remords à tous ceux qui ont quelques responsabilités à la fois dans notre système éducatif et au fond dans la République.
Je pense que cela vient du fait que beaucoup d'étudiants n'avaient aucune idée avant d'entrer à l'université, d'abord des disciplines qu'ils allaient suivre et ensuite de la manière dont on doit travailler quand on est étudiant dans une université et qui est fort différente de la manière dont on travaille quand on est lycéen dans un lycée.
Il y a un travail à conduire et une réflexion à conduire et je le dirai chaque fois que je rencontrerai des responsables professionnels de l'éducation, sur la manière dont la classe terminale n'est pas une classe terminale, c'est en fait une classe préparatoire à ce qui va venir à près. On disait autrefois, une propédeutique, c'est une classe dans laquelle on doit se former à apprendre, autant que l'on se forme à emmagasiner un certain nombre de connaissance.
On doit se former à l'autonomie du savoir. Ceci exige de la part de tous ceux qui ont une responsabilité une démarche pédagogique nouvelle, une manière nouvelle d'envisager, avec les élèves de terminale, la à préparation de leur destin universitaire. C'est quelque chose de très important, d'assez difficile, mais à mon sens d'assez urgent si nous voulons éviter la casse qui fait que près de 200.000 sur une génération de 750 ou 800000 jeunes se retrouvent entrant à l'université et sortant de l'université sans avoir rien acquis comme diplôme que probablement du découragement.
Responsabilité très importante qu'il faut assumer avec les universitaires et je déplace le projecteur un peu plus au maintenant vers l'université française qui sera le dernier chapitre de cette intervention.
L'université française a à relever un défi extraordinaire et il est juste de le dire. Nous venons d'un temps que nous avons tous connu dans lequel il y avait un enfant sur six ou un enfant sur cinq qui se retrouvait un jour à l'université. Désormais, c'est presque la majorité d'une classe d'âge qui se retrouve à l'université.
C'est toute la différence entre la formation d'une élite sélectionnée et une formation de masse. Il est juste de dire que l'université à relever ce défi, mais elle a trois choses principales affaires pour que la manière dont elle est organisée change. La première chose principale affaire : il faut faire une vraie politique d'orientation à l'entrée de l'université.
On ne peut pas laisser les jeunes si abandonnés, j'allais dire lorsqu'ils entrent dans des amphithéâtres dans lesquels ils ne connaissent personne, découvrent des disciplines qu'ils ignorent parce qu'il ne les ont pas faites dans l'enseignement secondaire pour un très grand nombre d'entre elles et se retrouve en fait sans soutient au moment où il faudrait qu'ils en reçoivent le plus.
Cela passe par une politique d'orientation. Je le sais parce que j'ai fait adopter, quand j'étais ministre de l'Éducation nationale, un semestre d'orientation à l'entrée de l'université. Ce semestre d'orientation pendant lequel on devait découvrir les disciplines et se demander si l'on était fait pour elles, on discutait avec des enseignants ou des tuteurs, étudiants de générations précédentes ou bien maîtres de conférence ou professeurs, ce semestre d'orientation ne joue plus tout à fait le rôle pour lequel il avait été fait. Il a été en fait un peu vidé de son contenu. Il faut le rendre. La démarche d'orientation est la seule alternative à une politique de sélection à l'entrée de l'université.
Je ne crois pas que l'on reviendra en arrière sur la politique de sélection parce que je ne crois pas que les familles accepteront que leur enfant soit interdit d'étude par une décision qui viendrait d'en haut. Les familles considèrent, à juste titre, que l'on doit laisser courir sa chance au jeune, même s'ils savent bien que ce sera plus dur pour un certain nombre d'entre eux que pour d'autres, mais il existe de très nombreuses réussites brillantes à l'université, très nombreuses réussites qui ont été faites à partir d'étudiants qui, au moment du bac, étaient couci-couça... bien sûr, on peut réussir sans être brillantissime à l'entrée de l'université, mais pour cela il faut se sentir bien dans ses études et dans ses orientations c'est la première chose à faire.
Il y a une deuxième source de souci et d'échec à l'université, c'est le fait que diplômé, on ne trouve pas de travail. Vous savez bien ce qu'était le grand contrat, au fond le grand modèle républicain français, c'était, pour toutes les familles de France, dans tous les villages et dans tous les quartiers et quel que soit le milieu social : si les enfants travaillent bien à l'école ils auront une situation meilleure que celle des parents.
C'est comme cela que l'on a vécu, tous. C'est comme cela qu'ont vécu toutes les familles françaises. Or, les événements ont tourné de telle sorte que, aujourd'hui, il y a des millions de familles en France dont le fils ou la fille ont un bac+3, un bac+4, un bac+5 quelquefois plus encore un bac+7 ou +8 et se retrouvent sans la situation qu'ils estimaient que leur diplôme devait leur garantir.
Et ceci est une onde de désespoir pour beaucoup de famille principalement parmi les plus fragiles, principalement parmi celles qui n'ont pas les relations nécessaires, principalement parmi celles qui n'ont pas le piston, principalement parmi celles qui ont une adresse qui est une adresse un peu regardée du coin de l'oeil ou bien un nom dont la consonance évoque d'autres rivages de la Méditerranée ou bien une couleur de peau qui fait que, devant cela, les portes se ferment encore plus durement et encore plus facilement que pour les autres.
On a un problème avec l'articulation entre l'université et la vie professionnelle. Ce problème, il faut le résoudre et l'affronter.
Eh bien, je dis qu'il va falloir que nous ajoutions une mission à l'université, plus exactement que nous ajoutions une mission après l'université, c'est que, après tout diplôme, à tout niveau de sortie de l'université française, il va falloir pouvoir proposer aux jeunes une formation professionnelle et la rencontre d'un emploi.
C'est très difficile, mais c'est une exigence absolue qui fasse que les jeunes comprennent et la nation comprennent qu'un diplôme, ce n'est plus une garantie pour l'emploi et qu'il faut qu'après le diplôme, on offre un chemin vers l'emploi.
Discuté et bâti avec le monde économique, discuté et bâti avec les entreprises de sorte que l'on ne vende pas de la fausse monnaie et que l'on garantisse aux jeunes d'où qu'ils viennent et quel que soit leur formation à quelque niveau de sortie de l'université qu'on leur garantisse particulièrement par alternance, une vraie insertion, une vraie chance de découvrir un métier et de trouver une première expérience professionnelle.
À ceux qui ont bâti l'université française, il faut ajouter la mission de bâtir maintenant, après l'université, la formation professionnelle qui fera que les diplômes ne soient pas seulement des parchemins, mais au contraire, qu'ils conduisent vers un véritable emploi. C'est un défi, mais ce défi, nous devons le relever.
J'ajoute un dernier mot pour les universitaires, je ne sais pas s'il y en a dans cette salle s'il y en a, ils se reconnaîtront et, ce que je vais dire, je vais le dire en deux phrases. Il y a quelque chose qui ne va plus dans la manière dont on dirige et gouverne les universités françaises, c'est trop compliqué, personne ne peut rien y comprendre, cela laisse de la légitimité au responsable de l'université et au président d'université et il faut que l'on change la gouvernance pour la rendre cette fois accessible et compréhensible par tout le monde et que l'on donne l'autonomie nécessaire pour que les universités marchent mieux dans notre pays.
C'est un problème pour technicien, mais je vous assure que c'est un problème vital et il n'aurait pas été juste que je n'en parle pas ici. Voilà pour l'Éducation nationale.
Il faut y ajouter une dernière mission que pour l'instant, elle n'accomplit pas, ni dans l'enseignement primaire, ni dans l'enseignement secondaire, ni au collège ni au lycée ni dans l'enseignement supérieur à l'université et cette dernière mission, c'est que l'école permette à un certain nombre d'enfants de découvrir ce qu'ils ne peuvent pas découvrir autrement, c'est-à-dire une formation ou une rencontre avec ce qui fait le sel de la vie et la naissance de la culture, c'est-à-dire un certain nombre d'expression artistique.
L'école pour l'instant n'arrive pas transmettre cela. Alors, la musique, cher Jean-Philippe Collard, les expressions artistiques dans le domaine des arts plastiques, tout cela doit être une découverte que l'Éducation nationale garantie principalement à ceux des élèves qui n'ont pas la chance de le trouver à la maison, car il y a beaucoup d'élèves en France qui n'ont pas cette chance. Nous devons ajouter cette mission aux missions de l'école.
Tout ceci signifie qu'il faut naturellement que nous ayons, avec le monde de l'éducation, des engagements et des engagements de gestion qui ne ressemble pas à la manière dont aujourd'hui on prend les décisions, notamment à l'égard des enseignants.
Je ne veux pas faire de corporatisme et je ne veux me fâcher avec personne, singulièrement pas avec l'actuel ministre de l'Éducation nationale, donc je ne veux désigner personne et je vous assure que je ne souris pas en disant cela, je ne trouve pas juste la manière dont on vient d'amputer sans en discuter avec eux, les salaires et la rémunération d'un certain nombre d'enseignants en leur supprimant des heures qui étaient des heure que l'on appelait de première chaire ; il faut que vous sachiez que, lorsqu'un enseignant exercé ces responsabilités, il avait une heure de gratification par semaine.
Quand on supprime cette heure-là, sur dix mois de l'année, on lui enlève quelque chose comme 2000 euros de rémunération par an.
Il n'y a pas un corps de métier en France, il n'y a pas une profession, il n'y a pas une situation de responsabilité qui accepterait de voir amputé son revenu dans un temps où, comme vous le savez, les règles de la Fonction publique font que cela suit le coût de la vie à peine, sans en avoir discuté avec elle auparavant.
Je dis cela sans parti pris, mais avec l'idée que l'on ne peut pas gérer tout seul, d'en haut, l'Etat. L'État doit être géré en respectant les gens qui représentent l'État sur le terrain.
Il faut discuter avec les gens lorsque l'on veut remettre en cause un certain nombre de choses. Ce n'est pas un sujet polémique pour moi, mais en tout cas je veux assurer que, lorsqu'on aura changé d'époque, lorsqu'on aura passé l'élection présidentielle, lorsqu'il y aura un nouveau président de la République, lorsque que l'on aura une nouvelle majorité, on gérera le terrain de l'Éducation nationale en discutant avec les gens et non pas en décidant à leur place.
Je voulais faire, avec vous, le tour, même si c'est un peu ardu, je m'en rends compte, des principaux problèmes que la nation rencontre avec l'Éducation nationale. Je voulais discuter ou je voulais parler avec vous des défis qui sont devant nous. Ces défis sont tels, faire diminuer et j'espère un jour supprimer l'illettrisme en France, faire que les établissements soient des établissements d'égalité des chances, faire que le calme et la discipline reviennent dans nos établissements, faire que l'enfant motivé ou avec des talents particuliers ait exactement les mêmes chances d'accéder au sommet, quel que soit l'établissement qu'il est obligé de fréquenter en raison de l'adresse de sa famille, faire que le lycée soit une préparation à l'université, faire qu'à l'université on invente une orientation, faire que l'on baptise une formation professionnelle après les diplômes universitaires, faire que la gouvernance des universités soit reprise, faire que l'école accepte d'intégrer les enseignements artistiques et qu'elle améliore par exemple ce qui est aussi du domaine sportif, faire tout cela, c'est un immense effort pour la nation, un immense effort dont j'ai dit qu'il demandait des moyens garantis et nous garantirons ces moyens sur plusieurs années mais je veux vous dire ma conviction profonde.
Dans ce domaine-là plus que dans tout autre qui intéresse l'avenir de la France, on a besoin pour relever le défi d'être non pas dans la guerre civile intérieure que nous connaissons depuis un quart de siècle, mais d'être dans une démarche complètement nouvelle, dans laquelle nous déciderons tous de faire passer l'intérêt général avant les intérêts partisans.
Je vous laisse à imaginer, parce que vous le savez aussi bien que moi, ce n'est pas un secret que de dire qu'il y a, à l'Éducation nationale, des orientations politiques assez nettement marquées, des identités politiques et des valeurs politiques assez nettement marquées. Il y a, dans le monde de l'entreprise, des valeurs politiques et des idées politiques assez nettement marquées, mes chers amis, on a besoin de faire vivre les deux ensemble.
On a besoin de faire vivre ensemble les valeurs qui concernent la culture et l'éducation et les valeurs qui concernent l'entreprise, les valeurs qui concernent l'initiative et l'effort et les valeurs qui concernent la solidarité.
Si on ne le fait pas, il est impossible de réussir la réforme de l'Éducation nationale. Si on le fait, on a une chance de faire entendre partout le monde, dans l'école et hors de l'école, qu'une nouvelle époque s'ouvre.
Je suis très heureux que nous soyons ceux qui proposions à la France d'ouvrir une nouvelle époque des rapports entre l'école et la nation.
Je suis très heureux que nous proposions à la France une méthode nouvelle pour qu'autour de l'école, on arrête de se disputer et, au contraire, on accepte de la soutenir d'où que l'on vienne.
Je suis très heureux que nous ayons, pour la France, une clé différente pour que son avenir ne ressemble pas à ce que hélas ! nous avons vécu comme échecs dans les années qui viennent de s'écouler. Je vois dans cette réunion si nombreuse, si chaleureuse, de Dijon, un signe heureux qui permet de penser que, en effet, grâce à notre mobilisation à tous, grâce à notre engagement à tous, grâce à notre présence à tous, l'avenir va s'écrire d'une manière différente.
Ce que je sens venir dans cette vague qui se lève parmi les Français et que personne n'arrêtera, c'est la détermination de notre peuple à changer son destin.
Je vous remercie."
source http://www.bayrou.fr, le 22 février 2007