Texte intégral
Mes chers amis,Comment vous exprimer ma joie d'être parmi vous, ici, ce soir, à Madrid, sinon en vous disant merci, merci d'être là, merci d'être venus à ma rencontre, merci de votre accueil. J'aime l'Espagne qui est pour ma famille comme une seconde patrie. J'aime Madrid qui demeure envers et contre tout la pierre angulaire de son unité.
J'aime Madrid où bat le coeur de l'Espagne, où tout témoigne de la grandeur espagnole.
Celle du passé bien sûr mais aussi celle d'aujourd'hui et celle de demain.
Car l'Espagne si grande par ce qu'elle a accompli, si grande par son héritage spirituel et culturel, l'Espagne qui avait ceci de commun avec la Grèce antique qu'elle ne croyait qu'à la dimension tragique de l'homme, l'Espagne pour laquelle l'histoire n'a toujours trouvé de signification qu'à travers le combat éternel de la volonté humaine contre la mort, l'Espagne qui pendant des siècles a opposé à toutes les formes d'asservissement son inépuisable esprit de résistance et dressé, face au ciel, l'austère grandeur de ses monastères et de ses cathédrales, l'Espagne aujourd'hui met la joie de vivre au-dessus de tout.
La vie que la dureté des temps, l'absence de liberté, la misère et la guerre ont si longtemps étouffé, la vie trop longtemps contenue explose partout.
L'Espagne sans avoir rien perdu de son sens du tragique redécouvre la signification du bonheur.
Depuis le XVIème siècle que l'on appelle souvent le siècle d'or espagnol, l'Espagne ne s'était plus autant laissé aller au bonheur de vivre. Depuis cinq cents ans elle n'avait pas autant senti en elle une telle force de création qui la replace parmi les nations les plus dynamiques d'Europe. L'Espagne vit sa deuxième Renaissance et se dit que tout est redevenu possible .
Beaucoup d'entre vous sont venus ici parce qu'ils avaient le sentiment que ce vieux pays regardait de nouveau l'avenir comme le regarde un pays neuf.
La plupart d'entre vous se sentent bien dans cette Espagne, solidement enracinée dans son histoire et sa profondeur spirituelle qui a embrassé la modernité sans perdre son âme.
C'est une leçon que la France doit retenir pour elle-même ; non que la France doive imiter l'Espagne, car nul ne réussit en imitant les autres mais en tirant le meilleur de soi-même, de ce qu'il est, de ses atouts, des qualités qui lui sont propres.
La France en restant ce qu'elle est, telle que l'histoire l'a faite peut voir cependant, si elle regarde au-delà des Pyrénées, que rien n'est perdu dès lors qu'un peuple tout entier est prêt à se battre contre le destin, à se remettre à travailler, est prêt à réhabiliter la morale de l'effort, du mérite et du risque.
Que la France sans renier aucune de ses valeurs de solidarité et de justice regarde l'Espagne. Elle y verra ce que peut accomplir une société d'entrepreneurs, une société qui libère l'initiative et récompense l'effort, le mérite, le risque. Elle y verra comment la joie de vivre revient avec la réussite économique, comment la créativité revient avec la prospérité, comment le bonheur peut redevenir une idée neuve dans un pays qui l'avait perdu depuis longtemps.
Le retour à la démocratie, l'adhésion à l'Union Européenne ont bien sûr été décisifs.
Mais c'est au fond de lui-même que le peuple espagnol a trouvé l'énergie d'accomplir ce miracle économique qui paraissait impossible il y a trente ans.
L'Espagne est pour nous tous l'exemple de ce que l'imagination, le courage, la libération de l'initiative et la remise en ordre de l'économie peuvent réaliser en très peu de temps.
Les problèmes ne sont pas résolus, toutes les incertitudes ne sont pas levées, mais l'avenir a cessé d'être une menace pour redevenir une promesse et cela a suffit pour que le miracle s'accomplisse.
J'ai pensé qu'il fallait que je vienne à Madrid pour parler avec vous de l'avenir de notre pays, de ce qu'il faut faire pour que la France retrouve confiance en elle et que de cette confiance renaissent, comme ici, la vie et le bonheur de vivre.
Vous êtes ici parce que vous aimez la France et que vous vous sentez concernés par ce qu'elle peut devenir.
La France est partout où on l'aime. Elle est partout où elle est vivante dans les coeurs. Elle est donc ici, avec vous, car si elle n'était pas vivante dans votre coeur vous ne seriez pas là.
La France est partout dans le monde où se trouvent des Français. Partout dans le monde où il se trouve une personne qui croit en la France, là se trouve la France.
Partout dans le monde où il se trouve quelqu'un que les malheurs de la France rendent malheureux, là se trouve la France.
C'est assez dire qu'il n'y a pas de différence pour moi entre la France de Madrid et celle de Nîmes, de Poitiers, de Saint-Quentin ou de Paris.
Vous aussi vous êtes la France, celle que l'on emporte avec soi parce qu'elle est une part essentielle de soi-même.
Je veux dire ma reconnaissance à toutes celles et tous ceux qui ont participé à l'organisation de cette réunion. Qu'un tel événement pût avoir lieu hors des frontières françaises au cours d'une campagne présidentielle, nul n'avait avant cette campagne pensé que ce fût possible. Il y a quelques semaines à Londres et ce soir ici à Madrid, la preuve est faite que c'est possible, et qu'il y a hors de France beaucoup de Français qui l'attendaient depuis longtemps.
Mais cela n'aurait pas été possible sans le dévouement de quelques personnes de bonne volonté qui continuent de croire que la France n'est pas finie, même si le monde paraît commencer à ne plus croire en elle. Et si vous êtes là ce soir c'est parce que vous continuez à le croire aussi.
C'est parce que vous ne vous résignez pas à désespérer de la France.
C'est parce que, voyant la France d'ici, vous voyez mieux encore ses défaillances et ses faiblesses et qu'elles vous sont encore plus insupportables.
C'est parce que, voyant le succès de l'Espagne, vous n'arrivez pas à comprendre pourquoi la France ne serait pas capable de faire au moins aussi bien, elle qui au cours de son histoire a si souvent étonné le monde.
Il y a toujours eu des gens pour lesquels s'en aller c'était un peu abandonner. Mais abandonner quoi ?
Les artistes qui pendant des siècles sont allée en Italie à la rencontre des sculpteurs de l'Antiquité et des peintres de la Renaissance, les penseurs qui allaient en Allemagne à la rencontre des philosophes allemands abandonnaient-ils la France ?
Ceux qui partent étudier aux Etats-Unis ou travailler à Londres ou à Madrid n'abandonnent pas la France. Ils la servent.
Partir à la découverte du monde, consentir à cet effort considérable qu'exige de l'esprit la rencontre avec une pensée étrangère, échapper aux pesanteurs des habitudes pour se remettre en question, prendre du recul pour mieux comprendre et pour mieux voir, ce n'est pas renier la France, c'est au contraire être fidèle à sa nature même.
L'ouverture au monde, n'est-ce pas d'abord cela être Français, c'est-à-dire le dépositaire d'une culture qui se veut l'héritière de toutes les cultures qui ont apporté quelque chose à l'idée d'humanité ?
N'est-ce pas la meilleure façon de prendre conscience de ce que l'on est vraiment et d'où l'on vient ?
Partir, n'est-ce pas parfois la meilleure façon de mesurer la profondeur de son attachement à tout ce que l'on quitte ?
Ceux qui vivent hors du pays de leur enfance ne sont-ils pas souvent ceux qui sont prêts à faire le plus pour lui parce qu'ils sentent mieux que d'autres ce qu'ils lui doivent ?
Mais ils sont aussi les plus exigeants à son égard, parce qu'ils ne peuvent pas supporter que celui-ci ne soit pas à la hauteur de l'image idéale qu'ils éprouvent le besoin de s'en faire au milieu des autres. Cette exigence est une chance pour notre pays.
De l'intérieur on voit les difficultés et les obstacles. De l'extérieur on ne voit que les résultats. Et ce sont les résultats qui comptent.
C'est dans le regard de tous ceux qui du dehors s'attendent à ce qu'elle soit toujours grande, et d'abord dans le regard de tous les Français qui vivent et qui travaillent au-delà de ses frontières, que la France comprend le mieux ce qu'elle ne doit pas cesser d'être.
Quelque chose nous réunit ce soir qui est au-delà de nos différences d'opinions, de croyances, de conceptions de la vie : nous voulons tous pouvoir être fiers de notre pays. Nous voulons tous, où que nous soyons, pouvoir éprouver la fierté d'être Français.
Je veux que partout sur la Terre les Français soient de nouveau fiers de la France.
Je veux être le Président d'une France qui montre à tous les hommes la grandeur d'être Français.
Je veux être le Président d'une France qui étonne de nouveau le monde.
Je veux être le Président d'une France qui ne soit pas frileuse, qui n'ait peur ni des autres ni de l'avenir.
Je veux être le Président d'une France qui assume sa vocation universelle.
A ceux qui sont venus en Espagne parce qu'ils avaient envie de voir au-delà des frontières, je veux dire qu'ils ont eu raison et que la jeunesse française a toujours voulu découvrir le monde. Je veux leur dire qu'à mes yeux la France doit aider la jeunesse française à aller à la rencontre des autres parce que c'est comme cela qu'elle étendra son influence et son rayonnement, que c'est avec sa jeunesse ouverte sur le monde qu'elle relèvera les défis de l'économie globale.
Je veux que l'on apprenne aux jeunes Français à vivre avec le monde et non à le refuser.
Je veux que l'on donne à chaque enfant le goût de l'aventure et des vastes horizons derrière lesquels se cachent des mondes inconnus.
Je veux que l'on donne à chacun l'envie d'aller voir comment on étudie, comment on pense, comment on travaille ailleurs.
Je veux que les études à l'étranger, l'expérience professionnelle à l'étranger soient facilitées, encouragées, valorisées.
Je sais que nous ne retiendrons pas la jeunesse française en essayant de l'empêcher de partir, mais en la faisant voyager et en lui offrant la possibilité de réaliser ses rêves en France ou ailleurs.
Je sais que nous ne sauverons pas le Français en interdisant à nos enfants d'apprendre l'Anglais mais en leur faisant apprendre une troisième langue.
Je sais que nous ne défendrons pas une exception française qui voudrait rester à l'écart des changements du monde mais que nous préserverons notre identité en nous investissant pleinement dans le monde.
Je veux que les Français de Madrid, de New York, de Tokyo, de Shanghai, de New Delhi, de Dakar ou de Tunis ne se sentent pas abandonnés par la France mais qu'au contraire ils aient le sentiment que la France ne les oublie pas, qu'ils sont ses enfants au même titre que tous les autres, qu'ils sont des citoyens à part entière, qu'ils ont les mêmes droits en matière d'école, de protection, de culture que ceux qui vivent sur le territoire national.
Il faut changer notre regard sur l'action extérieure de la France. Nous ne devons plus nous contenter de la diriger vers les étrangers, nous devons aussi l'adresser à cette France de l'extérieur qui veut être reconnue, qui veut être soutenue, qui veut avoir le sentiment qu'elle est partie intégrante de la nation.
Il faut que cette France soit mieux représentée dans la politique française parce que c'est une exigence pour la République et pour la démocratie. Parce qu'il est nécessaire pour l'intérêt de la France d'abolir la frontière entre la France de l'intérieur et celle de l'extérieur. Parce que c'est un comble qu'à l'époque où tant de frontières disparaissent celle-ci semble au contraire de plus en plus difficile à franchir.
Mais à côté de tous ces Français qui partent à l'aventure pour découvrir le monde, qui s'en vont aux quatre coins de la Terre vivre leurs rêves et leurs passions, découvrir d'autres cultures, d'autres civilisations, soulager la misère, prospecter de nouveaux marchés, il y a d'autres Français pour lesquels le départ est un exil.
Il y a tous ces Français qui partent parce qu'ils ont le sentiment qu'il n'y a pas de place pour eux en France. Parce qu'ils ont le sentiment d'un avenir bouché, d'une société bloquée. Ils partent par dépit, par désespoir, parce qu'ils ne trouvent plus d'autre issue.
Ils partent parce qu'ils n'ont pas de diplôme et que personne ne veut leur donner leur chance.
Ils partent parce qu'ils ont des diplômes et qu'ils ne peuvent pas les valoriser.
Ils partent parce qu'ils ont le goût de la réussite et que la réussite se heurte à trop d'obstacles.
Ils partent parce qu'ils ont le goût du risque et que le risque est mal vu.
Ils partent parce qu'ils ne trouvent pas d'emploi.
Ils partent parce que l'effort n'est pas récompensé.
Ils partent parce que le travail ne paye pas.
Ils partent parce que leur envie de vivre, leurs aspirations, leurs ambitions se heurtent partout à des règles, à des statuts, à des routines, à des réflexes d'un autre âge.
Ils partent parce qu'ils se heurtent à l'immobilisme, au conservatisme, au malthusianisme.
Les protestants qui émigrèrent en masse après la révocation de l'Edit de Nantes ne sont pas partis parce qu'ils détestaient la France mais parce que la France qu'ils aimaient ne pouvait pas être celle qui leur demandait de choisir entre leur foi et leur patrie.
Tous les Européens qui au XIXe siècle et au début du XXe émigrèrent en masse aux Etats-Unis n'abandonnaient pas leur pays de gaieté de coeur. Ils fuyaient la misère et les persécutions.
Quand le professeur Montagnier, le découvreur du virus du SIDA, s'exile en Amérique, ce n'est pas parce qu'il n'aime plus la France, c'est parce que les statuts de la fonction publique lui interdisent de continuer ses recherches qui sont toute sa vie.
Quand le jeune chercheur ne trouve pas de poste dans un laboratoire, forcément, il s'en va là où on lui donne les moyens de faire son métier et d'assouvir sa passion.
Quand le jeune entrepreneur, la tête pleine de projets, se voit refuser tous les moyens de les réaliser, forcément, il s'en va les chercher ailleurs.
Quand le jeune sans diplôme désespère de trouver du travail pour gagner sa vie, forcément, il s'en va dans le pays où les jeunes sans qualification trouvent des emplois et où l'on peut apprendre un métier en travaillant.
Quand le retraité se voit confisquer le fruit de toute une vie de travail, forcément, il est tenté de s'en aller dans un pays où l'impôt est moins confiscatoire.
A celui qui est parti parce qu'à ses yeux la France n'était plus tout à fait la France, parce que la France l'avait déçu, parce qu'il ne voyait plus comment il pouvait inscrire sa propre destinée dans le destin commun, mais qui en souffre secrètement parce qu'au-delà de tout la France est son pays, parce qu'elle lui manque, parce qu'il voudrait que ses enfants y grandissent, je veux dire qu'il n'y a pas de fatalité au déclin.
A celui qui s'est exilé parce qu'à ses yeux la France avait perdu le goût du risque et de la réussite, je veux dire qu'ensemble nous pouvons les lui redonner.
A celui qui s'est exilé parce qu'à ses yeux en France plus rien n'était possible, je veux dire que rien n'est perdu si nous le voulons tous.
J'ai lancé à Londres, à tous les expatriés qui sont malheureux de la situation de la France et qui se sont sentis obligés de partir, cet appel que je veux renouveler ce soir. Je leur ai dit, je veux leur dire encore : « revenez ! »
Revenez, parce qu'ensemble nous ferons de la France une grande nation où tout sera possible, où les pères n'auront plus peur pour l'avenir de leurs enfants, où chacun pourra réaliser ses projets, devenir responsable de son propre destin.
Revenez, et vous verrez qu'avec un peu de coeur, de courage et de volonté notre vieux pays peut accomplir encore de grandes choses !
Ne vous laissez pas voler la France, elle est à vous.
Ne vous laissez pas voler vos souvenirs d'enfance, vos rêves de jeunesse, vos ambitions.
Ne laissez pas dévaloriser la France, parce que la France c'est vous.
Ne laissez pas déprécier la France, ce serait vous déprécier aussi.
Ce qu'ont fait vos aïeux vous pouvez le faire aussi.
Ce qu'ont accompli les générations passées chaque fois qu'elles se sont mises à croire que tout était possible vous pouvez l'accomplir aussi.
La France que je veux construire avec vous, c'est une France ouverte qui croie de nouveau aux valeurs de l'effort, de la réussite, du travail, du mérite.
C'est une France qui a rompu avec l'idéologie de mai 68, cette idéologie qui installa partout, dans la politique, dans l'éducation, dans la société, une inversion des valeurs et une pensée unique dont les jeunes Français d'aujourd'hui sont les principales victimes.
Au coeur de cette pensée unique qu'ici je veux dénoncer, il y a le jeunisme, cette idéologie qui dit à la jeunesse qu'elle n'a que des droits et que tout lui est dû, c'est faux, et il y a, dans le même temps, la dévalorisation du travail et le mépris pour les travailleurs. J'ose le mot car il ne m'écorche pas la bouche. J'ai toujours fait du travail une valeur cardinale de ma vie.
Une partie de la gauche a fait sienne cette idéologie du jeunisme et des 35 heures forcées. Cette gauche c'est celle qui demande aux enfants ce qu'ils ont envie d'apprendre, dit à l'élève qu'il est l'égal du maître, part en guerre contre l'élitisme républicain qui traumatiserait les mauvais élèves et promet qu'on donnera le bac à tout le monde. Cette gauche là, au final, accepte la pauvreté pour peu qu'il n'y ait que des pauvres, tolère les retards pour peu que personne ne soit à l'heure, s'accommode des injustices si chacun en est également la victime. Cette société là je veux le dire clairement, je n'en veux pas.
Alors que le monde change à un rythme où jamais il n'a changé, alors que partout d'immenses forces de création sont à l'oeuvre, que partout les hommes se battent pour inventer, pour créer, pour s'arracher à la misère, pour tenter de se construire un nouveau monde - regardez l'Espagne ! -, la France ne peut pas rester immobile, répondant au monde qui l'invite à le rejoindre dans sa course effrénée au changement : « à quoi bon ? »
Nous ne réussirons pas dans l'économie globale en nous contentant d'imiter les autres - l'Espagne n'a imité personne. Mais nous ne réussirons pas non plus en nous enfermant dans notre histoire. Nous réussirons, comme l'Espagne, en puisant au plus profond de nous-mêmes les valeurs et les principes à partir desquels nous accomplirons les changements nécessaires pour garder la maîtrise de notre destin. Nos valeurs, ce sont celles de la République.
La République pour moi c'est le mérite. Refonder la République pour moi c'est d'abord rendre au travail sa valeur morale et sa capacité d'émancipation.
La fin du travail est un mythe. Le grand problème de la France c'est qu'elle travaille moins quand les autres travaillent plus. Le grand problème de la France c'est qu'elle ne crée plus assez de travail pour financer les retraites, la protection sociale, pour rembourser la dette, pour élever le niveau de vie, pour réduire la précarité, le chômage, les inégalités, pour faire fonctionner notre modèle d'intégration sociale. Ce problème n'est pas un problème technique c'est un problème moral. La crise de la valeur travail est au coeur de la crise morale.
Mais pour que le travail apparaisse de nouveau comme un moyen d'émancipation, il faut que le travail permette de faire vivre décemment sa famille, d'éduquer ses enfants.
Il faut l'encourager au lieu de le décourager.
Il faut cesser de dévaluer le travail en surévaluant la monnaie.
Il faut cesser de faire du travailleur la seule variable d'ajustement de l'économie.
Je propose que l'augmentation du pouvoir d'achat soit la priorité de la politique économique après 25 ans de sacrifices, de stagnation du pouvoir d'achat des salaires, de baisse du niveau de vie pour les jeunes générations que les 35 heures ont aggravé.
Je propose de supprimer les charges et les impôts sur les heures supplémentaires pour que ceux qui veulent travailler plus pour gagner plus soient encouragés à le faire, sans que personne y soit obligé.
Je propose d'alléger la fiscalité du travail en taxant plus la pollution et la consommation, les importations des pays qui pratiquent le dumping écologique et le dumping social, et en taxant moins le travail.
Je veux réformer l'Etat pour baisser les prélèvements obligatoires et pour rendre du pouvoir d'achat aux salariés
Je propose d'en finir avec une fiscalité confiscatoire qui décourage la réussite, fait fuir les capitaux et les entrepreneurs qui s'en vont créer des emplois ailleurs.
Je propose que toute la politique économique, ait un seul objectif : la revalorisation du travail.
La République pour moi c'est la liberté.
Je veux la liberté du choix.
Je souhaite que l'on donne à chacun la liberté de choisir l'école de ses enfants, son temps de travail, l'âge où il cesse de travailler, la liberté de transmettre le fruit de son travail à ses enfants sans droits de succession. Je souhaite que chacun puisse disposer comme il l'entend d'au moins la moitié de son revenu avec un bouclier fiscal de 50% y compris la CSG et la CRDS, que chacun puisse prendre sa retraite quand il le veut, et même travailler autant qu'il le veut après avoir pris sa retraite. Je souhaite que la femme ait la liberté de travailler et d'élever ses enfants. Je souhaite des places de crèche pour toutes celles qui en ont besoin et une étude surveillée pour l'enfant de la mère qui travaille.
Je souhaite que l'enfant de famille modeste qui ne peut pas étudier chez lui ait la liberté d'apprendre dans un internat d'excellence.
Je souhaite que chacun reçoive une culture d'homme libre et la formation qui pourra lui permettre de trouver un emploi.
Je souhaite une école de l'excellence parce que c'est la seule qui donne à tous la même chance d'être un homme libre.
Je veux l'orientation, la sélection, l'émulation scolaires et l'élitisme républicain - ces mots ne me font pas peur - parce que c'est comme cela que l'on donne à chacun la liberté de réussir.
Je souhaite que les jeunes en formation aient une autonomie financière grâce à une allocation formation, à des prêts à taux zéro et à la possibilité de travailler tout en étudiant. C'est ainsi qu'on leur donnera la liberté de construire leur vie et la liberté d'apprendre.
Je souhaite que ceux qui ont des projets et qui n'ont pas de relations ou dont les parents ne peuvent se porter caution bénéficient de la garantie de l'Etat pour emprunter parce qu'il faut que chacun ait la liberté de créer.
Je souhaite que les intérêts des emprunts pour acheter son logement soient déductibles en totalité du revenu imposable, que le crédit hypothécaire soit réformé, que l'accès à la propriété pour les locataires de logements sociaux soit facilité parce que la propriété c'est la meilleure assurance contre les accidents de la vie, contre la précarité. Parce que la propriété c'est l'indépendance, c'est la liberté. Je souhaite que tous les Français qui travaillent puissent devenir propriétaires.
Je souhaite plus de liberté pour le chef d'entreprise dans la gestion de l'emploi en contrepartie je souhaite une Sécurité Sociale professionnelle qui protège les personnes contre les aléas de la vie des entreprises, parce qu'il n'y a pas de liberté dans l'insécurité.
La liberté pour moi c'est quand les usagers ne sont pas pris en otages par les grévistes. Il faut en finir avec cette situation qui est attentatoire à la liberté et qui ternit l'image de la France aux yeux du monde entier. Je prends l'engagement si je suis élu de faire voter une loi sur le service minimum dans les services publics dès le mois de juin 2007. Je souhaite en outre qu'une loi impose le vote à bulletins secrets dans les 8 jours du déclenchement d'une grève dans une entreprise, une université, une administration.
La liberté pour moi c'est que chacun puisse circuler sans craindre de se faire agresser. Je veux que la France redevienne pour le monde entier un pays où l'on sait que l'on est en sécurité que l'on peut circuler sans se faire agresser.
Mais l'homme n'est pas libre s'il n'est pas responsable de ses actes.
La responsabilité c'est la dignité.
La responsabilité c'est la condition de l'estime de soi.
L'égalitarisme c'est le contraire de la responsabilité parce qu'avec l'égalitarisme il n'y a plus de rapport entre les actes et les résultats.
L'assistanat c'est le contraire de la responsabilité parce qu'avec l'assistanat l'homme subit au lieu de vouloir.
L'égalitarisme et l'assistanat sont dégradants pour la personne humaine. Ils empêchent ceux qui veulent réussir de réussir. Ils démoralisent ceux qui se donnent du mal. Ils rendent toujours plus dépendants et plus vulnérables ceux qui en bénéficient. Ils tirent tout le monde vers le minimum au lieu de tirer chacun vers le maximum.
Le Parti Socialiste veut une société du minimum, je souhaite une société du maximum, parce qu'avec le minimum on ne vit pas, on survit.
La République pour moi c'est la fraternité.
Je veux être le Président d'une France dans laquelle l'Etat aide ceux qui en ont besoin, ceux que les accidents de la vie ont abîmés au point qu'ils n'arrivent plus à se tenir debout tout seuls. Ma France, c'est celle où l'Etat ne laisse personne dans la détresse, où l'Etat tend la main à l'enfant pauvre, au malade, au handicapé, à la personne âgée qui est dépendante, où l'Etat accompagne ceux qui veulent s'en sortir, ceux qui sont prêts à faire un effort sur eux-mêmes, où l'Etat donne à ceux qui n'ont plus la force de vouloir, l'énergie de vouloir de nouveau.
Car vouloir pour soi-même, c'est espérer encore. Et toute la grandeur de l'homme est dans cette espérance qui le pousse à se dépasser, qui fait de sa vie une aventure dans laquelle rien n'est écrit par avance, qui le fait acteur et non spectateur de sa propre histoire.
Si je souhaite qu'il n'y ait plus aucun revenu d'assistance sans une activité d'intérêt général qui en soit la contrepartie, c'est parce que je veux que celui qui est secouru retrouve l'estime de lui-même dans la reconnaissance de son utilité sociale.
Si je souhaite que celui qui bénéficie d'une assurance salaire ne puisse pas refuser deux offres d'emploi successives correspondant à ses qualifications, c'est parce qu'en rémunérant le chômage autant que le travail, sans contrepartie, on démoralise celui qui finance la solidarité en travaillant dur.
Si je souhaite que l'allocation formation soit conditionnée par l'assiduité et le sérieux dans les études de celui qui en bénéficie, c'est parce que je suis convaincu qu'on ne rend pas service à la jeunesse en lui laissant croire que tout lui est dû.
Si je souhaite que tous les jeunes accomplissent un service civique obligatoire de 6 mois, c'est parce que la jeunesse doit apprendre à donner et pas seulement à recevoir.
Si je souhaite que les parents qui ont des difficultés soient aidés pour élever leurs enfants et que ceux qui n'assument pas leurs responsabilités soient sanctionnés, par la mise sous tutelle des allocations familiales, c'est parce que je crois que le rôle des parents dans l'éducation est irremplaçable.
Si je souhaite que l'entreprise qui délocalise, rembourse les aides publiques qu'elle a reçues, c'est parce qu'il y a aussi une responsabilité sociale de l'entreprise.
Si je souhaite que les maisons-mères soient responsables de façon illimitée des dégâts causés à l'environnement par leurs filiales, c'est parce que nous avons tous une responsabilité illimitée vis-à-vis des générations futures.
Si je souhaite que le patron malhonnête qui pille son entreprise ait des comptes à rendre autant que le politicien corrompu et que l'adolescent qui rackette ses camarades d'école, c'est parce que l'on ne peut pas demander aux citoyens d'assumer leurs responsabilités si des délinquants petits ou grands restent impunis.
Si je souhaite que le Président de la République assume clairement ses responsabilités dans la conduite des affaires publiques, c'est parce que je suis convaincu que l'exemple doit venir d'en haut.
Faire revivre les valeurs qui sont au coeur de notre identité, c'est nous montrer capables de garantir une véritable égalité des chances pour valoriser tous nos talents.
Comment peut-on encore parler de République quand le destin de l'enfant est à ce point déterminé par le quartier où il est né où par la couleur de sa peau ?
Comment parler de la République au fils de harki, à l'enfant noir ou au fils de l'immigré maghrébin qui mesure le peu de chances qu'il a d'accéder un jour à des postes de responsabilités ou même simplement de trouver un emploi ?
Comment faire aimer la République à tous ceux qu'elle laisse à l'écart : travailleurs pauvres, mères qui élèvent seules leurs enfants, ruraux qui voient partir tous les services publics, agriculteurs à la pension de retraite dérisoire, ouvriers de l'industrie en concurrence avec la main d'oeuvre bon marché du Tiers-Monde, jeunes qui mettent des années à accéder à un emploi stable, personnes âgées abandonnées à leur solitude ?
Comment faire espérer dans une République qui tient si peu ses promesses ?
Agir sur les causes et pas seulement sur les effets. Ne pas se contenter de gérer les conséquences de la défaillance des institutions mais réformer les institutions, transformer les mentalités, changer les comportements. Ne pas se contenter de gérer l'échec scolaire mais s'attaquer à la réforme de l'école. Ne pas se contenter de gérer les conséquences du chômage de masse mais en combattre les causes. Donner plus à ceux qui ont moins. Aider davantage ceux qui ont plus de handicaps à surmonter. Aider ceux qui veulent s'en sortir à s'en sortir. Voilà ma République ! C'est celle qui donne la possibilité à celui qui veut faire des efforts de réussir, d'exploiter ses talents, de tenter sa chance.
Voilà ce que j'appelle la rupture !
Ici à Madrid je suis aussi venu vous dire et je suis venu dire à l'Espagne que notre avenir à tous se joue en Méditerranée. Au bord de cette mer qui ne mène pas à des terres inconnues mais aux rivages familiers vers lesquels depuis des millénaires nous tournons nos regards et nos pensées à chaque fois que nous rêvons d'une certaine idée de l'homme et de la civilisation.
La Méditerranée est pour nous tous, même quand nous n'y avons jamais vécu, un souvenir d'enfance où se mélangent des dieux de l'Egypte et de la Grèce, des chevaliers des Croisades, de vieux temples en ruines, des sensations de chaleur sèche, de lumière éblouissante, de senteurs entêtantes, de joie de vivre, et sur fond de mer et de ciel bleu des tragédies terribles, pleines de sang et de fureur, de haines inexpiables, d'une violence archaïque que le long travail des civilisations n'a pas réussi à éteindre.
Quand nous évoquons, Espagnols ou Français tout ce qui constitue notre conception de la personne humaine dans sa dimension intellectuelle comme dans sa dimension morale et spirituelle, tous nos regards se tournent vers la Méditerranée qui nous a tout enseigné. Nous sommes les enfants de l'Egypte, de la Grèce, d'Israël, de Rome, de Venise, de Florence, de Séville.
Quand je pense à la Méditerranée, je pense à l'homme européen qu'elle a fait naître. Je pense à cette part de moi-même, à cette part de chaque Français, de chaque Espagnol, de chaque Européen, qui donne le sentiment, face à la Méditerranée, d'un retour à la source, à l'origine de sa propre pensée, de sa propre identité.
Je pense aussi à cette part de moi-même qui me fait me sentir chez moi quel que soit le pays, quel que soit le rivage qu'elle baigne.
Nous sommes aussi les enfants de Cordoue et de Grenade, les enfants des savants arabes qui nous ont transmis l'héritage des anciens Grecs et qui l'ont enrichi.
Nous tous, Juifs, chrétiens, musulmans, non croyants, nous sommes les héritiers d'un même patrimoine de valeurs spirituelles qui donne à nos dieux et à nos civilisations tant de ressemblances.
Le grand tort de l'Europe est d'avoir longtemps, trop longtemps, tourné le dos à la Méditerranée.
Que tous nos regards se soient tournés exclusivement vers le Nord et vers l'Est, que le Sud ainsi fût oublié intellectuellement, culturellement, moralement, politiquement, économiquement, que la Méditerranée cessât d'être un lieu d'où jaillissait pour nous la richesse, la culture et la vie, qu'elle cessât de représenter une promesse pour ne plus constituer qu'une menace, n'est pas pour rien dans la crise européenne. Il faut dire les choses comme elles sont : en tournant le dos à la Méditerranée, l'Europe a cru tourner le dos au passé. Elle a en fait tourné le dos à son avenir. Car l'avenir de l'Europe est au sud.
Le rêve européen a besoin du rêve méditerranéen. Il s'est rétréci quand s'est brisé le rêve méditerranéen. Ce rêve qui ne fut pas tant un rêve de conquête qu'un rêve de civilisation.
A cet endroit et à ce moment précis où le choc des civilisations devient une menace réelle pour l'humanité, là, autour de cette mer baignée de lumière où depuis deux mille ans la raison et la foi dialoguent et s'affrontent, là sur ces rivages où l'on mit pour la première fois l'homme au centre de l'univers, là se joue une fois encore notre avenir.
Là si nous n'y prenons garde les valeurs qui sont l'héritage commun de toutes les civilisations de la Méditerranée perdront la bataille de la mondialisation. Là nous pouvons tout gagner ou tout perdre. Nous pouvons avoir la paix ou la guerre, la meilleure part de la civilisation mondiale ou le fanatisme et l'obscurantisme, le dialogue des cultures le plus fécond ou l'intolérance et le racisme, la prospérité ou la misère. Dans le monde se dessinent de vastes stratégies continentales qui enjambent les hémisphères. Entre le continent américain d'un côté et l'Asie de l'autre, la géographie de la mondialisation pousse l'Europe à imaginer une stratégie euro-africaine dont la Méditerranée sera fatalement le pivot.
Cette ambition de faire du bassin méditerranéen davantage qu'un pont entre le Nord et le Sud, un foyer de paix, de culture, de démocratie, de développement durable d'où naîtra dans le creuset des siècles et des civilisations le destin commun de l'Europe, du Moyen-Orient et de l'Afrique. L'Amérique et la Chine ont déjà commencé la conquête de l'Afrique. Jusqu'à quand l'Europe attendra-t-elle pour construire l'Eurafrique ? Pendant que l'Europe hésite, les autres avancent. La mondialisation n'attendra pas que l'Europe se décide enfin à en être un acteur et pas seulement à la subir.
Le dialogue Euro-Méditerranée imaginé il y a 12 ans à Barcelone par bien des aspects n'a pas atteint ses objectifs. L'échec était prévisible dès lors que la priorité de l'Europe était à l'est. L'échec était prévisible dès lors que le commerce avait pris seul le pas sur tout le reste alors que c'est la coopération qui doit être la priorité absolue. L'échec était prévisible dès lors qu'il s'agissait une fois de plus de faire dialoguer le Nord et le Sud, en perpétuant cette frontière invisible qui depuis si longtemps coupe en deux la Méditerranée et en continuant d'opposer ses deux rives au lieu de les unir. Le dialogue entre l'Europe et la Méditerranée est capital. Mais il ne peut pas réussir s'il s'agit seulement de faire dialoguer l'Union Européenne avec l'Afrique du Nord. Je propose que l'on prenne le problème autrement. C'est d'abord aux pays méditerranéens eux-mêmes de prendre en main la destinée que la géographie et l'histoire leur ont préparée et d'entraîner à leur suite les continents. C'est à la France, européenne et méditerranéenne à la fois, de prendre l'initiative avec l'Espagne, l'Italie, la Grèce, Chypre, d'une Union Méditerranéenne comme elle prit jadis l'initiative de construire l'Union européenne. Cette Union Méditerranéenne aura vocation à travailler de plus en étroitement avec l'Union Européenne. Elle aura vocation un jour à avoir avec elle des institutions communes parce que la Méditerranée et l'Europe auront pris conscience que leurs destins sont liés.
C'est dans la perspective de cette Union Méditerranéenne qu'il nous faut envisager les relations de l'Europe et de la Turquie.
C'est dans la perspective de cette Union Méditerranéenne qu'il nous faut repenser ce qu'on appelait jadis la politique arabe de la France,
C'est dans la perspective de cette Union Méditerranéenne qu'il nous faut approcher le problème de la paix au Moyen-Orient et chercher une issue au conflit israélo-palestinien. Un système de sécurité collective lui permettrait de garantir la paix autrement que par la course aux armements et l'intimidation.
La Méditerranée a besoin d'investissements dans les infrastructures. Elle a besoin d'une gestion commune de l'eau, d'une politique commune de la mer, d'une politique commune des migrations, d'une politique commune de l'énergie, d'une politique commune du patrimoine, du tourisme, de la recherche.
Et c'est dans la perspective de cette Union Méditerranéenne qu'il nous faut concevoir l'immigration choisie, c'est-à-dire décidée ensemble, organisée ensemble, maîtrisée ensemble.
Mais la plus belle perspective pour la France comme pour l'Espagne, est dans le grand large. Si je suis élu je proposerai à tous les pays de la Méditerranée de jeter les bases d'une Union Méditerranéenne comme jadis la France a proposé aux peuples européens de construire l'Europe. En ressuscitant le rêve méditerranéen nous ressusciterons le rêve européen.
Voilà ce que je voulais dire ici à Madrid.
Voilà ce que je voulais vous dire à propos de la France et à propos de l'Espagne.
Pour finir je n'ai que deux choses à ajouter, les deux seules au fond qui importent pour l'issue de cette campagne.
Vive la République !
Vive la France !Source http://www.u-m-p.org, le 28 février 2007