Texte intégral
Je suis très ému par votre présence impressionnante. La descente de la salle a été un long chemin d'amitié et de chaleur humaine.
Je suis très heureux de me trouver à Nice, d'y avoir été accueilli par mon ami Rudy Salles, député de Nice, courageux, combattant, remarquable représentant de ses compatriotes. Je suis très heureux de saluer les élus qui m'ont accompagnés, Jacqueline Gourault, présidente des élus démocrates, Maurice Leroy, président du Conseil général du Loir-et-Cher et député. Je suis très heureux de saluer les élus de la région qui sont là, Monsieur le Maire honoraire de Nice et Corinne Lepage, qui s'est exprimée avant moi à cette tribune et qui m'a apporté son amitié et son soutien, car le sens même de l'action que j'ai entreprise, avec les Français et à leur service, est le rassemblement. C'est le rassemblement pour obtenir enfin le redressement nécessaire de notre pays.
Votre présence si nombreuse et les témoignages innombrables de millions et millions de Français venant nous rencontrer et qui nous disent : "Vraiment, j'avais pris, depuis des années, l'habitude et la résolution de ne plus participer, de voter blanc, de m'abstenir. Je n'y croyais plus et, tout d'un coup, vous me rendez quelque chose dont je n'imaginais pas pouvoir de nouveau trouver la trace dans ma conscience de citoyen, c'est l'espoir."
Je suis très heureux et très fier d'avoir pu ainsi rencontrer l'espoir d'un si grand nombre de Français et c'est de la nature de cet espoir que je voudrais vous parler ce soir. Tous ici, nous connaissons la situation de notre pays. Tous ici, nous savons combien, depuis des années, nous avons vu, constaté, impuissants, ce qu'était la lente dégradation, la décomposition insensible du tissu national de la
France, la décomposition insensible des valeurs qui étaient les nôtres, le
sentiment de beaucoup d'entre nous que l'emploi avait déserté, que l'ascenseur
social était en panne, que les difficultés de la vie de tous les jours s'accroissaient
au lieu de se résoudre, que les choses devenaient pire au lieu de devenir
meilleures.
C'est le sentiment de la vie de tous les jours. On voit ce sentiment sur la feuille de paye à la fin du mois. On le voit dans les yeux des enfants, surtout dans les familles modestes. Celles-ci croyaient, depuis longtemps, que le vieux contrat républicain de la France avait gardé toute son actualité et le contrat républicain, vous le connaissez, c'est celui que l'on entendait dans toutes nos familles. C'était : si les enfants travaillent bien à l'école, ils auront une situation meilleure que celle des parents.
Aujourd'hui, dans beaucoup de familles, le désarroi s'est installé, parce que les enfants ont bien travaillé à l'école. Ils ont eu des diplômes, des bac+3, des bac+4, des bac+5 et, au bout de ces diplômes, il y a très souvent le chômage. Ceci a créé un désarroi dans les familles, une perte de confiance et d'espoir dans l'avenir.
Il n'y a pas que les enfants avec diplôme qui se retrouvent au chômage. Il y a, et c'est un scandale sans précédent, de plus en plus de personnes de plus de 50 ans ou, parfois, de moins 50 ans qui se sentent insensiblement poussées sur le bord de la route dans l'entreprise.
Quand elles perdent leur emploi, elles n'en retrouvent pas et on leur dit, on ose leur dire que c'est parce qu'elles sont trop vieilles, comme si, dans un pays où l'espérance de vie s'accroît d'un trimestre par an, d'une année tous les quatre ans, on pouvait être vieux à 50 ans.
Chacun d'entre nous ici connaît la réalité. Ce n'est pas l'âge qui est en question. C'est parce que, quand on arrive après une carrière un peu longue, naturellement, le salaire ne peut pas être celui d'un débutant et que le coût de ce salaire, avec les charges pour l'entreprise, fait que l'on préfère embaucher des jeunes plutôt que de conserver des personnes de plus de 50 ans. Ceci n'est pas normal avec les responsabilités familiales et l'importance que les femmes et les hommes, dans la pleine force de l'âge, devraient avoir pour l'entreprise et ceci mine le moral du pays.
En même temps, les jeunes dont les familles connaissent le plus de difficultés, notamment les familles habitant les quartiers populaires, notamment ceux dont le nom indique qu'ils viennent d'ailleurs, notamment ceux que l'on regarde du coin de l'oeil à cause de la couleur de leur peau ou de leur religion, tous ceux-là, dans notre société, se sentent victime et sont réellement victimes. Il est juste qu'on le dise, y compris dans un meeting de campagne présidentielle. Ils sont victimes de discrimination et, la discrimination, ce n'est pas la République.
En même temps, il y a des quartiers où l'on est mal vu quand on est un Français
de tradition, quand on est ressenti comme étant, on le dit parfois dans certains
quartiers, blanc.
Eh bien, nous, nous considérons qu'il ne doit y avoir de discriminations ni dans un sens ni dans un autre et, que l'honneur de la République, que notre volonté de reconstruire la République, c'est que, chez nous, en France, on apprenne quelque chose d'essentiel pour notre avenir, et je considère que cela relève de la responsabilité éminente du président de la République qui sera élu le 6 mai, en France, nous devons réapprendre à vivre ensemble, à nous respecter et à nous rassembler, à être capables de partager les responsabilités et le destin du pays.
Si je devais définir ce qu'est la tâche première du président de la République, sa mission essentielle, je dirais que c'est celui qui aide ses compatriotes à vivre ensemble et qui refuse de les opposer, qui refuse de les plonger dans la détestation réciproque.
Le président de la République est un rassembleur et c'est comme rassembleur que je veux affronter cette élection présidentielle et rencontrer la confiance des Français.
Et, ce rassemblement, c'est en particulier le rassemblement dans le domaine de l'action politique. Vous savez que, depuis le début, j'ai placé cette campagne sous le signe du plus grand changement que notre pays puisse rencontrer aujourd'hui.
Il y a 25 ans, un quart de siècle -la plupart des jeunes qui sont là, si nombreux et que je salue, n'étaient pas nés- que, dans notre pays, on vit dans une espèce de fiction, de mise en scène perpétuelle de l'affrontement, mais ce n'est pas, comme on le dit, celui de la gauche et de la droite. Je considère qu'il est légitime qu'il y ait des valeurs et une démarche de droite, légitime qu'il y ait des valeurs et une démarche du centre, légitime qu'il y ait des valeurs et une démarche de gauche.
Je les reconnais et je les salue, parce que tout cela fait partie de la France.
Tout à l'heure, un ami à l'aéroport est venu me voir en me disant : "C'est drôle, je vous rencontre là. Je ne m'attendais pas à vous voir. Je viens de voir un chauffeur de taxi qui m'a indiqué qu'il voulait voter pour vous. Il m'a dit : c'est facile, moi, je travaille. Comme j'ai besoin de ma main droite et de ma main gauche pour travailler, je veux un président de la République qui fasse travailler ensemble la main droite et la main gauche de la France". J'ai trouvé que c'était, au fond, une manière juste et chaleureuse de dire ou de traduire ce qu'est aujourd'hui l'enjeu de cette élection.
Il y a 25 ans que l'on vit dans l'affrontement de la main droite et de la main gauche. Il y a 25 ans que l'on vit dans l'affrontement de deux partis politiques qui considèrent qu'ils ont le monopole du pouvoir et qu'ils doivent le garder. En réalité, ils acceptent de pouvoir le perdre pourvu que ce soit au bénéfice de l'autre et qu'ils soient assurés de le récupérer le coup d'après ; de sorte que, si vous y réfléchissez bien, dans un pays où l'on explique, tous les jours, qu'il ne peut pas y avoir de coalition, que l'on ne peut pas s'entendre, il y a une grande coalition, en France, c'est celle du parti socialiste et de l'UMP, décidés à empêcher qui que ce soit d'autre qu'eux à occuper le pouvoir démocratique dans la République française.
Pour cela, en effet, ils s'entendent et ils se sont notamment entendus pour grouper les tirs contre ceux, et nous sommes ceux-là, qui allons les empêcher de faire durer leur monopole et qui avons bien l'intention de les renvoyer à une réflexion sérieuse sur ce qu'ils auraient dû faire, depuis 25 ans, qui aurait empêché le pays de se retrouver dans l'échec où il se trouve. Nous savons bien que ce n'est pas facile, mais que c'est nécessaire.
Je vais vous expliquer pourquoi ce n'est pas facile, je n'aurai pas besoin d'être long. Ce n'est pas facile, parce que nous affrontons, quasiment à mains nues, avec les forces qui sont les nôtres et qui, notamment en matière de moyens financiers, sont très faibles, les deux plus gros appareils politiques du pays, ceux qui ont tous les postes dans le pouvoir exécutif, tous les postes au gouvernement, 92 % des sièges à l'Assemblée nationale et au Sénat, toutes les présidences de région, tous les verrous du pouvoir et tous les moyens qui vont avec.
Ils sont, en effet, contre nous. Ce sont, je le disais, des adversaires de taille et de poids. Nous allons avoir... Nous avons déjà, depuis trois semaines, depuis que les enquêtes d'opinion ont fait apparaître une situation inattendue qu'ils n'avaient sans doute jamais imaginée, parce qu'ils n'avaient jamais bien regardé les Français ni bien parlé avec eux, des tirs de barrage incessants, des accusations de toutes natures, les plus infamantes qui peuvent être trouvées.
Nous en aurons encore comme cela pendant cinq semaines et elles iront en empirant. Elles vont concentrer, sur nous, tous les tirs de tout le banc et l'arrière banc de tous ceux, sans exception, qui ont profité du système depuis 25 ans. Ce sont eux qui vont tout faire, quels qu'ils soient, pour sauver encore un peu de temps le système auquel ils doivent tout.
Cela ne sera pas facile. Je veux vous dire simplement que, moi qui suis avec ce poids sur les épaules, moi qui ai proposé ce chemin nouveau à la France, moi qui mesure tous les jours ce que cela a fait naître d'espoir dans l'esprit et dans le coeur de beaucoup de femmes, d'hommes, de jeunes et de personnes âgées dans notre pays, j'ai un immense sentiment de responsabilité, un grand sentiment d'espoir et, surtout, j'ai besoin de vous, de votre présence, de votre chaleur, de votre soutien, de votre amitié, de votre engagement pour que nous puissions, en effet, faire bouger ces montagnes que nous avons décidé de faire bouger. J'ai besoin de vous et je vous remercie d'être avec moi.
Je disais : cela ne va pas être facile, mes chers amis, mais c'est nécessaire et je veux vous dire pourquoi. C'est nécessaire parce que j'ai acquis la conviction, au travers du temps, que si nous n'offrons pas à notre pays une démarche nouvelle, une démarche de construction, une démarche de rassemblement, aucun des problèmes qui se trouvent devant nous ne pourront trouver de réponse.
J'en appelle à votre expérience. Il y a ici des élus importants de Marseille, des conseillers régionaux, des hommes qui ont occupé des fonctions au Sénat. Depuis 25 ans, un quart de siècle, dans notre pays, chaque fois que ceux au pouvoir proposent une idée, ceux dans l'opposition n'ont qu'une obsession, c'est de la démolir.
Depuis 25 ans, c'est inutile de mettre le son à la télévision pour savoir ce qu'ils vont dire. Il suffit de voir l'image pour constater que, s'il appartient au parti au pouvoir, il dit que tout est formidable et que, s'il appartient à l'opposition, il dit que tout est nul.
C'est une répartition des rôles qui repose sur leur certitude que cette situation de blocage conduira inévitablement à une alternance à la prochaine élection et que ceux qui sont en place seront remplacés par ceux qui étaient en place la fois précédente et que ceux qui arrivent vont démolir ce qu'ont fait ceux qui étaient installés au pouvoir.
Cette alternance avec un coup de barre à droite et un coup de barre à gauche et l'impossibilité même de discuter de ce qui est absolument nécessaire pour l'avenir du pays, même de problèmes aussi cruciaux que le problème des retraites, l'impossibilité de les réunir autour d'une table, l'impossibilité, même quand ils sont d'accord, de leur faire avouer cet accord, il est nécessaire d'en sortir et de trouver une autre démarche plus constructive, mais, surtout, il est nécessaire de trouver ce rassemblement pour une raison qui tient à la crise dans laquelle nous sommes.
Tout le monde sait ici, dans cette salle, que les réformes qui vont devoir être proposées aux Français, qui sont vitales pour que la France se tienne debout, qu'elle retrouve sa fierté, pour que les jeunes recommencent à y croire, pour que, de nouveau, il y ait de l'espoir et pas du désespoir, vont exiger du courage, de la volonté et de la lucidité.
Elles ne pourront être acceptées par nos compatriotes que s'ils ont la certitude qu'elles sont justes. Jamais les réformes ne pourront être acceptées si les Français soupçonnent qu'elles sont faites par l'idéologie d'un camp au détriment de l'autre ou dans l'intérêt des uns au détriment des autres.
Si l'on veut faire des réformes, il faut prouver leur justice et, pour cela, l'équipe qui les conduira doit être impartiale et, donc, pluraliste.
Oui, je revendique, dans l'intérêt des réformes du pays, le soutien d'une partie large de l'opinion et, oui, je revendique, pour conduire ces réformes, de construire une équipe dans laquelle seront représentés des compétences, des bonnes volontés et des courages venant des camps différents de la République française et de notre démocratie.
Je veux que tous les citoyens français, que chacune et chacun d'entre eux ait la certitude que l'équilibre qui sera mis en place au sein de l'équipe nouvelle qui gouvernera la France, que l'équilibre qui sera mis en place dans cette majorité garantira à chacune et à chacun d'entre nous que la démarche très formatrice est impartiale, que chacun peut y trouver son compte et que l'opinion de chacun a été relayée au moment de la préparer.
C'est un changement complet par rapport à ce que nous avons connu depuis des années. Ce n'est pas un camp qui décide d'imposer sa vision, ce sont les familles politiques de la démocratie française qui seront représentées. Lorsqu'il s'agira de reconstruire et de réformer notre pays, chacun aura sa place et sa responsabilité.
C'est notamment vrai ou c'est prioritairement vrai quand il va s'agir de donner à la République les institutions qu'elle mérite pour que, franchement, la France sorte de cette exception si triste qui fait que notre pays est probablement, depuis des années, un des moins démocratiques des pays développés de la planète, ce qui fait que chacun des Français a le sentiment de ne pas être pris en compte, de ne pas être représenté, de ne pas être respecté. Cette absence de démocratie
contribue à la déchirure perpétuelle dont est victime la société française.
Je veux que les Français soient respectés et entendus dans nos institutions, quelle que soit leur opinion, parce que je considère que c'est le droit du citoyen de se faire respecter dans ses opinions, même s'il n'est pas majoritaire.
Voyez-vous, on n'est pas davantage citoyen ou on n'est pas plus légitime citoyen, parce qu'on est d'accord avec les partis majoritaires et même, si l'on y réfléchit, la démocratie est normalement faite pour protéger, non pas les majorités, mais les minorités.
C'est cela l'idée centrale qui fait que, normalement, dans notre pays, peuvent se lever ainsi des courants politiques que l'on n'attendait pas et cela participe au renouvellement de la France. D'ailleurs, nous allons en faire la preuve au moment de l'élection présidentielle, le 22 avril et le 6 mai.
Je trouve que c'est une faiblesse de notre pays, une faiblesse pour notre société que de voir ainsi concentré, entre les mains des mêmes, non pas la décision, ce qui déjà se discute, mais la délibération, la représentation du pays. Songez qu'au moment de la dernière élection présidentielle, en 2002, le candidat du PS et celui de l'UMP, qui étaient Lionel Jospin et Jacques Chirac, ensemble, ont eu 35 % des voix et, à l'Assemblée nationale, ils ont eu 92 % des sièges.
Je dis que ce n'est pas normal, que ce n'est pas juste et que les 65 % d'autres Français ont bien le droit d'être représentés dans nos institutions. Je dis cela à Nice, sachant très bien, à peu près bien ou pas loin de parfaitement bien, ce que sont les rapports de force dans cette région.
Je défends depuis longtemps l'idée que, dans les institutions de la République, dans la démocratie française, tout le monde doit être représenté, y compris ceux que je n'aime pas. J'ai combattu l'extrémisme toute ma vie, sans jamais faire la moindre concession, sans jamais accepter le moindre clin d'oeil, parce que je pense qu'il est du devoir, de la responsabilité et, probablement, même de la
responsabilité morale des élus de montrer l'exemple et de défendre des valeurs même lorsque l'on ne se rend pas compte qu'elles sont attaquées ou qu'elles sont mises en cause. Il est de notre responsabilité d'éclairer le chemin et de dire quand quelque chose tourne dans un mauvais sens.
J'ai donc défendu, à Marseille, lors d'une grande réunion qui a eu lieu entre le premier et le deuxième tours de l'élection présidentielle de 2002, ces principes républicains et j'ai réuni, en effet, des sensibilités différentes qui ont ensemble dit ce qui était, pour elles, acceptable et inacceptable dans la situation qui était créée, mais, même en ayant combattu l'extrémisme toute ma vie, je considère que nous ne gagnons pas à faire en sorte que des courants, qui représentent un nombre substantiel de nos concitoyens, soient à ce point écartés de la représentation.
Je suis pour que tout le monde puisse siéger à l'assemblée nationale et que l'on puisse combattre à visage découvert ce que nous ne pouvons pas accepter, plutôt que de le voir cheminer souterrainement, comme il s'achemine souterrainement habituellement
Voyez-vous, j'ai siégé, parce que vous m'y aviez élu, au parlement européen entre 1999 et l'élection présidentielle de 2002. J'avais, d'un côté, Le Pen et, de l'autre, Krivine et Arlette Laguiller ; ils étaient représentés. Cela n'a pas empêché que l'on vote des lois et même, quelquefois, cela obligeait à voter des lois plus intelligentes, parce que, si vous avez une représentation de ceux qui, au fond, n'acceptent pas les principes, il faut défendre ensemble les grandes formations démocratiques en Europe et en France et, si vous avez besoin d'atteindre une majorité un peu plus haute que les 50 % habituels, vous êtes obligé de discuter ensemble et de vous entendre.
Vous avez une menace d'un côté, une menace de l'autre ; les républicains et les démocrates sont obligés de discuter. Ceci, mes chers amis, permet d'améliorer beaucoup la réflexion et empêche beaucoup de faire des bêtises. En tout cas, je considère que l'on est plus intelligent à plusieurs que tout seul et j'ai donc l'intention de proposer à la France de redécouvrir sa plus belle richesse qui s'appelle tout simplement le pluralisme.
Cependant, ceci veut également dire, dans le grand mouvement de rénovation que nous allons conduire, pour devenir un pays plus intelligent que nous ne l'étions, qu'il va falloir rendre au parlement de la République ses droits et, particulièrement, rendre le droit au parlement de voter la loi et de contrôler le gouvernement pour éviter qu'il ne fasse des bêtises.
Je veux que l'on sorte de la situation scandaleuse où notre pays se trouve qui fait que, sur des décisions essentielles, le parlement n'est même pas consulté, même pas associé. On lui dit : "Ce sont des choses importantes, occupez-vous, maintenant, de vos affaires ; l'essentiel ne vous regarde pas." Ce n'est pas cela la démocratie et ce n'est pas cela la République.
Songez que, dans les deux dernières années, en France, pays qui a inventé, d'une certaine manière, une partie de la démocratie, la déclaration des Droits de l'homme et toutes ces choses qui font notre fierté de peuple, on a pu décider, par exemple, qu'on allait privatiser les autoroutes, c'est-à-dire donner à des intérêts privés une "pompe à cash" comme l'on dit, ce qui allait enrichir notre pays, parce qu'elle était amortie, sans même demander au parlement, qui représente les Français, quel était son avis sur la question.
Songez, on l'a fait alors même que la loi qui régit les privatisation impose que, lorsque l'on privatise une entreprise publique qui appartient aux Français, c'est un vote de leurs représentants, des députés et des sénateurs qui doit permettre cette privatisation. Eh bien, ils ont décidé qu'ils ne respecteraient pas la loi, comme si les autoroutes n'avaient pas été construites avec l'argent des Français et le péage des Français.
Alors, évidemment, maintenant, des dividendes incroyables viennent enrichir les intérêts privés, au lieu d'enrichir notre peuple et de permettre, comme nous l'avions décidé, de se servir de cet argent pour construire, pour faire du ferroutage, pour construire des canaux, pour faire en sorte que l'on ait des solutions de remplacement, des alternatives aux transports routiers et, ainsi, qu'on allège un peu les routes françaises et que l'on équipe mieux notre pays, y compris du point de vue ferroviaire.
Songez que, et je ne connais pas de décision plus importante que celle-là, on a pu décider de l'ouverture des négociations d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne sans même que le parlement puisse dire un mot sur cette question essentielle. Imaginez !
C'est une question très importante. On peut être pour, on peut être contre. Il y avait des arguments dans les deux sens, des arguments quelquefois lourds, émouvants. J'étais contre au nom d'une certaine idée de l'Europe, de l'Europe dense, de l'Europe compacte, de l'Europe qui formait une vraie voix politique pour peser ensemble sur le destin du monde, mais il y avait des arguments dans les deux sens et je les connaissais bien. J'en ai traité dans d'innombrables articles.
Eh bien, devant la décision la plus importante probablement de ce début de siècle pour l'équilibre de la construction européenne et l'équilibre de la planète, le gouvernement a osé dire au parlement : "Non seulement votre avis ne nous intéresse pas, mais vous n'avez pas le droit de donner un avis. Nous vous interdisons de donner un avis."
Cela seul suffit à dire que, en effet, il faut changer la République pour qu'elle retrouve des institutions qui permettent à la représentation des Français d'avoir un sens, de servir à quelque chose.
A quoi sert-il d'élire des députés et des sénateurs s'ils n'ont même pas le droit de retransmettre l'avis de leurs concitoyens et de leurs compatriotes, lorsque l'on prend une décision de nature, non plus politique, mais historique qui va s'imposer pendant des décennies ? A quoi sert-il d'avoir un parlement si on le bâillonne, qu'on lui interdit de parler ?
Je veux que l'on rende la parole, c'est-à-dire sa dignité, c'est-à-dire ses droits, c'est-à-dire sa légitimité à la représentation des Français, au parlement de la République.
Évidemment, tout cela n'est pas sans conséquences, parce que les premiers qui s'aperçoivent que le Parlement ne sert à rien, ce sont les élus, ce sont les parlementaires eux-mêmes. Alors, ils n'y vont plus et vous découvrez, à la télévision, même pour des débats tout à fait essentiels, l'immense hémicycle de fauteuils de velours rouge vides.
Voyez-vous, lorsque nous avons eu à examiner ce qu'est devenu plus tard, et vous connaissez l'aventure du référendum, le traité constitutionnel européen -on ne peut pas imaginer de texte plus fondamental que celui-là- eh bien, Valérie Giscard d'Estaing qui avait coordonné son écriture, qui avait écrit la première partie, a été invité à venir devant l'Assemblée nationale présenter le texte aux députés, ainsi qu'au parlement de la République.
C'était un débat organisé, non pas pendant une séance de nuit, entre le samedi soir et le dimanche, mais le mercredi après-midi à 16 heures. Les habitués des débats parlementaires, ceux qui allument les questions à la télévision, savent qu'il n'y a pas de meilleure heure ni de meilleur jour pour organiser un débat qui aurait de la visibilité.
Eh bien, les choses étaient telles, le sentiment des députés de ne plus servir à rien avait pris une telle ampleur que, lorsque nous avons fini ce débat, qui était organisé sur une durée de deux heures, nous n'étions plus que 17 députés présents dans l'hémicycle sur 577.
Ne les sifflez pas eux ; il faut toujours regarder, non pas les conséquences, mais les causes qui ont créé ces conséquences, sinon c'est du populisme que l'on fait et, moi, je considère qu'une campagne électorale, au lieu d'être populiste, doit être démocratique, c'est-à-dire que, comme nous le faisons ce soir, au lieu de tirer les citoyens vers le bas, de leur faire siffler des ennemis, de leur faire détester leurs adversaires, on doit les tirer vers le haut pour que, tous ensemble, nous nous forgions une conviction.
Ils ont cette attitude, parce qu'ils ont le sentiment de ne plus servir à rien, sentiment qu'ils n'osent pas avouer à leurs concitoyens, parce qu'évidemment, auprès d'eux, ils défendent une certaine idée de la responsabilité d'un élu. Ils n'osent pas dire la vérité, mais on le voit, hélas, dans la manière dont, désormais, le parlement est très souvent déserté, mais pas par Rudy Salles qui est un député exemplaire, qui a même été vice-président de l'Assemblée nationale et qui honore sa fonction. D'ailleurs, les Niçois qui l'élisent le savent.
Je pense qu'il faut rendre au Parlement sa dignité et, pour cela, je propose que l'on prenne une mesure simple. Je propose que, désormais, quand il s'agit de voter à l'assemblée nationale, on ne puisse plus être compté comme votant si l'on est absent de l'hémicycle, que l'on ne puisse plus déléguer son vote, qu'il n'y ait plus de clés, qu'il n'y ait plus de cartes de vote, que l'on ne puisse plus voter que si l'on est présent et que tous les votes soient sur Internet, afin que chaque citoyen puisse vérifier ce qui a été exprimé en son nom par les parlementaires de son pays.
Je ne suis pas en train de présenter, devant vous, une révolution utopiste. Je ne suis pas un révolutionnaire échevelé en demandant cela. C'est la règle qui s'applique à tous les élus au Parlement européen où, si vous n'êtes pas là, vous ne votez pas, ce qui fait que tout le monde est là.
J'ajoute -mais je ne veux pas que vous y voyiez une raison supplémentaire de présence, c'est simplement une circonstance que je me dois de citer devant vous- que, si vous n'êtes pas là, vous ne votez pas et, si vous ne votez pas, vous n'êtes pas payé. C'est la loi au Parlement européen. L'indemnité n'est due qu'à ceux qui participent au vote, c'est-à-dire à l'expression du suffrage et à l'avis de l'Assemblée.
Je ne crois pas du tout que ce soit pour la deuxième raison que les gens sont présents. Je suis absolument persuadé que c'est pour la première, mais, en tout cas, c'est la règle s'appliquant au Parlement européen.
Il faut des choses simples que les gens comprennent et ce sera ainsi quelque chose d'une rénovation démocratique. Chacun des citoyens pourra vérifier ce que l'élu qu'il a envoyé à l'assemblée nationale a exprimé sur chacun des textes, chacun des amendements. On saura, désormais, ce que les députés pensent et non pas ce que pensent les représentants des groupes qui votent à leur place.
Je suis pour la présence physique à l'Assemblée nationale. Vous voyez bien que, s'il y a cette présence, alors, le Parlement va récupérer un droit qui est celui de discuter lui-même des grands sujets de la nation et il va récupérer le droit de contrôler le gouvernement.
Je propose que le Parlement puisse saisir la Cour des comptes ou, en tout cas, utiliser les travaux de la Cour des comptes -présentés d'habitude chaque année et qui vont se loger dans le tiroir le plus bas du bureau où tout le monde les oublie- pour contrôler le gouvernement est en particulier le bon usage de l'argent public.
Vous voyez que, ainsi, on avance vers une République nouvelle et il n'y a pas besoin de faire de révolution. Ce sont des propositions de sagesse élémentaire. J'allais dire que ce sont des propositions d'éducation civique, qui reprennent ce que nous apprenons aux enfants à l'école et que, diable, nous pouvons bien respecter lorsque nous sommes au Palais-Bourbon ou au Palais du Luxembourg.
Je veux une République digne de ce nom, une démocratie respectée et je veux que nous ayons un État impartial, c'est-à-dire que je m'engage à l'avance, que je prendrai les dispositions juridiques nécessaires que j'inscrirai dans la Constitution, pour que la République ne puisse plus jamais être l'affaire d'un seul clan, d'une seule coterie, d'une seule bande, en tout cas, d'un petit groupe autour du président de la République.
Je veux, désormais, que l'on nomme aux principales fonctions de l'État, notamment dans la Fonction publique et dans la haute Fonction publique, en raison non pas des étiquettes, mais des compétences, parce que, si l'on nomme en fonction des copinages, premièrement, le copinage est évidemment réservé à ceux qui ont des relations, des copains et cela crée un sentiment de très grande injustice parmi les enfants du peuple, ceux qui viennent de loin, qui ont fait du chemin pour arriver à un poste de responsabilité. Eux ne connaissent pas les codes des réseaux, des amitiés. Ils ne sont pas allés dans les mêmes lycées, les mêmes écoles. Ils savent bien qu'ils ont fait du chemin et ne connaissent pas les secrets qui permettent de s'immiscer dans l'intimité des grands.
Deuxièmement, cela ruine l'esprit public, parce que toute jeune fille ou tout jeune garçon qui entre dans la Fonction publique avec l'idée de faire une carrière découvre que, pour faire cette carrière, il ne faut pas être travailleur, courageux, compétent et loyal, mais avoir des amis bien placés.
Ceci est une perversion de la République et c'est restaurer l'esprit public que d'avoir un État impartial. Je suis donc décidé à faire en sorte que les règles changent et que les nominations aux plus hautes fonctions soient faites de telle manière que ce ne soit pas tel ou tel clan qui soit favorisé, mais que l'on repère, tout au long de la vie, les compétences, la probité et l'impartialité de ceux à qui on offrira une promotion et à qui on donnera la carrière qu'ils méritent.
Il y a des sourds et malentendants avec une traduction en langage des signes. Je suis heureux de les saluer et je leur adresse nos applaudissements. Lorsqu'il s'agit de désigner ou de nommer aux fonctions les plus importantes, celles d'arbitre dans la République, je trouve notamment désolant que le Conseil constitutionnel, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, ces très hautes magistratures soient, en réalité, entre les mains d'un seul parti ou d'un seul secteur de l'opinion française.
Je ne peux pas accepter l'idée que nous ayons ainsi basculé de l'impartialité de l'arbitre à une composition qui est uniquement une composition partisane. Il faudra changer cela et, dans la révision constitutionnelle qui s'imposera, je proposerai que, pour être nommé à ces fonctions-là, on ne puisse pas l'être directement par le président de la République, le président de l'Assemblée ou le président du Sénat, mais qu'il faille recueillir la confiance des deux-tiers ou des trois-quarts de l'Assemblée nationale ou du Sénat, afin que tout le monde soit assuré que la compétence et l'impartialité sont désormais le lot des organes d'arbitrage de la République.
Ceci n'est pas autre chose que la règle qui s'impose dans toutes les autres démocraties. La démocratie américaine en particulier fait cela depuis un siècle et demi et, honnêtement, entre nous, nous pouvons aussi accepter une telle modernisation de nos institutions.
Voilà ce que je veux pour que la République devienne une République exemplaire au lieu d'être comme, aujourd'hui, une République dont on n'ose même pas raconter comment elle fonctionne à nos voisins. Ils ne le découvrent que dans les journaux et les colonnes des faits divers, ce qui n'est pas, entre nous, un titre de gloire pour la France.
Je demande que l'on change cela. C'est le moyen d'obtenir, en effet, une politique sérieuse et les grandes réformes pour tous les défis que nous avons devant nous. Je veux simplement les évoquer avec vous.
Premièrement, comme vous le savez, je me suis fait le serment de ne jamais prononcer un discours devant une assemblée aussi nombreuse que celle-là, de ne jamais faire une intervention à la télévision ou à la radio, sans rappeler qu'il est honteux et inacceptable que nous ayons accumulé, sur les épaules de nos enfants, une dette de 1 200 Mdeuros et qu'il est irresponsable de la leur laisser.
Cette dette va leur peser sur les épaules pendant des années. Nous ne pouvons pas continuer à la laisser croître et j'ai donc proposé comme objectif que, en trois ans, nous fassions les efforts nécessaires pour que la dette de la France n'augmente plus et que, peu à peu, avec le temps, nous puissions ainsi alléger cette charge.
Cela veut dire qu'il faut que nous consacrions une part de nos ressources fiscales qui arrivent de manière supplémentaire chaque année à diminuer le déficit du pays, parce que, comme vous le savez, la dette, c'est du déficit. Or, quand on est en déficit, on emprunte, pour boucher les trous, on emprunte, pour payer le courant, on emprunte, pour payer le train de vie de l'État.
Je ne suis pas contre les emprunts. Quand il s'agit d'investir, de construire une université, c'est bien d'emprunter. Quand il s'agit de construire un hôpital, il est normal d'en partager la charge avec les générations qui viennent, puisque cela va être utilisé pendant des décennies. Il est donc juste, à ce moment-là, d'emprunter.
En revanche, il n'est pas juste d'emprunter pour payer le train de vie courant de l'État, d'emprunter tous les ans pour payer nos ordonnances, en ayant la honte de regarder nos enfants, sans oser leur avouer que leurs parents ont laissé se créer une situation dans laquelle nous empruntons, tous les ans, des milliards d'euros, simplement pour payer nos dépenses de santé, alors que nous savons que viennent de grandes vagues démographiques qui feront qu'il y aura plus de retraités que d'actifs. Or, s'il y a plus de retraités que d'actifs, évidemment, les dépenses de santé augmenteront dans notre pays. Ils n'auront pas seulement à assumer les dépenses de santé de cette grande salle quand elle aura atteint l'âge de la retraite. Ils devront aussi assumer les dépenses de santé que nous leur laissons en héritage tous les ans.
Ceci est inacceptable. On ne peut pas continuer à aller vers la dette et le déficit ainsi. Je propose donc que, tous les ans, on affecte la moitié des rentrées supplémentaires à diminuer le déficit du pays.
A l'heure actuelle, aussi incroyable que cela puisse vous paraître, l'État dépense, tous les jours, 20 % de plus que ce qui rentre dans ses caisses. Quelle famille, quelle entreprise pourrait accepter de dépenser, tous les jours, pendant des années et des décennies, 20 % de plus que ce qui rentre dans ses caisses ? Ceci est inacceptable. Il faut ramener à l'équilibre la dette de la France pour qu'elle ne grossisse plus. Je propose de le faire en trois ans.
En même temps, il faudra que nous traitions de la question des retraites. Je recevais, tout à l'heure, des sapeurs-pompiers professionnels. Ils me confiaient leurs difficultés. Je leur ai dit : Il n'y en a pas un parmi vous qui ignore que, étant donné l'allongement de la vie, on va bientôt se trouver avec plus de retraités que d'actifs.
Il faut que vous sachiez que, au début des années 50, dans notre pays qui a choisi le système de retraites par répartition -c'est-à-dire un système de retraites dans lequel ce sont les actifs qui, tous les mois, paient les pensions de ceux qui ne travaillent plus- il y avait cinq actifs pour un retraité. Cinq personnes se partageaient la charge de l'un de ces futurs vieillards que vous avez au premier rang ! Mais nous allons vers une situation dans laquelle, dans les années qui viennent, il ne va plus y avoir que un actif et demi pour un retraité. Très vite à l'horizon 2020, nous allons avoir un actif pour un retraité et, si l'on ne fait rien, dans les années 2030, 2040, il y aura beaucoup plus de retraités que d'actifs. Il faudra payer, sur son travail, la vie de sa famille et celle de millions et de millions de personnes qui seront à la retraite.
Ceci, personne ne peut en supporter la charge. Il faudra donc une réforme des retraites et je le dis de la manière la plus franche, pour que chacun sache que l'on dit la vérité au cours de cette campagne électorale, que l'on ne fait pas des promesses que l'on ne pourra pas assumer, que l'on s'adresse aux Français en leur disant la vérité.
Cette réforme des retraites, pour moi, devra s'adresser à toutes les catégories de Français sans exception, ceux du privé comme ceux du public, comme ceux des régimes spéciaux. Cette réforme devra prendre en compte la pénibilité du travail. Il y a quelque chose que j'hésite à avouer et qui touche pourtant à la situation réelle de notre pays. Nous sommes dans un pays où, plus on a une espérance de vie longue, plus tôt on prend sa retraite et, plus on a une espérance de vie courte, plus tard on part à la retraite.
La personne qui a travaillé dur toute sa vie et qui a donc une espérance de vie courte, par exemple, un manoeuvre en bâtiment, dont l'espérance de vie est la plus courte, part le plus tard à la retraite, à 65 ans, tandis que d'autres personnes, qui ont une espérance de vie longue, parce qu'elles ont eu une vie, en tout cas, physiquement moins usante, partent tôt et, parfois, très tôt. C'est une injustice humaine que nous ne pouvons pas accepter.
Les principes de cette réforme, vous m'avez entendu les présenter au cours de nombreuses émissions, mais je les répète en une phrase : selon moi, il faut fonder cette réforme sur la liberté de choix, c'est-à-dire que, à partir de l'âge de 60 ans, chacun sera libre de partir à la retraite en toute connaissance de la pension qu'il recevra. S'il trouve que cette pension est trop légère, il sera encouragé à prolonger son activité professionnelle ou à trouver d'autres formules. Je pense qu'il va notamment falloir réfléchir à la manière dont on organise la fin de vie professionnelle, par exemple, par des activités à mi-temps, qui permettront à chacun de découvrir plus légèrement l'âge de la retraite tout en continuant en même temps à travailler, c'est-à-dire à épargner la charge des caisses de retraite, à épargner la charge de l'État, à faire en sorte que l'on puisse, dans notre pays, répartir la charge entre les actifs et les retraités, les semi retraités qui vont ainsi découvrir une nouvelle vie sans abandonner tout à fait la vie qui était la leur précédemment.
On peut inventer beaucoup de solutions nouvelles, à condition d'en parler avec les Français. Ceci fera l'objet d'une très grande négociation à laquelle les Français seront, au jour le jour, informés, à laquelle ils seront, au jour le jour, associés, parce que, pour que personne ne se sente floué, que personne ne se sente trahi, pour que tout le monde ait la certitude que cette réforme sera une réforme juste, mon intention est que, quand cette réforme sera mise au point, elle soit soumise aux Français qui auront le choix de l'adopter par référendum, qui auront le droit de savoir ce qui se passe pour eux.
Vous le voyez, cette idée d'associer les Français à la réforme, c'est aussi le moyen d'éviter le blocage du pays, parce que, lorsque vous savez qu'il va vous tomber sur la tête une décision dont vous n'êtes pas informé, à laquelle vous n'êtes pas associé, dont vous pouvez craindre les conséquences, lorsque vous savez tout cela, vous n'avez qu'une issue, c'est de vous raidir, de dire non. Pour un certain nombre de professions, de responsabilités ou d'organisations, dans la société française, la forme la plus efficace de dire non, c'est le blocage du pays.
Moi, je ne veux pas de blocage. Je veux que tout le monde soit associé à la décision et qu'au bout du chemin tout le monde sache qu'il y a un recours. C'est le peuple français qui va se prononcer sur la justesse et la justice de la réforme des retraites dont notre pays a besoin.
Permettez-moi de vous le dire, c'est tout le contraire des méthodes qui ont été suivies depuis des années et qui étaient des méthodes de défiance. On se faisait élire et, très vite, en quelques jours, en quelques semaines, ni vu ni connu, pour que personne ne s'en aperçoive, dans la lancée de l'État de grâce, on prenait une décision dont on savait que, désormais, les Français seraient bien obligés de l'avaler comme une pilule amère...
Moi, je veux faire le contraire. Associés, ils pourront suivre la réforme au jour le jour. Le président de la République s'engagera et fera la pédagogie de cette réforme et, au bout du compte, ce sont les Français qui choisiront, comme des citoyens adultes, désormais investis de la responsabilité suprême, celle de peuple souverain.
Tout d'un coup, le citoyen prend une autre nature. Au lieu d'être celui qu'il s'agit seulement de séduire par de la communication, par de la mise en scène, par des petites phrases, par des agences de publicité, au lieu d'être celui, au fond, à qui l'on veut seulement demander un chèque en blanc, alors, le citoyen devient le partenaire de ceux qui ont la charge politique de décider et de préparer les décisions. Il devient le centre de la réflexion et celui de la décision dans une société comme la nôtre. Tout d'un coup, nous lui rendons sa dignité de citoyen. Au lieu de l'écarter, de le mépriser, de ne jamais lui parler, nous lui rendons la force qui devrait être la sienne.
Je n'hésite pas à dire que ceci est une révolution, une révolution tranquille, une révolution sereine, une révolution calme, mais une révolution dont notre société a le plus grand besoin. Ainsi, nous corrigeons les faiblesses les plus lourdes que chacun sait aujourd'hui représenter un handicap pour la France, mais cela ne suffira pas.
Il ne faut pas se contenter d'être défensif et de corriger ce qui ne va pas. Il y a une autre chose à faire, c'est préparer notre pays à être aussi fort qu'il peut l'être, au grand siècle, au siècle dangereux de la mondialisation.
Nous allons vivre, et tout le monde le sait, des circonstances qui invitent au dépassement. Nous sommes un peuple de créateurs, un peuple d'inventeurs, un peuple qui, pendant le XIXème et le XXème siècles, a montré ce qu'il était capable de faire du point de vue industriel, du point de vue de la science, du point de vue des services, mais, désormais, et c'est une chance, nous allons avoir à découvrir un monde dans lequel la compétition est devenue la loi de chaque jour.
A cette compétition, il n'y a aucune chance d'échapper. On peut l'équilibrer, protéger l'essentiel, avoir un projet de société qui ne ressemble à aucun autre, mais il n'y a aucune chance d'échapper au fait que, désormais, sur toute la planète, les pays ne peuvent se développer et l'emporter que s'ils savent faire leurs preuves.
C'est pourquoi il était très important pour moi de vous dire, ce soir, que, si nous voulons jouer toutes nos chances dans la mondialisation, il faut que nous ayons une conscience aiguë de ce qu'est la priorité des priorités de toute action politique d'un homme d'État et d'un homme politique digne de ce nom.
La priorité des priorités, si nous voulons que notre pays joue ses chances dans la mondialisation, c'est la formation des jeunes et l'éducation. C'est par l'éducation. Je n'hésite pas à dire, et ce n'est pas une formule de style, que nous n'avons pas de chance dans la mondialisation, si nous ne choisissons pas l'objectif le plus ambitieux ; les jeunes Français doivent être, au terme de ce grand investissement que nous allons faire pour les former, les mieux formés de tous les pays développés de la planète et nous en avons les moyens, parce que nous sommes les héritiers d'une grande tradition d'Éducation nationale, parce que, en France, on a développé, au travers du temps, un système d'enseignement primaire et d'école maternelle. Aucun pays dans le monde n'a une école maternelle comme la nôtre. C'est même pour les pays qui nous entourent une question...
(Applaudissements...)
Vous avez raison d'applaudir l'école maternelle, parce que c'est le signe d'une grande ambition française. Quand on a la scolarisation à partir de trois ans, quand on a l'école élémentaire obligatoire jusqu'à la fin de la troisième, quand on a bâti ce réseau d'écoles primaires, maternelles, de collèges, de lycées tel que nous l'avons bâti en France, quand on a la grande tradition de l'éducation nationale, alors, il faut se fixer des objectifs ambitieux et ces objectifs ambitieux, pour moi, feront l'objet d'un contrat avec l'éducation nationale.
Ce contrat pour l'école dira deux choses : premièrement, nous considérons que vous avez une responsabilité éminente dans la nation et, donc, il revient aux responsables de faire en sorte que l'on arrête de prendre l'école comme le bouc émissaire de tous les problèmes de la société française, que l'on arrête de montrer du doigt les enseignants, de les critiquer, de les présenter comme s'ils étaient, je ne sais, des paresseux et des feignants, uniquement intéressés par leurs vacances, alors que je ne connais pas un seul de leurs critiques qui résisterait sans s'effondrer aux 18 ou 20 heures d'investissements nerveux et physiques que représente la maîtrise d'une classe dans un certain nombre de quartiers.
Je suis pour qu'on les soutienne et qu'on les soutienne depuis longtemps. A la vérité, depuis un jour où, ministre de l'Éducation nationale, j'étais tracassé, tarabusté par une question qui se posait à moi et qui était, comment dirais-je, le constat d'une étrangeté... Tout le monde disait que, désormais les études étaient entièrement conditionnées par la famille. Réussissaient ceux issus de familles favorisées et échouaient, hélas, ceux issus de familles défavorisées.
Un jour, je me suis fait la réflexion que cette règle comportait des exceptions et que je connaissais des enfants de familles favorisées qui échouaient et des enfants de familles défavorisées qui réussissaient et cela me travaillait.
J'ai demandé à des sociologues intelligents... Pourquoi riez-vous ? Franchement ! C'est presque un pléonasme de dire des sociologues intelligents, mais, en tout cas, il en existe, je peux en témoigner. J'ai donc demandé à des sociologues de bien vouloir étudier, sur une série de plusieurs centaines de cas, quelle était la cause de cette situation-là.
Ils ont découvert -j'aurais pu le découvrir tout seul si j'avais été moi-même intelligent et pas sociologue !- quelque chose de très simple qui est ceci : réussissaient les enfants, quel que soit le milieu social, dans les familles desquels l'école était soutenue, estimée, révérée par les parents, qu'elle était considérée comme importante, qu'on lui faisait confiance et que l'on en disait du bien aux enfants et échouaient, quel que soit le milieu social, les enfants dans les familles desquels l'école était mal vue, méprisée et constamment critiquée.
Je me suis dit qu'il y avait, là, une grande leçon pour les familles, à savoir qu'il faut soutenir l'école à la maison et, ce qui est valable pour les familles, en fait, l'est également pour les nations. Nous aurons le meilleur système éducatif quand nous serons les meilleurs soutiens du système éducatif et j'ai l'intention que ce soit le premier article du contrat que je passerai, que l'État passera, le gouvernement, avec l'Éducation nationale.
Le deuxième article sera de protéger les moyens de l'Éducation nationale. Cela fait des années que nous vivons... Je vois des fronts ou des sourcils qui se froncent, mais vous le savez bien, cela fait des années que nous vivons dans une guérilla perpétuelle qui vise, chaque année, à enlever plusieurs centaines ou quelques milliers de postes à l'Éducation nationale. Je dis que le jeu n'en vaut pas la chandelle. Au bout du compte, de toute façon ces postes que l'on avait supprimés, on les rétablit. La prochaine alternance arrive et s'empresse de les rétablir ou l'influence des élus.
Je suis pour protéger, pour sanctuariser les moyens de l'Éducation nationale, pour renforcer les moyens de l'enseignement supérieur et, en échange, nous allons demander à l'Éducation nationale d'atteindre des objectifs qu'elle n'a jamais atteints.
Le premier de ces objectifs est que plus aucun enfant n'entre en sixième sans savoir lire et écrire, parce que, quand un enfant entre en sixième sans savoir lire et écrire, cet enfant-là, en réalité, est victime de non-assistance à personne en danger. Ce que l'on ne sait pas dans le domaine des acquis fondamentaux au moment où l'on entre en sixième, on ne le saura jamais et vous retrouverez, là, une des principales causes par lesquelles certains enfants, étant complètement perdus dans la classe, deviennent ceux qui déstabilisent la cours de récréation, des petits caïds de cours de récréation, parce qu'il faut bien qu'ils se réalisent d'une manière ou d'une autre.
Voilà l'objectif que je fixe. Il y en aura d'autres. Il faut établir le calme et le respect de la discipline républicaine dans les établissements de banlieue. Ce n'est pas normal qu'il y ait des enfants dont les familles considèrent qu'ils ne sont pas en sécurité à l'école de la République.
Il faut rétablir l'excellence dans tous les établissements. Je trouve que c'est une honte que l'on nous raconte qu'il faut aller s'inscrire dans les établissements huppés du centre-ville pour avoir la réussite scolaire dans notre pays. Nous sommes les héritiers d'un temps où l'on a voulu, où l'on a exigé que, dans le plus petit collège d'une vallée pyrénéenne ou d'une banlieue de grande ville, il y ait des élèves qui réussissaient de manière exemplaire et cette réussite était une illustration pour l'ensemble de ceux qui les entouraient, pour le milieu social d'où ils venaient. Il y avait, là, les mêmes options, les mêmes capacités, les mêmes réussites dans la méritocratie républicaine qui a fait, non seulement l'honneur, mais peut-être aussi la gloire de l'école française.
Je veux que, désormais, il y ait des parcours d'excellence dans tous les établissements autant que dans les établissements de prestige. Puis, il faudra se demander comment on peut faire pour que l'Université ne soit plus ce grand champ à échecs que l'on rencontre trop souvent ? D'abord, évidemment, l'Université française est plus maltraitée que bien d'autres grandes universités dans le monde, mais surtout, quand les enfants arrivent à l'Université, ils n'ont pas la moindre idée de la manière dont on se comporte pour faire soi-même des études, pour apprendre à apprendre, pour devenir autonome dans ces amphis de 500 ou 600 places, eux qui étaient habitués à des classes de 35 élèves avec des professeurs qui les surveillaient de près.
Il faut former les élèves à devenir des étudiants et cela doit être, pour moi, une des missions nouvelles du lycée, de la classe de terminale en particulier, que de préparer les élèves à l'université dans laquelle ils entreront. Autrefois, on appelait cela propédeutique. Cela voulait dire une préparation à découvrir une nouvelle forme d'étude. Je crois que c'est plus nécessaire que jamais.
Dernière idée sur l'Éducation nationale et je m'arrêterai là. Comme je le disais tout à l'heure, nous avons besoin de renouveler le grand contrat républicain, celui qui disait : si tes enfants travaillent bien à l'école, ils auront une situation meilleure que celle de leurs parents.
On sait désormais que ce n'est pas vrai. On sait désormais que le diplôme ne garantit pas l'emploi et, comme le diplôme ne garantit pas l'emploi, il faut que nous ayons le courage de dire qu'il faut, en plus de la formation que l'on appelle académique, théorique à l'Université, une formation que l'on baptise formation professionnelle et une insertion pour ceux qui sortent de l'Université.
C'est un grand travail qui engagera les universités, les universitaires, les étudiants et le monde économique, parce qu'il va falloir que le monde économique nous donne un coup de main. Je crois que cela l'avantagera, mais il faut que nous l'acceptions et que nous bâtissions cette grande rénovation de l'Université avec lui.
J'ai voulu vous dire que l'éducation était la clef de tout, l'éducation et la recherche, et, naturellement, c'est lié à l'Université aussi. L'éducation et la recherche sont la clef de tout. Si nous voulons être un pays performant, un pays qui porte une politique économique et sociale ambitieuse, alors, il faut que nos jeunes soient les mieux formés. Nous pouvons y arriver et je propose que nous nous fixions comme horizon les cinq années qui viennent pour arriver à ces objectifs que je viens de fixer.
Je peux faire, avec vous, le tour de tous les grands sujets qui sont, pour nous, comme autant de défis, mais vous pouvez également le faire aisément, soit sur notre site, soit dans le livre que je viens de publier cette semaine qui s'appelle Projet d'espoir sur ce sujet.
On a vu la dette, les retraites, l'école et l'éducation, mais c'est le cas aussi pour ce qui concerne la politique de l'emploi. Vous voyez, je pense, qu'il n'y a pas de politique sociale, qu'il n'y a pas de politique de l'emploi.
Tout à l'heure, dans la rue, un jeune garçon à bicyclette s'est arrêté et m'a dit : "Monsieur Bayrou, vous savez, au fond, on ne manque que d'une seule chose, de travail. Moi, j'ai envie de travailler et tous mes copains ont envie de travailler." Simplement, aujourd'hui, il n'y a pas de travail, le travail est rare et, en réalité, ce qui règne, c'est la discrimination.
Eh bien, moi, je veux un pays dans lequel on multiplie les postes de travail, les emplois à offrir aux jeunes et aux autres. C'est pourquoi je propose une idée simple que tout le monde comprendra et qui, je crois, est porteuse de centaines de milliers d'emplois dans le tissu économique français. Je propose que toutes les entreprises de notre pays, quelle que soit leur taille et leur domaine d'activité, aient le droit de créer deux emplois nouveaux sans avoir à payer de charges pendant cinq ans.
Je ne vous demande pas de me croire sur parole. D'abord, il ne faut jamais croire personne sur parole, surtout pas les candidats aux élections présidentielles !... Enfin, si, parmi les candidats à l'élection présidentielle, vous aviez à en choisir un que vous puissiez croire sur parole, j'ai une idée que je pourrai vous suggérer ! Mais je vous demande de ne pas me croire sur parole et d'aller vérifier auprès de tous les commerçants et tous les artisans que vous connaissez, auprès de toutes les entreprises qui n'ont aucun salarié -il y en a 1 500 000 en France-, auprès de toutes les entreprises qui ont moins de dix salariés -il y en a 1 millions de plus en France- et de leur demander si cela les intéresse, si cela ne leur donne pas une idée. Ils se disent : Au fond, on pourrait embaucher un commercial, un ingénieur, un comptable, un designer, etc.
Tous ces jeunes qui sont là, dont beaucoup de leurs camarades sont au chômage, tout d'un coup, vont se voir offrir des chances qu'autrement ils n'auraient pas eues et c'est vrai aussi pour les plus de 50 ans. Je déteste le mot de senior et je ne l'utiliserai jamais, parce que je ne me sens pas vraiment un senior ! Eh oui, il faut accepter de regarder les réalités en face !
Donc, demandez leur s'ils n'ont pas comme cela des idées qui leur viennent et qui vont permettre, tout d'un coup, de donner un ballon d'oxygène et de changer le moral de la société française.
Tout cela, politique de l'emploi, politique de l'exclusion, c'est la vie de notre pays que, je crois, nous pouvons changer, simplement parce que nous aurons décidé de regarder les problèmes en face et de ne plus avoir cette attitude stupide qui consiste à ne pas traiter les problèmes, mais à viser les ennemis quand ils proposent de le faire et à prendre l'opinion contraire, ce qui fait que le pays est bloqué.
Je suis contre cette impasse, mais je veux ajouter, en conclusion, que ce projet, le grand projet républicain français, est, à mes yeux, un projet de résistance. Corinne Lepage a cité le nom de Mme Lucie Aubrac qui s'en est allée cette nuit et qui a été, jeune professeur, agrégée d'histoire et de géographie, une très grande résistante française.
Je considère que c'est tout le projet républicain français qui est un projet de résistance. Je dis souvent : réfléchissez à la devise de la République "liberté, égalité, fraternité" qui est écrite au fronton de tous nos monuments publics et sur tous nos documents officiels. Si vous dépassez l'habitude que nous avons de lire ainsi en un seul souffle "liberté, égalité, fraternité" et que vous vous arrêtez une seconde pour réfléchir à ce que cela veut dire, vous vous apercevez qu'il n'y a que, nous, les Français qui ayons choisi comme devise nationale l'énoncé de trois vertus universelles : liberté, égalité, fraternité.
Chacune d'entre elles est une vertu de résistance. La liberté, ce n'est pas naturel ; ce qui l'est, c'est la domination, la servitude, l'obligation d'être pris en charge et d'obéir à une loi qui s'impose toujours à chacun des individus. L'égalité, ce n'est pas naturel ; ce qui l'est, c'est l'inégalité, c'est le riche qui a sa propre loi et le pauvre qui subit la sienne. La fraternité, ce n'est pas naturel ; ce qui l'est, c'est le chacun pour soi, c'est de se dire : "pourvu que cela aille bien pour moi, je me fiche des autres".
Cela, c'est la nature humaine et, nous, Français, nous avons bâti tout notre projet de société sur ces trois vertus avec un idéal qui est un idéal de construction, un idéal de résistance, un projet de société qui nous unit. C'est une grande chance pour la France.
Je suis persuadé -ce n'est pas de la politique habituelle, je vous prie de m'en excuser- que, si nous ne défendons pas notre grand projet républicain français, alors, la France se délitera. C'est dans notre histoire, dans nos jeunes, dans les raisons de vivre ensemble. En tout cas, comme président de la République, je suis déterminé à faire de la défense de ce projet républicain le meilleur atout de la France dans la compétition de la mondialisation, parce que c'est comme dans une équipe sportive, par exemple de football, ce ne sont pas les individualités qui comptent... Autrement le Paris Saint-Germain serait champion de France ! Mais il le sera peut-être ! Je me fais mal voir par l'OGC Nice ! J'ai été très ami, pendant longtemps, avec M. Gernot Rohr, l'ex-entraîneur de l'OGC Nice, qui est un homme que j'aime beaucoup. C'est vraiment quelqu'un de très bien.
Je disais donc que c'est comme dans une équipe de sport. Ce ne sont pas les individualités qui comptent, mais l'esprit d'équipe, que l'on soit solidaire, déterminé, motivé. Quand l'esprit d'équipe est là, vous devenez invincible, surtout quand vous avez les individualités formidables que compte le peuple français.
Je veux rendre l'esprit d'équipe à la France. Je veux que l'on soit solidaire, que l'on se sert les coudes, que l'on se rassemble. De cette manière, aucun obstacle ne nous résistera. Nous sommes un grand peuple. Nous avons un grand destin à condition que nous le défendions ensemble et pas les uns contre les autres.
Mais ce grand destin de peuple a quelque chose à dire au monde. Si la France n'est pas présente dans le monde, il y a des choses que personne d'autre que nous ne dira. Par exemple, j'ai été fier que la France et le président Jacques Chirac défendent la position qu'ils ont défendue au moment de la guerre en Irak.
Comme vous savez, ma vie commune avec Jacques Chirac n'a pas été un chemin pavé de roses. Il nous est arrivé d'avoir beaucoup de tensions politiques, notamment quand, en 2002, élu par 82 % des Français, au lieu de tenir compte de la diversité du nombre de ceux qui avaient voté pour lui, de ceux pour qui cela avait été un effort, il a décidé de faire le parti unique et le gouvernement des 19 % qui avait voté pour lui au premier tour, je lui ai dit quel était mon désaccord de le voir, alors qu'il était en situation historique, se placer en situation politique.
Mais j'ai été fier de ce qu'il a dit et fait au nom de la France au moment de la guerre en Irak. Je voulais le dire, après tout, au moment où, ainsi, un acte s'achève.
Il y a donc des choses que personne d'autre que la France ne dira dans le monde. Par exemple, nous avons désormais le devoir de dire et de défendre, à l'échelon international, ce qui est le devoir des nations en face du grand accident climatique et écologique qui est en train de se produire en raison du réchauffement du climat.
Voyez-vous, aujourd'hui, 99,9 %, pour ne pas dire 100 %, des scientifiques se sont désormais accordés pour dire que le réchauffement du climat de la planète était le résultat des activités humaines, de cette humanité qui, en besoin de carburant perpétuel, a brûlé, en un siècle, à peine la totalité ou, en tout cas, une grande part des réserves de carbone que la terre avait accumulé dans ses entrailles depuis des millions d'années et, évidemment, cela a dégagé, dans l'atmosphère, des vapeurs, des gaz à effet de serre qui sont peu à peu en train de retenir les rayons du soleil qui viennent frapper le sol -c'est comme une serre de jardinier- et l'atmosphère s'échauffe sous cette serre mettant en péril l'humanité comme espèce.
Je trouve que nous avons le devoir de réagir. C'est la raison pour laquelle j'ai signé, le premier, le pacte écologique que Nicolas Hulot a proposé. Ce pacte comporte un certain nombre d'engagements que, naturellement, je tiendrai tous -j'en ai encore parlé avec lui ces dernières heures- mais il y a un engagement qui n'est pas dans le pacte, qui est du ressort du président de la République française, et que je prendrai.
Le président de la République française a le devoir d'inscrire, sur l'agenda des relations internationales, la nécessité pour la communauté des nations de s'occuper de ce problème du climat, d'écologie et de la réduction des gaz à effet de serre, parce que la situation, qui est ainsi créée et qui a été créée par les pays riches, oblige à saisir l'ensemble de l'humanité et notamment à réfléchir à la manière dont nous pouvons équilibrer les émissions de gaz à effet de serre, nous, les pays riches qui polluons 30 fois plus que les pays pauvres, parce que nous avons des usines, des transports, des voitures innombrables, des moteurs de toutes sortes et de tracteurs en particulier ! Cela c'était juste pour voir si vous étiez éveillés ou pas !
Nous avons le devoir de discuter de cela, en tant que nantis, avec ceux qui sont pauvres. C'est une énorme responsabilité, une énorme charge sur nos épaules. C'est toute l'humanité qui doit économiser les gaz à effet de serre, parce que, vous le comprenez, même si le peuple français avec 64 millions d'habitants diminuait de 20 %, 30 %, 40 %, 50 % ou 80 %, ce qui est totalement impossible, ses émissions de gaz à effet de serre, cela ne changerait pas d'un millième de millième la composition de l'air que nous respirons, car, comme vous le savez, les vents se promènent sans respecter les frontières. L'air appartient à toute l'humanité et c'est donc avec toute l'humanité qu'il faut en discuter. C'est une responsabilité internationale que nous avons devant nous.
Il y a des choses, si la France ne les dit pas, personne ne les dira. Il y a des choses au Moyen-Orient, si la France ne les dit pas, personne ne les dira. Il y a une vigilance à porter, dont vous mesurez tout le poids, qui devrait nous obliger, en effet, à assumer nos responsabilités les yeux ouverts. Il y a des choses à dire à l'Afrique et, si la France ne les dit pas, personne ne les dira.
Cela nous permet aussi d'avoir une vision différente sur le problème de l'immigration qu'une fois de plus, on essaie de remettre, pour rattraper des voix, au centre de l'élection présidentielle.
Je veux vous confier ma conviction qui est la suivante : bien entendu, il faut de la régulation, bien entendu, il faut du sérieux et de la fermeté, ne serait-ce que pour protéger les immigrés qui sont déjà sur notre sol, mais je veux vous dire ceci : tant que nous aurons la situation qui est la nôtre à l'heure qu'il est, avec, à quelques centaines de kilomètres de chez nous, les 20 pays les plus pauvres de la planète, dont l'Afrique, et les 20 pays les plus riches, il n'y a pas de politiques de régulation de l'immigration qui réussira.
Je ne crois pas que l'on puisse y arriver avec des murailles et je ne crois pas que l'on puisse y arriver de manière efficace avec des charters. Je sais que, tant qu'il y aura des personnes qui mourront de faim et de désespoir chez elles, elles essaieront de s'en aller de chez elles et d'aller rejoindre l'eldorado qu'elles croient être nos sociétés occidentales. C'est comme cela depuis le début des temps, depuis que l'Homme est Homme. Les pauvres s'en vont chez les riches. C'est ainsi que cela marche.
Il n'y a qu'une politique de régulation de l'immigration qui a la moindre de chance de réussite. Elle s'appelle : développement de l'Afrique avec la garantie donnée aux Africains qu'ils pourront vivre et travailler chez eux, nourrir leurs enfants chez eux, porter le développement de leur pays chez eux, s'ils sont paysans, nourrir leur pays et leur continent et, s'ils sont ouvriers, équiper leur pays et leur continent.
Après tout, ce n'est pas autre chose que ce que l'on a fait pour l'Europe après la guerre de 1940. On a fait un Plan Marshall et on a fait la préférence communautaire pour qu'il soit garanti que ce soient les paysans européens qui nourrissent l'Europe et les ouvriers européens qui équipent l'Europe.
Il faut faire la même chose pour l'Afrique et il faut le faire de manière déterminée, les yeux ouverts. Il faut expliquer aux nations que, si nous ne le faisons pas par générosité, avec le sentiment de fraternité qui devrait être le nôtre à son endroit, nous devons le faire par égoïsme, pour nous, pour l'équilibre de nos sociétés.
Or, cette politique de climat, cette politique de développement de l'Afrique, cette politique d'équilibre international, nous ne pouvons pas les conduire si la France est seule et c'est pourquoi ma dernière phrase, mon dernier paragraphe sera celui-ci : il faut réconcilier les Français avec l'Europe et l'Europe avec la France. Un pays de 64 millions d'habitants ne peut pas porter tout seul cette charge.
D'ailleurs, à la vérité, il n'est pas de charge, dans le monde où nous vivons, qu'un pays de 64 millions d'habitants puisse porter tout seul. On ne peut pas penser tout seul une défense nationale pour le XXIème siècle dont on a besoin. Cela coûte très cher. Il faut la penser dans la coopération européenne. On ne peut pas penser le développement tout seul ni la politique économique tout seul. Quand on est un pays à frontières ouvertes, on ne peut pas penser la protection ou l'équilibre nécessaire par rapport au géant chinois ou au géant indien qui sont aujourd'hui en train de bouleverser les équilibres à la surface de la planète. On ne peut pas discuter de la loyauté de la concurrence, si l'on n'a pas une force suffisante. On ne peut pas porter une vision de l'équilibre du monde ni lutter contre les intégrismes. On ne peut rien faire de tout cela, si l'on est tout seul.
Le devoir de la France est d'être l'inspiratrice de l'Europe. C'est parce que nous sommes la France que l'Europe s'est faite. C'est nous qui avons fait l'Europe. Nous avons le devoir de la tirer de l'impasse où elle se trouve.
Je sais très bien qu'il y a, dans cette salle, des personnes qui ont voté oui et d'autres non, mais je sais également avec certitude que ni les uns ni les autres n'ont une idée précise aujourd'hui de la manière dont on va pouvoir se tirer de la situation qui a été créée par le résultat du référendum.
J'ai réfléchi à la situation des uns et des autres, aux raisons qui font que ceux qui ont voté non ont pris la décision de le faire. Je vais livrer une analyse devant vous en trois phrases. Premièrement, ceux qui ont voté non l'ont fait parce que le texte était incompréhensible et illisible, même pour ceux qui l'ont écrit, comme cela m'arrive souvent de le dire. C'était un texte pour juristes, alors que l'on attendait un texte pour des citoyens. C'était une loi fondamentale et on en a fait un traité de droit international. Ceci n'était pas adapté à ce que l'on attendait de ce texte. Deuxièmement, comme le texte était illisible, les Français ont eu le sentiment que, là-dessous, il y avait un piège et ils ont considéré que ce piège était qu'on voulait leur imposer un projet de société qui n'était pas le leur. Ils ont pensé qu'on voulait les forcer à entrer dans un projet de société qu'en réalité ils refusaient.
Troisièmement, ils ont pensé que, se faisant, on allait leur arracher leur identité et leur souveraineté de peuple.
Ceci explique le résultat obtenu à ce référendum. Il faut répondre à ces questions. J'y suis déterminé, si je suis élu président de la République. J'ai souvent discuté avec ceux qui sont à la tête des États, des gouvernements européens, dont beaucoup sont mes amis, à obtenir un texte simple, court, lisible, compréhensible par tout le monde, qui traite seulement de la manière dont les décisions sont prises dans un ensemble démocratique, qui ne pousse pas à avoir telle politique ou telle autre.
Ce texte, quand il sera adopté, je le soumettrai au référendum des Français. J'ai la conviction profonde, et je m'engagerai devant eux, qu'il ne faut pas creuser encore le fossé entre les citoyens et l'idéal européen. Il ne faut pas, après leur avoir soumis ce texte au référendum, dire : après tout, vous nous avez donné votre avis et, maintenant, comme c'est nous qui sommes des initiés, nous allons décider à votre place.
Il faut faire le même mouvement que je défendais pour les retraites qui est un mouvement de confiance, remplacer la défiance par la confiance, investir le peuple des citoyens de responsabilités pour qu'il se comporte, se considère, se regarde comme étant, en effet, le peuple souverain, celui d'où doit venir la décision, à partir duquel doit être construit l'avenir de notre pays, comme cela est écrit dans la Constitution.
Vous voyez que, ainsi, la boucle est bouclée. Si l'on veut reconstruire l'Europe, il faut une France qui se reconstruise et qui soit en bonne santé. Il y a besoin d'un pays qui assume ses responsabilités, ses responsabilités de fondateur au sein de ce nouvel ensemble et, si l'Europe se reconstruit et se revivifie, alors, nous pouvons peser sur l'équilibre de la planète.
Vous voyez tout ce qui se joue dans cette élection présidentielle. Je veux vous confier que, pour moi, c'est un immense motif d'espérer et je vous remercie d'être venus, ce soir, à Nice, partager cet espoir et préparer l'élection présidentielle dont va dépendre l'avenir et, je l'espère, la reconstruction de notre pays.Source http://www.bayrou.fr, le 19 mars 2007
Je suis très heureux de me trouver à Nice, d'y avoir été accueilli par mon ami Rudy Salles, député de Nice, courageux, combattant, remarquable représentant de ses compatriotes. Je suis très heureux de saluer les élus qui m'ont accompagnés, Jacqueline Gourault, présidente des élus démocrates, Maurice Leroy, président du Conseil général du Loir-et-Cher et député. Je suis très heureux de saluer les élus de la région qui sont là, Monsieur le Maire honoraire de Nice et Corinne Lepage, qui s'est exprimée avant moi à cette tribune et qui m'a apporté son amitié et son soutien, car le sens même de l'action que j'ai entreprise, avec les Français et à leur service, est le rassemblement. C'est le rassemblement pour obtenir enfin le redressement nécessaire de notre pays.
Votre présence si nombreuse et les témoignages innombrables de millions et millions de Français venant nous rencontrer et qui nous disent : "Vraiment, j'avais pris, depuis des années, l'habitude et la résolution de ne plus participer, de voter blanc, de m'abstenir. Je n'y croyais plus et, tout d'un coup, vous me rendez quelque chose dont je n'imaginais pas pouvoir de nouveau trouver la trace dans ma conscience de citoyen, c'est l'espoir."
Je suis très heureux et très fier d'avoir pu ainsi rencontrer l'espoir d'un si grand nombre de Français et c'est de la nature de cet espoir que je voudrais vous parler ce soir. Tous ici, nous connaissons la situation de notre pays. Tous ici, nous savons combien, depuis des années, nous avons vu, constaté, impuissants, ce qu'était la lente dégradation, la décomposition insensible du tissu national de la
France, la décomposition insensible des valeurs qui étaient les nôtres, le
sentiment de beaucoup d'entre nous que l'emploi avait déserté, que l'ascenseur
social était en panne, que les difficultés de la vie de tous les jours s'accroissaient
au lieu de se résoudre, que les choses devenaient pire au lieu de devenir
meilleures.
C'est le sentiment de la vie de tous les jours. On voit ce sentiment sur la feuille de paye à la fin du mois. On le voit dans les yeux des enfants, surtout dans les familles modestes. Celles-ci croyaient, depuis longtemps, que le vieux contrat républicain de la France avait gardé toute son actualité et le contrat républicain, vous le connaissez, c'est celui que l'on entendait dans toutes nos familles. C'était : si les enfants travaillent bien à l'école, ils auront une situation meilleure que celle des parents.
Aujourd'hui, dans beaucoup de familles, le désarroi s'est installé, parce que les enfants ont bien travaillé à l'école. Ils ont eu des diplômes, des bac+3, des bac+4, des bac+5 et, au bout de ces diplômes, il y a très souvent le chômage. Ceci a créé un désarroi dans les familles, une perte de confiance et d'espoir dans l'avenir.
Il n'y a pas que les enfants avec diplôme qui se retrouvent au chômage. Il y a, et c'est un scandale sans précédent, de plus en plus de personnes de plus de 50 ans ou, parfois, de moins 50 ans qui se sentent insensiblement poussées sur le bord de la route dans l'entreprise.
Quand elles perdent leur emploi, elles n'en retrouvent pas et on leur dit, on ose leur dire que c'est parce qu'elles sont trop vieilles, comme si, dans un pays où l'espérance de vie s'accroît d'un trimestre par an, d'une année tous les quatre ans, on pouvait être vieux à 50 ans.
Chacun d'entre nous ici connaît la réalité. Ce n'est pas l'âge qui est en question. C'est parce que, quand on arrive après une carrière un peu longue, naturellement, le salaire ne peut pas être celui d'un débutant et que le coût de ce salaire, avec les charges pour l'entreprise, fait que l'on préfère embaucher des jeunes plutôt que de conserver des personnes de plus de 50 ans. Ceci n'est pas normal avec les responsabilités familiales et l'importance que les femmes et les hommes, dans la pleine force de l'âge, devraient avoir pour l'entreprise et ceci mine le moral du pays.
En même temps, les jeunes dont les familles connaissent le plus de difficultés, notamment les familles habitant les quartiers populaires, notamment ceux dont le nom indique qu'ils viennent d'ailleurs, notamment ceux que l'on regarde du coin de l'oeil à cause de la couleur de leur peau ou de leur religion, tous ceux-là, dans notre société, se sentent victime et sont réellement victimes. Il est juste qu'on le dise, y compris dans un meeting de campagne présidentielle. Ils sont victimes de discrimination et, la discrimination, ce n'est pas la République.
En même temps, il y a des quartiers où l'on est mal vu quand on est un Français
de tradition, quand on est ressenti comme étant, on le dit parfois dans certains
quartiers, blanc.
Eh bien, nous, nous considérons qu'il ne doit y avoir de discriminations ni dans un sens ni dans un autre et, que l'honneur de la République, que notre volonté de reconstruire la République, c'est que, chez nous, en France, on apprenne quelque chose d'essentiel pour notre avenir, et je considère que cela relève de la responsabilité éminente du président de la République qui sera élu le 6 mai, en France, nous devons réapprendre à vivre ensemble, à nous respecter et à nous rassembler, à être capables de partager les responsabilités et le destin du pays.
Si je devais définir ce qu'est la tâche première du président de la République, sa mission essentielle, je dirais que c'est celui qui aide ses compatriotes à vivre ensemble et qui refuse de les opposer, qui refuse de les plonger dans la détestation réciproque.
Le président de la République est un rassembleur et c'est comme rassembleur que je veux affronter cette élection présidentielle et rencontrer la confiance des Français.
Et, ce rassemblement, c'est en particulier le rassemblement dans le domaine de l'action politique. Vous savez que, depuis le début, j'ai placé cette campagne sous le signe du plus grand changement que notre pays puisse rencontrer aujourd'hui.
Il y a 25 ans, un quart de siècle -la plupart des jeunes qui sont là, si nombreux et que je salue, n'étaient pas nés- que, dans notre pays, on vit dans une espèce de fiction, de mise en scène perpétuelle de l'affrontement, mais ce n'est pas, comme on le dit, celui de la gauche et de la droite. Je considère qu'il est légitime qu'il y ait des valeurs et une démarche de droite, légitime qu'il y ait des valeurs et une démarche du centre, légitime qu'il y ait des valeurs et une démarche de gauche.
Je les reconnais et je les salue, parce que tout cela fait partie de la France.
Tout à l'heure, un ami à l'aéroport est venu me voir en me disant : "C'est drôle, je vous rencontre là. Je ne m'attendais pas à vous voir. Je viens de voir un chauffeur de taxi qui m'a indiqué qu'il voulait voter pour vous. Il m'a dit : c'est facile, moi, je travaille. Comme j'ai besoin de ma main droite et de ma main gauche pour travailler, je veux un président de la République qui fasse travailler ensemble la main droite et la main gauche de la France". J'ai trouvé que c'était, au fond, une manière juste et chaleureuse de dire ou de traduire ce qu'est aujourd'hui l'enjeu de cette élection.
Il y a 25 ans que l'on vit dans l'affrontement de la main droite et de la main gauche. Il y a 25 ans que l'on vit dans l'affrontement de deux partis politiques qui considèrent qu'ils ont le monopole du pouvoir et qu'ils doivent le garder. En réalité, ils acceptent de pouvoir le perdre pourvu que ce soit au bénéfice de l'autre et qu'ils soient assurés de le récupérer le coup d'après ; de sorte que, si vous y réfléchissez bien, dans un pays où l'on explique, tous les jours, qu'il ne peut pas y avoir de coalition, que l'on ne peut pas s'entendre, il y a une grande coalition, en France, c'est celle du parti socialiste et de l'UMP, décidés à empêcher qui que ce soit d'autre qu'eux à occuper le pouvoir démocratique dans la République française.
Pour cela, en effet, ils s'entendent et ils se sont notamment entendus pour grouper les tirs contre ceux, et nous sommes ceux-là, qui allons les empêcher de faire durer leur monopole et qui avons bien l'intention de les renvoyer à une réflexion sérieuse sur ce qu'ils auraient dû faire, depuis 25 ans, qui aurait empêché le pays de se retrouver dans l'échec où il se trouve. Nous savons bien que ce n'est pas facile, mais que c'est nécessaire.
Je vais vous expliquer pourquoi ce n'est pas facile, je n'aurai pas besoin d'être long. Ce n'est pas facile, parce que nous affrontons, quasiment à mains nues, avec les forces qui sont les nôtres et qui, notamment en matière de moyens financiers, sont très faibles, les deux plus gros appareils politiques du pays, ceux qui ont tous les postes dans le pouvoir exécutif, tous les postes au gouvernement, 92 % des sièges à l'Assemblée nationale et au Sénat, toutes les présidences de région, tous les verrous du pouvoir et tous les moyens qui vont avec.
Ils sont, en effet, contre nous. Ce sont, je le disais, des adversaires de taille et de poids. Nous allons avoir... Nous avons déjà, depuis trois semaines, depuis que les enquêtes d'opinion ont fait apparaître une situation inattendue qu'ils n'avaient sans doute jamais imaginée, parce qu'ils n'avaient jamais bien regardé les Français ni bien parlé avec eux, des tirs de barrage incessants, des accusations de toutes natures, les plus infamantes qui peuvent être trouvées.
Nous en aurons encore comme cela pendant cinq semaines et elles iront en empirant. Elles vont concentrer, sur nous, tous les tirs de tout le banc et l'arrière banc de tous ceux, sans exception, qui ont profité du système depuis 25 ans. Ce sont eux qui vont tout faire, quels qu'ils soient, pour sauver encore un peu de temps le système auquel ils doivent tout.
Cela ne sera pas facile. Je veux vous dire simplement que, moi qui suis avec ce poids sur les épaules, moi qui ai proposé ce chemin nouveau à la France, moi qui mesure tous les jours ce que cela a fait naître d'espoir dans l'esprit et dans le coeur de beaucoup de femmes, d'hommes, de jeunes et de personnes âgées dans notre pays, j'ai un immense sentiment de responsabilité, un grand sentiment d'espoir et, surtout, j'ai besoin de vous, de votre présence, de votre chaleur, de votre soutien, de votre amitié, de votre engagement pour que nous puissions, en effet, faire bouger ces montagnes que nous avons décidé de faire bouger. J'ai besoin de vous et je vous remercie d'être avec moi.
Je disais : cela ne va pas être facile, mes chers amis, mais c'est nécessaire et je veux vous dire pourquoi. C'est nécessaire parce que j'ai acquis la conviction, au travers du temps, que si nous n'offrons pas à notre pays une démarche nouvelle, une démarche de construction, une démarche de rassemblement, aucun des problèmes qui se trouvent devant nous ne pourront trouver de réponse.
J'en appelle à votre expérience. Il y a ici des élus importants de Marseille, des conseillers régionaux, des hommes qui ont occupé des fonctions au Sénat. Depuis 25 ans, un quart de siècle, dans notre pays, chaque fois que ceux au pouvoir proposent une idée, ceux dans l'opposition n'ont qu'une obsession, c'est de la démolir.
Depuis 25 ans, c'est inutile de mettre le son à la télévision pour savoir ce qu'ils vont dire. Il suffit de voir l'image pour constater que, s'il appartient au parti au pouvoir, il dit que tout est formidable et que, s'il appartient à l'opposition, il dit que tout est nul.
C'est une répartition des rôles qui repose sur leur certitude que cette situation de blocage conduira inévitablement à une alternance à la prochaine élection et que ceux qui sont en place seront remplacés par ceux qui étaient en place la fois précédente et que ceux qui arrivent vont démolir ce qu'ont fait ceux qui étaient installés au pouvoir.
Cette alternance avec un coup de barre à droite et un coup de barre à gauche et l'impossibilité même de discuter de ce qui est absolument nécessaire pour l'avenir du pays, même de problèmes aussi cruciaux que le problème des retraites, l'impossibilité de les réunir autour d'une table, l'impossibilité, même quand ils sont d'accord, de leur faire avouer cet accord, il est nécessaire d'en sortir et de trouver une autre démarche plus constructive, mais, surtout, il est nécessaire de trouver ce rassemblement pour une raison qui tient à la crise dans laquelle nous sommes.
Tout le monde sait ici, dans cette salle, que les réformes qui vont devoir être proposées aux Français, qui sont vitales pour que la France se tienne debout, qu'elle retrouve sa fierté, pour que les jeunes recommencent à y croire, pour que, de nouveau, il y ait de l'espoir et pas du désespoir, vont exiger du courage, de la volonté et de la lucidité.
Elles ne pourront être acceptées par nos compatriotes que s'ils ont la certitude qu'elles sont justes. Jamais les réformes ne pourront être acceptées si les Français soupçonnent qu'elles sont faites par l'idéologie d'un camp au détriment de l'autre ou dans l'intérêt des uns au détriment des autres.
Si l'on veut faire des réformes, il faut prouver leur justice et, pour cela, l'équipe qui les conduira doit être impartiale et, donc, pluraliste.
Oui, je revendique, dans l'intérêt des réformes du pays, le soutien d'une partie large de l'opinion et, oui, je revendique, pour conduire ces réformes, de construire une équipe dans laquelle seront représentés des compétences, des bonnes volontés et des courages venant des camps différents de la République française et de notre démocratie.
Je veux que tous les citoyens français, que chacune et chacun d'entre eux ait la certitude que l'équilibre qui sera mis en place au sein de l'équipe nouvelle qui gouvernera la France, que l'équilibre qui sera mis en place dans cette majorité garantira à chacune et à chacun d'entre nous que la démarche très formatrice est impartiale, que chacun peut y trouver son compte et que l'opinion de chacun a été relayée au moment de la préparer.
C'est un changement complet par rapport à ce que nous avons connu depuis des années. Ce n'est pas un camp qui décide d'imposer sa vision, ce sont les familles politiques de la démocratie française qui seront représentées. Lorsqu'il s'agira de reconstruire et de réformer notre pays, chacun aura sa place et sa responsabilité.
C'est notamment vrai ou c'est prioritairement vrai quand il va s'agir de donner à la République les institutions qu'elle mérite pour que, franchement, la France sorte de cette exception si triste qui fait que notre pays est probablement, depuis des années, un des moins démocratiques des pays développés de la planète, ce qui fait que chacun des Français a le sentiment de ne pas être pris en compte, de ne pas être représenté, de ne pas être respecté. Cette absence de démocratie
contribue à la déchirure perpétuelle dont est victime la société française.
Je veux que les Français soient respectés et entendus dans nos institutions, quelle que soit leur opinion, parce que je considère que c'est le droit du citoyen de se faire respecter dans ses opinions, même s'il n'est pas majoritaire.
Voyez-vous, on n'est pas davantage citoyen ou on n'est pas plus légitime citoyen, parce qu'on est d'accord avec les partis majoritaires et même, si l'on y réfléchit, la démocratie est normalement faite pour protéger, non pas les majorités, mais les minorités.
C'est cela l'idée centrale qui fait que, normalement, dans notre pays, peuvent se lever ainsi des courants politiques que l'on n'attendait pas et cela participe au renouvellement de la France. D'ailleurs, nous allons en faire la preuve au moment de l'élection présidentielle, le 22 avril et le 6 mai.
Je trouve que c'est une faiblesse de notre pays, une faiblesse pour notre société que de voir ainsi concentré, entre les mains des mêmes, non pas la décision, ce qui déjà se discute, mais la délibération, la représentation du pays. Songez qu'au moment de la dernière élection présidentielle, en 2002, le candidat du PS et celui de l'UMP, qui étaient Lionel Jospin et Jacques Chirac, ensemble, ont eu 35 % des voix et, à l'Assemblée nationale, ils ont eu 92 % des sièges.
Je dis que ce n'est pas normal, que ce n'est pas juste et que les 65 % d'autres Français ont bien le droit d'être représentés dans nos institutions. Je dis cela à Nice, sachant très bien, à peu près bien ou pas loin de parfaitement bien, ce que sont les rapports de force dans cette région.
Je défends depuis longtemps l'idée que, dans les institutions de la République, dans la démocratie française, tout le monde doit être représenté, y compris ceux que je n'aime pas. J'ai combattu l'extrémisme toute ma vie, sans jamais faire la moindre concession, sans jamais accepter le moindre clin d'oeil, parce que je pense qu'il est du devoir, de la responsabilité et, probablement, même de la
responsabilité morale des élus de montrer l'exemple et de défendre des valeurs même lorsque l'on ne se rend pas compte qu'elles sont attaquées ou qu'elles sont mises en cause. Il est de notre responsabilité d'éclairer le chemin et de dire quand quelque chose tourne dans un mauvais sens.
J'ai donc défendu, à Marseille, lors d'une grande réunion qui a eu lieu entre le premier et le deuxième tours de l'élection présidentielle de 2002, ces principes républicains et j'ai réuni, en effet, des sensibilités différentes qui ont ensemble dit ce qui était, pour elles, acceptable et inacceptable dans la situation qui était créée, mais, même en ayant combattu l'extrémisme toute ma vie, je considère que nous ne gagnons pas à faire en sorte que des courants, qui représentent un nombre substantiel de nos concitoyens, soient à ce point écartés de la représentation.
Je suis pour que tout le monde puisse siéger à l'assemblée nationale et que l'on puisse combattre à visage découvert ce que nous ne pouvons pas accepter, plutôt que de le voir cheminer souterrainement, comme il s'achemine souterrainement habituellement
Voyez-vous, j'ai siégé, parce que vous m'y aviez élu, au parlement européen entre 1999 et l'élection présidentielle de 2002. J'avais, d'un côté, Le Pen et, de l'autre, Krivine et Arlette Laguiller ; ils étaient représentés. Cela n'a pas empêché que l'on vote des lois et même, quelquefois, cela obligeait à voter des lois plus intelligentes, parce que, si vous avez une représentation de ceux qui, au fond, n'acceptent pas les principes, il faut défendre ensemble les grandes formations démocratiques en Europe et en France et, si vous avez besoin d'atteindre une majorité un peu plus haute que les 50 % habituels, vous êtes obligé de discuter ensemble et de vous entendre.
Vous avez une menace d'un côté, une menace de l'autre ; les républicains et les démocrates sont obligés de discuter. Ceci, mes chers amis, permet d'améliorer beaucoup la réflexion et empêche beaucoup de faire des bêtises. En tout cas, je considère que l'on est plus intelligent à plusieurs que tout seul et j'ai donc l'intention de proposer à la France de redécouvrir sa plus belle richesse qui s'appelle tout simplement le pluralisme.
Cependant, ceci veut également dire, dans le grand mouvement de rénovation que nous allons conduire, pour devenir un pays plus intelligent que nous ne l'étions, qu'il va falloir rendre au parlement de la République ses droits et, particulièrement, rendre le droit au parlement de voter la loi et de contrôler le gouvernement pour éviter qu'il ne fasse des bêtises.
Je veux que l'on sorte de la situation scandaleuse où notre pays se trouve qui fait que, sur des décisions essentielles, le parlement n'est même pas consulté, même pas associé. On lui dit : "Ce sont des choses importantes, occupez-vous, maintenant, de vos affaires ; l'essentiel ne vous regarde pas." Ce n'est pas cela la démocratie et ce n'est pas cela la République.
Songez que, dans les deux dernières années, en France, pays qui a inventé, d'une certaine manière, une partie de la démocratie, la déclaration des Droits de l'homme et toutes ces choses qui font notre fierté de peuple, on a pu décider, par exemple, qu'on allait privatiser les autoroutes, c'est-à-dire donner à des intérêts privés une "pompe à cash" comme l'on dit, ce qui allait enrichir notre pays, parce qu'elle était amortie, sans même demander au parlement, qui représente les Français, quel était son avis sur la question.
Songez, on l'a fait alors même que la loi qui régit les privatisation impose que, lorsque l'on privatise une entreprise publique qui appartient aux Français, c'est un vote de leurs représentants, des députés et des sénateurs qui doit permettre cette privatisation. Eh bien, ils ont décidé qu'ils ne respecteraient pas la loi, comme si les autoroutes n'avaient pas été construites avec l'argent des Français et le péage des Français.
Alors, évidemment, maintenant, des dividendes incroyables viennent enrichir les intérêts privés, au lieu d'enrichir notre peuple et de permettre, comme nous l'avions décidé, de se servir de cet argent pour construire, pour faire du ferroutage, pour construire des canaux, pour faire en sorte que l'on ait des solutions de remplacement, des alternatives aux transports routiers et, ainsi, qu'on allège un peu les routes françaises et que l'on équipe mieux notre pays, y compris du point de vue ferroviaire.
Songez que, et je ne connais pas de décision plus importante que celle-là, on a pu décider de l'ouverture des négociations d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne sans même que le parlement puisse dire un mot sur cette question essentielle. Imaginez !
C'est une question très importante. On peut être pour, on peut être contre. Il y avait des arguments dans les deux sens, des arguments quelquefois lourds, émouvants. J'étais contre au nom d'une certaine idée de l'Europe, de l'Europe dense, de l'Europe compacte, de l'Europe qui formait une vraie voix politique pour peser ensemble sur le destin du monde, mais il y avait des arguments dans les deux sens et je les connaissais bien. J'en ai traité dans d'innombrables articles.
Eh bien, devant la décision la plus importante probablement de ce début de siècle pour l'équilibre de la construction européenne et l'équilibre de la planète, le gouvernement a osé dire au parlement : "Non seulement votre avis ne nous intéresse pas, mais vous n'avez pas le droit de donner un avis. Nous vous interdisons de donner un avis."
Cela seul suffit à dire que, en effet, il faut changer la République pour qu'elle retrouve des institutions qui permettent à la représentation des Français d'avoir un sens, de servir à quelque chose.
A quoi sert-il d'élire des députés et des sénateurs s'ils n'ont même pas le droit de retransmettre l'avis de leurs concitoyens et de leurs compatriotes, lorsque l'on prend une décision de nature, non plus politique, mais historique qui va s'imposer pendant des décennies ? A quoi sert-il d'avoir un parlement si on le bâillonne, qu'on lui interdit de parler ?
Je veux que l'on rende la parole, c'est-à-dire sa dignité, c'est-à-dire ses droits, c'est-à-dire sa légitimité à la représentation des Français, au parlement de la République.
Évidemment, tout cela n'est pas sans conséquences, parce que les premiers qui s'aperçoivent que le Parlement ne sert à rien, ce sont les élus, ce sont les parlementaires eux-mêmes. Alors, ils n'y vont plus et vous découvrez, à la télévision, même pour des débats tout à fait essentiels, l'immense hémicycle de fauteuils de velours rouge vides.
Voyez-vous, lorsque nous avons eu à examiner ce qu'est devenu plus tard, et vous connaissez l'aventure du référendum, le traité constitutionnel européen -on ne peut pas imaginer de texte plus fondamental que celui-là- eh bien, Valérie Giscard d'Estaing qui avait coordonné son écriture, qui avait écrit la première partie, a été invité à venir devant l'Assemblée nationale présenter le texte aux députés, ainsi qu'au parlement de la République.
C'était un débat organisé, non pas pendant une séance de nuit, entre le samedi soir et le dimanche, mais le mercredi après-midi à 16 heures. Les habitués des débats parlementaires, ceux qui allument les questions à la télévision, savent qu'il n'y a pas de meilleure heure ni de meilleur jour pour organiser un débat qui aurait de la visibilité.
Eh bien, les choses étaient telles, le sentiment des députés de ne plus servir à rien avait pris une telle ampleur que, lorsque nous avons fini ce débat, qui était organisé sur une durée de deux heures, nous n'étions plus que 17 députés présents dans l'hémicycle sur 577.
Ne les sifflez pas eux ; il faut toujours regarder, non pas les conséquences, mais les causes qui ont créé ces conséquences, sinon c'est du populisme que l'on fait et, moi, je considère qu'une campagne électorale, au lieu d'être populiste, doit être démocratique, c'est-à-dire que, comme nous le faisons ce soir, au lieu de tirer les citoyens vers le bas, de leur faire siffler des ennemis, de leur faire détester leurs adversaires, on doit les tirer vers le haut pour que, tous ensemble, nous nous forgions une conviction.
Ils ont cette attitude, parce qu'ils ont le sentiment de ne plus servir à rien, sentiment qu'ils n'osent pas avouer à leurs concitoyens, parce qu'évidemment, auprès d'eux, ils défendent une certaine idée de la responsabilité d'un élu. Ils n'osent pas dire la vérité, mais on le voit, hélas, dans la manière dont, désormais, le parlement est très souvent déserté, mais pas par Rudy Salles qui est un député exemplaire, qui a même été vice-président de l'Assemblée nationale et qui honore sa fonction. D'ailleurs, les Niçois qui l'élisent le savent.
Je pense qu'il faut rendre au Parlement sa dignité et, pour cela, je propose que l'on prenne une mesure simple. Je propose que, désormais, quand il s'agit de voter à l'assemblée nationale, on ne puisse plus être compté comme votant si l'on est absent de l'hémicycle, que l'on ne puisse plus déléguer son vote, qu'il n'y ait plus de clés, qu'il n'y ait plus de cartes de vote, que l'on ne puisse plus voter que si l'on est présent et que tous les votes soient sur Internet, afin que chaque citoyen puisse vérifier ce qui a été exprimé en son nom par les parlementaires de son pays.
Je ne suis pas en train de présenter, devant vous, une révolution utopiste. Je ne suis pas un révolutionnaire échevelé en demandant cela. C'est la règle qui s'applique à tous les élus au Parlement européen où, si vous n'êtes pas là, vous ne votez pas, ce qui fait que tout le monde est là.
J'ajoute -mais je ne veux pas que vous y voyiez une raison supplémentaire de présence, c'est simplement une circonstance que je me dois de citer devant vous- que, si vous n'êtes pas là, vous ne votez pas et, si vous ne votez pas, vous n'êtes pas payé. C'est la loi au Parlement européen. L'indemnité n'est due qu'à ceux qui participent au vote, c'est-à-dire à l'expression du suffrage et à l'avis de l'Assemblée.
Je ne crois pas du tout que ce soit pour la deuxième raison que les gens sont présents. Je suis absolument persuadé que c'est pour la première, mais, en tout cas, c'est la règle s'appliquant au Parlement européen.
Il faut des choses simples que les gens comprennent et ce sera ainsi quelque chose d'une rénovation démocratique. Chacun des citoyens pourra vérifier ce que l'élu qu'il a envoyé à l'assemblée nationale a exprimé sur chacun des textes, chacun des amendements. On saura, désormais, ce que les députés pensent et non pas ce que pensent les représentants des groupes qui votent à leur place.
Je suis pour la présence physique à l'Assemblée nationale. Vous voyez bien que, s'il y a cette présence, alors, le Parlement va récupérer un droit qui est celui de discuter lui-même des grands sujets de la nation et il va récupérer le droit de contrôler le gouvernement.
Je propose que le Parlement puisse saisir la Cour des comptes ou, en tout cas, utiliser les travaux de la Cour des comptes -présentés d'habitude chaque année et qui vont se loger dans le tiroir le plus bas du bureau où tout le monde les oublie- pour contrôler le gouvernement est en particulier le bon usage de l'argent public.
Vous voyez que, ainsi, on avance vers une République nouvelle et il n'y a pas besoin de faire de révolution. Ce sont des propositions de sagesse élémentaire. J'allais dire que ce sont des propositions d'éducation civique, qui reprennent ce que nous apprenons aux enfants à l'école et que, diable, nous pouvons bien respecter lorsque nous sommes au Palais-Bourbon ou au Palais du Luxembourg.
Je veux une République digne de ce nom, une démocratie respectée et je veux que nous ayons un État impartial, c'est-à-dire que je m'engage à l'avance, que je prendrai les dispositions juridiques nécessaires que j'inscrirai dans la Constitution, pour que la République ne puisse plus jamais être l'affaire d'un seul clan, d'une seule coterie, d'une seule bande, en tout cas, d'un petit groupe autour du président de la République.
Je veux, désormais, que l'on nomme aux principales fonctions de l'État, notamment dans la Fonction publique et dans la haute Fonction publique, en raison non pas des étiquettes, mais des compétences, parce que, si l'on nomme en fonction des copinages, premièrement, le copinage est évidemment réservé à ceux qui ont des relations, des copains et cela crée un sentiment de très grande injustice parmi les enfants du peuple, ceux qui viennent de loin, qui ont fait du chemin pour arriver à un poste de responsabilité. Eux ne connaissent pas les codes des réseaux, des amitiés. Ils ne sont pas allés dans les mêmes lycées, les mêmes écoles. Ils savent bien qu'ils ont fait du chemin et ne connaissent pas les secrets qui permettent de s'immiscer dans l'intimité des grands.
Deuxièmement, cela ruine l'esprit public, parce que toute jeune fille ou tout jeune garçon qui entre dans la Fonction publique avec l'idée de faire une carrière découvre que, pour faire cette carrière, il ne faut pas être travailleur, courageux, compétent et loyal, mais avoir des amis bien placés.
Ceci est une perversion de la République et c'est restaurer l'esprit public que d'avoir un État impartial. Je suis donc décidé à faire en sorte que les règles changent et que les nominations aux plus hautes fonctions soient faites de telle manière que ce ne soit pas tel ou tel clan qui soit favorisé, mais que l'on repère, tout au long de la vie, les compétences, la probité et l'impartialité de ceux à qui on offrira une promotion et à qui on donnera la carrière qu'ils méritent.
Il y a des sourds et malentendants avec une traduction en langage des signes. Je suis heureux de les saluer et je leur adresse nos applaudissements. Lorsqu'il s'agit de désigner ou de nommer aux fonctions les plus importantes, celles d'arbitre dans la République, je trouve notamment désolant que le Conseil constitutionnel, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, ces très hautes magistratures soient, en réalité, entre les mains d'un seul parti ou d'un seul secteur de l'opinion française.
Je ne peux pas accepter l'idée que nous ayons ainsi basculé de l'impartialité de l'arbitre à une composition qui est uniquement une composition partisane. Il faudra changer cela et, dans la révision constitutionnelle qui s'imposera, je proposerai que, pour être nommé à ces fonctions-là, on ne puisse pas l'être directement par le président de la République, le président de l'Assemblée ou le président du Sénat, mais qu'il faille recueillir la confiance des deux-tiers ou des trois-quarts de l'Assemblée nationale ou du Sénat, afin que tout le monde soit assuré que la compétence et l'impartialité sont désormais le lot des organes d'arbitrage de la République.
Ceci n'est pas autre chose que la règle qui s'impose dans toutes les autres démocraties. La démocratie américaine en particulier fait cela depuis un siècle et demi et, honnêtement, entre nous, nous pouvons aussi accepter une telle modernisation de nos institutions.
Voilà ce que je veux pour que la République devienne une République exemplaire au lieu d'être comme, aujourd'hui, une République dont on n'ose même pas raconter comment elle fonctionne à nos voisins. Ils ne le découvrent que dans les journaux et les colonnes des faits divers, ce qui n'est pas, entre nous, un titre de gloire pour la France.
Je demande que l'on change cela. C'est le moyen d'obtenir, en effet, une politique sérieuse et les grandes réformes pour tous les défis que nous avons devant nous. Je veux simplement les évoquer avec vous.
Premièrement, comme vous le savez, je me suis fait le serment de ne jamais prononcer un discours devant une assemblée aussi nombreuse que celle-là, de ne jamais faire une intervention à la télévision ou à la radio, sans rappeler qu'il est honteux et inacceptable que nous ayons accumulé, sur les épaules de nos enfants, une dette de 1 200 Mdeuros et qu'il est irresponsable de la leur laisser.
Cette dette va leur peser sur les épaules pendant des années. Nous ne pouvons pas continuer à la laisser croître et j'ai donc proposé comme objectif que, en trois ans, nous fassions les efforts nécessaires pour que la dette de la France n'augmente plus et que, peu à peu, avec le temps, nous puissions ainsi alléger cette charge.
Cela veut dire qu'il faut que nous consacrions une part de nos ressources fiscales qui arrivent de manière supplémentaire chaque année à diminuer le déficit du pays, parce que, comme vous le savez, la dette, c'est du déficit. Or, quand on est en déficit, on emprunte, pour boucher les trous, on emprunte, pour payer le courant, on emprunte, pour payer le train de vie de l'État.
Je ne suis pas contre les emprunts. Quand il s'agit d'investir, de construire une université, c'est bien d'emprunter. Quand il s'agit de construire un hôpital, il est normal d'en partager la charge avec les générations qui viennent, puisque cela va être utilisé pendant des décennies. Il est donc juste, à ce moment-là, d'emprunter.
En revanche, il n'est pas juste d'emprunter pour payer le train de vie courant de l'État, d'emprunter tous les ans pour payer nos ordonnances, en ayant la honte de regarder nos enfants, sans oser leur avouer que leurs parents ont laissé se créer une situation dans laquelle nous empruntons, tous les ans, des milliards d'euros, simplement pour payer nos dépenses de santé, alors que nous savons que viennent de grandes vagues démographiques qui feront qu'il y aura plus de retraités que d'actifs. Or, s'il y a plus de retraités que d'actifs, évidemment, les dépenses de santé augmenteront dans notre pays. Ils n'auront pas seulement à assumer les dépenses de santé de cette grande salle quand elle aura atteint l'âge de la retraite. Ils devront aussi assumer les dépenses de santé que nous leur laissons en héritage tous les ans.
Ceci est inacceptable. On ne peut pas continuer à aller vers la dette et le déficit ainsi. Je propose donc que, tous les ans, on affecte la moitié des rentrées supplémentaires à diminuer le déficit du pays.
A l'heure actuelle, aussi incroyable que cela puisse vous paraître, l'État dépense, tous les jours, 20 % de plus que ce qui rentre dans ses caisses. Quelle famille, quelle entreprise pourrait accepter de dépenser, tous les jours, pendant des années et des décennies, 20 % de plus que ce qui rentre dans ses caisses ? Ceci est inacceptable. Il faut ramener à l'équilibre la dette de la France pour qu'elle ne grossisse plus. Je propose de le faire en trois ans.
En même temps, il faudra que nous traitions de la question des retraites. Je recevais, tout à l'heure, des sapeurs-pompiers professionnels. Ils me confiaient leurs difficultés. Je leur ai dit : Il n'y en a pas un parmi vous qui ignore que, étant donné l'allongement de la vie, on va bientôt se trouver avec plus de retraités que d'actifs.
Il faut que vous sachiez que, au début des années 50, dans notre pays qui a choisi le système de retraites par répartition -c'est-à-dire un système de retraites dans lequel ce sont les actifs qui, tous les mois, paient les pensions de ceux qui ne travaillent plus- il y avait cinq actifs pour un retraité. Cinq personnes se partageaient la charge de l'un de ces futurs vieillards que vous avez au premier rang ! Mais nous allons vers une situation dans laquelle, dans les années qui viennent, il ne va plus y avoir que un actif et demi pour un retraité. Très vite à l'horizon 2020, nous allons avoir un actif pour un retraité et, si l'on ne fait rien, dans les années 2030, 2040, il y aura beaucoup plus de retraités que d'actifs. Il faudra payer, sur son travail, la vie de sa famille et celle de millions et de millions de personnes qui seront à la retraite.
Ceci, personne ne peut en supporter la charge. Il faudra donc une réforme des retraites et je le dis de la manière la plus franche, pour que chacun sache que l'on dit la vérité au cours de cette campagne électorale, que l'on ne fait pas des promesses que l'on ne pourra pas assumer, que l'on s'adresse aux Français en leur disant la vérité.
Cette réforme des retraites, pour moi, devra s'adresser à toutes les catégories de Français sans exception, ceux du privé comme ceux du public, comme ceux des régimes spéciaux. Cette réforme devra prendre en compte la pénibilité du travail. Il y a quelque chose que j'hésite à avouer et qui touche pourtant à la situation réelle de notre pays. Nous sommes dans un pays où, plus on a une espérance de vie longue, plus tôt on prend sa retraite et, plus on a une espérance de vie courte, plus tard on part à la retraite.
La personne qui a travaillé dur toute sa vie et qui a donc une espérance de vie courte, par exemple, un manoeuvre en bâtiment, dont l'espérance de vie est la plus courte, part le plus tard à la retraite, à 65 ans, tandis que d'autres personnes, qui ont une espérance de vie longue, parce qu'elles ont eu une vie, en tout cas, physiquement moins usante, partent tôt et, parfois, très tôt. C'est une injustice humaine que nous ne pouvons pas accepter.
Les principes de cette réforme, vous m'avez entendu les présenter au cours de nombreuses émissions, mais je les répète en une phrase : selon moi, il faut fonder cette réforme sur la liberté de choix, c'est-à-dire que, à partir de l'âge de 60 ans, chacun sera libre de partir à la retraite en toute connaissance de la pension qu'il recevra. S'il trouve que cette pension est trop légère, il sera encouragé à prolonger son activité professionnelle ou à trouver d'autres formules. Je pense qu'il va notamment falloir réfléchir à la manière dont on organise la fin de vie professionnelle, par exemple, par des activités à mi-temps, qui permettront à chacun de découvrir plus légèrement l'âge de la retraite tout en continuant en même temps à travailler, c'est-à-dire à épargner la charge des caisses de retraite, à épargner la charge de l'État, à faire en sorte que l'on puisse, dans notre pays, répartir la charge entre les actifs et les retraités, les semi retraités qui vont ainsi découvrir une nouvelle vie sans abandonner tout à fait la vie qui était la leur précédemment.
On peut inventer beaucoup de solutions nouvelles, à condition d'en parler avec les Français. Ceci fera l'objet d'une très grande négociation à laquelle les Français seront, au jour le jour, informés, à laquelle ils seront, au jour le jour, associés, parce que, pour que personne ne se sente floué, que personne ne se sente trahi, pour que tout le monde ait la certitude que cette réforme sera une réforme juste, mon intention est que, quand cette réforme sera mise au point, elle soit soumise aux Français qui auront le choix de l'adopter par référendum, qui auront le droit de savoir ce qui se passe pour eux.
Vous le voyez, cette idée d'associer les Français à la réforme, c'est aussi le moyen d'éviter le blocage du pays, parce que, lorsque vous savez qu'il va vous tomber sur la tête une décision dont vous n'êtes pas informé, à laquelle vous n'êtes pas associé, dont vous pouvez craindre les conséquences, lorsque vous savez tout cela, vous n'avez qu'une issue, c'est de vous raidir, de dire non. Pour un certain nombre de professions, de responsabilités ou d'organisations, dans la société française, la forme la plus efficace de dire non, c'est le blocage du pays.
Moi, je ne veux pas de blocage. Je veux que tout le monde soit associé à la décision et qu'au bout du chemin tout le monde sache qu'il y a un recours. C'est le peuple français qui va se prononcer sur la justesse et la justice de la réforme des retraites dont notre pays a besoin.
Permettez-moi de vous le dire, c'est tout le contraire des méthodes qui ont été suivies depuis des années et qui étaient des méthodes de défiance. On se faisait élire et, très vite, en quelques jours, en quelques semaines, ni vu ni connu, pour que personne ne s'en aperçoive, dans la lancée de l'État de grâce, on prenait une décision dont on savait que, désormais, les Français seraient bien obligés de l'avaler comme une pilule amère...
Moi, je veux faire le contraire. Associés, ils pourront suivre la réforme au jour le jour. Le président de la République s'engagera et fera la pédagogie de cette réforme et, au bout du compte, ce sont les Français qui choisiront, comme des citoyens adultes, désormais investis de la responsabilité suprême, celle de peuple souverain.
Tout d'un coup, le citoyen prend une autre nature. Au lieu d'être celui qu'il s'agit seulement de séduire par de la communication, par de la mise en scène, par des petites phrases, par des agences de publicité, au lieu d'être celui, au fond, à qui l'on veut seulement demander un chèque en blanc, alors, le citoyen devient le partenaire de ceux qui ont la charge politique de décider et de préparer les décisions. Il devient le centre de la réflexion et celui de la décision dans une société comme la nôtre. Tout d'un coup, nous lui rendons sa dignité de citoyen. Au lieu de l'écarter, de le mépriser, de ne jamais lui parler, nous lui rendons la force qui devrait être la sienne.
Je n'hésite pas à dire que ceci est une révolution, une révolution tranquille, une révolution sereine, une révolution calme, mais une révolution dont notre société a le plus grand besoin. Ainsi, nous corrigeons les faiblesses les plus lourdes que chacun sait aujourd'hui représenter un handicap pour la France, mais cela ne suffira pas.
Il ne faut pas se contenter d'être défensif et de corriger ce qui ne va pas. Il y a une autre chose à faire, c'est préparer notre pays à être aussi fort qu'il peut l'être, au grand siècle, au siècle dangereux de la mondialisation.
Nous allons vivre, et tout le monde le sait, des circonstances qui invitent au dépassement. Nous sommes un peuple de créateurs, un peuple d'inventeurs, un peuple qui, pendant le XIXème et le XXème siècles, a montré ce qu'il était capable de faire du point de vue industriel, du point de vue de la science, du point de vue des services, mais, désormais, et c'est une chance, nous allons avoir à découvrir un monde dans lequel la compétition est devenue la loi de chaque jour.
A cette compétition, il n'y a aucune chance d'échapper. On peut l'équilibrer, protéger l'essentiel, avoir un projet de société qui ne ressemble à aucun autre, mais il n'y a aucune chance d'échapper au fait que, désormais, sur toute la planète, les pays ne peuvent se développer et l'emporter que s'ils savent faire leurs preuves.
C'est pourquoi il était très important pour moi de vous dire, ce soir, que, si nous voulons jouer toutes nos chances dans la mondialisation, il faut que nous ayons une conscience aiguë de ce qu'est la priorité des priorités de toute action politique d'un homme d'État et d'un homme politique digne de ce nom.
La priorité des priorités, si nous voulons que notre pays joue ses chances dans la mondialisation, c'est la formation des jeunes et l'éducation. C'est par l'éducation. Je n'hésite pas à dire, et ce n'est pas une formule de style, que nous n'avons pas de chance dans la mondialisation, si nous ne choisissons pas l'objectif le plus ambitieux ; les jeunes Français doivent être, au terme de ce grand investissement que nous allons faire pour les former, les mieux formés de tous les pays développés de la planète et nous en avons les moyens, parce que nous sommes les héritiers d'une grande tradition d'Éducation nationale, parce que, en France, on a développé, au travers du temps, un système d'enseignement primaire et d'école maternelle. Aucun pays dans le monde n'a une école maternelle comme la nôtre. C'est même pour les pays qui nous entourent une question...
(Applaudissements...)
Vous avez raison d'applaudir l'école maternelle, parce que c'est le signe d'une grande ambition française. Quand on a la scolarisation à partir de trois ans, quand on a l'école élémentaire obligatoire jusqu'à la fin de la troisième, quand on a bâti ce réseau d'écoles primaires, maternelles, de collèges, de lycées tel que nous l'avons bâti en France, quand on a la grande tradition de l'éducation nationale, alors, il faut se fixer des objectifs ambitieux et ces objectifs ambitieux, pour moi, feront l'objet d'un contrat avec l'éducation nationale.
Ce contrat pour l'école dira deux choses : premièrement, nous considérons que vous avez une responsabilité éminente dans la nation et, donc, il revient aux responsables de faire en sorte que l'on arrête de prendre l'école comme le bouc émissaire de tous les problèmes de la société française, que l'on arrête de montrer du doigt les enseignants, de les critiquer, de les présenter comme s'ils étaient, je ne sais, des paresseux et des feignants, uniquement intéressés par leurs vacances, alors que je ne connais pas un seul de leurs critiques qui résisterait sans s'effondrer aux 18 ou 20 heures d'investissements nerveux et physiques que représente la maîtrise d'une classe dans un certain nombre de quartiers.
Je suis pour qu'on les soutienne et qu'on les soutienne depuis longtemps. A la vérité, depuis un jour où, ministre de l'Éducation nationale, j'étais tracassé, tarabusté par une question qui se posait à moi et qui était, comment dirais-je, le constat d'une étrangeté... Tout le monde disait que, désormais les études étaient entièrement conditionnées par la famille. Réussissaient ceux issus de familles favorisées et échouaient, hélas, ceux issus de familles défavorisées.
Un jour, je me suis fait la réflexion que cette règle comportait des exceptions et que je connaissais des enfants de familles favorisées qui échouaient et des enfants de familles défavorisées qui réussissaient et cela me travaillait.
J'ai demandé à des sociologues intelligents... Pourquoi riez-vous ? Franchement ! C'est presque un pléonasme de dire des sociologues intelligents, mais, en tout cas, il en existe, je peux en témoigner. J'ai donc demandé à des sociologues de bien vouloir étudier, sur une série de plusieurs centaines de cas, quelle était la cause de cette situation-là.
Ils ont découvert -j'aurais pu le découvrir tout seul si j'avais été moi-même intelligent et pas sociologue !- quelque chose de très simple qui est ceci : réussissaient les enfants, quel que soit le milieu social, dans les familles desquels l'école était soutenue, estimée, révérée par les parents, qu'elle était considérée comme importante, qu'on lui faisait confiance et que l'on en disait du bien aux enfants et échouaient, quel que soit le milieu social, les enfants dans les familles desquels l'école était mal vue, méprisée et constamment critiquée.
Je me suis dit qu'il y avait, là, une grande leçon pour les familles, à savoir qu'il faut soutenir l'école à la maison et, ce qui est valable pour les familles, en fait, l'est également pour les nations. Nous aurons le meilleur système éducatif quand nous serons les meilleurs soutiens du système éducatif et j'ai l'intention que ce soit le premier article du contrat que je passerai, que l'État passera, le gouvernement, avec l'Éducation nationale.
Le deuxième article sera de protéger les moyens de l'Éducation nationale. Cela fait des années que nous vivons... Je vois des fronts ou des sourcils qui se froncent, mais vous le savez bien, cela fait des années que nous vivons dans une guérilla perpétuelle qui vise, chaque année, à enlever plusieurs centaines ou quelques milliers de postes à l'Éducation nationale. Je dis que le jeu n'en vaut pas la chandelle. Au bout du compte, de toute façon ces postes que l'on avait supprimés, on les rétablit. La prochaine alternance arrive et s'empresse de les rétablir ou l'influence des élus.
Je suis pour protéger, pour sanctuariser les moyens de l'Éducation nationale, pour renforcer les moyens de l'enseignement supérieur et, en échange, nous allons demander à l'Éducation nationale d'atteindre des objectifs qu'elle n'a jamais atteints.
Le premier de ces objectifs est que plus aucun enfant n'entre en sixième sans savoir lire et écrire, parce que, quand un enfant entre en sixième sans savoir lire et écrire, cet enfant-là, en réalité, est victime de non-assistance à personne en danger. Ce que l'on ne sait pas dans le domaine des acquis fondamentaux au moment où l'on entre en sixième, on ne le saura jamais et vous retrouverez, là, une des principales causes par lesquelles certains enfants, étant complètement perdus dans la classe, deviennent ceux qui déstabilisent la cours de récréation, des petits caïds de cours de récréation, parce qu'il faut bien qu'ils se réalisent d'une manière ou d'une autre.
Voilà l'objectif que je fixe. Il y en aura d'autres. Il faut établir le calme et le respect de la discipline républicaine dans les établissements de banlieue. Ce n'est pas normal qu'il y ait des enfants dont les familles considèrent qu'ils ne sont pas en sécurité à l'école de la République.
Il faut rétablir l'excellence dans tous les établissements. Je trouve que c'est une honte que l'on nous raconte qu'il faut aller s'inscrire dans les établissements huppés du centre-ville pour avoir la réussite scolaire dans notre pays. Nous sommes les héritiers d'un temps où l'on a voulu, où l'on a exigé que, dans le plus petit collège d'une vallée pyrénéenne ou d'une banlieue de grande ville, il y ait des élèves qui réussissaient de manière exemplaire et cette réussite était une illustration pour l'ensemble de ceux qui les entouraient, pour le milieu social d'où ils venaient. Il y avait, là, les mêmes options, les mêmes capacités, les mêmes réussites dans la méritocratie républicaine qui a fait, non seulement l'honneur, mais peut-être aussi la gloire de l'école française.
Je veux que, désormais, il y ait des parcours d'excellence dans tous les établissements autant que dans les établissements de prestige. Puis, il faudra se demander comment on peut faire pour que l'Université ne soit plus ce grand champ à échecs que l'on rencontre trop souvent ? D'abord, évidemment, l'Université française est plus maltraitée que bien d'autres grandes universités dans le monde, mais surtout, quand les enfants arrivent à l'Université, ils n'ont pas la moindre idée de la manière dont on se comporte pour faire soi-même des études, pour apprendre à apprendre, pour devenir autonome dans ces amphis de 500 ou 600 places, eux qui étaient habitués à des classes de 35 élèves avec des professeurs qui les surveillaient de près.
Il faut former les élèves à devenir des étudiants et cela doit être, pour moi, une des missions nouvelles du lycée, de la classe de terminale en particulier, que de préparer les élèves à l'université dans laquelle ils entreront. Autrefois, on appelait cela propédeutique. Cela voulait dire une préparation à découvrir une nouvelle forme d'étude. Je crois que c'est plus nécessaire que jamais.
Dernière idée sur l'Éducation nationale et je m'arrêterai là. Comme je le disais tout à l'heure, nous avons besoin de renouveler le grand contrat républicain, celui qui disait : si tes enfants travaillent bien à l'école, ils auront une situation meilleure que celle de leurs parents.
On sait désormais que ce n'est pas vrai. On sait désormais que le diplôme ne garantit pas l'emploi et, comme le diplôme ne garantit pas l'emploi, il faut que nous ayons le courage de dire qu'il faut, en plus de la formation que l'on appelle académique, théorique à l'Université, une formation que l'on baptise formation professionnelle et une insertion pour ceux qui sortent de l'Université.
C'est un grand travail qui engagera les universités, les universitaires, les étudiants et le monde économique, parce qu'il va falloir que le monde économique nous donne un coup de main. Je crois que cela l'avantagera, mais il faut que nous l'acceptions et que nous bâtissions cette grande rénovation de l'Université avec lui.
J'ai voulu vous dire que l'éducation était la clef de tout, l'éducation et la recherche, et, naturellement, c'est lié à l'Université aussi. L'éducation et la recherche sont la clef de tout. Si nous voulons être un pays performant, un pays qui porte une politique économique et sociale ambitieuse, alors, il faut que nos jeunes soient les mieux formés. Nous pouvons y arriver et je propose que nous nous fixions comme horizon les cinq années qui viennent pour arriver à ces objectifs que je viens de fixer.
Je peux faire, avec vous, le tour de tous les grands sujets qui sont, pour nous, comme autant de défis, mais vous pouvez également le faire aisément, soit sur notre site, soit dans le livre que je viens de publier cette semaine qui s'appelle Projet d'espoir sur ce sujet.
On a vu la dette, les retraites, l'école et l'éducation, mais c'est le cas aussi pour ce qui concerne la politique de l'emploi. Vous voyez, je pense, qu'il n'y a pas de politique sociale, qu'il n'y a pas de politique de l'emploi.
Tout à l'heure, dans la rue, un jeune garçon à bicyclette s'est arrêté et m'a dit : "Monsieur Bayrou, vous savez, au fond, on ne manque que d'une seule chose, de travail. Moi, j'ai envie de travailler et tous mes copains ont envie de travailler." Simplement, aujourd'hui, il n'y a pas de travail, le travail est rare et, en réalité, ce qui règne, c'est la discrimination.
Eh bien, moi, je veux un pays dans lequel on multiplie les postes de travail, les emplois à offrir aux jeunes et aux autres. C'est pourquoi je propose une idée simple que tout le monde comprendra et qui, je crois, est porteuse de centaines de milliers d'emplois dans le tissu économique français. Je propose que toutes les entreprises de notre pays, quelle que soit leur taille et leur domaine d'activité, aient le droit de créer deux emplois nouveaux sans avoir à payer de charges pendant cinq ans.
Je ne vous demande pas de me croire sur parole. D'abord, il ne faut jamais croire personne sur parole, surtout pas les candidats aux élections présidentielles !... Enfin, si, parmi les candidats à l'élection présidentielle, vous aviez à en choisir un que vous puissiez croire sur parole, j'ai une idée que je pourrai vous suggérer ! Mais je vous demande de ne pas me croire sur parole et d'aller vérifier auprès de tous les commerçants et tous les artisans que vous connaissez, auprès de toutes les entreprises qui n'ont aucun salarié -il y en a 1 500 000 en France-, auprès de toutes les entreprises qui ont moins de dix salariés -il y en a 1 millions de plus en France- et de leur demander si cela les intéresse, si cela ne leur donne pas une idée. Ils se disent : Au fond, on pourrait embaucher un commercial, un ingénieur, un comptable, un designer, etc.
Tous ces jeunes qui sont là, dont beaucoup de leurs camarades sont au chômage, tout d'un coup, vont se voir offrir des chances qu'autrement ils n'auraient pas eues et c'est vrai aussi pour les plus de 50 ans. Je déteste le mot de senior et je ne l'utiliserai jamais, parce que je ne me sens pas vraiment un senior ! Eh oui, il faut accepter de regarder les réalités en face !
Donc, demandez leur s'ils n'ont pas comme cela des idées qui leur viennent et qui vont permettre, tout d'un coup, de donner un ballon d'oxygène et de changer le moral de la société française.
Tout cela, politique de l'emploi, politique de l'exclusion, c'est la vie de notre pays que, je crois, nous pouvons changer, simplement parce que nous aurons décidé de regarder les problèmes en face et de ne plus avoir cette attitude stupide qui consiste à ne pas traiter les problèmes, mais à viser les ennemis quand ils proposent de le faire et à prendre l'opinion contraire, ce qui fait que le pays est bloqué.
Je suis contre cette impasse, mais je veux ajouter, en conclusion, que ce projet, le grand projet républicain français, est, à mes yeux, un projet de résistance. Corinne Lepage a cité le nom de Mme Lucie Aubrac qui s'en est allée cette nuit et qui a été, jeune professeur, agrégée d'histoire et de géographie, une très grande résistante française.
Je considère que c'est tout le projet républicain français qui est un projet de résistance. Je dis souvent : réfléchissez à la devise de la République "liberté, égalité, fraternité" qui est écrite au fronton de tous nos monuments publics et sur tous nos documents officiels. Si vous dépassez l'habitude que nous avons de lire ainsi en un seul souffle "liberté, égalité, fraternité" et que vous vous arrêtez une seconde pour réfléchir à ce que cela veut dire, vous vous apercevez qu'il n'y a que, nous, les Français qui ayons choisi comme devise nationale l'énoncé de trois vertus universelles : liberté, égalité, fraternité.
Chacune d'entre elles est une vertu de résistance. La liberté, ce n'est pas naturel ; ce qui l'est, c'est la domination, la servitude, l'obligation d'être pris en charge et d'obéir à une loi qui s'impose toujours à chacun des individus. L'égalité, ce n'est pas naturel ; ce qui l'est, c'est l'inégalité, c'est le riche qui a sa propre loi et le pauvre qui subit la sienne. La fraternité, ce n'est pas naturel ; ce qui l'est, c'est le chacun pour soi, c'est de se dire : "pourvu que cela aille bien pour moi, je me fiche des autres".
Cela, c'est la nature humaine et, nous, Français, nous avons bâti tout notre projet de société sur ces trois vertus avec un idéal qui est un idéal de construction, un idéal de résistance, un projet de société qui nous unit. C'est une grande chance pour la France.
Je suis persuadé -ce n'est pas de la politique habituelle, je vous prie de m'en excuser- que, si nous ne défendons pas notre grand projet républicain français, alors, la France se délitera. C'est dans notre histoire, dans nos jeunes, dans les raisons de vivre ensemble. En tout cas, comme président de la République, je suis déterminé à faire de la défense de ce projet républicain le meilleur atout de la France dans la compétition de la mondialisation, parce que c'est comme dans une équipe sportive, par exemple de football, ce ne sont pas les individualités qui comptent... Autrement le Paris Saint-Germain serait champion de France ! Mais il le sera peut-être ! Je me fais mal voir par l'OGC Nice ! J'ai été très ami, pendant longtemps, avec M. Gernot Rohr, l'ex-entraîneur de l'OGC Nice, qui est un homme que j'aime beaucoup. C'est vraiment quelqu'un de très bien.
Je disais donc que c'est comme dans une équipe de sport. Ce ne sont pas les individualités qui comptent, mais l'esprit d'équipe, que l'on soit solidaire, déterminé, motivé. Quand l'esprit d'équipe est là, vous devenez invincible, surtout quand vous avez les individualités formidables que compte le peuple français.
Je veux rendre l'esprit d'équipe à la France. Je veux que l'on soit solidaire, que l'on se sert les coudes, que l'on se rassemble. De cette manière, aucun obstacle ne nous résistera. Nous sommes un grand peuple. Nous avons un grand destin à condition que nous le défendions ensemble et pas les uns contre les autres.
Mais ce grand destin de peuple a quelque chose à dire au monde. Si la France n'est pas présente dans le monde, il y a des choses que personne d'autre que nous ne dira. Par exemple, j'ai été fier que la France et le président Jacques Chirac défendent la position qu'ils ont défendue au moment de la guerre en Irak.
Comme vous savez, ma vie commune avec Jacques Chirac n'a pas été un chemin pavé de roses. Il nous est arrivé d'avoir beaucoup de tensions politiques, notamment quand, en 2002, élu par 82 % des Français, au lieu de tenir compte de la diversité du nombre de ceux qui avaient voté pour lui, de ceux pour qui cela avait été un effort, il a décidé de faire le parti unique et le gouvernement des 19 % qui avait voté pour lui au premier tour, je lui ai dit quel était mon désaccord de le voir, alors qu'il était en situation historique, se placer en situation politique.
Mais j'ai été fier de ce qu'il a dit et fait au nom de la France au moment de la guerre en Irak. Je voulais le dire, après tout, au moment où, ainsi, un acte s'achève.
Il y a donc des choses que personne d'autre que la France ne dira dans le monde. Par exemple, nous avons désormais le devoir de dire et de défendre, à l'échelon international, ce qui est le devoir des nations en face du grand accident climatique et écologique qui est en train de se produire en raison du réchauffement du climat.
Voyez-vous, aujourd'hui, 99,9 %, pour ne pas dire 100 %, des scientifiques se sont désormais accordés pour dire que le réchauffement du climat de la planète était le résultat des activités humaines, de cette humanité qui, en besoin de carburant perpétuel, a brûlé, en un siècle, à peine la totalité ou, en tout cas, une grande part des réserves de carbone que la terre avait accumulé dans ses entrailles depuis des millions d'années et, évidemment, cela a dégagé, dans l'atmosphère, des vapeurs, des gaz à effet de serre qui sont peu à peu en train de retenir les rayons du soleil qui viennent frapper le sol -c'est comme une serre de jardinier- et l'atmosphère s'échauffe sous cette serre mettant en péril l'humanité comme espèce.
Je trouve que nous avons le devoir de réagir. C'est la raison pour laquelle j'ai signé, le premier, le pacte écologique que Nicolas Hulot a proposé. Ce pacte comporte un certain nombre d'engagements que, naturellement, je tiendrai tous -j'en ai encore parlé avec lui ces dernières heures- mais il y a un engagement qui n'est pas dans le pacte, qui est du ressort du président de la République française, et que je prendrai.
Le président de la République française a le devoir d'inscrire, sur l'agenda des relations internationales, la nécessité pour la communauté des nations de s'occuper de ce problème du climat, d'écologie et de la réduction des gaz à effet de serre, parce que la situation, qui est ainsi créée et qui a été créée par les pays riches, oblige à saisir l'ensemble de l'humanité et notamment à réfléchir à la manière dont nous pouvons équilibrer les émissions de gaz à effet de serre, nous, les pays riches qui polluons 30 fois plus que les pays pauvres, parce que nous avons des usines, des transports, des voitures innombrables, des moteurs de toutes sortes et de tracteurs en particulier ! Cela c'était juste pour voir si vous étiez éveillés ou pas !
Nous avons le devoir de discuter de cela, en tant que nantis, avec ceux qui sont pauvres. C'est une énorme responsabilité, une énorme charge sur nos épaules. C'est toute l'humanité qui doit économiser les gaz à effet de serre, parce que, vous le comprenez, même si le peuple français avec 64 millions d'habitants diminuait de 20 %, 30 %, 40 %, 50 % ou 80 %, ce qui est totalement impossible, ses émissions de gaz à effet de serre, cela ne changerait pas d'un millième de millième la composition de l'air que nous respirons, car, comme vous le savez, les vents se promènent sans respecter les frontières. L'air appartient à toute l'humanité et c'est donc avec toute l'humanité qu'il faut en discuter. C'est une responsabilité internationale que nous avons devant nous.
Il y a des choses, si la France ne les dit pas, personne ne les dira. Il y a des choses au Moyen-Orient, si la France ne les dit pas, personne ne les dira. Il y a une vigilance à porter, dont vous mesurez tout le poids, qui devrait nous obliger, en effet, à assumer nos responsabilités les yeux ouverts. Il y a des choses à dire à l'Afrique et, si la France ne les dit pas, personne ne les dira.
Cela nous permet aussi d'avoir une vision différente sur le problème de l'immigration qu'une fois de plus, on essaie de remettre, pour rattraper des voix, au centre de l'élection présidentielle.
Je veux vous confier ma conviction qui est la suivante : bien entendu, il faut de la régulation, bien entendu, il faut du sérieux et de la fermeté, ne serait-ce que pour protéger les immigrés qui sont déjà sur notre sol, mais je veux vous dire ceci : tant que nous aurons la situation qui est la nôtre à l'heure qu'il est, avec, à quelques centaines de kilomètres de chez nous, les 20 pays les plus pauvres de la planète, dont l'Afrique, et les 20 pays les plus riches, il n'y a pas de politiques de régulation de l'immigration qui réussira.
Je ne crois pas que l'on puisse y arriver avec des murailles et je ne crois pas que l'on puisse y arriver de manière efficace avec des charters. Je sais que, tant qu'il y aura des personnes qui mourront de faim et de désespoir chez elles, elles essaieront de s'en aller de chez elles et d'aller rejoindre l'eldorado qu'elles croient être nos sociétés occidentales. C'est comme cela depuis le début des temps, depuis que l'Homme est Homme. Les pauvres s'en vont chez les riches. C'est ainsi que cela marche.
Il n'y a qu'une politique de régulation de l'immigration qui a la moindre de chance de réussite. Elle s'appelle : développement de l'Afrique avec la garantie donnée aux Africains qu'ils pourront vivre et travailler chez eux, nourrir leurs enfants chez eux, porter le développement de leur pays chez eux, s'ils sont paysans, nourrir leur pays et leur continent et, s'ils sont ouvriers, équiper leur pays et leur continent.
Après tout, ce n'est pas autre chose que ce que l'on a fait pour l'Europe après la guerre de 1940. On a fait un Plan Marshall et on a fait la préférence communautaire pour qu'il soit garanti que ce soient les paysans européens qui nourrissent l'Europe et les ouvriers européens qui équipent l'Europe.
Il faut faire la même chose pour l'Afrique et il faut le faire de manière déterminée, les yeux ouverts. Il faut expliquer aux nations que, si nous ne le faisons pas par générosité, avec le sentiment de fraternité qui devrait être le nôtre à son endroit, nous devons le faire par égoïsme, pour nous, pour l'équilibre de nos sociétés.
Or, cette politique de climat, cette politique de développement de l'Afrique, cette politique d'équilibre international, nous ne pouvons pas les conduire si la France est seule et c'est pourquoi ma dernière phrase, mon dernier paragraphe sera celui-ci : il faut réconcilier les Français avec l'Europe et l'Europe avec la France. Un pays de 64 millions d'habitants ne peut pas porter tout seul cette charge.
D'ailleurs, à la vérité, il n'est pas de charge, dans le monde où nous vivons, qu'un pays de 64 millions d'habitants puisse porter tout seul. On ne peut pas penser tout seul une défense nationale pour le XXIème siècle dont on a besoin. Cela coûte très cher. Il faut la penser dans la coopération européenne. On ne peut pas penser le développement tout seul ni la politique économique tout seul. Quand on est un pays à frontières ouvertes, on ne peut pas penser la protection ou l'équilibre nécessaire par rapport au géant chinois ou au géant indien qui sont aujourd'hui en train de bouleverser les équilibres à la surface de la planète. On ne peut pas discuter de la loyauté de la concurrence, si l'on n'a pas une force suffisante. On ne peut pas porter une vision de l'équilibre du monde ni lutter contre les intégrismes. On ne peut rien faire de tout cela, si l'on est tout seul.
Le devoir de la France est d'être l'inspiratrice de l'Europe. C'est parce que nous sommes la France que l'Europe s'est faite. C'est nous qui avons fait l'Europe. Nous avons le devoir de la tirer de l'impasse où elle se trouve.
Je sais très bien qu'il y a, dans cette salle, des personnes qui ont voté oui et d'autres non, mais je sais également avec certitude que ni les uns ni les autres n'ont une idée précise aujourd'hui de la manière dont on va pouvoir se tirer de la situation qui a été créée par le résultat du référendum.
J'ai réfléchi à la situation des uns et des autres, aux raisons qui font que ceux qui ont voté non ont pris la décision de le faire. Je vais livrer une analyse devant vous en trois phrases. Premièrement, ceux qui ont voté non l'ont fait parce que le texte était incompréhensible et illisible, même pour ceux qui l'ont écrit, comme cela m'arrive souvent de le dire. C'était un texte pour juristes, alors que l'on attendait un texte pour des citoyens. C'était une loi fondamentale et on en a fait un traité de droit international. Ceci n'était pas adapté à ce que l'on attendait de ce texte. Deuxièmement, comme le texte était illisible, les Français ont eu le sentiment que, là-dessous, il y avait un piège et ils ont considéré que ce piège était qu'on voulait leur imposer un projet de société qui n'était pas le leur. Ils ont pensé qu'on voulait les forcer à entrer dans un projet de société qu'en réalité ils refusaient.
Troisièmement, ils ont pensé que, se faisant, on allait leur arracher leur identité et leur souveraineté de peuple.
Ceci explique le résultat obtenu à ce référendum. Il faut répondre à ces questions. J'y suis déterminé, si je suis élu président de la République. J'ai souvent discuté avec ceux qui sont à la tête des États, des gouvernements européens, dont beaucoup sont mes amis, à obtenir un texte simple, court, lisible, compréhensible par tout le monde, qui traite seulement de la manière dont les décisions sont prises dans un ensemble démocratique, qui ne pousse pas à avoir telle politique ou telle autre.
Ce texte, quand il sera adopté, je le soumettrai au référendum des Français. J'ai la conviction profonde, et je m'engagerai devant eux, qu'il ne faut pas creuser encore le fossé entre les citoyens et l'idéal européen. Il ne faut pas, après leur avoir soumis ce texte au référendum, dire : après tout, vous nous avez donné votre avis et, maintenant, comme c'est nous qui sommes des initiés, nous allons décider à votre place.
Il faut faire le même mouvement que je défendais pour les retraites qui est un mouvement de confiance, remplacer la défiance par la confiance, investir le peuple des citoyens de responsabilités pour qu'il se comporte, se considère, se regarde comme étant, en effet, le peuple souverain, celui d'où doit venir la décision, à partir duquel doit être construit l'avenir de notre pays, comme cela est écrit dans la Constitution.
Vous voyez que, ainsi, la boucle est bouclée. Si l'on veut reconstruire l'Europe, il faut une France qui se reconstruise et qui soit en bonne santé. Il y a besoin d'un pays qui assume ses responsabilités, ses responsabilités de fondateur au sein de ce nouvel ensemble et, si l'Europe se reconstruit et se revivifie, alors, nous pouvons peser sur l'équilibre de la planète.
Vous voyez tout ce qui se joue dans cette élection présidentielle. Je veux vous confier que, pour moi, c'est un immense motif d'espérer et je vous remercie d'être venus, ce soir, à Nice, partager cet espoir et préparer l'élection présidentielle dont va dépendre l'avenir et, je l'espère, la reconstruction de notre pays.Source http://www.bayrou.fr, le 19 mars 2007