Déclaration de M. Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances, à France 2 le 16 mars 2007, sur les raisons de son soutien à la candidature de F. Bayrou pour l'élection présidentielle.

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Média : France 2

Texte intégral

Q- Bonjour à tous, bonjour A. Begag. Vous avez dit l'autre jour que la candidature de F. Bayrou était salutaire pour la démocratie, en clair, cela veut dire que vous soutenez F. Bayrou ?
R- Oui, c'est le seul candidat aujourd'hui que je puisse soutenir. On verra un petit peu, dans quelques jours, les modalités de ce soutien.
Q- Alors pour quelles raisons est-ce que vous le soutenez ?
R- Parce que je considère que la démocratie ce n'est pas la tyrannie de la bipolarisation, ce n'est pas le PS, l'UMP. La démocratie cela commence à trois et quand on offre un choix politique à trois, eh bien c'est plus conforme à la diversité française. Je trouve aussi, voilà, les Français en ont marre aujourd'hui - mais c'est très clair dans le métro, c'est très clair dans la rue - de ce clivage gauche-droite, ils ont envie d'essayer quelque chose avec des gens nouveaux et un langage nouveau. Vous avez vu l'accueil que Bayrou a reçu dans le 9-3, il y a quelques jours ? C'était spectaculaire. J'ai l'impression...
Q- Le 9-3, la Seine Saint-Denis. Précisons pour ceux qui ne sont pas de la région.
R- Pour les Lyonnais, dont je suis. Vous avez vu, moi j'aime bien cette idée gaulliste qu'une élection présidentielle c'est la rencontre d'un homme et d'un peuple. Et là, j'ai l'impression qu'il y a une rencontre qui est en train de se produire effectivement avec un troisième type, c'est la rencontre du troisième type.
Q- C'est la rencontre du troisième type, comme au cinéma.
R- Non, comme dans la réalité, et le troisième type c'est Bayrou.
Q- Vous dites que F. Bayrou c'est un homme nouveau, ce n'est pas ce que disent ses adversaires, qui disent qu'il a été au Gouvernement plusieurs fois et qu'il a participé plusieurs fois à la majorité UMP, enfin RPR-UDF.
R- C'est tout à son honneur. Moi aussi, ce que je fais aujourd'hui dans ce Gouvernement, cela n'appartient ni à la gauche, ni à la droite depuis deux ans, cela appartient à tout le monde : défendre les valeurs telles que l'égalité des chances, la diversité française si chère au président de la République. J'ai ô combien aimé ce discours de dimanche dernier, c'est le discours de protection contre les extrémistes.
Q- Les adieux politiques de J. Chirac.
R- Contre les extrémismes, contre ce poison de l'extrémisme. Le président de la République qui parle de la diversité française, de la richesse de France, de l'égalité des chances. Moi quand j'entends... on peut parler franchement ?
Q- On est là pour ça, c'est les "4 Vérités" !
R- Quand j'entends cet amalgame-là : ministère de l'Immigration - Identité française...
Q- Identité nationale, c'est la proposition de N. Sarkozy.
R- Je trouve que c'est un amalgame indécent. Comment voulez-vous que le ministre de la Promotion de l'Egalité des chances qui défend depuis deux ans la diversité française ne soit pas offusqué aujourd'hui par une association aussi étrange, aussi étrange ! Je ne suis pas stupide et les Français non plus. C'est un hameçon qui vise à aller chercher ce qu'on appelle les brebis égarées du Front national et à les ramener dans le bercail républicain. Parler en particulier...
Q- Et ça, c'est une mauvaise chose cette idée là ?
R- Oui, mais il ne faut pas que cela se fasse au détriment des autres. Parler de moutons égorgés dans les baignoires des appartements HLM pour aller chercher les brebis égarées du Front national - il ne faut pas prendre les Français pour des agneaux !
Q- Ce n'est pas N. Sarkozy qui a fait ça, ce n'est pas N. Sarkozy qui a dit ça !
R- Si, si. Aller chercher les brebis égarées du Front national, on ne compose pas avec les extrémistes quand on est républicain, voilà, on reste dans le centre et on reste dans les valeurs chères à notre pays qui sont notamment les valeurs de la fraternité, les valeurs de l'unité française.
Q- Il y a un sondage ce matin qui montre que 55 % des Français sont favorables à cette idée d'un ministère de l'Immigration et d'Identité nationale et notamment dans les milieux populaires. Qu'est-ce que vous en pensez ?
R- Ils ne savent même pas ce que c'est. Moi j'en ai marre que l'on prenne, depuis vingt-cinq ans, les immigrés pour des boucs émissaires à chaque fois qu'il y a des élections majeures. Ce n'est pas de la chair à canon électorale ces immigrés, c'est des êtres humains et les confronter avec le risque d'altérer l'identité française, cela ne me convient pas du tout et je le crie aujourd'hui, même si c'est tôt le matin.
Q- Alors il y a un paradoxe : c'est que vous soutenez donc F. Bayrou et F. Bayrou a beaucoup critiqué le Gouvernement auquel vous participez.
R- Oh, moi-même, j'ai beaucoup critiqué non ? J'ai beaucoup critiqué des sémantiques en novembre dernier qui ne me plaisaient pas.
Q- Vous n'avez pas beaucoup critiqué D. de Villepin, dont vous êtes très proche.
R- Eh bien oui, ni le président de la République dont je suis très proche.
Q- Mais F. Bayrou l'a fait.
R- Je reste, moi, un chiraquo-villepéniste jusqu'à la fin.
Q- Mais F. Bayrou, lui, il les a critiqués ! T
R- Très bien, moi j'aime bien les gens qui critiquent, j'aime bien les gens qui critiquent, parce que j'aime bien les gens qui ouvrent leur gueule, voilà. Qui ouvrent leur gueule et qui restent, et qui persistent, parce qu'ils ont des convictions.
Q- Alors vous êtes pour l'instant le seul membre...
R- J'ai apporté ça.
Q- Alors qu'est-ce que c'est ?
R- Je l'ai toujours dans ma poche depuis deux ans, c'est un miroir. Et à chaque fois que je parle, que je m'exprime, je rentre chez moi à Lyon, je me regarde dans le miroir et je me dis : est-ce que je suis reconnaissable, est-ce que c'est moi A. Begag, celui qui était avant, né dans un bidonville, grandi dans les HLM, et qui aujourd'hui est fier de se regarder ? Eh bien cela marche toujours voilà, c'est ça, c'est mes convictions ça.
Q- Vous dites que vous êtes chiraquo-villepéniste. D. de Villepin, lui, il a choisi de soutenir N. Sarkozy, est-ce que vous comprenez cette démarche ?
R- Oui, eh bien oui, parce qu'il est à l'UMP, donc, il est membre d'un parti. Moi je suis un homme libre, j'ai un esprit libre, je suis un critique de l'intérieur. Mon idée c'était d'oxygéner le Gouvernement pour apporter des billes, de manière à faire fructifier l'action du Gouvernement en termes de lutte contre les discriminations.
Q- Vous pensez que cela a été une réussite de ce point de vue ?
R- Tiens ! Vous êtes à la télévision.
Q- C'est vrai.
R- Il paraît qu'il y a au CSA, pour la première fois de l'histoire du CSA, R. Arhab qui a fait son entrée dans cette belle institution, ça c'est de la diversité.
Q- Et c'est grâce à vous ?
R- Non, c'est grâce à la loi Egalité des chances, c'est grâce, oui, à l'action que nous avons poussée sur le terrain de la diversité. Faire comprendre au plus haut niveau qu'on a besoin à la télévision française de voir de la diversité, des gueules nouvelles, pas autant que dans l'équipe nationale de football, on ne va pas aller jusque là, mais enfin, un peu quoi, juste pour dire, là : il y a des gueules nouvelles à la télévision.
Q- Vous êtes très sévère avec N. Sarkozy.
R- C'est moi qui suis sévère ?
Q- Est-ce que vous êtes sévère aussi avec S. Royal ?
R- Je n'en parle même pas des socialistes, je ne les compte pas moi. Les socialistes qui en 81 ont prévu de faire la France Black-Blanc-Beur, en vingt-cinq ans, ils n'ont pas pu trouver un seul Arabe, ni un seul Noir pour en faire un candidat ou un député à l'Assemblée nationale. La traîtrise, l'hypocrisie socialiste depuis 81, je n'en parle pas.
Q- Vous n'allez pas vous faire que des amis.
R- Si, parce que j'ai fait une rupture tranquille, moi aussi, tranquillement.
Q- Avec qui ?
R- Avec ce qui ne me plaisait plus, mais en tous les cas, je ressors mon miroir : avec lui, je n'ai pas fait de rupture, je suis resté dans l'axe de mes convictions. J'avance toujours avec mes convictions devant moi, pas derrière, devant moi.
Merci A. Begag. William c'est à vous.
Q- W. Leymergie : Ben oui, je suis un peu inquiet : les vieilles, il a dit, "les vieilles gueules de la télé", il n'en veut plus, je le sens bien ça, c'est sous-jacent.
Non, non, mais il y en a dont on a besoin de leur expérience et de leurs compétences, William.
W. Leymergie : Merci beaucoup, je ne me sentais pas bien sur mon fauteuil. Bon, parfait, je reste. Messieurs, merci de votre visite au revoir.

Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 16 mars 2007