Texte intégral
Aujourd'hui est un jour de fête. Nous sommes réunis comme une famille pour célébrer un anniversaire. Celui de notre belle académie de Guyane.
10 ans !
10 ans de travail au service de la réussite des élèves de Guyane. 10 ans de travail au service du progrès.
Je sais à quel point vous tous ici vous avez désiré cette naissance. Il s'agissait alors de prendre en compte au mieux les spécificités guyanaises, de créer une structure de plus grande proximité, attentive aux besoins de la société, à ses particularités démographiques et culturelles.
10 ans, ce n'est pas l'âge de la maturité. Mais c'est un âge où bien des choses sont déterminées déjà: la vigueur, l'esprit, la capacité à se projeter dans le futur. A ce bel âge de dix ans, l'Académie de Guyane offre un visage fait de jeunesse et de vaillance. Ses problèmes sont des problèmes de jeunesse. Ses réussites sont celles de l'aube d'une vie.
En dix ans, bien des choses ont été accomplies. Plus d'un millier de postes ont été créés. Les collectivités, par leur mobilisation au quotidien et avec l'aide de l'Union européenne et de l'État, ont créé des dizaines d'écoles, de collèges et de lycées. Il y a aujourd'hui deux lycées à Saint-Laurent du Maroni, demain davantage. Partout, les collèges se sont installés : de Saint Laurent à Saint Georges en passant par Sinnamary et Iracoubo. De Maripasoula à Grand Santi, en passant par Papaïchton.
Les écoles sont présentes jusque dans les sites les plus isolés, comme à Saül dont j'ai pu admirer les réalisations hier dans un reportage, ou à Camopi où je me rends cet après-midi. C'est l'ensemble du territoire guyanais qui se trouve ainsi quadrillé par les institutions d'éducation pour le plus grand profit de tous.
En constatant cela, je veux d'abord rendre un hommage. Hommage à la population guyanaise qui, dans un bel ensemble, relève le défi de l'éducation. Hommage à toute une tradition de l'éducation en Guyane faite d'instituteurs, d'institutrices, de professeurs totalement dévoués à leur tâche et dont certains ont donné leur nom à de nombreux établissements de Guyane. Ces hommes et ces femmes sont l'honneur de l'histoire guyanaise, de l'histoire de la République française.
Hommage à tous les acteurs de l'Éducation: ces enseignants qui n'ont pas peur d'affronter la réalité avec toutes ses difficultés mais qui trouvent un bonheur sans égal à éduquer, à instruire; ces enseignants qui donnent le meilleur d'eux-mêmes à des enfants pour qui ils sont la présence vivante de la République.
Je pense aussi aux personnels administratifs: créer un nouveau rectorat, au propre comme au figuré, ce n'est pas simple. Il y faut de la volonté, parfois de l'abnégation. A Cayenne, certains ont dû travailler dans des conditions difficiles sans pour autant faillir dans l'accomplissement de leur mission de service public. Eh bien, en ce dixième anniversaire, l'arrivée d'un nouveau bâtiment vient consacrer et récompenser tous ces efforts.
Dans quelques semaines, le nouveau rectorat que je visiterai tout à l'heure ouvrira ses portes. Il sera un cadre de travail parfaitement adapté pour les personnels et permettra de rendre un service de qualité au public, c'est-à-dire aux élèves, à leur famille et à l'ensemble des membres et des partenaires de l'Éducation nationale. Peut-on rêver d'un plus bel accomplissement ? D'une plus belle preuve que l'Éducation nationale en Guyane avance, progresse et ouvre des perspectives ? D'une plus belle preuve de l'engagement de l'État à suivre ce développement considérable.
Mais le plus important, c'est ce qui n'est pas matériel. Nous pourrons avoir les plus beaux bâtiments administratifs, les plus beaux établissements scolaires. Si nous n'y insufflons pas les éléments de la réussite de l'enfant, cela ne servira à rien.
C'est pourquoi cette académie doit être organisée selon des perspectives claires, selon des objectifs mobilisateurs et partagés. C'est le sens du projet académique dont vous vous êtes dotés et que j'ai pu apprécier déjà lors de ma précédente venue en Guyane. Je sais qu'il est le fruit d'une vaste concertation et qu'il est structuré selon les termes de notre belle devise républicaine. Il est, déjà pour ces deux raisons, le reflet de la politique et de la méthode que j'ai voulus pour l'Éducation nationale dans toute la France.
La liberté, c'est celle que donne l'école à tout enfant en lui apprenant à se réaliser en tant que personne, en tant que citoyen, en tant que professionnel.
Vous savez à quel point j'insiste à l'échelle nationale sur la fonction vitale de l'école qui est d'abord d'apporter les savoirs fondamentaux aux enfants. Lire, écrire, compter, c'est essentiel. C'est la base de tout ce qui suivra ensuite. Et on le sait bien en Guyane. Combien d'entre vous doivent leur formation, parfois même leurs valeurs, à des professeurs qui avaient chevillée au corps cette mission principale.
C'est parce que l'école est résolument tournée vers la modernité qu'elle doit justement reposer sur des fondations sûres. C'est le sens du socle commun de connaissances et de compétences inscrit désormais dans la loi et qui est le point de repère de tout notre système éducatif. Il s'agit tout simplement de la définition de ce que chaque élève de France doit savoir à l'issue de sa scolarité à l'école et au collège. Il s'agit aussi de repérer le plus tôt possible un retard que l'élève a pu prendre de façon à lui apporter une aide individualisée : ce sont les Programmes personnalisés de réussite éducative, qui commencent à se développer en Guyane, comme dans toute la France.
Dans ce nouveau contexte, ce que vous appelez « l'école de la Réussite » dans votre projet académique est essentiel. De la maternelle à l'université, on doit se donner les moyens d'une progression : maîtriser les savoirs fondamentaux dès l'école primaire, faire accéder au moins 50 % des élèves en seconde générale et technologique, satisfaire la demande de place en enseignement professionnel.
Cela suppose aussi un lien étroit avec le monde économique. Je sais à quel point le recteur y est attaché et je rends hommage aux initiatives qu'il a prises dans ce sens.
Tous ces efforts pour la réussite doivent culminer aussi dans un épanouissement du système universitaire. L'Université peut jouer un rôle matriciel pour le développement de l'éducation en Guyane, et même pour le développement en général. Il y a un instant, j'ai posé la première pierre du futur I.U.F.M. qui sera le premier bâtiment du futur Pôle Universitaire Guyanais. Là encore, nous avons une illustration de l'Éducation en marche. Les centaines de professeurs que la Guyane doit former auront un cadre de travail adapté. Ils seront physiquement au coeur de l'université, du pôle universitaire guyanais, ce qui illustre parfaitement la réforme que je mène en ce moment d'intégration des I.U.F.M. aux universités. La réforme de la formation, consacrée il y a quelques semaines par un nouveau cahier des charges, se traduira par un cursus à la fois plus approfondi et plus pratique. C'est exactement ce dont ont besoin les enseignants d'ici pour être bien préparés aux spécificités des classes où ils enseigneront.
L'École de la réussite, c'est aussi l'école de l'innovation. Et la Guyane est une grande terre de science et d'innovation. C'est pourquoi j'attache une grande importance à la présence de la culture scientifique et technologique dès le plus jeune âge. C'est pourquoi je favorise et stimule les accords avec les grands organismes scientifiques, comme celui que je viens de signer avec le CNES et dont vous avez une très belle avant-garde ici avec l'accord signé entre le rectorat et le Centre spatial guyanais.
Tout à l'heure, je remettrai des clés U.S.B. à des enseignants, comme j'ai eu l'occasion de le faire aussi en métropole. Ce geste doit être vu comme un symbole et aussi comme un acte très concret d'évolution de nos pratiques pédagogiques tenant compte de l'importance cruciale des nouvelles technologies dans nos vies et dans celle de nos enfants. La technologie doit être au service de la pédagogie. Cela passe aussi bien par des clés USB contenant les références adaptées dont un professeur a besoin, que par la généralisation d'internet, y compris dans les sites isolés. Déjà, grâce au volontarisme dont vous avez fait preuve, internet est à Camopi et à Loka. Bientôt, ce sera généralisé sur la plupart des sites des deux fleuves. Rompre l'isolement au bénéfice d'un développement bien conçu sur les fleuves, voilà une des nobles missions auxquelles l'Éducation nationale prend toute sa part.
L'École donne les moyens de la liberté. Mais cela ne prend tout son sens que si elle est l'école de l'Egalité. C'est votre deuxième axe. C'est aussi le mien. L'égalité des chances est en effet au coeur de la politique que j'ai menée à l'Éducation nationale.
Ici, cela commence par un objectif fondamental : scolariser tous les enfants. La tâche est immense en raison de l'essor démographique. Mais elle n'est pas impossible comme nous l'avons démontré au cours des dernières années. La création d'un observatoire de la non scolarisation associant tous les partenaires -élus, institutions, syndicats, associations- a permis de cheminer vers une évaluation précise du phénomène et de commencer à l'endiguer. Il y avait environ 3300 enfants non scolarisés il y a encore un an. Ce chiffre est descendu en-dessous de 3000 aujourd'hui grâce au volontarisme de tous les acteurs.
Nous n'acceptons aucune fatalité en la matière. Et nous avons prouvé que le progrès est possible.
L'égalité des chances passe aussi par le renouveau de l'éducation prioritaire : il faut donner plus à ceux qui en ont le plus besoin. La Guyane est l'académie de France où il y a la plus grande proportion d'élèves d'origine sociale défavorisée. C'est pourquoi elle est aussi l'une des premières pour le développement des « réseaux ambition réussite ». Il y en a douze aujourd'hui et cela a permis de concentrer plus de moyens, en professeurs, en assistants pédagogiques, sur les collèges et les écoles qui en avaient le plus besoin. C'est aussi l'occasion de définir des domaines d'excellence, de choisir des parrains et marraines, de tirer tout vers le haut par une culture du projet et de la réussite. Je salue le dynamisme dont il a été fait preuve. Le sport, la musique, les langues, les sciences.
Autant de domaines d'excellence qui ont été choisis avec soin et enthousiasme par les équipes éducatives. Cette dynamique porte aujourd'hui ses premiers fruits et je veux m'en réjouir avec vous.
C'est parce que nous aurons réussi l'école de la liberté et l'école de l'égalité que nous aurons l'école de la fraternité.
En Guyane, cette cause est essentielle. Lorsque l'on regarde la diversité d'origine des enfants, on ne peut que souligner le rôle vital que joue l'école comme creuset républicain. L'École apporte un langage commun, des règles de vie commune, à l'opposé de tout communautarisme. Et cet apprentissage de la vie commune repose justement sur le respect des origines de l'enfant. Tout homme doit savoir d'où il vient et où il va. L'école doit faire sentir à l'enfant la fierté qu'il peut tirer de ses origines aussi bien que l'avenir que lui ouvre son appartenance à la Nation.
C'est pourquoi j'attache une grande importance au respect des langues et des cultures qui font la richesse de la Guyane. La place du créole est ainsi consacrée tant à l'I.U.F.M. que dans de nombreuses classes. Les langues amérindiennes et bushinenguées sont elles aussi respectées et promues, notamment à l'école maternelle. Je salue le travail accompli en ce sens par les médiateurs culturels et je me félicite de la convention conclue récemment entre le rectorat, l'I.U.F.M. et l'I.R.D. qui va permettre de développer davantage encore leur formation et leur action.
L'ouverture vers les voisins de la Guyane est un aspect complémentaire de ce grand défi de la fraternité. La question de l'immigration est dans tous les esprits parce qu'elle modifie profondément les équilibres de la société. Mais nous savons bien que le défi principal en la matière est celui du co-développement de nos voisins. C'est pourquoi je soutiens avec vigueur les initiatives qui permettent d'envisager les questions d'éducation en relation avec les voisins. Le projet de développement d'écoles sur la rive surinamienne du Maroni est à poursuivre. Les accords avec les États frontaliers du Brésil doivent aussi permettre des échanges et de proposer ensemble dans les instances internationales des projets de développement.
La Guyane doit exporter le développement et non importer le sous-développement. C'est le sens de tous les projets que l'on peut porter pour le futur.
On retrouve ici le rôle essentiel que pourra jouer le pôle universitaire guyanais, à partir de domaines d'excellence, comme l'étude de la biodiversité, qui lui assureront un rayonnement international et un impact sur l'économie guyanaise.
Chers Amis, on pourrait parler longuement encore des réalisations et des perspectives de l'Éducation en Guyane. Les défis sont considérables. Les insatisfactions sont encore nombreuses. Il reste tant à faire. On doit par exemple tout faire pour qu'il n'y ait plus de jeunes sortant, sans qualification et sans place, du collège. On doit veiller à éviter les classes surchargées.
Mais à coeur vaillant, rien d'impossible. Et la Guyane ne manque pas de vaillance.
Je voudrais terminer en vous renouvelant l'assurance que l'État sera à l'avenir, comme par le passé, aux côtés de l'Académie et des collectivités pour assumer les défis de la croissance du système éducatif.
D'ici à 2013, de nombreux écoles et établissements devront voir le jour. Le Conseil régional, le Conseil général et les maires ont des projets précis en la matière.
Je veux les assurer aujourd'hui de l'engagement de l'État pour la réalisation du plan exceptionnel d'investissement qui sera nécessaire. L'État apportera sur six ans, de 2008 à 2013, 90 millions d'euros pour la construction d'écoles, de collèges et de lycées. Cela s'ajoute aux 33 millions d'euros apportés par l'Europe, ainsi qu'aux 12 millions d'euros apportés par l'État en 2007 pour les constructions scolaires, soit en tout 135 millions d'euros. La répartition de ces moyens fera l'objet d'un accord entre le préfet, le recteur et les élus.
Le Conseil régional pourra ainsi construire les cinq lycées nécessaires pour la jeunesse de Guyane.
Le Conseil général pourra aussi construire les dix collèges qu'il a programmés.
Et les communes aussi seront aidées pour leurs nouvelles écoles.
Cet effort exceptionnel est adapté à la situation guyanaise. L'Éducation nationale le fera. C'est un engagement que je prends. Le Président de la République lui-même, Léon Bertrand le sait, y est très attentif.
Ce sont des montants considérables mais l'État sera au rendez-vous de ce grand enjeu de l'avenir de la Guyane.
Je suis heureux d'avoir pu célébrer avec vous un tel anniversaire. Je suis heureux d'avoir pu le faire aussi d'une façon très concrète en constatant les progrès accomplis et en prenant de nouveaux engagements.
J'ai confiance dans le bel avenir de cette académie parce que j'ai confiance en vous.
Je vous remercie.Source http://www.education.gouv.fr, le 21 mars 2007