Déclaration de Mme Michèle Alliot-Marie, présidente du RPR, sur le bilan des élections municipales pour la droite et la nécessité de faire une union durable de l'opposition, Paris le 25 mars 2001.

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Circonstance : Réunion des cadres du RPR à Paris le 25 mars 2001

Texte intégral

Il y a des noms de villes qui sonnent particulièrement fort et clair, ces jours-ci, à nos oreilles : Argenteuil, Beauvais, Bourg-en-Bresse, Caen, Dieppe ; et aussi Evreux, La Ciotat, Mâcon, Montauban, Nîmes, Orléans, Plaisir, Quimper ; sans oublier Saint-Denis et Saint-Pierre de la Réunion.
Vous m'en excuserez : sauf à y passer une pleine journée, je ne puis citer, ici, que les villes de plus de 30 000 habitants et les chefs-lieux de départements gagnés par notre Mouvement.
La victoire, dans son étendue, est plus belle encore : dans l'ensemble des villes de plus de 3 500 habitants, le maelström rose-vert-rouge que l'on nous avait promis s'est transformé en un timide filet d'eau. Ce à quoi nous avons assisté, c'est à une belle, forte et revigorante vague bleue.
Notre droite parlementaire a été, au second tour des élections municipales, largement majoritaire, recueillant 51,4 % des suffrages exprimés alors que la gauche dite " plurielle" n'en obtenait que 46,2 %.
Certes, il y a Paris et Lyon : ce sont des cas symboliques, mais ce sont néanmoins des cas particuliers, particularité de la Loi Deferre qui conduit à l'élection de maires socialistes, alors que la majorité des électeurs a voté à droite et au centre ; particularité aussi de l'étalage désespérant des querelles, des ambitions personnelles, de la violence des attaques au sein de son propre camp, qui ont profondément désorienté nos électeurs.
Mais moi, qui suit profondément ancrée dans notre province, je le répète depuis mon arrivée à la tête de notre Mouvement, Paris n'est pas la France. Même si les médias nationaux parlent naturellement davantage de Paris où leur siège est implanté, n'oublions pas Marseille, Toulouse, Strasbourg !
N'oublions pas l'ensemble de nos provinces, qui font notre pays, dans leur diversité. Diversité : beau mot et belle idée j'y reviendrai.
Partout, les électeurs ont fait bloc derrière les candidats que nous avions investis, dans lesquels nous avions placé notre confiance, que nous avons aidés de toutes nos forces, que nous avons aussi, pour certains, initié à la campagne électorale au cours de plus de 60 sessions de stages qui ont permis de former plus de 5.000 futurs candidats.
Alors, permettez-moi de le dire sous cette forme volontairement provocatrice : oui, lorsqu'elle le désire vraiment, la droite peut perdre
La démonstration par l'absurde est faite, elle est imparable : lorsque l'opposition s'ingénie à privilégier les querelles de personnes sur des idées, lorsqu'elle se renie et finit par enterrer le projet sous l'ego, alors, bien que le pays dans ses profondeurs lui soit favorable, se perdant elle-même, elle perd ses électeurs...
Mais lorsque nous présentons des candidats sûrs de la justesse de leur tâche, nourris de nos idées et concrets dans leur action, unis au deuxième tour, si deuxième tour il y doit avoir, quelles que soient les difficultés du premier, alors nous gagnons !
Dans un proche avenir, voulons-nous perdre ?
Voulons-nous gagner ?
De qui cela dépend-il ? De nous !
Aujourd'hui, nos adversaires sont affaiblis car les Français prennent conscience de leur réalité. Les querelles de personnes sont parfois un poison pour la droite, mais la gauche n'en est pas dépourvue non plus à en juger par ses règlements de comptes actuels.
Elle est de plus, en passe de mourir faute d'idées, faute de projet et faute d'attention aux gens. Le mouvement est à droite, la jeunesse est à droite, l'immobilisme à gauche.
Nous verrons aussi comment M. Jospin saura faire face à la montée des mécontentements divers qu'il a lui-même provoqués, en n'étant pas avare de promesses mirifiques qu'il n'a pas su tenir : chez les infirmières, les magistrats, les fonctionnaires, les agriculteurs et d'autres, dans les classes les plus populaires, qui nous entendent à nouveau, entendons-les, la colère gronde. Le principe de la poudre aux yeux ne peut avoir qu'un temps.
Est-il tolérable, alors que pendant quatre ans, le gouvernement a profité d'une croissance inédite, que la pression fiscale en France soit restée à ce point confiscatoire ? De saupoudrage électoraliste, en coût de mesures démagogiques, en laisser-aller de déficits, l'argent a filé au lieu de revenir aux Français, dont les efforts avaient pourtant permis le redressement du pays au lieu de les mettre à l'abri d'une éventuelle récession.
Aujourd'hui, non seulement le gouvernement a relâché ses efforts sur la diminution du déficit public, mais on a récemment découvert, grâce au travail d'un sénateur RPR, Charles Descours, qu'il ne parvient même pas à boucler le financement du dispositif des 35 heures ! Tout cela n'est pas sérieux. Tout cela est inconscient à l'heure où les perspectives de croissance ne nous promettent plus forcément des lendemains qui chantent. Nous devons le répéter car nous savons maintenant que nous sommes écoutés : en 2001 on risque bien de rejouer 1991, cette année noire qui, avec la gestion ruineuse - déjà ! - des socialistes, a été responsable de la gravité de la crise dont notre pays a souffert entre 1992 et 1997. L'électoralisme étroit n'illusionne plus personne.
Est-il digne, de même, de présenter entre les deux tours des municipales des mesures censées améliorer la sécurité de nos concitoyens - je devrais plutôt dire, d'ailleurs, des mesurettes, tant les élucubrations de M. Vaillant sont creuses et resteront sans effet -, pour aller à la pêche aux voix ?
Est-il digne, à l'inverse, de tenter de cacher aux Français quelques jours de trop une hausse de l'essence, incompréhensible à l'heure où les prix du pétrole ont baissé de 20 %, mais directement due à la dernière usine à gaz en date des socialistes, l'inénarrable " TIPP flottante " ?
Mais assez parlé de la coalition hétéroclite rouge-vert-rose !
En ce qui nous concerne, alors, oui, les résultats des élections municipales peuvent et doivent nous rendre optimistes - raisonnablement optimistes, et non pas trop confiants en nous : ne tombons pas dans le travers de M. Jospin ou de M. Hollande.
Ces résultats rétablissent plutôt une image plus juste de la réalité du pays après un matraquage de sondages et de commentaires qui nous jugeaient définitivement moribonds.
Ces résultats nous ouvrent largement le champ des possibles pour les législatives et la présidentielle de l'an prochain.
On m'accordera que, contre vents et marées, contre la docte science des sondeurs et l'opinion partisane des médias, je n'ai cessé de le marteler depuis plusieurs mois. La droite est majoritaire en France.
Il n'y a pas eu pour nous de divine surprise, il y a le résultat d'un travail courageux et opiniâtre des candidats que nous avons investis sur le terrain, il y a la rencontre de nos idées et des aspirations des Français : aspiration à plus de sécurité dans leur vie quotidienne, à plus de proximité avec leurs élus, à plus de qualité de vie, à une relation plus équilibrée avec l'Etat, à plus de confiance en soi et envers les autres.
Quel enseignement devons-nous tirer, du scrutin de dimanche dernier ? Que lorsque nous avons su, à partir de la base, réaliser l'union de nos sensibilités, nous avons gagné, que lorsque nous avons su présenter des candidats nouveaux par leur âge et par leur personnalité opposée à celle de caciques socialistes ou communistes, nous avons gagné ;
Que lorsque nous avons su, en l'adaptant à chaque ville, proposer un projet clair, proche des préoccupations des Français, généreux et modernes, nous avons gagné.
Nous avons réussi à présenter 93 % de listes communes RPR, UDF et DL, et nous avons vu le résultat. Sur les 280 villes de plus de 30.000 habitants, il y a eu au total une dizaine de primaires.
Tirons-en les conséquences, la droite doit s'unir toujours davantage. Elle doit s'unir non pour enrégimenter les personnalités, non pour se réduire au plus petit commun dénominateur des idées, mais pour s'enrichir de ses diversités.
Nous pouvons nous unir parce que la droite est non pas plurielle, mais diverse. Dans le creuset de cette diversité, naît sa capacité, toujours renouvelée, à répondre aux attentes du pays. C'est en cela que j'affirme que le gaullisme n'est soluble ni dans l'eau tiède, ni dans un programme minimum. Nos idées, nous en sommes fiers, et nous les apportons à la contribution d'un projet commun, riche et moderne.
Ce projet doit correspondre à une rénovation attendue par les Français de la vision et des propositions politiques. Le monde bouge, la France bouge, les entreprises bougent, les esprits bougent. Il est de notre devoir de faire bouger aussi les clivages idéologiques dépassés, les méthodes politiques obsolètes.
Notre message doit dépasser une référence étroite au libéralisme du début du 20 ème siècle. pour valoriser la liberté individuelle.
Notre message doit apporter une vision sociale qui ne soit pas non plus celle d'un socialisme ringardisé et vaguement adapté.
Notre message doit concevoir une charte environnementale qui ne soit pas un écologisme partisan et borné.
Notre message doit mettre en avant une conception humaine de l'évolution. Oui, l'Homme, le souci de l'homme, l'attachement à la personne humaine, à son épanouissement, à son respect, à sa liberté, sont non seulement notre motivation et notre obsession, mais ils sont le cur de notre projet. Nos électeurs nous ont bien compris quand ils ont revendiqué par leur vote, la proximité, l'écoute, la sécurité, la qualité de vie.
Certains s'étaient préparé pour exploiter un lendemain de défaite. Aujourd'hui, ils semblent déçus et tentent de rabaisser la victoire pour y trouver la justification de leur attente démentie par les urnes.
Mais vos victoires sont les vôtres. Elles vous appartiennent, personne n'a le droit de vous en contester la saveur.
Laissons les autres jouer les amers ou les blasés. Sachons y puiser, au contraire, l'élan qui nous conduira aux nouvelles réussites. Tirons-en les leçons pour aller vers des victoires futures.
La première leçon, c'est que la pensée unique et les modes parisiennes du dénigrement, nous n'en avons rien à faire.
La seconde leçon, c'est que les électeurs ont envie d'un personnel politique qui fonctionne sur de nouveaux ressorts. La politique depuis de nombreuses années manque de générosité vraie, de désintéressement sincère, d'élus et de responsables dont la motivation essentielle ne soit pas leur " petit moi ", leur promotion, leur nomination à une fonction supérieure, leurs perspectives de carrière, mais le sens du service des autres et de l'intérêt général.
Nous avons un devoir : celui de faire à nouveau, dans la tradition gaulliste, du sens de l'intérêt général, de la considération des autres, le but et la grandeur de notre tâche.
Assez de nombrilisme, de carriérisme, de l'ambition personnelle, qui fait perdre tout son camp.
Les électeurs l'ont dit : ils veulent des candidats qui incarnent une autre façon de faire de la politique, plus désintéressée, plus soucieuse des autres. A nous de mettre en avant cela.
La troisième leçon, c'est celle de la nécessité d'une union qui ne soit pas un montage artificiel et éphémère, mais une vraie et sincère confédération des talents et des efforts, qui exclue les arrière-pensées. Une confédération qui tirera sa légitimité, sa force et sa pérennité des militants et de nos électeurs.
C'est à eux aussi que nous devons nos victoires, celles d'aujourd'hui et celles de demain.
(source http://www.rpr.org, le 27 mars 2001)