Texte intégral
Je suis particulièrement heureux d'être avec vous aujourd'hui, à Ajaccio, sur cette île de Beauté, sur votre île, fierté de la France, fierté de la Méditerranée. Fille de la France depuis 1789 - et le jour où votre député Salicetti, délégué à l'Assemblée des Etats Généraux, obtint que les Corses soient régis par la même Constitution que les autres Français - elle en a vécu les grandes heures et, avec Napoléon Bonaparte, elle en a même écrit un très grand chapitre. Fille de la France, mais aussi profondément, naturellement, chaleureusement, terre de liberté, de cette liberté chevillée au corps, au coeur et à l'esprit, qui est votre héritage, votre histoire et votre fierté. Terre de volonté, de courage, d'amitié et d'hospitalité. En Corse, l'on sait le prix des valeurs de la République. La Corse est une terre qui a enfanté tant de héros, tant de patriotes, tant de serviteurs du bien commun.
On sait, en Corse, ce que c'est que l'égalité et la fraternité, l'universalité et la ruralité, l'unité et la diversité, l'identité et la liberté. Tant de Corses n'ont pas hésité à sacrifier leur vie pour cette liberté, lors des combats décisifs, aux heures les plus sombres de notre histoire, lors de la première guerre mondiale, qui laissa la Corse exsangue, et, bien sûr, lors de la Seconde guerre mondiale, en organisant la résistance dans les maquis. Nous n'oublions pas que la Corse fut la première Région de France libérée. La France, la République, la liberté, savent ce qu'elles doivent à la Corse.
Votre patrimoine, c'est d'abord cet héritage des valeurs que vous ont légué vos pères et l'ensemble des générations qui se sont succédées sur cette terre, au coeur de la mer, depuis la plus haute antiquité, en forgeant votre identité et votre culture, et en l'enrichissant de leur travail et de leurs
créations.
C'est pourquoi le patrimoine culturel est une richesse inestimable, un véritable capital qu'il faut préserver et mettre en valeur, un capital d'avenir.
Qu'il soit monumental, ou mobilier, il est, tout comme la langue, la littérature, la musique, les traditions, les savoir-faire, votre bien commun, constitutifs de l'identité et de la cohésion de votre société.
Oui, la Corse assume pleinement, librement, fièrement, cette histoire, son histoire, notre histoire, car c'est aussi celle de la Nation. Et je suis très heureux d'apporter aujourd'hui avec vous tous ma contribution à l'écriture d'une nouvelle page de notre histoire commune, en signant la Convention pour la promotion de l'action culturelle et du patrimoine, qui est à la fois le fruit et la promesse d'un travail durable et harmonieux entre l'État et la Collectivité Territoriale de Corse dans le domaine de la culture.
Votre région est depuis longtemps un modèle de dynamisme et d'équilibre en la matière : dès la promulgation des lois de 1983 sur la décentralisation, la Corse a été l'une des premières régions à demander et à réaliser le transfert des compétences culturelles auparavant réservées à l'État. C'est donc tout naturellement, dans le droit fil de cette évolution, que la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse a attribué la définition et la mise en oeuvre de la politique culturelle à la Collectivité Territoriale de Corse, en concertation avec les départements et les communes, et avec l'accompagnement de l'Etat. Cet accompagnement régulier a donné lieu à de nombreux échanges, dans les dernières années, entre le conseiller territorial en charge de la culture, Simone Guerrini, et le directeur régional des affaires culturelles, François Rodriguez-Loubet, chacun entourés de leurs services ; c'est leur collaboration et leurs efforts qui aboutissent aujourd'hui avec la signature de cette convention, approuvée par le Ministère et par l'Assemblée de Corse dans le courant de l'été 2006.
La signature de cette convention est un événement exceptionnel : ce document capital définit le cadre d'un partenariat cohérent et équilibré entre l'État et la Région, sur la base d'une claire répartition des rôles, des obligations et des responsabilités réciproques. C'est dans le souci de promouvoir toujours mieux le patrimoine corse et la culture sous toutes ses formes, auprès de tous les publics, au niveau territorial, national et international, que nous voulons nous engager clairement et explicitement à poursuivre et à développer ce dialogue qui s'est noué entre l'État et la Région.
L'État ne se désengage pas, comme je l'entends dire trop souvent : s'il l'avait voulu, il aurait pu réduire son rôle à une veille, à une observation passive des politiques mises en oeuvre par les collectivités locales en matière culturelle, et à l'accompagnement dispersé de certaines de leurs actions. En réalité, ce n'est pas du tout ainsi que je comprends la décentralisation culturelle, et ce n'est pas ainsi qu'elle se déroule - et votre région en est le meilleur exemple. L'État ne se désengage pas, il tient ses engagements, il les renouvelle et les intensifie : je me suis ainsi récemment engagé à soutenir deux grandes réalisations pilotées par la Collectivité Territoriale de Corse entre 2007 et 2013, que sont d'une part la création d'un centre de conservation préventive du patrimoine, à Calvi, et d'autre part la rénovation du couvent Saint François, à Bastia, qui accueillera l'École nationale de musique et de danse, le Fonds Régional d'Art Contemporain, et le Centre méditerranéen de la photo. Ce sont ainsi plus de quarante millions d'euros qui sont apportés par l'État pour accompagner la création ou la restauration d'équipements culturels, scène régionale, médiathèques, bibliothèque patrimoniale ou structures d'accueil dans des lieux de patrimoine.
L'Etat s'est également mobilisé pour intensifier son action dans le domaine de la recherche archéologique, notamment de la recherche sous-marine sur tout le littoral de la Corse. Je veux d'ailleurs vous faire part d'une bonne nouvelle, emblématique des succès obtenus grâce à une coopération étroite entre le ministère de la Culture et les collectivités locales de Corse : nous touchons à la fin de l'inventaire des objets provenant des fouilles menées depuis 1978 par l'Archéonaute, navire de recherches du ministère, sur les centaines d'épaves aujourd'hui répertoriées dans les eaux corses. Nous allons donc pouvoir engager très prochainement, afin que les collections passionnantes ainsi réunies puissent être exposées dans des locaux appropriés, permettant à la fois la poursuite des études scientifiques sur les objets, leur conservation et leur présentation à l'ensemble des publics, notamment aux plus jeunes.
De tels résultats sont une preuve exceptionnelle et particulièrement encourageante de l'efficacité et de la fécondité d'un dialogue régulier, d'une coopération soutenue, entre l'État, le ministère de la Culture et de la Communication, la Direction Régionale des Affaires Culturelles, et les collectivités locales et territoriale. Je suis particulièrement sensible aux questions qui touchent votre magnifique région, et j'ai toujours cherché à développer ce dialogue, cette écoute réciproque, ce travail en commun. À la demande de la Collectivité territoriale, j'ai ainsi soutenu très récemment les évènements organisés par la Maison de la Corse, à Paris, à l'occasion de l'anniversaire de la disparition de Pascal Paoli, cette grande figure, universellement connue, du Siècle des Lumières. J'ai tenu également à promouvoir auprès de l'UNESCO l'inscription des polyphonies corses sur la liste du patrimoine mondial : c'est à travers ce partenariat très étroit que nous avons noué avec la Collectivité territoriale de Corse, mais aussi parce que cela répond à ma conviction la plus intime, que je veux continuer à défendre cet héritage musical unique, ce patrimoine exceptionnel que vos artistes savent si bien faire vivre et faire rayonner, en Corse, en France et sur bien des scènes internationales. L'État et la Collectivité Territoriale de Corse ont également su s'associer pour porter le projet de « centre de musiques traditionnelles » du cortenais ; c'est sans doute en particulier grâce à cette longue collaboration que les chants polyphoniques corses, qui portent un peu de l'âme de votre île, sont aujourd'hui appréciés sur tous les continents, depuis les États-Unis jusqu'au Japon.
C'est pour tout cela, pour ces résultats concrets, qu'il serait trop long d'énumérer ici, pour cet enrichissement mutuel, que je veux remercier ici tous les acteurs de cette coopération si féconde. Je ne puis rien souhaiter de mieux que de voir ce dialogue, cette écoute réciproque, ce climat d'entente et de confiance, ce travail commun, se poursuivre et se développer à la faveur de la Convention que nous allons signer maintenant.
Je vous remercie.Source http://www.culture.gouv.fr, le 26 février 2007