Déclaration de M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, sur la sécurisation des parcours professionnels et la validation des acquis de l'expérience, Paris le 13 février 2007.

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Circonstance : Colloque sur la sécurisation des parcours professionnels à Paris le 13 février 2007

Texte intégral


Ces 30 dernières années, la mondialisation des échanges, l'ouverture des marchés, la révolution des nouvelles technologies de l'information et de la communication ont transformé en profondeur les ressorts de l'économie mondiale ainsi que les relations du travail.
Ces évolutions témoignent d'une réorganisation de nos modes de production, qui a permis, depuis 20 ans, de formidables gains de productivité et la sauvegarde de la compétitivité de certaines de nos entreprises.
Beaucoup d'efforts ont été demandés aux salariés en terme de souplesse et de mobilité dans leur carrière. C'était nécessaire compte tenu des nouveaux défis posés par la compétition mondiale. Mais, n'en doutons pas, c'est aussi difficile.
Il est donc de notre responsabilité de réguler l'impact de ces mutations sur la cohésion sociale et d'instituer une véritable sécurisation des parcours professionnels. Dans l'économie de la connaissance et de l'innovation, le facteur humain sera le déterminant essentiel de la compétitivité des entreprises.
Ces dernières années, nous avons déjà mis en place plusieurs outils qui contribuent à la sécurisation des parcours professionnels. S'il reste encore des dispositifs à créer ou à améliorer, nous avons aujourd'hui d'abord besoin d'une doctrine et d'une stratégie pour le faire de manière cohérente. Dans cette perspective, le colloque d'aujourd'hui, qui a été l'occasion de procéder à une analyse approfondie de la question, est une étape importante pour faire avancer cette sécurisation des parcours professionnels.
Je veux donc remercier le Centre d'analyse stratégique, et sa directrice, ainsi que le Conseil d'orientation pour l'emploi, son président et son secrétaire général, d'avoir organisé cette journée.
Une doctrine
C'est en effet le coeur de la mission du Conseil d'orientation pour l'emploi que de confronter les analyses des partenaires sociaux et de personnes qualifiées de la société civile.
Force est de constater une certaine hétérogénéité des positions des partenaires sociaux sur le sujet. Chaque organisation défend un concept un peu différent, mais je crois pourtant qu'un socle commun se dégage et que le terme de « sécurisation des parcours » permet aujourd'hui de rapprocher les points de vue et d'engager le débat.
L'idée générale de la sécurisation des parcours professionnels consiste à créer des droits (accompagnement, formation, rémunération, protection sociale) attachés à la personne et non plus au statut de salarié afin de lisser les transitions entre les emplois au cours d'une carrière professionnelle.
Il s'agit de lisser les mobilités professionnelles, de les inscrire dans un parcours et une carrière, afin de prévenir des inégalités et des périodes de vulnérabilité sociale. Il s'agit surtout de répondre aux inquiétudes que suscite un paradoxe français : nous disposons d'un droit du travail protecteur, nous disposons d'un système d'assurance chômage plutôt généreux ; et pourtant les Français sont marqués par un fort sentiment d'insécurité sociale en ce qui concerne leur emploi.
Il y a là un enjeu politique fondamental qui traduit des inquiétudes quant aux transformations récentes de l'économie mondiale et aux mobilités professionnelles qu'une économie moderne impose.
Les mobilités sont devenue non seulement un fait mais aussi une nécessité. C'est aussi un sujet qui recouvre des réalités diverses : mobilité choisie et mobilité subie ; mobilité interne et mobilité externe ; mobilité professionnelle et mobilité géographique. Le travail accompli par le CAS et le COE sur la question et qui avait été présenté à l'occasion d'un colloque en juin dernier, avait été l'occasion d'avancer sur ce sujet qui constitue une dimension essentielle de la sécurisation des parcours.
Ces travaux trouvent aujourd'hui un prolongement car vous insérez la question des mobilités professionnelles dans un environnement plus global, celui du marché de l'emploi, du droit du travail et de l'accompagnement des demandeurs d'emploi.
Vous avez raison de noter que le terme de sécurisation des parcours mérite d'être mieux défini tant il renvoie à un ensemble de problématiques différentes : la lutte contre la dégradation des carrières, le lissage des transitions et la pérennisation des droits.
Vous avez raison encore quand vous mettez l'accent sur les inégalités de parcours. Que cela soit en raison de la formation initiale ou de l'expérience acquise, en raison du secteur ou de l'âge, les travailleurs français sont confrontés de façon différente aux effets de la mondialisation sur l'emploi et ils ne disposent pas des mêmes atouts pour y faire face.
Je vous rejoins quand vous préconisez d'adopter une stratégie globale. Par sécurisation des parcours professionnels, il est nécessaire d'entendre à la fois la sécurisation des mobilités internes et externes à l'entreprise.
En effet, selon les cas, les outils ne seront pas les mêmes et le rôle principal ne sera pas tenu par le même acteur. Et c'est surtout dans le second cas - la mobilité externe - que l'idée de droits attachés à la personne, et non plus seulement à l'emploi, prend toute sa dimension.
La mobilité interne : d'abord la responsabilité des entreprises
Dans le premier cas - la mobilité interne-, la responsabilité relève d'abord de l'entreprise, même si l'Etat peut encourager certains comportements par des dispositifs incitatifs ou réglementaires.
La problématique est celle de l'internalisation, au sein de l'entreprise, d'un certain nombre de risques pour le salarié et de coûts pour la collectivité. Il s'agit aussi de savoir en faire une chance pour l'entreprise.
L'objectif, c'est de créer de véritables parcours professionnels internes aux entreprises.
1 - A cet égard, la Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences constitue un outil performant et innovant. En instituant une obligation triennale de négociation sur la GPEC au niveau des entreprises de plus de 300 salariés et des branches, le plan de cohésion sociale incite les partenaires sociaux à négocier en amont, « à froid », les évolutions de l'emploi. J'étais particulièrement attaché à ce que ce sujet de la GPEC figure dans la loi de cohésion sociale.
La GPEC doit permettre une anticipation la plus fine possible des transformations prévisible des métiers au sein de l'entreprise. Il s'agit de prévoir quels sont les métiers menacés et ceux qui connaîtront un développement.
Les entreprises seront alors en mesure de mettre en place les formations adéquates afin de préparer les conditions de succès d'une mobilité interne par l'apprentissage de nouvelles compétences, ou bien de donner les moyens aux salariés de se préparer au plus tôt à la perspective d'une mobilité externe. L'affirmation du principe de formation tout au long de la vie évoque clairement la nécessité d'une formation permanente et d'une qualification qui doit se maintenir et s'enrichir de manière continue.
Cette réflexion peut d'ailleurs être étendue aux mobilités au sein des branches, au niveau des territoires et des bassins d'emploi.
Il appartient aux entreprises de se saisir de ces outils. Il semble que ce soit en bonne voie, même si des progrès restent à faire, et des ajustements seront nécessaires au vu de la jurisprudence et des pratiques des acteurs.
2 - A la frontière entre mobilité interne et mobilité externe, se trouve le sujet du contrat de travail et du droit du licenciement.
Il y a dans notre pays un réel besoin de « libération » de la création d'emploi. Le succès du contrat nouvelles embauches le démontre. Cette réforme a ouvert un débat essentiel autour du contrat de travail et de son évolution.
Ce débat n'est pas clos. Les réflexions et propositions ne manquent pas : modification ou extension du CNE, réforme du CDI et du CDD, problématique des emplois précaires, contrat unique... Désormais, tous les éléments sont là pour poursuivre la modernisation de notre système.
Les travaux que vous avez conduits permettent de poser de manière renouvelée cette question. Vous avez comparé au niveau international les formes juridiques du contrat de travail et vous avez mis en évidence que le contrat de travail s'insérait dans un système global. Le contrat de travail ne se réduit pas à une relation individuelle de travail, entre le salarié et l'employeur, mais se situe également dans un cadre collectif. Partout le CDI est la norme, mais partout les conditions de sa rupture s'appuient sur un « dosage complexe » et équilibré entre la durée de la période d'essai, les conditions de validité du licenciement, la durée du préavis, les obligations à la charge des employeurs (reclassement...) et la qualité de l'accompagnement proposé.
Le contrat de travail qui est un des éléments fondamentaux de notre ordre public social doit demeurer la pierre angulaire de la relation du travail. Sa rénovation est nécessaire à l'aune des nouveaux enjeux de la mobilité pour sécuriser les parcours professionnels. C'est par le dialogue social que nous pourrons aboutir sur cette question. J'ai la conviction que nous devons avoir l'ambition de faire du contrat de travail l'instrument d'une conciliation entre la sécurisation interne et la sécurisation externe, un instrument souple qui facilite des carrières dynamiques au sein des entreprises et des groupes et qui offre des droits renforcés en cas de mobilité externe.
La mobilité externe : accompagnement, incitation, coordination, formation
Il convient ensuite de considérer la problématique de la mobilité externe qui est notamment celle du retour à l'emploi des demandeurs d'emploi. C'est la question de la fluidité du marché du travail.
Nous avions un retard important, en terme de moyens comme d'organisation, dans le domaine de l'aide au retour à l'emploi. C'est aujourd'hui un fait : nous n'exerçons plus au cours d'une même vie le même métier, dans la même entreprise, au même endroit. Face à ce nouveau défi, nous avons agi sur tous les leviers : l'accompagnement, l'incitation, la coordination des acteurs, la formation.
1 - D'une part, nous rénovons en profondeur le Service public de l'emploi et l'accompagnement des demandeurs d'emploi en instaurant un suivi mensuel personnalisé auprès d'un conseiller référent unique.
Nous incitons également au retour à l'emploi en réformant le suivi de la recherche d'emploi, en incitant financièrement davantage à la reprise d'emploi avec la prime de retour à l'emploi et le cumul salaire/allocation.
Nous coordonnons mieux les différents acteurs grâce à la convention tripartite Etat-ANPE-UNEDIC du 5 mai 2006. Il faut sans doute poursuivre dans la voie du rapprochement des différents partenaires du SPE et les modalités dépendront du succès ou non de la démarche déjà engagée, de notre actuelle feuille de route fixée en mai 2006.
2 - D'autre part, dans le cadre fixé par la loi, les partenaires sociaux ont instauré la convention de reclassement personnalisé à destination des salariés des entreprises de moins de 1000 employés, dont le licenciement économique est prévu.
La CRP leur donne les moyens de réussir leur mobilité externe, qu'elle se double ou non d'une mobilité géographique, en leur permettant de bénéficier pendant 8 mois d'un haut niveau d'indemnisation, de modules de formation ainsi que d'un accompagnement personnalisé.
La CRP est permet en outre de mettre fin à une inégalité majeure entre les salariés des PME et ceux des grandes entreprises qui disposaient d'ores et déjà de dispositifs d'accompagnement renforcé.
Pour aller plus loin sur ce sujet, le Gouvernement a lancé l'expérimentation dans 7 bassins d'emplois du Contrat de transition professionnelle (CTP). Ce contrat à destination des salariés des PME menacés de licenciement économique permet d'alterner pendant 12 mois des périodes de formation et de travail en entreprises ou au sein d'organismes publics, ainsi que de bénéficier d'un accompagnement renforcé. Nous ferons des bilans d'étape de la CRP et du CTP dans les semaines à venir.
3 - Enfin, la formation professionnelle constitue également un élément central de la sécurisation des parcours professionnels.
Je l'ai déjà évoqué pour la formation des salariés : les périodes de professionnalisation ou le DIF, dont la notoriété est croissante. Mais, pour les demandeurs d'emploi, la formation est aussi un formidable accélérateur d'insertion : s'agissant du DIF, le sujet de la transférabilité est essentiel ; ce sont aussi les dispositifs d'alternance comme l'apprentissage ou les contrats de professionnalisation, mais aussi le PAVA, qui mettent le pied à l'étrier de nombreux jeunes ; ce sont aussi les plans de développement de la formation mis en place par les Régions en collaboration avec les acteurs du service public de l'emploi afin de définir une politique de formation mieux à même de répondre aux besoins des bassins d'emploi et des territoires.
Enfin, je voudrais évoquer la validation des acquis de l'expérience qui permet la reconnaissance des compétences acquises dans la vie active par la délivrance d'un diplôme. Ce dispositif est fondamental pour les salariés comme pour les demandeurs d'emploi. Nous avons d'ailleurs consacré une enveloppe de 10 millions d'euros pour prendre en charge les frais d'accès à la VAE des chômeurs non indemnisés par l'assurance chômage.
Conclusion
En conclusion, je voudrais rappeler qu'à mes yeux notre principal défi est de réussir à faire du salarié l'acteur de son parcours professionnel. Vous avez évoqué au cours de cette journée les différentes formes de mobilité, notamment entre mobilité choisie et mobilité subie. Je crois que nous avons la responsabilité de permettre aux salariés qui, au cours de leur carrière, font le choix de changer d'emplois, d'entreprises ou de secteurs, d'être accompagnés. La mise en place de ces parcours sécurisés est un enjeu fort. Et c'est un enjeu fort du dialogue social dans le cadre du nouveau contexte issue de la loi de modernisation du dialogue sociale. Je vous remercie.Source http://www.cohesionsociale.gouv.fr, le 20 février 2007