Interview de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, à RTL le 28 mars 2007, sur son ralliement à Nicolas Sarkozy, dans le cadre de l'élection présidentielle du 22 avril 2007.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


Q- Vous appelez donc les citoyens qui vous font confiance à voter N. Sarkozy pour l'élection présidentielle. Quelles sont d'après vous les qualités qui feraient, s'il était élu, de N. Sarkozy, un bon président de la République ?
R- Je crois que pour faire un bon président de la République, il faut avoir été aux épreuves et il faut n'avoir pas pratiqué l'esquive. Il faut s'être construit. Il faut probablement avoir été un peu cicatrisé. Ça se fait probablement, c'est un long cheminement qui se fait. La France est un pays latin qui est à la fois très conservateur et capable de moments d'éruptions tout à fait forts, et il faut cette capacité de prise de décision, d'énergie et de recul qui ne s'acquiert qu'au fil du temps et j'allais dire, un peu au feu.
Q- Un long cheminement, disiez-vous, N. Sarkozy l'a fait d'après vous ?
R- Oui, je pense. Je pense que les gens engagés, les gens passionnés, les gens au fond honnêtes, se glissent dans le rôle qu'on leur confie. Il a été très ministre de l'Intérieur, certains pourraient dire presque trop ministre de l'Intérieur...
Q- Trop, puisque certains disent "Il fait peur". Vous le ressentez ça ? Certains disent que N.Sarkozy fait peur. Vous le ressentez cela ?
R- Je termine juste ma phrase...
Q- Je vous en prie...
R- ... et je crois que s'il passe la porte de l'Elysée, il sera complètement dans le rôle d'un président de la République. D'ailleurs, moi je suis très très frappé de voir à quel point, sur les sujets internationaux, qui ne sont pas son champ de prédilection de part sa fonction, sur l'ensemble de ces domaines là comme il est construit, comme il a voyagé, comme il est allé voir avant, comment il ferait avec A. Merkel, avec Zapatero l'espagnol, avec l'Anglais. On sent bien que, voilà, la fonction présidentielle, il va s'y glisser, il va l'assumer complètement. Et puis il y a les sujets intérieurs et dans notre pays on a besoin de quoi : à la fois d'autorité et en même temps d'humanité.
Q- Je reviens à ce que je disais, il fait peur aussi, disent beaucoup de gens.
R- Vous savez le changement de génération inquiète, mais j'ai entendu dire qu'il y avait de la peur , un procès en inconstance fait à S. Royal par ceux qui ne l'aiment pas. La peur de Bayrou, oui, oui mais enfin où va-t-il ou avec qui va-t-il ?, disait F.-O. Giesbert tout à l'heure. Je crois que le changement de génération, c'est un saut, un saut dans le temps.
Q- N. Sarkozy a été plusieurs années ministre de l'Intérieur, vous l'avez dit ; la question de son bilan est posée. Quand on voit les scènes qui se sont produites hier Gare du Nord, on se dit que pas grand chose n'a été résolu pendant qu'il était place Beauvau, sur le plan de la sécurité, de l'ordre public et de l'ordredans les banlieues.
R- Attendez le ministre de l'Intérieur n'est pas en charge des dysfonctionnements de la société française. Il est en charge, lorsqu'il y a un incident, de faire en sorte qu'il soit traité avec maîtrise, qu'il soit traité avec le moins de blessés. On parle des violences urbaines, le fait que dans notre pays...
Q- Automne 2005...
R- ... Oui automne 2005 ; je crois que tout ceci a été traité avec beaucoup de professionnalisme de la part...je parle de la partie répressive, car le ministre de l'Intérieur est en charge de l'ordre dans un pays.
Q- Les scènes qui se sont produites hier Gare du Nord, qu'est-ce qu'elles vous inspirent comme commentaire ?
R- Je ne suis pas sûr d'avoir tout compris de ce qui s'était passé hier. Je trouve qu'il y a une petite multiplication en ce moment d'incidents à l'égard de l'autorité quelle qu'elle soit.
Q- Provocation ?
R- Je n'en sais rien, je n'en sais rien. Ecoutez, moi je ne fais pas de procès d'intention.
Q- C'est ce que vous suggérez ?
R- Non je ne suggère pas, je ne suggère rien.
Q- Vous dites : "Je n'ai pas tout compris" ?
R- Non parce que je n'ai pas les informations. D'abord je ne suis pas place Beauvau ; donc moi j'ai simplement lu la presse pour vous dire la vérité. Donc je ne sais pas mais en tout état de cause l'ordre républicain doit être respecté dans une gare. Voilà c'est assez simple et les contrôles doivent pouvoir se faire normalement.
Q- C'est un phénomène inquiétant ou pas, ce qui s'est passé hier ?
R- Dans tout pays c'est un phénomène inquiétant. Enfin je rappelle que ça fait 25 ou 30 ans qu'il y a des phénomènes comme ça... ça ne fait jamais plaisir.
Q- Vous soutenez donc N. Sarkozy. Tout le monde note que depuis le début de sa campagne, N. Sarkozy n'a pas été en banlieue. Certains disent qu'il ne peut plus aller banlieue. Il reste 25 jours avant le premier tour. Est-ce que vous pensez que vous irez en banlieue, vous avec N. Sarkozy ?
R- Ecoutez, moi je n'ai cessé, en cinq ans, quatre ans et demi, je regardais l'autre jour, j'ai travaillé dans 620 quartiers, et dans 500 d'entre eux je suis allé trois fois au minimum. On a lancé ce programme inouï de rénovation urbaine pour refaire de fond en comble 530 de ces quartiers, pour casser la ségrégation urbaine que nous connaissons sur notre territoire. Vous savez que c'est le plus grand chantier civil de l'histoire de notre pays. 530 chantiers en même temps qui sont en train de se transformer, on résidentialise, on refait des équipements publics. Quand il y a besoin on casse, lorsqu'une barre empêche la continuité avec le reste du quartier ou de la ville. C'est un programme inouï, ça fait trente ans qu'on l'attendait. Il a démarré. Il n'est pas suffisant. C'est ce que j'ai dit à N. Sarkozy, "ce n'est pas suffisant". Il faut massivement faire un autre plan Marshall sur l'emploi et la formation professionnelle, que tous les jeunes dans ces quartiers puissent avoir au minimum dès septembre de la rentrée, un contrat de professionnalisation classique, c'est à dire un contrat de travail payé comme tel avec une formation dans l'entreprise ou dans un service public d'un an. On les a lancés pour tout le territoire national il y a dix-huit mois. Il y en a 200.000 en France. Là il en faut 250.000 spécifiques.
Q- Mais vous avez noté que depuis le début de sa campagne N. Sarkozy n'a pas été en banlieue, est-ce un problème ?
R- Ecoutez si c'est pour aller se promener avec des caméras, très franchement, moi je suis d'une manière générale contre. Vous savez vous ne m'avez jamais vu ou quasiment jamais vu. Je suis pourtant celui qui y suis le plus allé.
Q- Il n'ira pas en banlieue jusqu'au premier tour ?
R- Mais j'en sais rien... Posez-lui la question.
Q- Il sera au Grand Jury dimanche, on la lui posera. Vous n'avez pas programmé une visite en banlieue ?
R- Ecoutez, moi je continue à y aller. S'il veut venir dans ma voiture, je l'emmène voir de la rénovation urbaine, dans l'ensemble de ces quartiers qui ne sont pas ce qu'on raconte. Vous savez que ce sont des quartiers qui sont assez géniaux. Ne mélangez pas s'il vous plaît la Gare du Nord, et quelques incidents avec les banlieues françaises. Je lisais d'ailleurs dans Libé, ce matin, des enquêtes sur le sentiment d'apaisement très très fort, notamment en Seine Saint Denis. Allez visiter Salvador Allende, c'est devenu absolument magnifique. Allez visiter Transition à Boulogne, allez visiter La Duchère à Lyon. Ce sont en train de devenir des très très beaux quartiers.
Q- Je vais revenir avec vous dans votre voiture, disiez-vous, il y a de la place.
R- Voilà. Absolument.
Q- Serez-vous le Premier ministre de N. Sarkozy s'il est élu ?
R- C'est à moi que vous posez la question ? Parce que vous montrez monsieur Hondelatte du doigt, je me suis dit, lui, il doit savoir quelque chose parce que moi, rien. Ecoutez, moi je ne demande rien. Très sincèrement je ne demande rien. Je ne veux rien. Je voudrais répondre à l'auditeur qui supposait qu'il y avait... Très franchement est-ce qu'on peut de temps en temps accepter l'idée que des gens sont de bonne foi, sont honnêtes et ont un peu plus d'honneur et d'orgueil que ça. Le meilleur moyen d'obtenir quelque chose, c'est de ne rien demander.Source:premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 28 mars 2007